Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201120


Dossier : T-986-20

Référence : 2020 CF 1069

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2020

En présence de monsieur le juge Paul Favel

ENTRE :

PAMELA HALCROW et

DEBRA CHALIFOUX-COUTURIER

demanderesses

et

COMITÉ D’APPEL DE LA PREMIÈRE NATION KAPAWE’NO,

PREMIÈRE NATION KAPAWE’NO,

LYDIA CUNNINGHAM,

CHRISTOPHER HALCROW ET

PRISCILLA SUTHERLAND

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Pamela Halcrow et Debra Chalifoux-Couturier [les demanderesses] déposent la présente requête en injonction sur le fondement de l’article 360 et du paragraphe 35(2) des Règles des Cours fédérales [les Règles]. Les demanderesses sollicitent une ordonnance au titre de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, suspendant l’exécution de la décision rendue le 26 juillet 2020 [la décision] par le comité d’appel en matière d’élections de la Première Nation Kapawe’no [le comité d’appel].

[2]  Le comité d’appel a accueilli les appels interjetés par Lydia Cunningham, Christopher Halcrow et Priscilla Sutherland [les défendeurs, à titre individuel] et a ordonné la tenue d’une nouvelle élection.

[3]  La requête en injonction interlocutoire présentée par les demanderesses est rejetée.

II.  Contexte

[4]  Les faits qui suivent sont ceux qui sont les plus pertinents relativement à la présente requête.

[5]  La Première Nation Kapawe’no [la PNK] est une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5. Elle est dirigée par un chef et deux conseillers qui représentent les clans ou les familles de la PNK. Comme de nombreuses Premières Nations au Canada, la PNK est assujettie à sa propre loi coutumière en matière électorale, soit un code électoral fondé sur ses coutumes et son règlement connexe [le règlement électoral]. À la différence de bon nombre de Premières Nations régies par une loi électorale coutumière, dans la PNK, le chef et les conseillers sont des dirigeants héréditaires qui occupent leur poste à titre inamovible.

[6]  Le chef Sydney Halcrow [le chef Halcrow] occupe le poste de chef de la PNK depuis le 2 janvier 2020, date du décès de l’ancien chef. Avant sa nomination par l’ancien chef, le chef Halcrow agissait en qualité de conseiller représentant le clan Halcrow. Le poste de conseiller représentant le clan Chalifoux est vacant depuis octobre 2019, date à laquelle le membre du clan qui occupait ce poste a démissionné. Le chef Halcrow est l’unique membre siégeant au conseil de bande depuis le 2 janvier 2020. Comme c’est le cas pour bon nombre de Premières Nations, les décisions du conseil de bande de la PNK sont normalement prises par un quorum.

[7]  Le 7 mars 2020, le chef Halcrow a fixé au 25 avril 2020 la date de l’élection pour les postes de conseillers représentant les clans Halcrow et Chalifoux. Toutefois, le 27 mars 2020, il a publié un avis indiquant que l’élection était reportée en raison de la pandémie de COVID-19. Le 15 mai 2020, le chef Halcrow a notifié une résolution du conseil de bande fixant la date de l’élection au 11 juillet 2020, et un avis d’élection a été publié sur le site Web de la PNK. Selon le document énonçant les directives à suivre pour les élections de 2020 dans le contexte de la COVID-19, les membres de la PNK pouvaient voter en ligne à partir du 9 juillet 2020, et ce, jusqu’à 20 h le jour de l’élection.

[8]  Les défendeurs Lydia Cunningham et Christopher Halcrow avaient posé leur candidature pour le poste de conseiller représentant le clan Halcrow. L’autre défenderesse Priscilla Sutherland avait proposé sa candidature pour le même poste représentant le clan Chalifoux, mais le président d’élection a retiré son nom de la liste finale des candidats après avoir rejeté sa candidature. La demanderesse Pamela Halcrow a été élue conseillère pour le clan Halcrow et la demanderesse Debra Chalifoux-Couturier a été élue conseillère pour le clan Chalifoux.

[9]  Chacun des défendeurs à titre individuel a interjeté appel à l’égard du résultat de l’élection. Le 24 juillet 2020, le chef Halcrow a choisi trois aînés représentant chacun des principaux clans pour former un comité d’appel. Un avis d’appel a été publié sur le site Web de la PNK le 27 juillet 2020. Ensemble, leurs motifs d’appel étaient les suivants :

  • 1) selon le code électoral, le vote en ligne n’était pas autorisé;

  • 2) l’assemblée de mise en candidature n’a pas eu lieu au moins 14 jours avant l’élection;

  • 3) le président d’élection a retiré deux noms de la liste des candidats sans fournir de justifications;

  • 4) le président d’élection n’a pas fourni la liste des membres avant les mises en candidatures.

[10]  Les défendeurs à titre individuel et le président d’élection ont participé à l’assemblée convoquée relativement à l’appel et ont pu présenter leurs observations. Il n’était pas prévu que les demanderesses participent à l’assemblée. Le 29 juillet 2020, les membres unanimes du comité d’appel ont, dans de brefs motifs écrits, accueilli les appels et ordonné la tenue d’une nouvelle élection. Même si la décision n’indique pas expressément que les demanderesses ont été destituées de leurs postes de conseillères, les parties ont traité cette décision comme si cela avait été le cas.

[11]  Le 26 août 2020, les demanderesses ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision. Le 8 octobre 2020, elles ont déposé une requête en injonction interlocutoire visant à suspendre l’exécution de la décision du comité d’appel. La PNK soutient qu’elle s’abstient de prendre position à l’égard de cette requête. Elle a présenté des observations en vue d’aider la Cour.

III.  Question en litige

[12]  La seule question à trancher est celle de savoir si la Cour doit faire droit à la requête en injonction interlocutoire présentée par les demanderesses, ce qui aurait pour effet de suspendre l’exécution de la décision du comité d’appel en attendant qu’elle rende une décision sur le fond relativement à la demande de contrôle judiciaire.

[13]  La Cour suprême a énoncé dans l’arrêt RJR MacDonald c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR], le critère en trois volets applicable à une demande d’injonction interlocutoire :

  • 1) Existe-t-il une question sérieuse à juger?

  • 2) Le demandeur subira-t-il un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée?

  • 3) Le demandeur subira-t-il un plus grand préjudice selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée?

[14]  Dans l’arrêt R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 [CBC], la Cour suprême du Canada a récemment résumé le critère comme suit, au paragraphe 12 :

[12] […] À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

[15]  Le critère est cumulatif, c’est-à-dire que le demandeur doit satisfaire à chacun des volets (Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112 aux para 19-21). Le défaut du demandeur de satisfaire à l’un ou l’autre des volets du critère entraîne le rejet de sa requête.

IV.  Questions préliminaires

[16]  La PNK soutient que dans leurs affidavits, Lydia Cunningham et Pamela Halcrow ne s’en tiennent pas qu’aux questions relatives à l’équité procédurale : elles cherchent à défendre la décision et à en expliquer le fondement. Elle est d’avis que la Cour ne devrait pas tenir compte de ces parties de leurs affidavits.

[17]  La PNK affirme également que Lydia Cunningham a joint à son affidavit une lettre du 29 septembre 2020 de l’un des décideurs, laquelle semble être aux yeux des défendeurs à titre individuel d’autres motifs de décision, malgré le fait qu’elle ait été envoyée deux mois après la date de la décision. La PNK soutient que la Cour ne permet pas à un décideur de fournir des motifs à l’appui d’une décision bien après qu’elle a fait l’objet d’une contestation. Enfin, la PNK allègue que les défendeurs à titre individuel ont présenté une lettre protégée par le privilège du secret professionnel alors qu’elle n’avait pas renoncé à ce privilège.

[18]  Lors de l’audience, les défendeurs à titre individuel ont fait valoir que la Cour devrait ignorer les observations de la PNK dans leur intégralité, soutenant qu’il est inexact de dire qu’elle s’abstient de prendre position à l’égard de la présente requête.

[19]  Après avoir entendu les plaidoiries et examiné les éléments de preuve en question, je conclus que les éléments de preuve que la PNK met en doute ne se rapportent pas aux questions soulevées dans la présente requête.

V.  Analyse

[20]  Une injonction interlocutoire est une réparation extraordinaire prévue en equity. La décision d’accorder ou de refuser pareille réparation relève d’un pouvoir discrétionnaire (CBC au para 27). Or, les demanderesses n’ont pas satisfait au critère bien établi qui s’applique à l’injonction interlocutoire. Mon analyse est exposée ci-après.

A.  Question sérieuse

[21]  À la première étape du critère, la Cour doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si les demanderesses ont prouvé l’existence d’une question sérieuse à juger et si la demande n’est ni futile ni vexatoire (CBC au para 12).

[22]  Les demanderesses soutiennent que le comité d’appel n’a pas énoncé de faits ou de motifs, contrairement aux principes qui permettent d’apprécier le caractère raisonnable d’une décision. En outre, les demanderesses n’ont pas été avisées de l’appel interjeté à l’égard du résultat des élections, autre qu’au moyen d’un avis public, elles n’ont pas été invitées à l’audience du comité d’appel et n’ont pas eu la possibilité de présenter des observations, ce qui constitue un manquement au principe d’équité procédurale (Baker c Canada, [1999] 2 RCS 81). Elles font valoir que la décision est déraisonnable et qu’elle a comme grave conséquence de les destituer et que, partant, elle a un effet immédiat sur leurs droits, leurs intérêts et leurs privilèges. Par conséquent, les demanderesses estiment qu’il existe une question sérieuse.

[23]  Les défendeurs à titre individuel soutiennent que le comité d’appel est un tribunal administratif interne et que ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Par conséquent, la décision a force exécutoire et bénéficie d’une présomption de validité. De plus, puisque le comité d’appel a statué sur l’application du règlement électoral, dont l’interprétation relève de sa responsabilité exclusive, sa décision commande la retenue.

[24]  Les défendeurs à titre individuel soutiennent qu’une exigence minimale plus élevée et plus stricte est appropriée, et affirment plus particulièrement qu’il existe une « forte apparence de droit ». Cette exigence minimale plus élevée s’applique lorsque le résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au règlement final de l’action ou lorsque le tribunal qui entend l’affaire au fond ne peut annuler ce qui a été fait à l’étape interlocutoire (Gadwa c Joly, 2018 CF 568 au para 26).

[25]  Les défendeurs à titre individuel soutiennent que dans la décision, le comité d’appel a conclu à raison que le règlement électoral n’autorisait pas le vote par voie électronique et qu’aux termes de ce règlement, Priscilla Sutherland avait le droit d’être entendue sur la validité de sa candidature. Ils affirment que l’interprétation du règlement électoral par le comité d’appel commande la déférence et que les demanderesses n’ont pas établi l’existence d’une question sérieuse.

[26]  La PNK invoque la décision Morin c Nation crie d’Enoch, 2020 CF 696, aux para 30-35, où la Cour a conclu que même si l’obligation de donner la possibilité au demandeur de répondre aux allégations n’était pas expressément prévue dans le code électoral, il s’agit d’une prémisse de base du principe d’équité procédurale.

[27]  Après avoir examiné les observations des parties, je ne suis pas convaincu que l’exigence minimale plus élevée s’applique à la présente affaire. Si la réparation sollicitée est accordée en l’espèce, son effet prendra fin dès l’instruction de la demande au fond.

[28]  En ce qui concerne les observations relatives à cette première étape du critère, j’estime que les demanderesses ont satisfait à l’exigence minimale peu élevée consistant à établir que les questions qu’elles soulèvent ne sont ni frivoles ni vexatoires. Je ne commenterai pas davantage les faits; je laisse cet exercice au juge saisi de la demande qui se prononcera sur le fond de la présente affaire.

B.  Préjudice irréparable

[29]  À cette étape du critère, le demandeur doit établir, à l’aide d’une preuve claire et convaincante, qu’il subira un préjudice irréparable; les conjectures et les affirmations ne sont pas suffisantes (Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 au para 31). Le préjudice irréparable a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. Il ne peut être remédié à un préjudice irréparable au moyen d’une indemnité pécuniaire (United States Steel Corporation c Canada (Procureur général), 2010 CAF 200 au para 6; RJR à la p 341).

[30]  Les demanderesses affirment que la décision mine leur autorité, leur influence et leur réputation au sein de la communauté et que si la Cour n’accorde pas la suspension demandée, elles subiront un préjudice irréparable, car la décision aura pour effet de les priver d’une partie importante de leur mandat. En outre, elles font valoir que leur destitution fait en sorte que le quorum requis du conseil de bande ne peut plus être atteint et qu’ainsi un préjudice irréparable découlera également des problèmes de gouvernance actuels et de l’instabilité (Les conseillères Georgina Johnny et Brandy Jules et le conseiller Ronald Jules c La bande indienne d’Adams Lake, le 3 mars 2017, dossier A-42-17 CAF, 2017 CAF 146).

[31]  Les demanderesses soutiennent que chaque journée où elles sont écartées de leur charge est une journée où elles ne peuvent exercer leurs fonctions d’élues, et que la compensation par dommages-intérêts n’est pas possible dans ce cas (Bonspille c Conseil mohawk de Kanesatake, 2002 CFPI 677 au para 40). Les demanderesses font également valoir que la décision porte atteinte à leur réputation et à leur influence au sein de la communauté et les empêche de défendre les politiques pour lesquelles elles ont été élues (Gabriel c Mohawk Council of Kanesatake, 2002 CFPI 483; Prince c Première nation de Sucker Creek, 2008 CF 479).

[32]  La PNK souligne que le conseil ne peut pas atteindre le quorum requis et que le conseil ne représente pas tous les clans de la PNK, ce qui pose des restrictions en matière de gouvernance. Cependant, elle reconnaît qu’aucune des décisions prises par le chef Halcrow n’a été contestée depuis sa nomination au poste de chef de la PNK le 2 janvier 2020.

[33]  Les défendeurs à titre individuel soulignent que les demanderesses n’ont pas établi qu’elles subiront un préjudice irréparable, elles se sont plutôt contentées de l’affirmer. Par conséquent, les circonstances de la présente affaire ne justifient pas la délivrance de l’injonction interlocutoire. Ils soutiennent également que le fait pour les demanderesses d’avoir attendu environ neuf semaines pour demander une injonction interlocutoire est un élément qui joue contre l’argument de préjudice irréparable qu’elles invoquent (Alberta Permit Pro c Booth, 2005 ABQB 317 au para 4).

[34]  Les défendeurs à titre individuel établissent également une distinction entre les jugements cités par les demanderesses et les circonstances de la présente affaire. Dans les jugements invoqués par les demanderesses, l’injonction a préservé le statu quo et a réintégré les représentants élus dans des fonctions qu’ils occupaient déjà, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les demanderesses n’ont jamais occupé le poste de conseillère. Les défendeurs à titre individuel invoquent la décision Awashish c Conseil des Atikamekw d’Opitciwan, 2019 CF 1131 au para 35, où la Cour a conclu qu’il n’existait aucun préjudice irréparable du fait que le candidat en cause n’était pas un conseiller en exercice avant la prise de la décision contestée.

[35]  De plus, les défendeurs à titre individuel soutiennent que la réputation des demanderesses et leur aptitude à exercer les fonctions de conseillère n’ont jamais été en cause. La décision se rapportant plutôt à des irrégularités dans le processus électoral, elles n’ont pas subi un préjudice irréparable du fait d’une atteinte à leur réputation (Weekusk c Tribunal d’appel de la Première nation Thunderchild, 2007 CF 202 au para 16 [Weekusk]; McIvor c Canada (Procureur général), 2006 CF 1187 au para 9).

[36]  Les défendeurs à titre individuel font également valoir que, puisque les affaires courantes de la PNK n’ont pas été interrompues faute de quorum, il n’y a eu aucun préjudice irréparable. Ils allèguent que la délivrance de l’injonction par la Cour aurait pour effet d’accroître le climat d’incertitude étant donné que le quorum du conseil de bande serait constitué de deux nouvelles conseillères élues de manière irrégulière. Une telle situation irait à l’encontre du but d’une injonction interlocutoire, qui est de maintenir ou de rétablir le statu quo (Canada (Procureur général) c Gould, [1984] 1 FC 1133 au paragraphe 18 (confirmé) [1984] 2 RCS 124).

[37]  Les demanderesses ne m’ont pas convaincu, à l’aide d’une preuve claire et convaincante et non fondée sur des conjectures, qu’elles subiraient un préjudice irréparable si la requête était rejetée. Je souscris aux observations des défendeurs à titre individuel selon lesquelles les circonstances en l’espèce se distinguent de celles des jugements invoqués par les demanderesses. Elles sont plutôt semblables à celles de l’affaire Weekusk dans la mesure où les demandeurs dans cette affaire n’ont pas exercé de charge. Par conséquent, toute atteinte à la réputation est hypothétique. En outre, étant donné que l’affaire sera instruite au fond le 13 janvier 2021, il n’y a qu’une courte attente avant que le litige soit tranché. Le chef Halcrow, avec l’aide du personnel administratif, a pris des décisions au nom de la PNK qui n’ont pas été contestées, de sorte qu’aucun préjudice n’est causé à la PNK outre l’affirmation qu’un quorum est nécessaire. Enfin, vu que les deux postes de conseillers sont des charges inamovibles, il est difficile de conclure à l’existence d’un préjudice irréparable, car l’issue de la présente affaire pourrait très bien mener à un long mandat.

C.  Prépondérance des inconvénients

[38]  La Cour a indiqué que selon le troisième volet du critère, il faut se demander « quelle partie subirait le plus grand préjudice en fonction de l’octroi ou du non‑octroi du sursis » (RJR, à la p 342; Canada (Affaires étrangères et Commerce international Canada) c Khadr, 2010 CAF 199 au para 23; Fox c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 346 au para 19).

[39]  Vu ma conclusion selon laquelle les demanderesses n’ont pas démontré à la Cour l’existence d’un préjudice irréparable au moyen d’une preuve claire, convaincante et non fondée sur des conjectures, et vu qu’elle entraîne le rejet de leur requête, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’analyser ce volet du critère.

VI.  Conclusion

[40]  Je conclus que les demanderesses n’ont pas satisfait au critère cumulatif en trois volets applicable à la délivrance d’une injonction. Plus précisément, les demanderesses n’ont pas établi, à l’aide d’une preuve claire, convaincante et non fondée sur des conjectures, qu’elles subiront un préjudice irréparable.

VII.  Dépens

[41]  Les demanderesses sollicitent des dépens sans fournir de détails.

[42]  La PNK ne sollicite pas de dépens et demande de ne pas être condamnée à en payer.

[43]  Les défendeurs à titre individuel sollicitent l’adjudication des dépens en fonction du temps et des dépenses liés à la présente requête, qui, selon elles, auraient été évitables si les demanderesses avaient accepté l’offre de désistement sans dépens des défendeurs avant la date limite pour le dépôt de leurs affidavits. Ils soutiennent également que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance, plutôt que dans une affaire plaidée sans contestation, est clairement justifié, mais qu’ils sont des particuliers de moyens modestes agissant seuls pour soutenir la décision d’un comité d’aînés de leur communauté.

[44]  Les défendeurs à titre individuel font valoir que la Cour a adjugé des dépens allant de 5 000 $ à 9 000 $ dans des affaires où elle a rejeté des demandes d’injonction interlocutoire concernant l’élection de Premières Nations (Lake St. Martin First Nation c Woodford, 2000 CarswellNat 1671; Buck c Canada (Procureur général), 2020 CF 769). Elles demandent donc des dépens de l’ordre de 5 799,07 $, qui comprennent des honoraires de sténographe de 799,07 $ pour le contre-interrogatoire de Priscilla Halcrow sur son affidavit.

[45]  Après avoir examiné les facteurs énumérés à l’article 400 des Règles, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’adjuge aux défendeurs à titre individuel des dépens s’élevant à 2 799,07 $, dont 799,07 $ se rapportent aux honoraires de sténographe. Les circonstances uniques de la présente affaire — à savoir que grâce à la présente demande, la Cour est appelée pour la première fois à examiner le règlement électoral — et ma conclusion selon laquelle il existe une question sérieuse à juger commandent l’adjudication de dépens moins élevés que ceux demandés par les défendeurs à titre individuel, quelle que soit l’issue de la cause. La somme totale de 2 799,07 $ doit être répartie également entre la PNK et les demanderesses.

 


JUGEMENT dans le dossier T-986-20

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La requête en suspension présentée par les demanderesses est rejetée.

  2. Les défendeurs à titre individuel ont droit aux dépens fixés à 2 799,07 $, lesquels doivent être répartis également par la PNK et les demanderesses et doivent être payés dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de la présente ordonnance.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-986-20

 

INTITULÉ :

PAMELA HALCROW ET DEBRA CHALIFOUX- COUTURIER c COMITÉ D’APPEL DE LA PREMIÈRE NATION DE KAPAWE’NO, PREMIÈRE NATION DE KAPAWE’NO, LYDIA CUNNINGHAM, CHRISTOPHER HALCROW ET PRISCILLA SUTHERLAND

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 NOVEMBRE 2020

oRDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE fAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 20 NOVEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Dennis Callihoo

POUR LES DEMANDERESSES

 

Evan Duffy

POUR LES DÉFENDEURS

 

Marie-Alice D’Aoust

David Schulze et

Dionne Schulze

POUR LES DÉFENDEURS

(CHRISTOPER HALCROW,

PRISCILLA SUTHERLAND ET

LYDIA CUNNINGHAM)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dennis Callihoo Law

Edmonton (Alberta)

POUR LES DEMANDERESSES

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

Marie-Alice D’Aoust

Avocate

Montréal (Québec)

Dionne Shulze

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 (CHRISTOPER HALCROW,

PRISCILLA SUTHERLAND ET

LYDIA CUNNINGHAM)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.