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Date : 20201203


Dossier : IMM‑4426‑20

Référence : 2020 CF 1122

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 décembre 2020

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JORGE MARIANO PINTO GUARDADO

REGINA MARIA HERNANDEZ DE PINTO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION,

DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Un mari et sa femme (collectivement, les demandeurs) agissent pour leur propre compte dans le cadre de la présente affaire et ont présenté une requête par écrit, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, en vue d’obtenir ce qui suit :

  • a) le rétablissement de leur demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM‑4426‑20;

  • b) l’autorisation d'agir pour leur propre compte;

  • c) la prorogation du délai pour présenter leurs arguments à l’appui si la requête est accueillie.

[2]  À l’appui de leur requête, les demandeurs ont déposé un affidavit conjoint daté du 20 octobre 2020.

I.  Le contexte

[3]  En guise de contexte procédural, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (la DACJ) a été déposée le 21 septembre 2020, pour le compte des demandeurs, par leur conseiller juridique de l’époque. Dans la DACJ, les demandeurs ont sollicité le contrôle de la décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) datée du 27 août 2020. La SAR avait rejeté l’appel des demandeurs et avait confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR).

[4]  Un avis de désistement daté du 21 septembre 2020 a été déposé par le conseiller juridique du demandeur dans le cadre du dossier IMM‑4426‑20. Les demandeurs demandent l’annulation de cet avis de désistement.

[5]  Pour situer le contexte factuel, les demandeurs sont des citoyens du Salvador qui ont demandé l’asile au Canada. Ils soutiennent qu’ils sont exposés à un risque de persécution au Salvador relativement à diverses affaires en matière civile mettant en cause le demandeur, qui fait aussi l’objet d’une accusation criminelle en instance. Les demandeurs font valoir qu’en raison de la corruption, le demandeur n’aura pas droit à un traitement équitable devant les tribunaux du Salvador.

[6]  La question déterminante pour la SPR avait été la disponibilité de la protection de l’État. Autrement dit, la SPR n’avait pas été convaincue qu’il n’était pas possible pour les demandeurs de se prévaloir, au besoin, de la protection de l’État au Salvador.

[7]  Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Lors de l’examen de l’appel, la SAR a conclu que, selon la preuve, le système juridique du Salvador fonctionne adéquatement. La SAR a également pris acte du fait que les éléments de preuves relatifs au fonctionnement de la force policière du Salvador étaient contradictoires, mais elle a souligné que la plupart des problèmes étaient liés à l’inefficacité de l’intervention policière à l’égard de la violence commise par les gangs. La SAR a mentionné qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que la police n’enquêterait pas des menaces non liées aux gangs. La SAR a aussi relevé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’il y avait eu de la corruption policière relativement aux plaintes des demandeurs, ou que la vie ou la sécurité physique des demandeurs serait menacée.

[8]  Dans l’ensemble, la SAR a conclu que les demandeurs auraient accès à une protection de l’État adéquate, tant de la part du système juridique que de la police du Salvador.

II.  Les questions en litige

[9]  Dans leur requête, les demandeurs sollicitent l’autorisation de la Cour afin d'agir pour leur propre compte. Cette demande ne nécessite pas l’autorisation de la Cour.

[10]  La seule question à trancher dans la présente requête est de savoir si la DACJ devrait être rétablie.

III.  Analyse

[11]  Le critère juridique pertinent est énoncé dans l’arrêt Philipos c Canada (Procureur général), 2016 CAF 79 [Philipos], dans lequel la Cour d’appel confirme au paragraphe 20 qu’il est possible de faire revivre un dossier ayant fait l’objet d’un désistement seulement s’il existe des éléments de preuve démontrant « un événement d’une importance fondamentale qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure ».

[12]  Le seul élément de preuve dans l’affidavit qui pourrait être interprété comme appuyant le redressement demandé est le passage suivant : [traduction« Nous croyons que les CONSEILLERS JURIDIQUES qui nous ont représentés antérieurement n’ont pas fait preuve de prudence et de diligence raisonnable dans le traitement de notre dossier ». Les demandeurs affirment également qu’ils n’ont pas les moyens de se payer un conseiller juridique.

[13]  Cependant, la qualité de leurs conseillers juridiques antérieurs ou le fait qu’ils n’ont pas les moyens de se payer un avocat ne sont pas des questions qui touchent à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure. À cet égard, aucun élément de preuve ne démontre qu’on les avait mal informés ou que leur conseiller juridique avait agi à l’encontre de leurs consignes lorsqu’il avait déposé le désistement. De plus, rien dans la preuve ne démontre qu’ils ont fait des démarches pour déposer une plainte de représentation juridique négligente.

[14]  Dans les circonstances, une simple allégation contre un conseiller juridique n’est pas une preuve suffisante à l’appui de la mesure de redressement exceptionnelle que sollicitent les demandeurs dans la présente requête.

[15]  Quoi qu’il en soit, même si les demandeurs parvenaient à démontrer un « événement d’une importance fondamentale » qui amènerait la Cour à examiner l’annulation du désistement, ils doivent tout de même établir que la procédure ayant fait l’objet d’un désistement a une chance raisonnable d’être accueillie (Philipos au para 22).

[16]  À cet égard, je souligne le paragraphe 5 de l’affidavit des demandeurs, dans lequel ils déclarent croire que des documents [traduction« avaient été omis dans le cadre du processus de demande d’asile ». Cette affirmation ne permet pas de déterminer si les demandeurs cherchent à présenter de nouveaux éléments de preuve ou s’ils font référence à la preuve présentée à la SAR. Quoi qu’il en soit, cette déclaration indique évidemment que les demandeurs contestent la façon dont la SAR a apprécié la preuve. Dans le cas d’un contrôle judiciaire, la jurisprudence a clairement établi qu’il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 61).

[17]  Dans l’ensemble, compte tenu de la preuve des demandeurs, je ne suis pas convaincue que la procédure ayant fait l’objet d’un désistement a une chance raisonnable d’être accueillie.

IV.  Conclusion

[18]  La Cour a plein pouvoir pour gérer sa procédure, et la réouverture d’une procédure ayant fait l’objet d’un désistement est une réparation discrétionnaire envisageable dans des circonstances exceptionnelles (Naboulsi c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2018 CF 916 au para 31). La preuve sur laquelle les demandeurs se sont fondés est loin d’appuyer une demande à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’autoriser la poursuite de la procédure ayant fait l’objet d’un désistement.

[19]  Par conséquent, la requête des demandeurs sera rejetée.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑4426‑20

LA COUR ORDONNE que la requête des demandeurs soit rejetée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM‑4426‑20

 

INTITULÉ :

JORGE MARIANO PINTO GUARDADO ET AUTRES c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

LE 3 DÉCEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Jorge Mariano Pinto Guardado

Regina Maria Hernandez De Pinto

LES DEMANDEURS,

POUR LEUR PROPRE COMPTE

Andrew Eyer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

PoUr LE DÉFENDEUR

 

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