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Date : 20201221

Dossier : T-525-20

Référence : 2020 CF 1177

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 21 décembre 2020

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

JAMES LESLIE GERARD STEEVES

demandeur

et

LA PROVINCE DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Dans sa déclaration du 30 avril 2020, M. James Steeves (le demandeur) a formulé une « demande de redressement » contre la province de la Colombie‑Britannique (la défenderesse) en lien avec la fiducie familiale de James et Paola Steeves.

[2]  Le demandeur se décrit comme une personne jouissant de la pleine capacité juridique et comme le fiduciaire, bénéficiaire et titulaire du titre en equity de la fiducie familiale de James et Paola Steeves. Il sollicite les mesures et déclarations suivantes :

[traduction]

  1. Les provinces et les États doivent respecter la fiducie familiale de James et Paola Steeves.

  2. La province de la Colombie‑Britannique paiera le coût de tous les dommages et les autres frais découlant des crimes qu’elle a commis contre la fiducie familiale de James et Paola Steeves et ses fiduciaires et bénéficiaires.

  3. La province de la Colombie‑Britannique permettra l’immatriculation des véhicules de tourisme privés de la fiducie familiale de James et Paola Steeves et de ses bénéficiaires au moyen des cartes de solvabilité délivrées par la fiducie familiale de James et Paola Steeves.

  4. La province de la Colombie‑Britannique retournera les fonds qui ont été extorqués à la fiducie familiale de James et Paola Steeves ou à ses fiduciaires ou bénéficiaires au moyen de documents judiciaires qui ont été établis sans le consentement de la fiducie et de ses fiduciaires et bénéficiaires.

  5. Les provinces et les États respecteront les conventions des Nations Unies qui s’appliquent à la fiducie familiale de James et Paola Steeves et à ses fiduciaires et bénéficiaires.

  6. Les provinces et les États permettront à la fiducie familiale de James et Paola Steeves d’utiliser ses valeurs mobilières légitimes et de les déposer dans ses comptes de valeurs mobilières et ses comptes bancaires.

  7. La fiducie familiale de James et Paola Steeves et ses fiduciaires et bénéficiaires n’ont jamais commis de crime et seront traités en conséquence. Toute décision publiée à leur endroit sera annulée immédiatement.

[3]  Le 11 mai 2020, le demandeur a déposé un affidavit de signification attestant qu’il avait signifié à la défenderesse une copie de la déclaration le même jour.

[4]  Par voie d’un avis de requête daté du 9 juin 2020, déposé pour examen sur la base de prétentions écrites sous le régime de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), la défenderesse sollicite une ordonnance radiant la déclaration et rejetant l’action, aux motifs que l’affaire ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale, aux termes de l’alinéa 208d) des Règles, et qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable, aux termes de l’alinéa 221(1)a) des Règles.

[5]  Le dossier de la requête de la défenderesse, y compris les observations écrites, a été signifié au demandeur par la poste le 18 juin 2020, selon l’affidavit de Kim Wickens signé le 18 juin 2020 et versé dans le dossier de la Cour.

[6]  Dans un dossier de requête du 19 juin 2020, déposé le 23 juin 2020, le demandeur a répondu à la requête de la défenderesse. Son dossier de requête comprenait son affidavit, signé le 19 juin 2020, et des observations écrites dans lesquelles il a fait valoir qu’en demandant la radiation de la déclaration qu’il a déposée, la défenderesse cherche à contourner la « primauté du droit ».

[7]  L’alinéa 221(1)a) des Règles est formulé ainsi :

Radiation d’actes de procédure

Striking Out Pleadings

Requête en radiation

Motion to strike

221 (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

221 (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

[8]  Aucun élément de preuve ne peut être présenté dans le cadre d’une requête en radiation invoquant le motif visé à l’alinéa 221(1)a) des Règles, soit le fait que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable; voir le paragraphe 221(2) des Règles. La Cour doit considérer comme véridiques les allégations susceptibles d’être prouvées; voir l’arrêt Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959. Ce principe ne s’applique pas aux allégations fondées sur des conjectures et des hypothèses; voir l’arrêt Operation Dismantle c La Reine [1985], 1 RCS 441 (CSC), aux para 25‑27.

[9]  Après avoir examiné les arguments invoqués par la défenderesse, je conviens que la déclaration ne révèle aucune cause d’action qui relève de la compétence de la Cour fédérale.

[10]  La Cour fédérale n’a pas compétence à l’endroit de la défenderesse. Elle est une cour créée par une loi en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R‑U), 30 & 31 Victoria, c 3. Elle a compétence uniquement à l’égard des questions énoncées dans la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

[11]  Il est reconnu que la « compétence » couvre la compétence sur les parties et sur la cause d’action invoquée. Je me reporte à la décision Greeley c Tami Joan (Le), [1996] ACF no 739 (CF 1re inst.), au paragraphe 19, où la Cour fédérale a formulé les observations suivantes :

[19]  De plus, dans l’arrêt Canadian Javelin Limited c. La Reine du chef de Terre‑Neuve, [1978] 1 C.F. 408 (C.A.F.) portant sur le maintien d’une action contre Sa Majesté du chef de Terre‑Neuve, M. le juge Jackett, pour la Cour d’appel, a tenu les propos suivants :

« À mon avis, il est reconnu en droit que la Couronne ne peut être poursuivie devant un tribunal pour une demande de redressement faite contre elle sauf dans les cas où le tribunal s’est vu attribuer la compétence statutaire pour connaître des demandes d’une catégorie spécifique formulées contre la Couronne […] 

 Après avoir lu la Loi sur la Cour fédérale dans son ensemble et plus particulièrement l’article 23, je suis convaincu que le libellé de cette loi ne donne pas à la Cour compétence pour entendre une demande de redressement faite par une personne physique ou morale contre Sa Majesté du chef de Terre‑Neuve. À mon avis, cette conclusion vient de la règle d’interprétation de l’article 16 de la Loi d’interprétation lue de concert avec la définition de l’expression "Sa Majesté" à l’article 28 de ladite loi. 

16.  Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa Majesté ni n’a d’effet à l’égard de Sa Majesté ou sur les droits et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mentionnée ou prévue. (…)

28.  Dans chaque texte législatif (…)

"Sa Majesté", "la Reine", "le Roi" ou "la Couronne" désigne le souverain du Royaume‑Uni, du Canada et de Ses autres royaumes et territoires, et chef du Commonwealth;

Il convient de noter que lorsque la Loi sur la Cour fédérale prévoit conférer, à la Cour, compétence dans les cas de demandes de redressement contre Sa Majesté, elle le fait (par exemple, à l’article 17(1)) par une référence expresse aux demandes de redressement contre la "Couronne" définie pour les fins de la Loi sur la Cour fédérale à l’article 2 de ladite loi comme "Sa Majesté du chef du Canada". […] »

De même, il a été conclu que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour connaître d’une action intentée contre Sa Majesté du chef d’une province dans les arrêts Avant Inc. c. R. et al. c. Ontario, [1986] 2 C.F.91 (C.F. 1re inst.) et Trainor Surveys (1974) Ltd. c. Nouveau‑Brunswick [1990] 2 C.F. 168 (C.F. 1re inst.).

[12]  En l’absence de compétence, la déclaration devrait être radiée et l’action devrait être rejetée.

[13]  La déclaration est également inappropriée parce que le demandeur n’y a exposé aucun fait pertinent qui révèle une cause d’action contre la défenderesse. Je me reporte aux paragraphes 3 et 9 de la déclaration, dont voici le texte :

[TRADUCTION]

  1. La province de la Colombie‑Britannique sait que le fiduciaire et les bénéficiaires de la fiducie familiale de James et Paola Steeves sont des apatrides, mais refuse de respecter les conventions; voir la décision R c Steeves. La province et ses tribunaux ont commis des actes d’extorsion, de coercition, de fraude et d’escroquerie à l’endroit de la fiducie familiale de James et Paola Steeves et de ses fiduciaires et bénéficiaires et, en conséquence, un des fiduciaires a démissionné. La province de la Colombie‑Britannique a tenté de contraindre la fiducie familiale de James et Paola Steeves et de ses bénéficiaires et fiduciaires à signer des contrats favorisant la coercition, l’extorsion, la fraude et l’escroquerie. La fiducie familiale de James et Paola Steeves et ses fiduciaires et bénéficiaires ne sont pas des résidents et n’ont aucune obligation envers le Canada ou envers un État ou une province. Selon les conventions mentionnées, la fiducie familiale de James et Paola Steeves et ses fiduciaires et bénéficiaires ont leur domicile au Canada, mais n’y résident pas.

[…]

  1. La province de la Colombie‑Britannique et ses tribunaux ne respectent pas l’acte de fiducie familiale de James et Paola Steeves et sont donc en situation de violation d’une obligation fiduciaire.

[14]  Aucun fait pertinent n’a été invoqué au soutien de ces allégations. Les affirmations sont dénuées de fondement.

[15]  Enfin, la défenderesse a soutenu que le nom correct de « la province de la Colombie‑Britannique » est « Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Colombie‑Britannique ». Si l’affaire devait aller plus loin, il serait nécessaire de modifier l’intitulé.

[16]  Par conséquent, la requête est accueillie, la déclaration est radiée et l’action est rejetée.

[17]  La défenderesse sollicite des dépens de 1 000 $.

[18]  Exerçant le pouvoir discrétionnaire que me confère le paragraphe 400(1) des Règles, j’accorde à la défenderesse des dépens de 750 $, y compris les honoraires, les débours et la TPS.

 


ORDONNANCE dans le dossier T-525-20

LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie, que la déclaration soit radiée, que l’action soit rejetée et que le demandeur paie à la défenderesse des dépens de 750 $, y compris les honoraires, les débours et la TPS.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-525-20

 

INTITULÉ :

JAMES LESLIE GERARD STEEVES c LA PROVINCE DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

La juge HENEGHAN

DATE des motifs :

Le 21 décembre 2020

COMPARUTIONS :

James Leslie Gerard Steeves

le demandeur, POUR SON PROPRE COMPTE

Fernando de Lima

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général de la Colombie‑Britannique

Victoria (Colombie‑Britannique)

pour la défenderesse

 

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