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              Date : 19981103         
              Dossier : T-2408-91         
         OTTAWA (Ontario), le 3 novembre 1998         
         EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY         
         ENTRE :         
              MERCK & CO. INC. et         
              MERCK FROSST CANADA INC.,         
              demanderesses,         
              -et-         
              APOTEX INC.,         
              défenderesse.         
              VU LA REQUÊTE des demanderesses, datée du 18 décembre 1997 et présentée aux termes des règles 337(5) et (6) des Règles de la Cour fédérale en vigueur à l'époque en vue d'obtenir une ordonnance prévoyant ce qui suit :         
              a)      la prolongation du délai de présentation d'une requête sollicitant un nouvel examen des termes du jugement de la présente Cour daté du 14 décembre 1994 et modifié par la Cour d'appel le 19 avril 1995 et le 16 mai 1995;         
              b)      un nouvel examen des termes du jugement modifié ainsi qu'une autre modification de ses termes pour inclure la mention d'un lot spécifique de maléate d'énalapril en vrac, soit le lot P-63588, reçu par la défenderesse après la délivrance du brevet en litige des demanderesses et qui, selon ces dernières, aurait été omis du jugement modifié par suite d'un oubli de la Cour;         
              APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des parties à Ottawa le 16 avril 1998 de même qu'une seconde requête des demanderesses présentée aux termes de la règle 1733 en vigueur à l'époque en vue d'obtenir une ordonnance modifiant les termes du jugement modifié à la suite d'une nouvelle audition et instruction relative à toute question concernant des faits censément découverts après le jugement modifié et qu'il aurait fallu prendre en compte, et la Cour ayant sursis au prononcé de la décision, de même qu'après avoir examiné les observations qui ont ensuite été présentées;         
              O R D O N N A N C E         
              LA COUR ORDONNE que la requête sera rejetée et que les dépens seront adjugés à la défenderesse sur la base des dépens normaux entre parties.         

     W. Andrew MacKay

    

     Juge


     Traduction certifiée conforme :

    

     Richard Jacques, LL. L.

     Date : 19981103

     Dossier : T-2408-91

OTTAWA (Ontario), le 3 novembre 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

     MERCK & CO. INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.,

     demanderesses,

     -et-

     APOTEX INC.,

     défenderesse.

     VU LA REQUÊTE des demanderesses, datée du 18 décembre 1997 et présentée aux termes de la règle 1733 des Règles de la Cour fédérale en vigueur à l'époque en vue d'obtenir une ordonnance accordant aux demanderesses le droit de demander :

     a)      la modification du jugement rendu le 22 décembre 1994 et modifié par la Cour d'appel le 19 avril 1995 et le 16 mai 1995, cette autre modification devant faire suite à une nouvelle audition et instruction;
     b)      que soit ordonnée la tenue d'une audition relative à la modification du jugement modifié et à l'instruction de toute question découlant de l'acquisition, par la défenderesse, de maléate d'énalapril après l'instruction de la présente action en mars et en avril 1994, et que des directives soient données à cet égard;

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des parties à Ottawa le 16 avril 1998 de même qu'une seconde requête des demanderesses présentée aux termes des règles 337(5) et (6) en vigueur à l'époque en vue d'obtenir une ordonnance de modification du jugement modifié, et la Cour ayant sursis au prononcé de la décision, de même qu'après avoir examiné les observations qui ont ensuite été présentées,

     O R D O N N A N C E

     LA COUR ORDONNE que la requête sera rejetée et que les dépens seront adjugés à la défenderesse sur la base des dépens normaux entre parties.


     W. Andrew MacKay

    

     Juge


     Traduction certifiée conforme :

    

     Richard Jacques, LL. L.

     Date : 19981103

     Dossier : T-2408-91

ENTRE :

     MERCK & CO. INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.,

     demanderesses,

     -et-

     APOTEX INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE MacKAY

[1]      Les demanderesses sollicitent un nouvel examen des termes du jugement daté du 22 décembre 19941, modifié par la Cour d'appel le 19 avril 19952 et le 16 mai 1995, ainsi que des ordonnances modifiant ces termes. Au moyen de deux requêtes, elles demandent différentes formes de mesure de redressement, relativement à différentes circonstances.

[2]      Dans une première requête présentée aux termes des règles 337(5) et (6) qui étaient en vigueur à l'époque3, au motif que la question n'avait pas été examinée en raison d'une erreur ou d'une omission accidentelle de la Cour au moment du jugement, il est demandé à la Cour de modifier les termes du jugement modifié pour préciser que l'utilisation d'un lot particulier de maléate d'énalapril en vrac contrefait le brevet des demanderesses, soit le brevet canadien no 1,275,349. Le lot en question, identifié au procès comme étant le lot P-65388, a été facturé à Apotex par le fournisseur et reçu par la défenderesse les 6 et 7 décembre 1990, respectivement, soit après l'octroi des brevets des demanderesses et avant l'instruction. Ce lot a été reçu dans le même envoi et en même temps que d'autres lots mentionnés dans le jugement, mais il n'en est pas fait expressément mention dans le jugement ni dans mes motifs du jugement.

[3]      La seconde requête est présentée aux termes de la règle 1733 qui était en vigueur à l'époque4, au motif que des faits découverts après le prononcé du jugement sont de nature telle que, s'ils avaient été présentés avant ce jugement, ils auraient vraisemblablement donné lieu à un jugement modifié ou différent. Merck a subséquemment découvert que la défenderesse Apotex a acquis des lots additionnels de maléate d'énalapril en vrac après l'instruction et avant le jugement, des lots dont l'utilisation contrefait, d'après elle, le brevet des demanderesses, selon les termes du jugement visant les lots indiqués, lesquels ont aussi été acquis par la défenderesse après la délivrance du brevet des demanderesses. Il est demandé à la Cour de rouvrir l'instruction, d'examiner ces faits et, si nécessaire, d'ordonner la tenue d'une instruction relative à l'acquisition par Apotex d'autre quantités de maléate d'énalapril en vrac après l'instruction et avant le prononcé du jugement, ainsi que de modifier, le cas échéant, le jugement maintenant enregistré.

[4]      Avant d'examiner les requêtes individuellement, il convient d'examiner sommairement les faits qui ont donné lieu au jugement ainsi que les démarches entreprises par les parties à la suite de ce jugement.

L'instruction, le jugement et l'appel

[5]      La présente action, pour atteinte à des droits conférés en vertu d'un brevet et visant à obtenir des mesures de redressement connexes, a été instruite en mars et en avril 1994. À la conclusion de l'audition, il a été sursis au prononcé de la décision jusqu'au prononcé des motifs du jugement le 14 décembre 1994, lequel a été suivi par un jugement formel, déposé le 22 décembre 1994 après consultation des avocats et règlement de ses termes.

[6]      Le brevet des demanderesses en question, dont Merck & Co. Inc. est propriétaire et que Merck Frosst Canada Inc. utilise au pays, inclut des revendications visant le composé appelé maléate d'énalapril, lorsqu'il est produit au moyen du procédé breveté, ainsi que des revendications relatives à son utilisation dans des compositions à des fins pharmaceutiques particulières. Dans ma décision, rendue après l'instruction, j'ai conclu que la défenderesse avait contrefait les revendications du brevet en fabriquant et en vendant son produit d'Apo-Enalapril, que les demanderesses avaient droit à une injonction pour interdire la poursuite de la contrefaçon, à une ordonnance de remise du produit contrefait en possession de la défenderesse, de même qu'à des dommages-intérêts ou à une restitution des bénéfices.

[7]      Dans le cadre de l'action, la défenderesse s'est fondée sur l'article 56 de la Loi sur les brevets5 pour revendiquer une immunité contre les poursuites. Cette disposition permet à une personne qui acquiert une invention subséquemment brevetée par une autre personne de continuer à l'utiliser sans encourir de responsabilité envers le breveté pour cause de contrefaçon. En l'espèce, Apotex prétend avoir acquis le maléate d'énalapril en vrac à partir duquel elle a fabriqué son produit en vue de le vendre avant la délivrance du brevet aux demanderesses le 16 octobre 1990, ou d'un producteur, Delmar Chemicals, titulaire d'une licence obligatoire d'utilisation de l'invention qui faisait l'objet du brevet de Merck, aux termes du règlement alors en vigueur.

[8]      Au cours de l'instruction, certains lots de maléate d'énalapril en vrac ont fait l'objet d'un débat parce qu'ils n'avaient pas été fournis à la défenderesse par son fournisseur sous une forme finie et acceptable avant la délivrance du brevet. Ces lots ont été identifiés comme étant les lots P-65478, P-65479 et P-65480, et sont appelés ci-après les " trois lots P ". Il s'agit des lots reçus dans le même envoi que le lot P-63588 en décembre 1990. De plus, il y avait un autre lot de 44,9 kg de maléate d'énalapril en vrac produit par le fournisseur de la défenderesse et que ce dernier a vendu à un tiers. Ce lot n'a été acquis par la défenderesse qu'après la délivrance du brevet de Merck, en fait, après l'annulation de la licence obligatoire accordée au fournisseur. J'ai conclu qu'on ne pouvait considérer que les trois lots P et le lot de 44,9 kg de maléate d'énalapril en vrac avaient été acquis par la défenderesse avant l'octroi du brevet de Merck le 16 octobre 1990. Il a été jugé que les trois lots P n'existaient pas à la date de délivrance des brevets. Le moyen de défense de l'article 56 qui a été invoqué ne permettait pas de protéger leur utilisation, non plus que celle du lot de 44,9 kg.

[9]      J'ai en outre conclu que l'article 56 ne constituait pas un moyen de défense contre l'action en contrefaçon même en ce qui a trait au maléate d'énalapril acquis avant la date du brevet, mais non transformé en comprimés par Apotex et vendu avant cette date. À cet égard, la Cour d'appel a statué que j'avais commis une erreur d'application de l'article 56. Elle a accueilli l'appel interjeté par Apotex à l'égard du jugement de première instance pour ce qui était du maléate d'énalapril en vrac acquis par la défenderesse avant l'octroi du brevet, que le produit ait ou non été transformé par Apotex en produit fini avant la délivrance du brevet de Merck. La Cour d'appel a souscrit à la conclusion de première instance selon laquelle le moyen de défense de l'article 56 ne protégeait pas l'utilisation des trois lots P et du lot de 44,9 kg.

[10]      Dans son jugement, la Cour d'appel a modifié le jugement de première instance le 19 avril 1995 et, de nouveau, le 16 mai 1995. Les termes du jugement modifié qui ont trait aux requêtes maintenant examinées, sont les suivants, et les modifications ajoutées par le jugement de la Cour d'appel sont soulignées. Implicitement, un certain nombre de ces termes seraient modifiés de nouveau si les requêtes présentées par les demanderesses en vue d'obtenir un nouvel examen, dont la Cour est maintenant saisie, étaient accueillies.

         1.      La défenderesse a contrefait les revendications 1 à 5 et 8 à 15, inclusivement, des lettres patentes canadiennes no 1,275,349... en ce qui concerne les lots P-65478, P-65479 et P-65480 de maléate d'énalapril en vrac, et les 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril que l'appelante avait achetés de Delmar Chemicals Inc. en mars 1993 après que la loi eut mis fin à la licence obligatoire de cette compagnie.                 
         [...]                 
         3.      Aux termes des présentes, il est interdit à la défenderesse de contrefaire, par l'entremise de ses dirigeants, administrateurs, préposés, mandataires, employés ou d'autres, les revendications 1 à 5 et 8 à 15, inclusivement, des lettres patentes canadiennes no 1,275,349, et en particulier de fabriquer, utiliser, mettre en vente et vendre, au Canada ou ailleurs, des comprimés d'APO-ENALAPRIL ou tous autres comprimés ou formes posologiques contenant du maléate d'énalapril parmi les ingrédients actifs,                 
             tiré du maléate d'énalapril en vrac contenu dans les lots P-65478, P-65479 et P-65480, et des 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril dont il est question au paragraphe 1 de la présente.                 
         4.      La défenderesse devra remettre et détruire, sous la surveillance de notre Cour, toutes les compositions, c'est-à-dire les produits APO-ENALAPRIL ainsi que les compositions ou formes posologiques contenant du maléate d'énalapril tiré du maléate d'énalapril en vrac contenu dans les lots P-65478, P-65479 et P-65480, et des 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril dont il est question au paragraphe 1 de la présente, ainsi que le maléate d'énalapril en vrac contenu dans ces trois lots et dans ces 44,9 kilogrammes.                 
         5.      Les demanderesses ont droit au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice qu'elles ont subi ou des bénéfices que la défenderesse a réalisés par suite de l'utilisation du maléate d'énalapril en vrac contenu dans les lots P-65478, P-65479 et P-65480 et dans les 44,9 kilogrammes mentionnés au paragraphe 1 de la présente, à la condition que le juge de première instance se prononce sur leur droit d'effectuer ce choix au cours d'une audience qui sera convoquée ultérieurement, conformément à l'ordonnance rendue le 27 janvier 1994 par Madame le juge Tremblay-Lamer.                 

         [...]

[11]      Les demandes d'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada, présentées par les demanderesses et la défenderesse ont été rejetées par ordonnance de cette cour le 5 décembre 1995.

[12]      Les requêtes dont la Cour est maintenant saisie concernent des lots particuliers de maléate d'énalapril en vrac acquis par Apotex qui ne sont pas mentionnés expressément dans les motifs du jugement du 14 décembre 1994 ni dans le jugement du 22 décembre 1994, non plus que dans le jugement modifié par la Cour d'appel le 19 avril 1995 et le 16 mai 1995. Le premier lot, qui fait l'objet de la requête présentée aux termes des règles 337(5) et (6) en vigueur à l'époque, est le lot P-65388, soit 55,8 kg de maléate d'énalapril en vrac, mentionné dans la preuve présentée à l'instruction comme ayant été reçu par la défenderesse de son fournisseur autorisé le 7 décembre 1990, c'est-à-dire après la date de la délivrance du brevet. Le second lot ou la seconde série de lots, comprenant quelque 772,9 kg de maléate d'énalapril, et peut-être davantage, a été acquis par Apotex auprès d'un tiers auquel Delmar Chemicals, le fournisseur autorisé de la défenderesse, avait auparavant vendu un produit similaire. Apotex a acquis ces 772,9 kg d'un tiers, après l'instruction et avant le jugement, alors qu'il avait été sursis au prononcé de la décision de cette Cour. Apotex n'a pas fait état de cette acquisition, même si au moment de l'instruction, le docteur Sherman, qui était alors président de la défenderesse, a témoigné que la Cour avait été informée de toutes les quantités du produit en vrac et que le moyen de défense de l'article 56 ne protégerait vraisemblablement pas les autres acquisitions. En fait, Merck prétend que d'après le témoignage du docteur Sherman, il était implicite qu'Apotex n'achèterait pas d'autres quantités de maléate d'énalapril en vrac.

[13]      Les requêtes des demanderesses dont la Cour est maintenant saisie sont fondées sur leur point de vue selon lequel les circonstances entourant le lot P-65388 sont comparables à celles relatives aux trois lots P, et que celles qui s'appliquent au maléate d'énalapril en vrac acquis après l'audition en première instance et avant le jugement sont comparables à celles qui concernent le lot de 44,9 kg. Selon Merck, après un nouvel examen des termes du jugement, tant la question du lot P-63588 que celle des lots acquis après l'audition en première instance devraient maintenant être traitées.

Démarches subséquentes en vue de traiter des autres lots de produits en vrac

[14]      Il convient de revoir, du moins sommairement, les étapes des procédures engagées depuis les jugements de première instance et en appel dans le cadre de tentatives qui ont été faites en vue de soumettre ces questions à la Cour.

[15]      Il a été confirmé qu'une ordonnance visant la production par Apotex de registres des ventes et de production, initialement rendue avant l'instruction, était toujours en vigueur le 5 décembre 1995, et Apotex a ensuite interjeté appel de cette ordonnance. Le 9 mai 1996, la Cour d'appel a ordonné le maintien en vigueur de l'ordonnance de production de documents, mais seulement à l'égard des quatre lots contrefaits mentionnés expressément dans le jugement modifié. En outre, dans ses motifs, la Cour d'appel a déclaré que par suite de la modification qu'elle avait auparavant approuvée, " l'ordonnance intérimaire, à compter de sa délivrance, ne s'est jamais appliquée à d'autres quantités " que celles expressément mentionnées dans le jugement modifié. Il a été ordonné que soient restitués les documents produits par Apotex concernant tout autre produit.

[16]      Au moyen d'une requête présentée à la Cour d'appel et datée du 18 décembre 1995, les demanderesses ont sollicité une ordonnance aux termes de la règle 337 en vigueur à l'époque en vue de faire examiner de nouveau et modifier le jugement de première instance en ajoutant le lot P-65388 à la liste des lots contrefaits et en incluant dans les termes du jugement tout le maléate d'énalapril en vrac acquis par Apotex après l'octroi du brevet de Merck. Cette demande a été rejetée par la Cour d'appel par une ordonnance datée du 6 mars 19966, essentiellement parce que ces questions n'avaient pas été soulevées dans le cadre de l'appel antérieur qui avait donné lieu à la modification du jugement de première instance.

[17]      Afin de clarifier la question de l'accès apparent de la défenderesse à des quantités de maléate d'énalapril autres que celles relevées à l'instruction, les demanderesses ont présenté une série de requêtes. Premièrement, par une requête datée du 31 janvier 1996, elles ont sollicité une ordonnance de séquestration, une ordonnance de production de registres ainsi qu'une ordonnance portant qu'Apotex devait conserver des registres relatifs au maléate d'énalapril. L'audition de cette requête a été ajournée sine die par le juge McGillis le 6 février 1996. Ensuite, par une requête datée du 12 février 1996, les demanderesses ont sollicité une ordonnance interdisant à Apotex de fabriquer et de vendre du maléate d'énalapril, une ordonnance en vue d'examiner les registres et le stock de produits d'Apotex ainsi qu'un bref de délivrance sans alternative. Cette requête a été ajournée sine die le 20 février 1996 par le juge Richard (tel était alors son titre) après que l'avocat d'Apotex se fut engagé à remettre les registres conformément à l'ordonnance originale rendue avant l'instruction.

[18]      Ensuite, par une requête datée du 7 mars 1996, les demanderesses ont sollicité une ordonnance de délivrance sans alternative du maléate d'énalapril acquis après l'octroi du brevet de Merck, une ordonnance d'examen des registres de tout produit semblable ainsi qu'une ordonnance enjoignant à Apotex de rappeler de ses clients ou distributeurs tout produit fabriqué à partir du maléate d'énalapril acquis après l'octroi du brevet de Merck. Par une ordonnance datée du 16 mai 1996, le juge Nadon a rejeté cette requête. Dans ses motifs, il a mentionné qu'en mars 1996, la Cour d'appel avait refusé de modifier le jugement modifié et de prévoir que ce jugement s'étendait aux lots de produit en vrac acquis après l'audition en première instance. Mais tel serait le résultat implicite qui serait obtenu si les ordonnances sollicitées par Merck étaient accordées. Le juge Nadon a rejeté la requête en soulignant que si le jugement final (censément en sa version modifiée) devait être modifié, cette mesure ne pouvait se faire au moyen de la requête présentée devant lui.

[19]      Merck a donc cherché à clarifier la question de l'application du jugement en ce qui a trait aux lots de maléate d'énalapril qui sont encore en litige, et à ajouter d'autres lots de maléate d'énalapril en vrac dans les termes du jugement modifié. Entre-temps, le 5 février 1996, Apotex a introduit une action dans le dossier no T-294-96, par laquelle elle sollicitait une déclaration portant que l'utilisation, par elle, du maléate d'énalapril en vrac qu'elle avait acquis après l'instruction de la présente action, dans le dossier no T-2408-91, ne contrefaisait pas le brevet de Merck et qu'Apotex n'encourait pas de responsabilité pour contrefaçon du brevet du fait de cette utilisation. Merck a contesté cette action, une demande de jugement déclaratoire, et elle a présenté une requête en vue d'obtenir l'autorisation de modifier sa défense et de présenter une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ou en restitution des bénéfices, à l'égard du lot P-65388 et des lots acquis par Apotex après l'audition en première instance.

[20]      Merck a cherché à utiliser les interrogatoires préalables et les documents produits au cours des préparatifs du procès dans le cadre de la demande de jugement déclaratoire pour les fins de la présente instance, afin que le jugement modifié rendu dans le cadre de la présente action vise les lots de maléate d'énalapril maintenant en cause. Le 14 février 1997, le juge Joyal a rejeté la demande de Merck en vue d'être autorisée à agir de la sorte.

[21]      Par une requête datée du 31 janvier 1997, et rejetée le 23 janvier 1998, Apotex a demandé de modifier l'injonction prévue dans le jugement modifié par la Cour d'appel ou de surseoir à son application, en vue de contester certaines revendications du brevet de Merck qui avaient été jugées valides à l'instruction en l'absence d'arguments de la part d'Apotex à ce moment. J'ai rejeté cette requête au motif que la présente Cour s'était acquittée de sa fonction relativement aux questions plaidées et traitées à l'instruction et parce qu'aucun motif n'avait été établi qui justifierait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour rouvrir l'instruction.

[22]      Enfin, au cours de la préparation de l'audition d'une référence relative aux dommages-intérêts ou aux bénéfices, conformément au jugement de première instance modifié dans le cadre de la présente action, les demanderesses ont demandé que les interrogatoires préalables et les documents à produire dans le cadre de la référence visent tout le maléate d'énalapril acquis par Apotex après l'octroi du brevet de Merck. Une requête en ce sens a été rejetée.

[23]      Au cours de toutes ces démarches, vraisemblablement tant en ce qui a trait à la référence qu'aux autres démarches entreprises par Merck, Apotex a essentiellement soutenu que le jugement modifié dans le cadre de la présente action ne concerne que la contrefaçon découlant de l'utilisation du maléate d'énalapril en vrac de certains lots expressément désignés par les termes du jugement modifié. Tel semble être le fondement de sa demande de mesure de redressement dans le dossier no T-294-96. Apotex fait valoir que s'il devait y avoir une instruction sur la question de la contrefaçon relativement à l'utilisation de quantités de maléate d'énalapril autres que celles qui se trouvent dans les lots indiqués dans le jugement modifié, ce devrait être dans le cadre de l'action intentée dans le dossier no T-294-96, et non en rouvrant l'instruction dans le présent dossier, soit l'action en contrefaçon de brevet, alors que les questions qui sont maintenant soulevées ne l'ont pas été à l'instruction.

[24]      J'examinerai maintenant chacune des requêtes séparément.

La requête présentée en vertu de la règle 1733

[25]      En ce qui a trait au maléate d'énalapril acquis par Apotex après l'audition en première instance en mars et en avril 1994, les demanderesses sollicitent les mesures de redressement suivantes :

         [Traduction]                 
         1.          Une ordonnance en vertu de la règle 1733 des Règles de la Cour fédérale conférant aux demanderesses le droit de présenter une demande dans le dossier no 2408-91 :                 
             a)      pour modifier le jugement rendu le 22 décembre 1994, modifié par la Cour d'appel le 19 avril 1996 et modifié à nouveau le 16 mai 1996 (ci-après le " jugement modifié "), en raison de faits survenus après l'instruction de l'action ou découverts après le prononcé du jugement (collectivement, les " faits nouveaux ");                 
             b)      portant qu'une audition soit tenue à l'égard de la modification du jugement modifié en rapport avec les faits nouveaux;                 
             c)      donnant des directives relatives à la tenue de l'audition, y compris des interrogatoires préalables oraux et la communication de documents, la présentation de témoignages de vive voix et de preuves documentaires, le recours à des témoins experts, si nécessaire, et la détermination de la date de cette audition;                 
             d)      ordonnant que l'instruction de toute question découlant de la présente requête ait lieu en même temps que l'audition décrite à l'alinéa b) des présentes, y compris :                 
                 i)      l'étendue des acquisitions continues de maléate d'énalapril par Apotex Inc. (" Apotex ") après l'instruction en mars et en avril 1994;                 
                 ii)      l'étendue de toute fabrication, utilisation et vente de comprimés d'APO-ENALAPRIL préparés à partir des produits ainsi acquis.                 
         2.          Une ordonnance en vue d'avancer la tenue de l'instruction de toutes questions découlant de la présente requête, selon ce que la Cour peut ordonner, y compris les questions mentionnées à l'alinéa 1d).                 
         3.          Une ordonnance précisant que, pour les fins de l'audition décrite à l'alinéa 1b) et de l'instruction de toutes questions décrites à l'alinéa 1d), les faits suivants, tels qu'ils se retrouvent dans les motifs de jugement du juge de première instance daté du 14 décembre 1994 et dans les motifs du jugement de la Cour d'appel daté d'avril 1995, ne sont pas contestés : [ici suivent des énoncés de faits, aux alinéas a) à m)]                 
             [...]
         4.          Une ordonnance relative à la procédure applicable à l'instruction de toutes questions et fixant un échéancier à cet égard, en particulier [ici suivent des directives proposées, aux alinéas a) à e)]                 

             [...]

         5.          Une ordonnance, faisant suite à l'instruction dont la tenue peut être ordonnée aux termes de l'alinéa 1c) ci-dessus, modifiant le jugement modifié pour prévoir une mesure de redressement tenant compte des nouveaux faits, dont les termes doivent être réglés après ladite audition.                 

[26]      Les règles7 sur lesquelles les demanderesses se fondent disposaient à l'époque en cause :


Rule 1733. A party entitled to maintain an action for the reversal or variation of a judgment or order upon the ground of matter arising subsequent to the making thereof or subsequently discovered, or to impeach a judgment or order on the ground of fraud, may make an application in the action or other proceeding in which such judgment or order was delivred or made for the relief claimed.

Règle 1733. Une partie qui a droit de demander en justice l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordonnance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à ce jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance pour fraude, peut le faire, sans intenter d'action, par simple demande à cet effet dans l'action ou autre procédure dans laquelle a été rendu ce jugement ou cette ordonnance.

Rule 327. Upon any motion the Court may direct the trial of any issue arising out of the motion, and may give such directions with regard to the pre-trial procedure, the conduct of the trial and the disposition of the motion as may seem expedient.

Règle 327. Sur toute requête, la Cour pourra prescrire l'instruction d'un point litigieux soulevé à l'occasion de la requête, et pourra donner, au sujet de la procédure préalable à l'instruction, de la procédure d'instruction et la décision sur la requête, les directives qu'elle estime opportunes.

[27]      À la suite d'une requête présentée en vertu de la règle 1733, il est possible d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience et la présentation d'éléments de preuve de la manière habituelle8. Ce peut très bien être la façon dont il convient de répondre à la requête en annulation d'un jugement en raison d'allégations graves de fraude9. En l'absence d'une prétention semblable, j'estime qu'il se peut que la Cour dispose d'un pouvoir discrétionnaire plus vaste lorsqu'il lui est demandé de modifier un jugement en raison de faits qui surviennent subséquemment, et elle doit déterminer s'il y a lieu d'ordonner l'instruction de toute question découlant d'une requête présentée en vertu de la règle 1733.

[28]      Dans les circonstances, vu que, dans leurs arguments, les demanderesses ont sollicité une mesure de redressement visant la totalité des actes de contrefaçon de la défenderesse, et qu'Apotex a admis au procès que le maléate d'énalapril en vrac et le maléate d'énalapril sous forme posologique sont visés par les revendications du brevet de Merck, j'ai tendance à convenir avec les demanderesses que si les produits en vrac acquis après l'instruction avaient été envisagés à l'instruction, le jugement rendu par après aurait très bien pu être modifié. À tout le moins, les demanderesses auraient eu la possibilité de porter cette question à l'attention de la Cour. Pour cette raison, la règle 1733 s'applique à cette demande.

[29]      La défenderesse fait valoir que les demanderesses n'ont pas fait preuve de diligence lorsqu'elles ont sollicité des mesures de redressement, que les " nouveaux faits " qu'elles invoquent maintenant, soit l'acquisition par Apotex de maléate d'énalapril après l'audition en première instance, figuraient parmi les éléments de preuve fournis à Merck dès mars 1995, soit avant l'audition en Cour d'appel. Selon moi, il est inutile d'examiner si le temps que Merck a mis pour solliciter des mesures de redressement aux termes de la règle 1733 devrait constituer une fin de non-recevoir en l'espèce. Manifestement, Merck était préoccupée par le fait qu'Apotex avait acquis d'autres quantités de produits en vrac après l'instruction, mais elle ne disposait pas de preuve pour étayer ses préoccupations, à l'exception d'un document d'expédition fourni avec d'autres documents en mars 1995 après un retard considérable de la part d'Apotex pour ce qui était de respecter ses obligations de fournir des registres d'achat, de fabrication et de vente de maléate d'énalapril. Le fait que Merck n'ait pas remarqué à ce moment-là que quelque 100 kg du produit en vrac, sur un total de 780 kg environ dont on sait maintenant qu'ils ont été acquis après l'audition et avant le jugement, figuraient dans un document d'expédition ou une facture fourni à Merck en mars 1995, n'est peut-être pas étonnant, même s'il n'a pas été expliqué en l'espèce qu'il s'agissait alors d'un oubli ni pourquoi la question a été portée à l'attention de la présente Cour plus de deux ans plus tard.

[30]      Toutefois, les retards de la part de l'une ou l'autre partie ne constituent pas des facteurs déterminants pour l'examen de la requête des demanderesses en l'espèce. Selon moi, le facteur déterminant est que le jugement rendu à la suite du procès a été modifié par la Cour d'appel qui a modifié nettement le jugement original. La version modifiée résulte de trois décisions judiciaires. Il ne s'agit pas d'un jugement que la Cour de première instance peut maintenant modifier. Souscrire aux demandes des demanderesses équivaudrait à faire ce que la Cour d'appel a déjà refusé de faire dans son jugement de mars 1996. Il est vrai que le fondement de ce jugement était que les questions maintenant soulevées ne l'avaient pas été dans le cadre de l'appel original, et on peut dire la même chose de l'instruction. Il me semble qu'il convient de ne pas toucher au jugement modifié qui est maintenant enregistré. À mon avis, la requête présentée en vertu de la règle 1733 doit être rejetée.

[31]      Je souligne qu'Apotex s'engage, par l'intermédiaire de son avocat, à ne pas s'opposer à ce que Merck modifie sa défense dans le dossier no T-294-96 pour ajouter une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ou en restitution des bénéfices relativement à la contrefaçon commise par Apotex par suite de l'utilisation du maléate d'énalapril acquis après l'instruction. Apotex fait valoir qu'il convient d'instruire ces questions devant ce tribunal plutôt que de rouvrir à ce stade-ci le procès en contrefaçon d'une manière que ne prévoit pas la règle 1733. Sans commenter cette interprétation de la règle, je ferai remarquer que la position d'Apotex fait ressortir que les questions que Merck cherche à faire instruire, si elles ne peuvent l'être dans le cadre de la présente instance, soit l'action en contrefaçon de brevet, peuvent l'être dans le cadre de la demande de jugement déclaratoire qu'Apotex a présentée.

La requête présentée en vertu des règles 337(5) et (6)

[32]      La mesure de redressement sollicitée par les demanderesses concernant le lot de maléate d'énalapril en vrac P-65388 est une ordonnance de modification des termes du jugement modifié tendant à y inclure expressément ce lot ainsi que les autres lots indiqués dont l'utilisation porte atteinte aux intérêts des demanderesses afférents à leur brevet. Cette mesure semble exiger des modifications au paragraphe 1 qui indique que l'utilisation du lot P-65388 contrefait les revendications désignées du brevet, au paragraphe 2 en vue d'appliquer l'injonction permanente pour interdire l'utilisation du produit provenant de ces lots, au paragraphe 4 pour la remise ou la destruction des compositions ou des formes posologiques tirées du lot en cause ainsi qu'au paragraphe 5 qui prévoit des dommages-intérêts ou une restitution des bénéfices du fait que la défenderesse a utilisé ces lots. Les règles sur lesquelles cette requête est fondée disposaient pendant toute la période en cause :


Rule 337(5) Within 10 days of the pronouncement of judgment under paragraph 2(a), or such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of that time, either party may move the Court, as constituted at the time of the pronouncement, to reconsider the terms of the pronouncement, on one or both of the following grounds, and no others:

     (a)      that the pronouncement does not accord with the reasons, if any, that may have been given therefor;
     (b)      that some matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

(6)      Clerical mistakes in judgments, or errors arising therein from any accidental slip or omission, may at any time be corrected by the Court without an appeal.

Règle 337(5). Dans les 10 jours de prononcé d'un jugement en vertu de l'alinéa (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes :

     a)      le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement;
     b)      on a négligé ou accidentellement omis de traité d'une question dont on aurait dû traiter.

(6)      Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être corrigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.

[33]      Je conviens, ainsi que le fait valoir Apotex, que, compte tenu du principe du caractère définitif des jugements, ces règles confèrent à la Cour un pouvoir discrétionnaire limité pour examiner à nouveau un jugement, et ce, tant dans des cas où une question aurait été oubliée ou accidentellement omise10, que dans ceux où l'on prétend qu'il y aurait eu une erreur par suite d'un oubli ou d'une omission accidentelle11. Il faut que cette erreur ou cette omission ait été commise par la Cour et non par l'une des parties12.

[34]      Pour Merck, on fait valoir que le lot P-63588 a été mis en preuve devant la Cour à l'instruction en tant que lot reçu par Apotex en décembre 1990 avec les trois autres lots P. Tel est le cas, mais je ne suis pas convaincu que c'est par accident ou par oubli que la Cour a fait abstraction du lot maintenant en cause et qu'il devrait être maintenant inclus dans le jugement. Il n'en est pas fait état dans le jugement parce qu'il n'a pas été mentionné comme sujet de préoccupation quelconque à l'instruction. Dans les motifs de jugement consécutifs à l'instruction, j'ai souligné13 :

             En l'espèce, les demanderesses admettent que le maléate d'énalapril en vrac, expédié et livré à la défenderesse le 16 octobre 1990 [la date de la délivrance du brevet de Merck qui est en litige] ou empaqueté par le fabricant Delmar et assigné définitivement à l'acheteur Apotex avant cette date mais expédié seulement après cette date est visé par les mots " acheté [...] ou acquis " employés à l'art. 56. Pourtant, elles affirment que certains lots n'ont pas été achetés ou acquis à la date voulue.                 

[35]      La décision traite ensuite des trois lots P désignés dans le jugement, ce qui, à mon avis, correspond au débat qui a eu lieu à l'instruction, la seule préoccupation au sujet de l'envoi reçu par Apotex en décembre 1990, incluant le lot P-63588, concernant les trois lots P dont j'ai conclu qu'ils n'existaient pas à la date de la délivrance du brevet de Merck étant donné que, malgré qu'ils aient été fabriqués avant cette date, ils nécessitaient une purification qui n'a été réalisée à la satisfaction du fournisseur qu'après cette date. Toutefois, le lot P-63588 a été fabriqué et pouvait être assigné au contrat d'Apotex en vue de l'achat avant l'octroi du brevet. D'après mes souvenirs, aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet du moment où ce lot a été assigné par Delmar à cette fin, mais je crois qu'à l'instruction, il a été admis que ce lot existait avant la délivrance du brevet et qu'il pouvait être acquis par Apotex. Dans les motifs de la décision rédigée par le juge MacGuigan au nom de la Cour d'appel14, les mots " achetés ou acquis " au sens de l'article 56 ont été interprétés dans le contexte de la vente d'objets :

             Comme le juge de première instance, j'estime que les trois lots de maléate d'énalapril [les trois lots P] n'avaient pas été " achetés ou acquis " par Apotex au sens de l'article 56. À mon avis, on ne peut pas affirmer que des personnes ont " acheté ou acquis " un produit tant qu'elles n'ont pas obtenu un titre sur celui-ci. Étant donné qu'on ne nous a fourni aucune preuve d'une intention contraire dans le contrat liant Apotex et Delmar, le transfert de titre à Apotex ne pouvait avoir lieu tant que le produit n'était pas livrable : voir la règle 5 de l'article 19 de la Loi sur la vente d'objets , L.R.O. 1990, ch. S-1.                 

[36]      Selon moi, à l'instruction, ce motif de préoccupation ne concernait que les trois lots P dont la fabrication n'était pas terminée lorsque le brevet a été octroyé à Merck. Aucune préoccupation n'a été exprimée en ce qui a trait au lot P-63588, même s'il a été reçu par Apotex au même moment en décembre 1990. Ce lot n'est pas mentionné dans les motifs de jugement ni dans le jugement de première instance original étant donné qu'il n'a fait l'objet d'aucune préoccupation à l'instruction. Il n'a été mentionné comme sujet de préoccupation qu'après la modification du jugement de première instance, à deux reprises, dans le cadre de l'appel suivant et du nouvel examen par la Cour d'appel.

[37]      Je souligne, comme facteur entrant dans le règlement de la présente requête, que les motifs de jugement datés du 14 décembre 1994, reflétant la demande des avocats des deux parties à l'instruction, leur ont ordonné de se consulter et d'informer la Cour des termes appropriés du jugement formel prévoyant la mise en oeuvre des conclusions des motifs de jugement. Les avocats se sont consultés et ne se sont pas entendus et, par la suite, un jugement a été enregistré à la suite d'une autre audience sur ses termes. À ce moment, aucune question n'a été soulevée au sujet du lot P-63588 et cette question n'a pas été mentionnée.

[38]      Les demanderesses font valoir que les faits de la présente espèce sont analogues à ceux qui étaient soumis au juge Addy, à titre de juge des requêtes, dans Polylok Corporation c. Montreal Fast Print (1975) Ltd.15, mais il semble que le juge Addy a manifestement reconnu qu'il avait commis une erreur par inadvertance en faisant référence dans son ordonnance à une certaine personne alors qu'il voulait en désigner une autre.

[39]      Dans les circonstances de l'espèce, j'estime que l'omission de la mention du lot P-63588 n'est pas simplement une question d'oubli, et que même si c'était le cas, cet oubli ne peut être entièrement imputé à la Cour. À mon avis, la règle 337 ne vise pas cette situation, et il convient de rejeter la requête par laquelle il est demandé d'inclure le lot P-63588 par une autre modification du jugement modifié.

Conclusion

[40]      Pour les motifs énoncés, la Cour rend maintenant des ordonnances rejetant les deux requêtes présentées par Merck en vertu de la règle 1733 pour obtenir l'autorisation de faire examiner des modifications et en vertu de la règle 337 pour modifier le jugement modifié.

[41]      Les demanderesses ont réclamé les dépens relatifs aux deux requêtes. La défenderesse n'a présenté aucune observation liée expressément aux dépens mais, en ce qui concerne la requête présentée en vertu de la règle 1733, elle a soutenu que les demanderesses abusaient des procédures de la Cour, particulièrement au vu de leur modification proposée à la défense déposée dans l'action sollicitant un jugement déclaratoire, dans le dossier no T-294-96, pour engager un litige sur la question qui, essentiellement, est soulevée par la présente requête. Je ne suis pas convaincu que la requête constitue un abus des procédures de la Cour parce que, à ce moment, selon ce que je comprends de l'audition, la modification que Merck proposait d'apporter à sa défense n'avait pas encore été accomplie.

[42]      Vu l'ensemble des circonstances, les dépens des présentes requêtes devraient suivre l'issue de la cause sur la base des dépens normaux entre parties. Sur cette base, les ordonnances qui sont maintenant rendues attribuent les dépens à la défenderesse.


     W. Andrew MacKay

    

     Juge

     OTTAWA (Ontario)

     3 novembre 1998

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2408-91
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada Inc.

                     c.

                     Apotex Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      16 avril 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

EN DATE DU :              3 novembre 1998

ONT COMPARU :

Alexander Macklin, c.r.

et Emmanuel Manolakis          POUR LES DEMANDERESSES

Harry Radomski

et Daniela Bassan              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson      POUR LES DEMANDERESSES

Ottawa (Ontario)

Goodman Phillips & Vineberg      POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

Greenspan, Humphrey              POUR LE DOCTEUR BERNARD
Toronto (Ontario)              SHERMAN
__________________

1      Les motifs du jugement en date du 14 décembre 1994 (à l'exclusion des termes du jugement) sont publiés dans (1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C. F. 1re inst.).

2      Les motifs du jugement en date du 19 avril 1995 (à l'exclusion des termes du jugement) sont publiés dans (1995), 60 C.P.R. (3d) 356 (C.A.F.). Le jugement prononcé à cette même date a été modifié par la suite par une ordonnance de la Cour d'appel le 16 mai 1995.

3      Maintenant les règles 397(1) et (2) des Règles de la Cour fédérale (1998) .

4      Maintenant la règle 399(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) .

5      L.R.C. (1985), ch. P-4, modifiée.

6 (1996), 66 C.P.R. (3d) 167, à la p. 168 (C.A.F.).

7 Les règles 1733 et 327 sont tirées des Règles de la Cour fédérale (1998) .

8 W.H. Brady Co. c. Letraset Canada Ltd., (1990), 34, C.P.R. (3d) 433, à la p. 436, le juge Marceau (C.A.F.).

9 Compagnie pétrolière impériale Ltée c. Lubrizol Corporation, no de dossier A-304-97, 15 mai 1997, le juge Hugessen (C.A.F.).

10 Consumers Distributing Co. c. United Consumers Club, Inc. (1991), 37 C.P.R. (3d) 283 (C.F. 1re inst).

11 Canadian National Railway Co. c. Norsk Pacific Steamship Co. et al. (1993), 56 F.T.R. 236.

12 Boateng c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1990), 112 N.R. 318 (C.A.F.).

13 Merck & Co. Inc. c. Apotex (1994), 59 C.P.R. (3d) 133, à la p. 159 (C. F. 1re inst.).

14 Supra, note 2, à la p. 375 (dans 60 C.P.R. (3d)).

15 (1983), 76 C.P.R. (2d) 151 (C.A.F.).

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