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Date : 20050615

Dossier : T-1408-02

Référence : 2005 CF 838

ENTRE :

CALGON CARBON CORPORATION

demanderesse

et

CORPORATION DE LA VILLE DE

NORTH BAY et

TROJAN TECHNOLOGIES INC.

défenderesses

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE HUGESSEN

[1]                La Cour est saisie d'une action en contrefaçon de brevet. La demanderesse, Calgon Carbon Corporation (Calgon), affirme que les défenderesses, la Corporation de la ville de North Bay (North Bay) et Trojan Technologies Inc. (Trojan) ont contrefait le brevet numéro 2,331,525 (le brevet 525) et elle sollicite diverses réparations, dont un jugement déclaratoire portant qu'il y a eu contrefaçon, une injonction permanente ainsi que des dommages-intérêts.

[2]                Le brevet 525 concerne un procédé de traitement contre les oocystes de Cryptosporidium qui consiste à irradier l'eau (purification de l'eau) avec des rayons ultraviolets. En contre-interrogatoire, le témoin expert cité par la demanderesse a admis que les techniques d'irradiation qui font l'objet des revendications ont déjà été employées pour le traitement de l'eau et la destruction des bactéries et des virus, mais n'ont pas été utilisées expressément contre d'autres organismes comme Cryptosporidium. Avant la découverte qui a donné lieu à la mise au point du procédé faisant l'objet du brevet, on pensait qu'il était nécessaire de détruire Cryptosporidium, ce qui nécessitait une dose de rayonnements beaucoup plus élevée que celle qu'on utilisait pour éliminer les bactéries et les virus; le brevet nous apprend qu'une dose de rayonnements beaucoup moindre, comparable à celle qu'on utilise déjà pour la destruction des bactéries et des virus et qui empêche simplement les Cryptosporidium de se multiplier, suffit pour prévenir la maladie.

[3]                Le brevet 525 contient les revendications suivantes :

[traduction]REVENDICATIONS :

1.         Procédé pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum à l'aide d'un rayonnement ultraviolet continu en bande large fournissant une dose comprise entre environ 10 mJ/cm2 et environ 175 mJ/cm2.

2.         Procédé tel que celui décrit dans la revendication numéro 1 dans lequel le rayonnement à large bande de fréquence comprise entre 200 et 300 nm est produit au moyen d'une lampe à ultraviolets.

3.         Procédé tel que celui décrit dans les revendications numéro 1 et 2 dans lequel la dose est comprise entre environ 20 mJ/cm2 et environ 30 mJ/cm2.

4.         Procédé tel que celui décrit dans la revendication numéro 1 dans lequel le rayonnement à large bande de fréquence comprise entre 200 et 300 nm est produit au moyen d'une lampe à ultraviolets à pression moyenne.

[4]                Les parties ont déposé des affidavits d'experts portant sur la méthode revendiquée et l'état de la technique ainsi que les contre-interrogatoires sur ces affidavits. L'expert de la demanderesse, Mme Huffman, a reconnu en contre-interrogatoire que si on fait abstraction des mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » , le procédé exposé dans les revendications 1 à 4 était un procédé ancien et bien connu (avant la date de la revendication). Le témoin a concédé que la méthode avait également été utilisée, avant la date de la revendication, pour les eaux usées, les eaux de surface, l'eau potable et les eaux servant à des fins récréatives (p. ex. les eaux de piscines), mais pas directement pour prévenir la réplication de Cryptosporidium. La municipalité défenderesse, North Bay, a abandonné sa propre preuve d'expert pour s'en tenir, relativement à la présente requête, au témoignage de Mme Huffman.

[5]                La défenderesse/requérante souligne avec raison qu'il s'agit en l'espèce de déterminer si les mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » employés dans les revendications du brevet 525 suffisent à faire une invention de la méthode revendiquée.

[6]                Elle fait valoir que le brevet 525 est invalide car l'invention qu'il décrit était déjà connue (non nouvelle), précisant que, si les mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » sont effectivement nouveaux, l'invention, elle, existait déjà, d'une part, et prévenait déjà ladite réplication, d'autre part.

[7]                Elle soutient aussi que le brevet 525 ne divulgue pas une invention, mais qu'il porte plutôt sur la simple découverte d'un avantage présenté par une vieille invention.

[8]                Le critère appliqué par notre Cour en matière de jugement sommaire est celui de l'existence d'une véritable question litigieuse. Depuis les arrêts MacNeil Estate c. Canada, 2004 CAF 50, et Trojan Technologies Inc. c. Suntec Environmental Inc., 2004 CAF 140, de la Cour d'appel, la Cour n'accueillera pas de requête en jugement sommaire s'il existe une véritable question litigieuse. En l'espèce, je suis convaincu qu'il y a lieu d'accorder le jugement sommaire, pour les motifs exposés ci-après.

[9]                La règle 216 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS-98/106 est ainsi libellée :

216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

216. (2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

[...]

(b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

216. (3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.



[10]            Sans faire intervenir le paragraphe 216(3), qui a suscité de nombreux débats, je suis d'avis que le paragraphe 216(1) et l'alinéa 216(2)b) permettent de régler la question posée en l'espèce. La défenderesse soutient que l'interprétation des brevets est une question de droit et que, par conséquent, l'alinéa 216(2)b) habilite la Cour à interpréter les mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » dans le cadre d'une requête en jugement sommaire. L'interprétation d'un brevet est effectivement une question de droit et, aux termes de la règle 216(2)b), la Cour peut donc l'examiner.

[11]            L'avocat de la défenderesse North Bay a appuyé en totalité son argumentation sur l'affidavit et le contre-interrogatoire du témoin expert de la demanderesse, Mme Huffman, et a mis de côté sa propre preuve par affidavit. À l'audition de la requête, l'avocat de la demanderesse a énergiquement soutenu que la Cour devait aussi prendre en considération le témoignage de l'expert de la défenderesse pour statuer sur la requête, mais il n'a pu signaler aucune question pertinente soulevée par cet élément de preuve. La compétence et la capacité du propre témoin de la demanderesse à titre de « personne versée dans l'art » est une question tout à fait incidente et, même si c'est la demanderesse qui la soulève, je n'ai aucune peine à conclure que Mme Huffman possédait les compétences requises pour présenter le témoignage qu'elle a donné. J'estime que la défenderesse est pleinement justifiée d'utiliser la preuve soumise par la demanderesse. Ce qui importe ce n'est pas de savoir par quelle partie la preuve a été déposée mais bien si cette preuve établit qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse. En l'espèce, North Bay, la requérante, a la charge de prouver l'absence de véritable question litigieuse (voir Miliken & Co. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 499). Étant donné cette charge et le fait que les témoins ne sont la propriété d'aucune partie, je ne vois rien qui s'oppose à ce que North Bay s'appuie uniquement sur la preuve d'expert de la partie adverse et abandonne sa propre preuve d'expert, pour les besoins de la présente requête.

[12]            Pour statuer sur le fond de la requête, il faut interpréter le brevet et examiner l'utilisation antérieure du procédé revendiqué. La défenderesse soutient que la prévention de la « réplication de Cryptosporidium parvum » n'est qu'un avantage nouvellement découvert d'une vielle invention. En répondant aux questions 15 à 23 de son contre-interrogatoire, le témoin expert de la demanderesse, Mme Huffman, a reconnu que si les mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » sont supprimés des revendications du brevet 525, on se retrouve devant une vielle méthode qui était déjà bien connue avant la date de priorité dudit brevet (13 mai 1998). Je reproduis ici le passage pertinent du contre-interrogatoire :

                [traduction] Je vous demanderais de prendre un stylo et de mettre entre parenthèses, dans votre cahier, les mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » . Pourriez-vous faire cela s'il-vous-plaît?

Très bien. Maintenant, faites comme si ces mots n'existaient pas.
Si l'on supprime tout simplement les mots entre parenthèses, c'est-à-dire
« pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » , des revendications 1 à 4,
ne convenez-vous pas avec moi que la méthode décrite est ancienne et qu'elle était déjà connue avant le 13 mai 1998?

                                R. Oui.

                16.          Q. Merci. Et, cette méthode, elle était certainement utilisée
pour le traitement des eaux usées?

                                R. Elle l'était.

                17.            Q. Et elle était utilisée pour le traitement de l'eau potable?

                                R. Elle l'était.

                18.            Q. Elle était utilisée pour le traitement des eaux
servant aux activités récréatives, n'est-ce-pas? Les piscines et -

                                R. C'est possible, dans une certaine mesure.

                19.            Q. Est-ce exact?

                                R. Oui.

                20.           Q. Et elle servait dans le traitement des eaux de surface?

                                R. C'est juste.

                21.           Q. Et dans le traitement des eaux souterraines?

                                R. C'est juste.

                22.         Q. Bien. En fait, il y avait des centaines, voire des milliers d'applications

de cette méthode avant le 13 mai 1998, n'est-ce-pas?

                                R. Vous voulez dire, à travers le monde?

                23.          Q. Oui

                                R. Oui

[13]            Mme Huffman a reconnu en outre que les systèmes existant avant le 13 mai 1998 auraient prévenu la réplication de Cryptosporidium parvum (contre-interrogatoire, question 30). Elle a sans cesse fait remarquer que, même si les anciens systèmes prévenaient la réplication de Cryptosporidium parvum, on ne savait pas qu'ils le faisaient avant la date de priorité du brevet 525. Elle a soutenu que la prévention de la réplication de Cryptosporidium parvum constitue une nouvelle utilisation.

[14]            J'estime, compte tenu du témoignage de Mme Huffman, qu'il faut interpréter ainsi le brevet : l'élément essentiel du brevet, ou l'élément sur lequel la demanderesse fonde la brevetabilité de l'invention revendiquée, est l'utilisation du système pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum.

[15]            La demanderesse répond à l'argument de la défenderesse selon lequel le brevet ne porte que sur la connaissance de l'action préventive, en faisant valoir que la connaissance, ou l'absence de connaissance, doit être prise en considération en l'espèce. Elle soutient que l'arrêt Shell Oil c. Commissaire des brevets (1982), 67 C.P.R. (2d) 1, [1982] 2 R.C.S. 536 (C.S.C.), s'applique à la présente affaire, et qu'il existe un élément de connaissance dont il faut tenir compte. Selon elle, l'application de nouvelles connaissances pour obtenir un résultat présentant une valeur commerciale constitue une invention si elle correspond à la définition « toute réalisation ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité » énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4. La Cour suprême s'est exprimée ainsi dans l'arrêt Shell Oil (p. 10) :

En quoi consiste l' « invention » selon l'art. 2? Je crois que c'est l'application de cette nouvelle connaissance afin d'obtenir un résultat, qui a une valeur commerciale indéniable et qui répond à la définition de l'expression « toute réalisation ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité » . Je crois qu'il faut donner au mot « réalisation » de la définition son sens général de « science » ou « connaissance » . Dans ce cas, la découverte de l'appelante a augmenté le bagage de connaissances au sujet de ces composés en leur trouvant des propriétés jusqu'alors inconnues et elle a établi la méthode par laquelle on peut leur donner une application pratique. À mon sens, cela constitue une « réalisation ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité » et les compositions sont la réalisation pratique de la nouvelle connaissance.


[16]            Dans l'arrêt Shell Oil, la Cour suprême du Canada a reconnu que le brevet doit porter sur une « méthode par laquelle on peut leur [les propriétés jusqu'alors inconnues] donner une application pratique » . En l'espèce, il n'y a pas de nouvelle méthode. Le système de traitement fait appel à la même « vieille » méthode que les systèmes qui sont utilisés, entre autres, à Fort Benton et Trout Lake. Il n'y a pas de différence entre l'ancienne et la nouvelle méthode, comme Mme Huffman l'a affirmé. Les résultats obtenus n'ont pas changé non plus : tant l'ancienne que la nouvelle méthode préviennent la réplication de Cryptosporidium parvum. Le seul élément nouveau tient à ce qu'il a été démontré que le système de purification d'eau déjà utilisé pour éliminer les bactéries et les virus est également efficace pour supprimer le danger de maladie attribuable à Cryptosporidium parvum.

[17]            La demanderesse soutient également que le critère applicable en matière d'antériorité n'a pas été respecté en raison du nouvel élément de connaissance (la prévention de la réplication de Cryptosporidium parvum). Elle cite la décision Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 17 C.P.R. (4th) 478, comme illustration du principe qu'il ne peut y avoir d'antériorité en présence de nouvelles connaissances. Dans la décision Merrell Dow Pharmaceuticals v. H.N. Norton & Co. Ltd., [1996] R.P.C. 3, que la Cour a citée en l'approuvant dans Baker Petrolite, la Chambre des Lords a affirmé :


[traduction] De la même façon, un écart s'est creusé entre les critères respectivement applicables en matière de contrefaçon et d'antériorité. Les actions accomplies dans le secret ou sans connaissance des faits pertinents, qui pourraient être constitutives de contrefaçon, après l'attribution du brevet, ne pourront pas conférer d'antériorité avant cette attribution.


[18]            La demanderesse prétend, en se fondant sur Baker Petrolite, précitée, que la défenderesse doit démontrer l'existence d'une utilisation antérieure unique de tous les renseignements pratiquement nécessaires pour produire l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif (voir Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.)). Elle s'appuie sur les mots « sans connaissance » de Merrel Dow, précitée, pour affirmer qu'un élément de connaissance doit nécessairement exister pour qu'il y ait antériorité ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les utilisateurs, à Fort Benton et à Trout Lake, ignoraient que la méthode employée pour le traitement de l'eau prévenait la réplication de Cryptosporidium parvum. Pour appliquer le critère de la brevetabilité en raison de nouvelles connaissances, il faut déterminer si le brevet 525 porte sur une invention brevetable ou sur la simple découverte d'un avantage inconnu jusque là.

[19]            L'élément clé du brevet 525 qui est en cause ici est l'utilisation pour la prévention de la réplication de Cryptosporidium parvum. La défenderesse ne conteste pas qu'on ignorait que les anciens systèmes prévenaient la réplication de Cryptosporidium parvum, mais elle fait valoir que cette prévention est une simple découverte, et non une invention. Elle soutient, et je souscris à cette opinion, que la décision Riello Canada, Inc. c. Lambert (1986), 9 C.P.R. (3d) (CF 1re inst.) s'applique ici. Dans cette décision, la Cour a signalé, aux pages 335-336:


À mon avis, l'identification de l'avantage supplémentaire d'un appareil mécanique - un avantage qui a toujours existé mais qui n'avait pas été perçu jusqu'à présent - ne constitue pas une nouvelle « réalisation » pas plus qu'un « procédé » , une « machine » , une « fabrication ou composition de matières » , un « perfectionnement quelconque ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité » . Il me semble, qu'au mieux, il s'agit d'une « découverte » .

La distinction classique entre une « découverte » et une « invention » se trouve dans la décision du juge Buckley dans l'affaire Reynolds v. Herbert Smith & Co., Ltd. (1902), 20 R.P.C. 123 (Ch. D.). Dans ce cas, le breveté avait revendiqué uniquement un article fabriqué à partir de matériaux facilement disponibles. Il se composait d'une bande de canevas à laquelle était attaché un morceau de caoutchouc indien destinée à être enroulée autour des pneus endommagés pour les réparer. Le juge Buckley a dit à la page 126 :

[traduction] La découverte ajoute à la connaissance humaine mais elle ne le fait qu'en levant le voile et en montrant quelque chose qui jusqu'alors n'avait pas été vu ou à peine distingué. L'invention ajoute aussi à la connaissance humaine mais pas seulement en découvrant quelque chose. L'invention exige nécessairement aussi l'accomplissement d'un acte et il doit s'agir d'un acte qui donne un nouveau produit, un nouveau résultat, un nouveau procédé, ou une nouvelle combinaison pour produire un ancien produit ou un ancien résultat.

L'application de ce critère aux présentes montre qu'il ne contient rien qui participe à la nature d'une invention parce qu'il n'y a pas de nouveau produit, de nouveau résultat, de nouveau procédé ni une nouvelle combinaison pour produire un ancien produit ou un ancien résultat. Il s'agit simplement d'un ancien produit. Son usage de la même manière ne produit aucun « nouveau résultat » mais simplement le même résultat qu'autrefois, si ce n'est que le défendeur prétend qu'une partie de ce résultat n'était pas connu auparavant. Ce que le défendeur a trouvé, s'il a trouvé quelque chose, c'est une idée - l'idée que si un propriétaire utilise un appareil qui est déjà bien connu et disponible, il en retirera plus d'avantages qu'il ne s'y attendait autrement. À la page 127 de la décision Reynolds, le juge Buckley a déclaré :

[traduction] L'idée qui conduit à une invention ne fait pas, selon moi, partie de celle-ci. L'idée, ou la reconnaissance du besoin, pousse l'inventeur à faire quelque chose de plus. C'est ce quelque chose de plus qu'il fait qui constitue l'invention. La simple idée ou la conception qu'il est désirable d'avoir une pièce que l'on peut appliquer lorsqu'on n'a pas les outils dans l'atelier n'est pas brevetable. Ce qui est brevetable c'est une nouvelle façon de le faire, soit au moyen d'un nouvel article à utiliser soit d'une nouvelle méthode pour appliquer la pièce ou une certaine combinaison des deux qui serait susceptible d'être brevetable. Je ne peux pas trouver qu'il y ait quelque chose de cette sorte ici.

De la même façon, je ne puis trouver quoi que ce soit de brevetable en l'espèce.


[20]            Le critère formulé dans la décision Riello est très clair : il doit y avoir un nouveau procédé, résultat ou produit ou une nouvelle combinaison produisant un ancien produit ou résultat. Comme dans l'affaire Riello, il n'y a en l'espèce aucun nouvel élément. Le procédé et le produit sont les mêmes. Le résultat demeure identique, même si la prévention de la réplication de Cryptosporidium parvum était auparavant inconnue. L'utilisation d'une vielle invention pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum est une simple découverte et non une nouvelle invention, même si l'on ignorait cet avantage jusque-là. L'utilisation du système décrit dans le brevet 525 pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum est une simple découverte et non une nouvelle invention.

[21]            Je conclus donc que la requête en jugement sommaire est un recours approprié en l'espèce. Les règles 216(1) et 216(2)b) permettent de faire droit à une telle requête lorsqu'il n'y a pas d'éléments de preuve contradictoires ou lorsque la décision concerne un point de droit. C'est le cas.

[22]            La prévention de la réplication de Cryptosporidium parvum par les méthodes revendiquées n'est pas un nouveau résultat, procédé ou produit, puisque le système demeure le même. Comme dans l'affaire Riello, le brevet 525 porte sur la simple découverte d'un avantage, inconnu jusque-là, présenté par un système de traitement de l'eau. Une découverte concernant une invention existante ou un avantage de cette dernière jusque-là inconnu n'est pas en soi une invention brevetable. Le brevet 525 ne décrivant pas d'invention brevetable, il est invalide et, comme un brevet invalide ne peut être contrefait, il n'existe donc pas de véritable question litigieuse.

[23]            Il y a lieu d'accorder la requête en jugement sommaire et de rejeter l'action intentée contre North Bay, dépens à taxer. Bien qu'un jugement déclaratoire portant que le brevet est invalide ait été sollicité dans la demande reconventionnelle, la requête en jugement sommaire ne fait pas état de cette conclusion, par conséquent, je ne puis accorder un tel jugement.

ORDONNANCE

La requête en jugement sommaire est accordée et l'action contre la défenderesse North Bay est rejetée, dépens à taxer.



                                                                                                « James K. Hugessen »        

                                                                                                Juge

Ottawa (Ontario)

15 juin 2005

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         1408-02

INTITULÉ :                                        CALGON CARBON CORPORATION

                                                                                    - et -

                                                            CORPORATION DE LA VILLE DE NORTH BAY et TROJAN TECHNOLOGIES INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                8 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :                                   15 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

RON DIMOCK ET MICHAEL CRINSON                             POUR LA DEMANDERESSE


GARY O'NEILL ET DAVID TAIT                                          POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DIMOCK STRATTON LLP

TORONTO (ONTARIO)                                                         POUR LA DEMANDERESSE



GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

OTTAWA (ONTARIO)                                                           POUR LES DÉFENDERESSES

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