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Date : 20201210

Dossier : T‑57‑16

Référence : 2020 CF 1143

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

CHRISTOPHER L. KREUTZWEISER

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE LA TAXATION

ORELIE DI MAVINDI, officière taxatrice

I.  Introduction

[1]  Le 17 janvier 2018, la Cour a rejeté avec dépens payables par le demandeur au défendeur la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l’encontre de la décision datée du 27 novembre 2015, par laquelle le chef d’état‑major de la défense avait rejeté le grief du demandeur portant sur sa libération pour raisons médicales des Forces armées canadiennes.

[2]  Le défendeur a déposé son mémoire de frais le 17 juillet 2020. Par la suite, le 29 juillet 2020, la Cour a donné les directives suivantes :

[traduction]

À la suite du dépôt, le 17 juillet 2020, du mémoire de frais du défendeur, la taxation des dépens se fera sur dossier. La Cour donne les directives suivantes aux parties :

  1. le défendeur peut – s’il ne l’a pas encore fait –, déposer et signifier au plus tard le lundi 31 août 2020, tous ses documents, y compris son mémoire de frais, le(s) affidavit(s) à l’appui et ses observations écrites avec une copie des présentes directives;

2.  le demandeur peut déposer et signifier au plus tard le mercredi 30 septembre 2020 tout document en réponse (affidavit(s) et/ou observations écrites);

3.  le défendeur peut, le cas échéant, déposer ses observations en réponse au plus tard le vendredi 30 octobre 2020.

[3]  Le 31 août 2020, le défendeur a déposé ses observations écrites au sujet des dépens, en y joignant un mémoire de frais modifié, de même que l’affidavit souscrit le 27 août 2020 par Tenley Desroches et ses observations écrites. Les parties n’ont déposé aucun autre document. Le demandeur ne s’est pas prévalu de la possibilité de déposer et de signifier des documents en réponse avant la date limite du 30 septembre 2020 et il n’a pas non plus demandé que soit prorogé le délai qui lui était imparti pour déposer et signifier ces documents.

II.  Question préliminaire

A.  Questions concernant les documents à signifier au demandeur

[4]  À l’annexe C de l’affidavit de Tenley Desroches qu’il a joint à ses observations écrites au sujet des dépens, le défendeur indique qu’il a signifié au demandeur son mémoire de frais le 20 mars 2018 et son mémoire de frais modifié le 23 juin 2020. Le demandeur n’a pas répondu.

[5]  Le 29 juillet 2020, le greffe de la Cour a tenté de signifier au demandeur des directives fixant des dates limite pour la taxation des dépens par courriel, courrier ordinaire et courrier recommandé. Postes Canada a retourné le 12 août 2020 au greffe les directives envoyées au demandeur par courrier recommandé avec la mention « non réclamé ». Les directives qui avaient été envoyées au demandeur par courriel avaient par inadvertance été acheminées à la mauvaise adresse en raison d’une erreur typographique. Par surcroît de précautions, les directives ont de nouveau été envoyées au demandeur le 1er octobre 2020 à la bonne adresse courriel. Le 1er octobre 2020, le demandeur a également reçu une lettre lui offrant la possibilité de demander au besoin la prorogation du délai de trente jours qui lui était imparti pour déposer des observations en réponse. Le dossier de la Cour ne fait état d’aucune réponse ou demande de prorogation de délai que le demandeur aurait adressée au greffe.

[6]  Je vais donc procéder à la taxation des dépens, qui n’ont fait l’objet d’aucune opposition, en tenant compte des observations formulées au paragraphe 2 de la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192 (Dahl) (OT) :

2  Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est‑à‑dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif.

III.  Services taxables

[7]  Le défendeur réclame 5 460 $ en services taxables en vertu du tarif B, colonne III des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles).

A.  Réclamations faites en vertu des articles 2, 13a), 14a) et 26

[8]  J’accorde intégralement les réclamations faites par le défendeur au titre de l’article 2 (préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents du défendeur), de l’article 13a) (préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpoena et autres services non spécifiés dans le présent tarif), de l’article 14a) (honoraires d’avocat : pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour) et de l’article 26 (taxation des frais). Ses réclamations sont considérées comme étant raisonnables, nécessaires pour assurer le bon déroulement de l’instance et suffisamment justifiées par les observations écrites sur les dépens formulées par le défendeur et par le dossier de la Cour.

B.  Réclamations faites en vertu de l’article 5

[9]  Le défendeur formule deux réclamations en vertu de l’article 5 (préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant). La première réclamation concerne la requête présentée par le demandeur le 28 mars 2017 en vue d’obtenir la prorogation du délai qui lui était imparti pour déposer le dossier de demande (la requête en prorogation du délai imparti pour déposer le dossier de demande). La seconde concerne la requête présentée par le demandeur en vue d’interjeter appel de l’ordonnance rendue le 10 avril 2017 par la Cour (la requête visant à interjeter appel de l’ordonnance du 10 avril 2017 de la Cour). On trouve la justification de ces réclamations aux paragraphes 14 à 19 et 33 des observations écrites du défendeur. Le paragraphe 33 est ainsi libellé :

[traduction]

Article 5

c) Le défendeur réclame quatre unités pour chaque montant réclamé en vertu de l’article 5 (requêtes contestées), pour un total de huit unités. Cette demande de taxation, qui est calculée selon le bas de la fourchette prévue à la colonne III, est raisonnable, compte tenu du fait que les deux requêtes concernaient des délais demandés par le demandeur et que la réponse du défendeur était raisonnable dans les circonstances.

[10]  Il ressort de l’examen des observations du défendeur, du dossier de la Cour et de l’ordonnance du 16 mai 2017 par laquelle la Cour a adjugé des dépens interlocutoires dans la présente affaire que la seconde réclamation relative à la requête visant à interjeter appel de l’ordonnance du 10 avril 2017 est suffisamment justifiée. J’accorde donc le montant demandé.  

[11]  L’ordonnance en date du 10 avril 2017, par laquelle la Cour a statué sur la première réclamation faite en vertu de l’article 5 relativement à la requête en prorogation du délai imparti pour déposer le dossier de demande, était muette au sujet des dépens. Aux paragraphes 26, 27 et 28 de ses observations écrites, le défendeur affirme ce qui suit :

[traduction]

26.  La partie qui obtient gain de cause a le droit de recouvrer ses dépens taxés de façon juste et raisonnable conformément aux tarifs des Règles des Cours fédérales (Exeter c Canada (Procureur général), 2012 CAF 153 (CanLII), au paragraphe 13).

27.  Les ordonnances qui ont été rendues dans la présente action concernaient presque exclusivement des délais réclamés par le demandeur et les mesures à prendre pour assurer le bon déroulement de l’instance. La question des dépens n’a pas été examinée dans ces ordonnances.

28.  La Cour d’appel fédérale a jugé que, lorsque la Cour a exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 400(1) des Règles pour adjuger des dépens, l’article 409 des Règles permet à l’officier taxateur d’appliquer l’alinéa 400(3)a) des Règles (résultat de l’instance) relativement aux ordonnances rendues dans le cadre de l’action qui étaient muettes au sujet des dépens (Latham c Canada, 2007 CAF 179 (CanLII), au paragraphe 9).

[12]  Au paragraphe 9 de la décision Latham c Canada, 2007 CAF 179 (Latham), citée par le défendeur, l’officier taxateur déclare ce qui suit :

9  Pour ce qui est de l’affaire T‑1232‑02, le demandeur a fait valoir que la Cour avait donné la directive selon laquelle le juge qui présiderait à l’audience sur le contrôle judiciaire réexaminerait l’ordonnance en date du 27 février 2003 (requête en production). En fait, la Cour n’avait pas donné cette directive mais avait plutôt donné une directive au sujet d’un appel possible, ce qui est d’aucune aide au règlement des questions relatives à la taxation, mais étant donné que le demandeur s’oppose à une réclamation suivant l’article 5 en raison de l’ordonnance silencieuse quant aux dépens, je vais la rejeter pour donner suite à mes conclusions dans les décisions Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), [2004] A.C.F. no 536 (O.T.) au paragraphe 6 et Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2005] A.C.F. no 1426 (O.T.) au paragraphe 10. En ce qui a trait à l’ordonnance du 9 mai 2005 silencieuse quant aux dépens découlant de l’affaire A‑29‑05, l’article 409 des Règles me permet d’appliquer l’alinéa 400(3)a) des Règles (résultat de l’instance), mais il ne me donne pas le pouvoir de taxer les dépens si la Cour n’a pas d’abord manifestement exercé son pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 400(1) des Règles, d’adjuger les dépens aux intimés. Je rejette aussi la réclamation suivant l’article 5. (Non souligné dans l’original.)

[13]  Bien que j’accepte l’argument du défendeur suivant lequel l’officier taxateur peut tenir compte de l’alinéa 400(3)a) des Règles pour ce qui est des ordonnances muettes au sujet des dépens, comme l’officier taxateur l’a précisé dans la décision Latham, cet alinéa ne permet pas à l’officier taxateur de taxer les dépens si la Cour n’a pas d’abord manifestement exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 400(1) des Règles en matière d’adjudication des dépens. Ainsi que l’officier taxateur l’explique au paragraphe 6 de la décision Balisky c Canada (Ministre des Ressources naturelles), 2004 CAF 123 (Balisky), cité dans l’arrêt Latham :

Le paragraphe 400(1), qui confère à la Cour entière discrétion pour l’adjudication des dépens, signifie que les ordonnances et les jugements doivent contenir des instructions apparentes quant aux dépens adjugés. Compte tenu de l’article 3 et du paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales qui définissent la Cour et de l’article 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) qui donne la définition d’un officier taxateur, l’absence d’exercice de ce pouvoir discrétionnaire par la Cour me laisse sans compétence pour procéder à la taxation des dépens en vertu de l’article 405 des Règles. Dans Webster c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 1652 (O.T.), j’ai conclu que le pouvoir discrétionnaire de la Cour au titre du paragraphe 400(1) s’exerce, en ce qui a trait aux dépens interlocutoires, indépendamment du résultat du jugement, sauf s’il est précisé expressément que les dépens suivent l’issue de la cause. Cela signifie que je dois rejeter la position des appelants selon laquelle le jugement de la Cour d’appel fédérale mettait en état leur droit aux dépens pour les procédures interlocutoires à la Cour fédérale dont les ordonnances correspondantes refusaient expressément l’adjudication des dépens. Par conséquent, je refuse les articles 5 (préparation d’une réponse à la requête), 13 (préparation de l’audience de la requête), 14 (présence à l’audition de la requête) et 24 (déplacement pour assister à l’audition de la requête). 

[14]  De plus, dans l’arrêt Exeter c Canada (Procureur général), 2013 CAF 134 (Exeter), la Cour d’appel fédérale explique ce qui suit, au paragraphe 14 :

14  La décision d’un juge d’accorder ou non les dépens d’une requête ne peut être modifiée ensuite par le juge appelé à statuer sur l’action ou la demande sous‑jacente : Apotex Inc. c. Merck & Co., Inc., 2006 CAF 324, au paragraphe 15, Polish National Union of Canada Inc.‑Mutual Benefit Society c. Palais Royale Ltd., 1998 CanLII 7132, 163 D.L.R. (4th) 56 (C.A. Ont.). À cette fin, l’ordonnance relative à une requête interlocutoire qui ne fait aucune mention des dépens passe pour ne pas en avoir accordés : Janssen‑Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1333, au paragraphe 13Delrina Corp. (c.o.b. Carolian Systems) c. Triolet Systems Inc.2002 CanLII 45083, 22 C.P.R. (4th) 332 (C.A. Ont.), au paragraphe 36. (Non souligné dans l’original.)

[15]  Par conséquent, conformément aux décisions Dahl, Latham, Balisky et Exeter, je conclus qu’en tant qu’officière taxatrice, je n’ai pas le pouvoir de faire droit à la première réclamation formulée en vertu de l’article 5 relativement à la requête en prorogation du délai imparti pour déposer le dossier de demande. Le défendeur a exercé son droit aux dépens du jugement indépendamment du résultat de l’ordonnance interlocutoire du 10 avril 2017 en question. Comme l’ordonnance qui a tranché la requête était muette au sujet des dépens, elle peut être considérée comme une ordonnance n’ayant pas adjugé de dépens; or, je n’ai pas compétence sur ce type d’ordonnance. L’officier taxateur peut calculer le montant de dépens admissibles en tenant compte de la jurisprudence, des Règles et du tarif B, mais il ne peut modifier la décision sous‑jacente qui ne comporte pas d’adjudication de dépens, ni intervenir dans cette décision de la Cour.

C.  Débours

[16]  Le défendeur réclamait 260 $ en débours pour la photocopie du dossier certifié du tribunal. Il a expliqué le calcul de ce montant de 260 $ comme suit : 1 080 pages x 6 copies = 6 480 copies à 0,40 $ la page. Ce calcul figurait dans le mémoire de frais déposé le 17 juillet 2020, ainsi que dans le mémoire de frais modifié déposé le 31 août 2020. Il semble que ce chiffre soit une erreur typographique, car le montant de 260 $ correspond à un taux approximatif de 0,04 $ la page. La volonté du défendeur de réclamer 0,40 $ ressort également des paragraphes 39 et 40 des observations écrites qu’il a déposées le 31 août 2020 :

[traduction]

39.  Le défendeur affirme que les débours réclamés sont raisonnables, qu’ils étaient nécessaires pour assurer le bon déroulement de l’instance et qu’ils ont été calculés conformément au tarif B des Règles des Cours fédérales.

40.  Ainsi que le tarif B le lui permet, le défendeur réclame à titre de dépens un montant de 0,40 $ la page relativement à l’obtention de copies du dossier certifié du tribunal.

[17]  Je suis donc convaincue que le calcul des débours réclamés pour photocopier le dossier certifié du tribunal correspond davantage à la somme de 2 592 $, calculée à raison de 6 480 copies au taux de 0,40 $ la page.

[18]  La question du montant réclamé pour la photocopie du dossier certifié du tribunal étant réglée, force est de constater que le défendeur a fourni des preuves qui sont loin d’être suffisamment étoffées pour justifier le montant qu’il réclame pour six copies du document au taux de 0,40 $ la page.

[19]  Les paragraphes 1(3) et 1(4) du tarif B des Règles prévoient ce qui suit au sujet des débours :

Débours

(3) Le mémoire de frais comprend les débours, notamment :

(a) les sommes versées aux témoins selon le tarif A;

(b) les taxes sur les services, les taxes de vente, les taxes d’utilisation ou de consommation payées ou à payer sur les honoraires d’avocat et sur les débours acceptés selon le présent tarif.

Preuve

(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

Disbursements

(3) A bill of costs shall include disbursements, including:

(a) payments to witnesses under Tariff A; and

(b) any service, sales, use or consumption taxes paid or payable on counsel fees or disbursements allowed under this Tariff.

 

Evidence of disbursements

(4) No disbursement, other than fees paid to the Registry, shall be assessed or allowed under this Tariff unless it is reasonable and it is established by affidavit or by the solicitor appearing on the assessment that the disbursement was made or is payable by the party.

 

[20]  Bien que le défendeur ait satisfait à l’exigence du paragraphe 1(4) du tarif B l’obligeant à fournir la preuve des débours par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation, les éléments de preuve qu’il a présentés ne démontrent pas suffisamment le caractère raisonnable ou la nécessité du montant réclamé.

[21]  Comme je l’ai déjà mentionné, au paragraphe 40 des observations écrites qu’il a déposées le 31 août 2020, le défendeur réclamait 0,40 $ la page au motif que ce taux était autorisé par le tarif. Le tarif B, et plus particulièrement les paragraphes 1(3) et 1(4) du tarif B, sont muets au sujet du montant pouvant être accordé pour les photocopies et ils ne proposent pas un montant de 0,40 $ la page comme le prétend le défendeur. Le paragraphe 1(3) du tarif A prévoit bien que toute personne qui demande au greffe des copies papier d’un document est tenue de payer au greffe des droits de 0,40 $ la page. Toutefois, comme l’officier taxateur l’a fait observer dans la décision Syndicat canadien des employés de la fonction publique, section locale 4004 c Air Canada, [1999] ACF no 464, au paragraphe 3, au sujet des débours relatifs à la photocopie : « [t]oute comparaison avec la somme de 0,40 $ la page exigée par le greffe au titre du tarif A1(3) n’est pas fondée car ce prix, qui s’inscrit lui aussi dans le contexte d’un recouvrement partiel des coûts auprès des justiciables, repose sur une logique qui n’est pas la même ».

[22]  En ce qui concerne le nombre de copies réclamées pour la photocopie du dossier certifié du tribunal, le défendeur n’a fourni aucun élément de preuve ou argument démontrant le caractère raisonnable ou la nécessité des six copies réclamées. Comme l’article 318 des Règles est muet quant au nombre de copies à déposer, en règle générale, en pareilles circonstances, une copie serait nécessaire pour l’avocat du défendeur, une copie pour le demandeur qui agit pour son propre compte, une copie pour la Cour et une copie pour le bureau local de Winnipeg, selon l’article 25 des Règles. À défaut d’arguments suffisamment étoffés ou de contexte, on ne sait pas avec certitude à quoi devaient servir la cinquième et la sixième copies du dossier certifié du tribunal. En particulier, on ignore si les copies supplémentaires réclamées par le défendeur étaient des copies destinées aux clients, lesquelles copies ne font pas partie des dépens entre parties (voir : Compulife Software Inc. c Compuoffice Software Inc., 2002 CFPI 1120, au para 27, Halford c Seed Hawk Inc., 2006 CF 422, au para 247, Abbott Laboratories c Canada (Health), 2008 CF 693 (Abbott), au para 115, et Fournier Pharma Inc. c Canada (Health), 2008 CF 929, au para 19). Dans le jugement Diversified Products Corp c Tye‑Sil Corp, [1990] ACF no 1056, la Cour fédérale déclare ce qui suit :

Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l’avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et ils ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d’un cabinet d’avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d’avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l’officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles. (Non souligné dans l’original.)

[23]  Il ne conviendrait toutefois pas de ne rien accorder pour la photocopie du dossier certifié du tribunal, étant donné que l’examen du dossier de la Cour démontre à l’évidence que des frais nécessaires ont été engagés conformément à l’article 318 des Règles pour produire le dossier certifié du tribunal déposé par le défendeur le 23 novembre 2016. Je vais donc m’inspirer des observations formulées par l’officier taxateur au paragraphe 71 de la décision Abbott :

71  Je ne veux cependant pas dire que les plaideurs peuvent s’en tirer sans produire aucun élément de preuve, en se fiant à l’appréciation et à l’expérience de l’officier taxateur. La preuve dans la présente espèce n’a rien d’absolu, mais je pense que les dossiers respectifs de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale contiennent suffisamment d’éléments pour me permettre d’évaluer les efforts et les frais qu’il fallait pour plaider raisonnablement et suffisamment la cause d’Apotex. Le manque de renseignements détaillés rend difficile d’établir avec certitude si l’approche la plus efficiente a en fait été suivie ou s’il n’a pas été donné d’instructions erronées exigeant un travail correctif, comme c’était par exemple le cas dans Halford. L’insuffisance de la preuve des faits relatifs à chacun des éléments de dépenses rend difficile pour le défendeur à la taxation et l’officier taxateur de se convaincre de la nécessité raisonnable de chacun de ces éléments. Moins il y a de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, lequel doit l’exercer de manière prudente, en ne perdant pas de vue le principe d’austérité qui doit présider à la taxation, afin de ne pas porter préjudice à la partie condamnée aux dépens. Cependant, la conduite d’un litige exige de réelles dépenses : la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde.

[24]  Je vais également tenir compte, pour calculer les débours au titre des photocopies, de la conclusion tirée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex Inc. c Merck & Co. Inc., 2008 CAF 37, au paragraphe 14 :

14  Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle‑ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

[25]  Vu l’absence d’observations étoffées sur la question des photocopies du dossier certifié du tribunal, vu le dossier de la Cour et compte tenu de la jurisprudence précitée, je fixe à 950 $ le montant que j’estime raisonnable d’accorder pour ces débours, eu égard aux circonstances.

IV.  Dispositif

[26]  Pour les motifs ci‑dessus exposés, le mémoire de frais du défendeur est taxé à 5 850 $. Un certificat des dépens sera délivré.

« Orelie Di Mavindi »

Officière taxatrice

Toronto (Ontario)

Le 10 décembre 2020

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑57‑16

INTITULÉ :

CHRISTOPHER L. KREUTZWEISER c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TAXATION FAITE SUR DOSSIER À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES

Motifs de la taxation :

ORELIE DI MAVINDI, officière taxatrice

DATE DES MOTIFS :

Le 10 décembre 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

S/O

Le demandeur (pour son propre compte)

Cheryl Giesbrecht

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour le défendeur

 

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