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Date : 20050323

Dossier : T-2023-01

Référence : 2005 CF 406

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY              

ENTRE :

                              SERVICES ALIMENTAIRES A & W DU CANADA INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                          LES RESTAURANTS McDONALD DU CANADA LIMITÉE

                                                                                                                                      défenderesse

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Introduction


[1]          Depuis 1987, la société A & W vend un sandwich au poulet grillé appelé « Chicken Grill » . La société a enregistré une marque de commerce pour ce nom et ce produit en 1988. Depuis 2001, la société McDonald vend un sandwich au poulet grillé appelé « Chicken McGrill » . A & W allègue que McDonald a contrefait sa marque de commerce en utilisant une marque semblable qui crée de la confusion et qui a miné la valeur de son achalandage. À son tour, McDonald prétend que la marque de commerce d'A & W est invalide parce qu'elle n'a pas l'élément essentiel d'être distinctive.

[2]          J'ai conclu que ni l'une ni l'autre des parties n'a prouvé ce qu'elle allègue et par conséquent, je rejette la demande d'A & W, ainsi que la demande reconventionnelle de McDonald.

II. Questions en litige

1.       L'utilisation, par McDonald, de la marque de commerce « Chicken McGrill » porte-t-elle atteinte au droit exclusif à l'emploi, par A & W, de sa marque de commerce « Chicken Grill » , selon l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13?

2.       L'emploi, par McDonald, de la marque de commerce « Chicken McGrill » crée-t-il de la confusion avec la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W, ce qui contrevient au pararaphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce?

3.       L'emploi, par McDonald, de « Chicken McGrill » a-t-il entraîné une diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W, ce qui contrevient au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce?


4.       La marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W est-elle invalide parce qu'elle n'est pas distinctive, comme l'exige l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce?

III. Les faits

[3]          A & W a été fondée en Californie, en 1919, par MM. Allen et Wright. À cette époque, il s'agissait d'un casse-croûte avec service à l'auto qui vendait de la racinette. La société s'est installée au Canada, en 1956, à Winnipeg. Au Canada, A & W ressemblait davantage à un restaurant qu'aux États-Unis et on y offrait plus de mets, notamment des hamburgers et des     hot-dogs. En règle générale, ces restaurants offraient un « service à l'auto » , c'est-à-dire que la clientèle pouvait demeurer dans sa voiture et y être servie. La société Unilever Ltd. a acheté les restaurants canadiens d'A & W en 1972, ce qui a rompu tout lien avec la société américaine. En 1995, Unilever a vendu la société aux cadres de l'entreprise. Aujourd'hui, presque tous les restaurants A & W sont des franchises.


[4]          McDonald a ouvert son premier restaurant au Canada en 1967, à Richmond (C.-B.). Peu à peu, A & W a réagi à la concurrence de McDonald et d'autres chaînes en concentrant ses activités dans l'Ouest canadien, en ouvrant des restaurants dans les centres commerciaux, en fermant peu à peu ses restaurants avec service à l'auto et en vendant sa racinette dans les épiceries. À l'heure actuelle, A & W est la deuxième chaîne de restaurants en importance au Canada compte tenu du nombre de restaurants (645) et la troisième chaîne pour les ventes (500 millions de dollars par année). McDonald est la première entreprise dans les deux catégories (1 200 restaurants et 2,4 milliards de dollars par année).

[5]          A & W a enregistré la marque de commerce « Chicken Grill » en 1988, quoiqu'elle ait testé le produit l'année précédente. A & W a officiellement lancé son sandwich « Chicken Grill » en septembre 1989 dans le cadre d'une importante campagne de publicité. Aujourd'hui, le « Chicken Grill » rapporte des revenus de quelque huit à dix millions de dollars par année, soit environ 2 p. 100 de toutes les ventes d'A & W. Le sandwich « Chicken Grill » coûte environ 3,89 $.

[6]          McDonald a commencé à vendre le sandwich « Chicken McGrill » au Canada en 2001, mais la société mère américaine l'avait déjà lancé en 1998. Au Canada, McDonald utilise habituellement les mêmes marques de commerce que les restaurants américains de manière à pouvoir jouir des avantages de la publicité faite pour les mêmes produits aux États-Unis. Le « Chicken McGrill » rapporte environ 30 millions de dollars par année, soit un peu plus de 1 p.100 de l'ensemble des ventes de McDonald au Canada. Le sandwich « Chicken McGrill » coûte environ 3,49 $.


IV. Analyse

1. L'utilisation, par McDonald, de la marque de commerce « Chicken McGrill » porte-t-elle atteinte au droit exclusif à l'emploi, par A & W, de sa marque de commerce « Chicken Grill » , selon l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13?

[7]          Les propriétaires de marques de commerce ont le droit exclusif à l'emploi de celles-ci dans tout le Canada en ce qui concerne les marchandises ou services visés sauf si l'invalidité de la marque est démontrée (Loi sur les marques de commerce, article 19; les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe). En l'espèce, il est clair qu'A & W a le droit exclusif à l'emploi de la marque de commerce déposée « Chicken Grill » lorsqu'il s'agit d'un sandwich au poulet grillé, à moins que McDonald puisse établir que la marque de commerce d'A & W n'est pas distinctive (question qui sera abordée plus loin). A & W prétend que l'emploi, par McDonald, de « Chicken McGrill » relativement à un sandwich au poulet grillé contrefait sa marque de commerce au motif que la marque de McDonald est presque identique; d'ailleurs, elle englobe totalement la marque d'A & W. Pour sa part, McDonald prétend qu'A & W n'a que le droit exclusif à l'emploi de « Chicken Grill » ; elle n'a pas le droit d'empêcher McDonald d'employer « Chicken McGrill » puisqu'il ne s'agit manifestement pas de la même marque.


[8]          La première question est donc de savoir si A & W ne peut qu'empêcher d'autres personnes d'utiliser « Chicken Grill » ou si ses droits s'étendent aux marques légèrement différentes comme, par exemple, « Chicken McGrill » . A & W reconnaît que la jurisprudence canadienne sur cette question n'est pas très abondante et que certaines décisions adoptent une position contraire à la sienne. Néanmoins, elle m'encourage à m'inspirer de certaines affaires entendues récemment en Angleterre.

(i) Jurisprudence canadienne

[9]          Selon mon interprétation de la jurisprudence canadienne, la personne qui utilise la marque de commerce d'une autre personne relativement aux mêmes biens ou services contrefait la marque, suivant l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce. Selon l'opinion prédominante, l'article 19 ne vise que l'emploi d'une marque identique et non l'emploi de marques légèrement différentes.

[10]      En 1987, le juge en chef Arthur Thurlow a statué qu'on ne pouvait établir la contrefaçon en vertu de l'article 19 en démontrant qu'une autre personne utilisait une marque de commerce semblable; la marque doit être identique : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. no 1123 (C.A.F.) (QL). Si la marque n'est pas identique, le demandeur doit invoquer la confusion ou un autre acte interdit, notamment une diminution de la valeur de l'achalandage. Le juge a dit :

[...] Si, en fait, un droit d'action en contrefaçon découle de l'article 19 à l'occasion de la reproduction de la marque enregistrée, sans tenir compte de la probabilité de confusion ou d'une telle diminution, c'est, à mon avis, seulement la reproduction de la marque enregistrée qui puisse justifier une telle action, et tout droit d'action en contrefaçon que le titulaire enregistré peut avoir pour ce qui est de la reproduction d'une partie de la marque enregistrée ou de l'emploi d'une marque de commerce semblable doit prendre naissance, s'il en est, dans l'article 20 ou probablement dans l'article 22[...] [à la p. 8] [Non souligné dans l'original.]

[11]      Dans cette affaire, la demanderesse, Mr. Submarine, ne pouvait se plaindre en vertu de l'article 19 de l'emploi, par la défenderesse, de « Mr. Subs'n Pizza » .

[12]      Dans le même ordre d'idées, le juge Yvon Pinard a dit que « [l]'article 19 de la Loi est donc limité aux cas dans lesquels une personne emploie une marque enregistrée identique à la marque de commerce enregistrée pour les mêmes marchandises ou services que la marque enregistrée » : Standard Knitting Ltd. c. Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha, [2000] A.C.F. no 1329 (C.F. 1re inst.) (QL).

[13]      La jurisprudence canadienne n'étaye aucunement l'argument d'A & W selon lequel l'emploi, par McDonald, de la marque « Chicken McGrill » contrefait la marque de commerce « Chicken Grill » . Il semble évident que l'article 19 de la Loi ne vise que les marques identiques.

(ii) Jurisprudence anglaise

[14]      A & W prétend que les juges anglais ont conclu à la contrefaçon de marques de commerce dans des situations où l'on avait employé une marque qui englobait la marque d'une autre personne.


[15]      Encore une fois, cependant, je ne trouve rien, dans le droit anglais, qui étaye l'argument d'A & W. Tout comme l'article 19 de la loi canadienne, le paragraphe 10(11) de la loi anglaise intitulée Trade-marks Act 1994 (Loi de 1994 sur les marques de commerce), ch. 26, interdit à toute personne d'utiliser une marque « identique » à une marque déposée pour des produits ou services identiques. Dans quelques décisions anglaises, les tribunaux ont conclu que le terme « identique » pouvait englober des situations où [traduction] « le défendeur, dans le cadre de son commerce, emploie comme marque un mot qui est la marque déposée d'une autre personne en combinaison avec d'autres mots » : Asprey & Garrard Ltd. v. WRA (Guns) Ltd., [2001] E.W.J. no 4357 (C.A.), résumant (à la page 7) l'approche adoptée dans trois décisions antérieures, soit British Sugar PLC v. James Robertson & Sons Ltd., [1996] R.P.C. 281 (Chancery Division); Aktiebolaget Volvo v. Heritage (Leicester) Ltd., [2000] F.S.R. 253 (Chancery Division); Decon Laboratories Ltd. v. Fred Baker Scientific Ltd., [2001] R.P.C. 17 (Chancery Division). A & W me demande d'appliquer la même approche en l'espèce et de conclure que, parce que « Chicken McGrill » englobe la marque « Chicken Grill » , l'article 19 a été violé.


[16]      Toutefois, dans l'affaire Asprey, précitée, la Cour d'appel d'Angleterre a souligné que l'argument présenté par A & W en l'espèce soulevait certains doutes. La Cour d'appel a conclu que, dans cette affaire où la demanderesse Asprey contestait l'emploi, par la défenderesse, de la marque « William R. Asprey Esq » , le juge de première instance avait eu tort de rendre un jugement sommaire sur la question de la contrefaçon. La Cour d'appel a dit que la question serait bientôt tranchée par la Cour européenne de justice dans une affaire portant sur le paragraphe 5(1) de la première directive 89/104/CEE du Conseil sur les marques de commerce qui est identique au paragraphe 10(1) de la loi anglaise. Le droit n'était pas suffisamment clair pour que le juge de première instance puisse rendre un jugement sommaire sur ce point. En fin de compte, en 2003, la Cour de justice des Communautés européennes a conclu que « [l]e critère d'identité du signe et de la marque doit faire l'objet d'une interprétation restrictive » , ce qui implique que « les deux éléments comparés soient en tous points les mêmes » : LTJ Diffusion SA c. Sadas Vertbaudet SA (affaire C-291/00, 20 mars 2003), au paragraphe 50. La Cour européenne a dit, au pararagraphe 54 :

[...]

l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen.

[17]      Je ne vois rien dans le droit anglais ou européen qui puisse étayer l'argument d'A & W, à moins de conclure que la différence entre « Chicken Grill » et « Chicken McGrill » est à ce point insignifiante qu'elle passerait inaperçue aux yeux d'un consommateur moyen. Comme nous le verrons plus loin, les parties ont présenté une importante preuve d'expert sur l'importance du préfixe « Mc » . Toutefois, cette preuve n'a pas permis d'établir que le préfixe est si insignifiant qu'il risque de passer inaperçu aux yeux d'un consommateur moyen.

(iii) Conclusion relative à la contrefaçon


[18]      A & W prétend que si l'emploi, par McDonald, de « Chicken McGrill » n'est pas une contrefaçon d'une marque de commerce, McDonald pourrait alors apposer le préfixe « Mc » devant la marque de commerce de n'importe quelle société et l'adopter. Selon ce raisonnement, McDonald pourrait vendre unproduit appelé « McWhopper » ou « McPepsi » . En principe, cet argument est percutant, mais il n'a été retenu dans aucune décision invoquée en l'espèce.

[19]      Suivant le droit canadien actuel, l'emploi, par McDonald, de « Chicken McGrill » ne constitue pas une contrefaçon de la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W. La question principale qui se pose, par conséquent, est celle de la confusion.

2. L'emploi, par McDonald, de la marque de commerce « Chicken McGrill » crée-t-il de la confusion avec la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W, ce qui contrevient au pararagraphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce?

a) Confusion directe et confusion inverse

[20]      A & W plaide que nous sommes en présence d'un cas de « confusion inverse » . Habituellement, dans une affaire de confusion relative à une marque de commerce, le demandeur allègue que la marque du défendeur amène les clients à croire que les marchandises du défendeur proviennent du demandeur. C'est ce qu'on appelle la « confusion directe » . La confusion inverse survient lorsque le demandeur allègue que la marque du défendeur amène les clients à croire que les marchandises du demandeur proviennent du défendeur.


[21]      Si A & W alléguait la confusion directe, elle prétendrait que la marque de commerce de McDonald amène les clients de McDonald à croire que le « Chicken McGrill » est un produit d'A & W ou, à tout le moins, qu'il a un lien quelconque avec A & W. Mais ce n'est pas ce que A & W prétend en l'espèce. Elle prétend plutôt que la marque de commerce de McDonald amène les clients d'A & W à croire que le « Chicken Grill » provient de chez McDonald ou, à tout le moins, qu'il a un lien quelconque avec McDonald. Les parties conviennent qu'il s'agit d'un moyen de réclamation inédit en droit canadien.

[22]      A & W reconnaît qu'aucune jurisprudence au Canada ne traite de la confusion inverse. Néanmoins, elle fait valoir que l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce reconnaît implicitement la confusion inverse.

(i) Les éléments juridiques de la « confusion inverse »

[23]      La notion de la confusion inverse semble bien acceptée aux États-Unis. Un auteur américain important la décrit en ces termes :

[traduction]    La règle de la confusion inverse dépend largement des faits et son application dépend de la présence d'un ensemble de faits essentiels. L'exemple type de ce type d'affaire, c'est celui d'un utilisateur nouveau qui dispose d'un pouvoir économique beaucoup plus grand et qui, en toute connaissance de cause, inonde le marché de publicité concernant une marque quasi semblable qui crée de la confusion et qui finit par l'emporter sur le pouvoir et la valeur de la marque de commerce de l'utilisateur plus ancien. Lorsque les faits diffèrent de ce modèle, la règle de la confusion inverse ne s'applique pas. (J. Thomas McCarthy, McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, 4e éd., Danvers, MA; Thomson West, 2004, ch. 23:10, à la p. 23:46.


[24]      Toutefois, les tribunaux américains paraissent moins dogmatiques que McCarthy au sujet des exigences relatives à la confusion inverse. Les parties conviennent que l'arrêt de principe sur la question de la confusion inverse est A & H Sportswear Co., Inc. v. Victoria's Secret Stores, Inc., 167 F. Supp. 2d 770 (E.D.P. 2001). Dans cette affaire, la demanderesse était un fabricant de maillots de bain vendus sous la marque de commerce « Miraclesuit » , enregistrée en 1992. La défenderesse vendait des articles de lingerie fine et des maillots de bains sous la marque « The Miracle Bra » , enregistrée en 1994. La demanderesse a prétendu que la défenderesse utilisait une marque qui créait de la confusion, en ce sens que les consommateurs étaient amenés à croire que la demanderesse vendait des marchandises qui provenaient de la défenderesse, autrement dit, qu'elle créait de la confusion inverse. La cour de district a conclu que la demanderesse avait établi le bien-fondé de sa cause.

[25]      Toutefois, il est très clair que la cour de district a abordé la question de la confusion inverse exactement de la même façon qu'elle aurait abordé celle de la confusion directe. Elle n'a appliqué aucun critère spécial et elle n'a pas non plus insisté sur la preuve du scénario présenté par McCarthy.

[26]      La cour a commencé par comparer les deux types de confusion :


[traduction]    La confusion directe se produit habituellement lorsque le client pense, à tort, que les marchandises du nouvel utilisateur proviennent de la même source ou ont un rapport avec les marchandises de l'ancien utilisateur. Par contre, lorsqu'il s'agit de confusion inverse, le client achète les marchandises de l'ancien utilisateur en croyant, à tort, qu'il achète les marchandises du nouvel utilisateur. Cette situation se produit habituellement lorsqu'une personne qui connaît bien le nouvel utilisateur, plus connu, entre ensuite en contact avec l'ancien, moins connu et, à cause de la ressemblance des marques, pense à tort, que l'ancien utilisateur est le même que le nouvel utilisateur ou qu'ils sont associés. Plutôt que tenter de tirer profit de la marque de commerce de l'ancien utilisateur, le nouvel utilisateur tente d'inonder le marché et de submerger l'ancien utilisateur. Il s'ensuit que l'ancien utilisateur perd la valeur de sa marque de commerce, la notoriété de son produit et celle de sa société, le contrôle sur son achalandage et sa réputation, ainsi que sa capacité de développer de nouveaux marchés. (Notes de bas de page omises.) (Aux pages 776 et 777.)

[27]      La cour décrivait ainsi la situation dans laquelle la confusion inverse était susceptible de se produire; elle n'établissait pas un critère juridique applicable à la preuve de certains faits. Cela ressort clairement du passage suivant du jugement :

[traduction]    La confusion inverse n'est pas complètement différente du cas de la confusion directe. Pour les deux types de réclamations, la présence ou l'absence de confusion demeure la clé. [...] La question de savoir si la confusion est fondée sur la croyance que les marchandises ou les services de la défenderesse sont ceux de la demanderesse (probabilité de confusion directe) ou sur la croyance que les produits ou les services de la demanderesse sont ceux de la défenderesse (probabilité de confusion inverse) n'est qu'une question accessoire. (Notes de bas de page omises.) (À la page 777.)

[28]      La cour a ensuite examiné les facteurs dont il faut tenir compte dans toute affaire où on allègue la confusion. Il s'agit des « facteurs Lapp » , ainsi appelés d'après la décision Interpace Corp. v. Lapp, Inc., 721 F.2d 460 (3rd Cir. 1983). Les voici :

1.          le degré de ressemblance entre la marque du propriétaire et la marque qui serait contrefaite;

2.          la force de la marque de commerce du propriétaire;

3.          le prix des marchandises et d'autres facteurs qui révèlent le soin et l'attention qu'on attend des consommateurs lorsqu'ils effectuent un achat;

4.          la période pendant laquelle la défenderesse a utilisé la marque sans qu'il y ait preuve de confusion;

5.          l'intention de la défenderesse en adoptant la marque;

6.          la preuve d'une véritable confusion;

7.          si les marchandises, qu'elles soient ou non en concurrence, sont mises en marché par les mêmes circuits de distribution et annoncées dans les mêmes médias;

8.          la mesure dans laquelle les cibles des efforts promotionnels des parties sont les mêmes;

9.          le rapport entre les deux produits dans l'esprit des consommateurs;


10.        d'autres faits qui donnent à penser que les consommateurs pourraient s'attendre à ce que le premier propriétaire fabrique les deux produits ou qu'il fabrique un produit dans le marché de la défenderesse ou que le premier propriétaire soit susceptible d'empiéter sur le marché de la défenderesse.

[29]      La cour a ensuite examiné chaque facteur en notant que [traduction] « tout comme pour les critères de la confusion directe, il faut évaluer chacun des dix facteurs, aucun n'étant en soi concluant » (à la page 777).

[30]      Par conséquent, le critère de la confusion inverse aux États-Unis est le même que le critère de la confusion directe. Si la confusion inverse résultera habituellement de faits particuliers, les tribunaux appliquent néanmoins les mêmes critères que dans toute autre affaire de confusion.

(ii) La confusion visée par la Loi sur les marques de commerce du Canada est-elle assez large pour englober la confusion inverse?

[31]      Selon la Loi sur les marques de commerce, la personne qui vend des marchandises en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion viole le droit du propriétaire de la marque enregistrée (article 20). Une marque crée de la confusion lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure aux consommateurs que les marchandises des deux parties proviennent de la même source (paragraphe 6(2)). Pour décider si une marque crée de la confusion, la Cour doit examiner toutes les circonstances de l'espèce, notamment les facteurs suivants :


a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;

c) le genre de marchandises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent (paragraphe 6(5)).

[32]      Je ne vois rien dans la Loi qui oblige la partie demanderesse à invoquer la confusion directe. La Loi est assez large pour viser à la fois la confusion directe et la confusion inverse. Les deux types de confusion donnant droit à une action en vertu de la Loi, et les mêmes critères s'appliquent.

[33]      Il n'est donc pas nécessaire de s'appuyer sur les lois, la doctrine, la jurisprudence ou les critères américains pour trancher une demande fondée sur la confusion inverse au Canada.

b) La preuve de la confusion

(i) Preuve de confusion réelle

[34]      A & W a présenté des éléments de preuve afin de démontrer que ses clients confondent réellement le sandwich « Chicken Grill » d'A & W et le « Chicken McGrill » de McDonald.

[35]      M. Rex Oquendo est un client à la fois d'A & W et de McDonald. Il s'arrête quatre fois par semaine au A & W de l'autoroute 1 à Brandon (Manitoba) lorsqu'il effectue des livraisons, mais il amène à l'occasion ses enfants chez McDonald. La première fois qu'il a aperçu « Chicken Grill » sur le menu d'A & W, il a pensé qu'il s'agissait du « Chicken McGrill » de McDonald. Il a constaté que la seule différence était l'absence du préfixe « Mc » . À cause de la similitude des noms, il s'est demandé si A & W avait conclu une entente avec McDonald qui lui permettrait de vendre un produit portant un nom semblable. Il a reconnu que les deux produits étaient différents et que l'emballage était différent. Il préfère le sandwich d'A & W.

[36]      Quelques franchisés d'A & W ont témoigné que des clients avaient commandé un « Chicken McGrill » dans leur restaurant. Souvent, par contre, les clients demandaient tout simplement un sandwich au poulet ou un sandwich au poulet grillé, sans mentionner le nom du produit en particulier.

[37]      Il s'agit d'une preuve très faible de confusion réelle. Un seul client, M. Oquendo, s'est simplement demandé si A & W avait conclu une entente avec McDonald concernant l'appellation « Chicken Grill » . Il n'a pas conclu qu'en réalité le sandwich d'A & W était préparé par McDonald. Les franchisés d'A & W qui ont témoigné pouvaient uniquement affirmer que quelques clients s'étaient trompés au cours d'une opération qui dure habituellement une minute ou deux. A & W avait demandé à ses 200 franchisés du Canada anglais s'ils connaissaient des clients qui avaient confondu « Chicken Grill » et « Chicken McGrill » . Seule une poignée de personnes ont répondu oui.


(ii) Preuve tirée d'enquêtes

[38]      Mme Ruth Corbin, spécialiste en recherches en sciences sociales, a témoigné à l'appui de la prétention d'A & W selon laquelle les clients confondraient vraisemblablement la source du sandwich « Chicken Grill » et celle du sandwich « Chicken McGrill » . Elle a mené une étude auprès de quatre groupes de répondants afin de mesurer jusqu'à quel point les consommateurs associent « Chicken Grill » à une source en particulier et pour tenter d'expliquer les motifs pour lesquels ils le feraient. Voici un résumé des résultats obtenus :

      Tableau 3 - Source de quatre sandwichs différentsselon les répondants

        Chicken

           Grill

       (n=286)*

     Chicken

      Skillet

    (n=337)*

        Bacon

          Grill

      (n=311)*

        Chicken

        McGrill

       (n=283)*

McDonald

          13 %

         2 %

           5 %

           73 %

PFK

           10 %

         9 %

           0 %

            2 %

Burger King

            9 %

         2 %

          10 %

            1 %

Wendy's

            5 %

         3 %

          11 %

            1 %

A & W

           3 %

         0 %

           2 %

            0 %

Harvey's

            3 %

         ‹1 %

           5 %

            1 %

Autres

            8 %

         5 %

           1 %

            1 %

Ne sait pas/Refuse de répondre

           53 %

        78 %

          70 %

           23 %

[39]      Mme Corbin a insisté sur les données suivantes tirées de son enquête :


·      Quand on a demandé aux répondants de dire qui vendrait le sandwich « Chicken Grill » , 13 p. 100 ont dit « McDonald » . (Le chiffre est un peu plus élevé (15 p. 100) si on exclut le Québec, où les parties utilisent quelquefois un nom différent pour leurs produits.) McDonald a été nommé plus que tout autre restaurant. Seulement 3 p. 100 des participants ont dit « A & W » . Une majorité de répondants ont dit qu'ils ne le savaient pas (53 p. 100).

·      Quand on leur a demandé qui vendrait le sandwich appelé « Chicken Skillet » (poulet cuit à la poêle, un produit fictif), 2 p. 100 des consommateurs ont dit « McDonald » . Aucun n'a dit « A & W » . La réponse la plus commune était « PFK » (9 p. 100). Une grande majorité ont répondu qu'ils ne le savaient pas (78 p. 100).

·      Quand on leur a demandé qui vendrait un sandwich appelé « Bacon Grill » (bacon grillé, un autre produit fictif), 5 p. 100 des consommateurs ont dit « McDonald » . Seulement 2 p. 100 ont dit « A & W » . La réponse la plus fréquente a été « Wendy's » (11 p. 100). Encore une fois, une grande majorité des participants ont répondu qu'ils ne le savaient pas (70 p. 100).

·      Quand on leur a demandé qui vendrait le « Chicken McGrill » , 73 p. 100 des consommateurs ont répondu « McDonald » . Aucun n'a dit « A & W » . Près d'un quart des répondants ont dit qu'ils ne le savaient pas (23 p. 100).


[40]      Mme Corbin a tiré plusieurs conclusions de ces résultats : McDonald est plus susceptible que tout autre restaurant d'être perçu à tort comme étant la source du « Chicken Grill » . Cette erreur est probablement due à la similitude des deux noms et au fait que les consommateurs connaissent bien le « Chicken McGrill » de McDonald. Plusieurs répondants (73 p. 100) ont dit, avec raison, que McDonald fabriquait ce sandwich. Cela explique pourquoi certains d'entre eux (13 p. 100) pensent à McDonald quand ils entendent « Chicken Grill » , même si en réalité le produit provient d'A & W.

[41]      Selon Mme Corbin, il ne peut pas s'agir de simples conjectures de la part des consommateurs. Par exemple, ses répondants n'ont pas dit que McDonald était la source probable de tous les sandwichs au poulet. Peu d'entre eux (2 p. 100) pensaient que McDonald pourrait vendre un sandwich appelé « Chicken Skillet » . Ils n'ont pas non plus associé facilement McDonald et tous les sandwichs contenant un aliment grillé; seulement 5 p. 100 étaient d'avis que McDonald pourrait vendre un « Bacon Grill » . Par conséquent, la mesure dans laquelle les consommateurs pensent que McDonald vend le sandwich d'A & W ne s'explique pas par une simple réaction aux deux mots du nom « Chicken Grill » . Il doit y avoir une autre raison. Puisque les consommateurs connaissent bien le produit de McDonald, l'explication la plus probable, selon Mme Corbin, est la confusion entre « Chicken Grill » et « Chicken McGrill » .


[42]      McDonald conteste le raisonnement de Mme Corbin. La société a demandé à M. Chuck Chakrapani, expert en statistique et en recherche en mise en marché, d'examiner l'étude de Mme Corbin. Dans son analyse écrite et dans son témoignage, M. Chakrapani fait état de quatre points de désaccord principaux. Premièrement, M. Chakrapani a mis en doute le choix des répondants dans l'étude de Mme Corbin. Pour mesurer la confusion, selon lui, il faut évaluer l'impression des personnes qui connaissent la marque de commerce de la demanderesse. Or, Mme Corbin a soumis ses questions à des personnes qui fréquentent habituellement les restaurants rapides plutôt qu'aux clients de A & W spécifiquement. En fait, seulement 40 p. 100 de ses répondants s'étaient rendus chez A & W au cours des six mois qui ont précédé l'étude.


[43]      Deuxièmement, M. Chakrapani a contesté l'analyse qu'a faite Mme Corbin des données provenant de ses deux groupes de témoin. Mme Corbin a comparé le pourcentage de répondants qui croyaient qu'un « Chicken Grill » provenait de McDonald (13 p. 100) et le pourcentage de participants qui s'attendaient à y trouver un « Chicken Skillet » (2 p. 100) ou un « Bacon Grill » (5 p. 100). Elle a conclu que, parce que les derniers groupes étaient beaucoup plus petits que le premier, il fallait que ce soit la combinaison du mot « Chicken » et du mot « Grill » qui ait suggéré aux consommateurs un rapport avec McDonald plutôt que les mots pris individuellement. Mais M. Chakrapani croit cependant que l'approche de Mme Corbin ne tient pas compte de l'effet potentiel des autres termes dans le nom des sandwichs fictifs. Par exemple, les consommateurs ont pu voir le mot « skillet » (poêle) et penser à un restaurant qui vend de la friture plutôt qu'à McDonald. En fait, dans l'enquête de Mme Corbin, la réponse la plus populaire associée au « Chicken Skillet » était la chaîne PFK, bien connue pour le poulet frit. De même, dans le deuxième groupe témoin, les consommateurs ont pu s'attarder au mot « bacon » plutôt qu'au mot « grill » . Les réponses les plus fréquentes associées au « Bacon Grill » ont été « Burger King » et « Wendy's » . Les consommateurs ont peut-être associé ces restaurants au bacon. On ne le sait tout simplement pas.

[44]      Troisièmement, M. Chakrapani avance que le degré d'erreur identifié par Mme Corbin n'est pas significatif du point de vue statistique. Encore une fois, 13 p. 100 des répondants étaient d'avis que le « Chicken Grill » provenait de McDonald. Cependnat, 10 p. 100 d'entre eux estimaient qu'il provenait de PFK et 9 p. 100, de Burger King. M. Chakrapani a prétendu que ces différences étaient trop peu importantes pour tirer quelque conclusion que ce soit sur la fréquence à laquelle les consommateurs associent McDonald et « Chicken Grill » .

[45]      Quatrièmement, M. Chakrapani a dit que, d'après la recherche de Mme Corbin, peu de consommateurs font un lien quelconque entre « Chicken Grill » et A & W. Seulement 3 p. 100 des répondants ont reconnu qu'A & W était la source du « Chicken Grill » . La plupart d'entre eux ont nommé un autre restaurant ou n'ont tout simplement pas répondu. Par contre, personne n'a cru qu'A & W était la source du « Chicken McGrill » . Ces données, prétend-il, n'appuient aucunement la conclusion que les consommateurs sont susceptibles de confondre la source des deux produits. En fait, les données appuient l'argument de McDonald selon lequel les consommateurs croient vraisemblablement que « Chicken Grill » est un terme générique qui s'applique à un sandwich, plutôt qu'une marque de commerce.


[46]      McDonald a appelé à la barre un autre expert au sujet de l'étude de Mme Corbin. M. Ivan Ross a dit que l'analyse de Mme Corbin soulevait trois difficultés. Premièrement, il doute de l'opportunité des questions posées par Mme Corbin. Selon lui, ses questions invitaient les participants à deviner puisqu'on leur demandait qui « vendrait » un sandwich donné plutôt que qui « vend » ce sandwich. En outre, Mme Corbin a dit aux répondants que « Chicken Grill » était une marque de commerce et elle ne leur a pas demandé s'ils reconnaissaient ce nom. Selon M. Ross, ces problèmes expliquent les réponses à la question [traduction] « Qui vendrait un sandwich appelé Chicken Grill? » . Les consommateurs ont nommé dix restaurants différents (c.-à-d. qu'ils ont deviné) et plus de la moitié d'entre eux ont répondu qu'ils ne savaient pas (c.-à-d. que « Chicken Grill » ne leur est pas apparu comme une marque de commerce).

[47]      Deuxièmement, M. Ross a mis en doute la légitimité des groupes témoin de Mme Corbin, c'est-à-dire ceux qui ont été interrogés au sujet du sandwich « Chicken Skillet » ou « Bacon Grill » . Il croyait qu'il s'agissait de moyens de vérification peu fiables parce qu'ils s'écartaient trop du produit visé par l'étude (c.-à-d. « Chicken Grill » ). Il a repris l'opinion exprimée par M. Chakrapani et il a affirmé que l'utilisation d'un nom comportant deux mots, dans les groupes témoin, ne permettait pas de déterminer la signification de chaque mot individuellement. Il aurait utilisé un seul groupe témoin et il aurait proposé un nom semblable à « Chicken Grill » . En outre, il ne pensait pas que « Chicken Skillet » et « Bacon Grill » pouvaient être des sandwichs. Cela expliquait, selon lui, pourquoi tant de personnes ne pouvaient nommer aucun restaurant susceptible de vendre ces produits (78 p. 100 et 70 p. 100 respectivement des deux groupes témoin).

[48]      Troisièmement, M. Ross a estimé que les conclusions de Mme Corbin n'étaient pas étayées par ses propres données. Il a dit que, selon l'analyse de Mme Corbin, 73 p. 100 des consommateurs croient que le « Chicken McGrill » provient de McDonald et que personne ne croit qu'A & W vend ce sandwich. Il a reconnu que 13 p. 100 des consommateurs ont cru, à tort, que McDonald vendait le sandwich « Chicken Grill » , mais presque autant ont dit que le vendeur était PFK (10 p. 100) et Burger King (9 p. 100). Bref, les chiffres révèlent qu'il est peu probable que les consommateurs estiment que le « Chicken Grill » provient de McDonald ou que le « Chicken McGrill » provient de A & W. En d'autres termes, il n'y a aucune preuve de confusion, qu'elle soit directe ou inverse.


[49]      Quelle conclusion la Cour peut-elle tirer de cette preuve? Après avoir examiné les rapports d'experts et les témoignages en détail, je ne saurais conclure que la preuve découlant de l'étude révèle l'existence d'une confusion. Je crois comprendre que l'analyse de Mme Corbin est fondée sur une prémisse tacite, à savoir que les consommateurs à qui on a posé des questions concernant le sandwich « Chicken Grill » connaissaient déjà le sandwich « Chicken McGrill » ou en avaient entendu parler et que certains ont confondu les deux. Son étude a bien révélé que près des trois quarts des clients des établissements de restauration rapide ont reconnu que McDonald était la source du « Chicken McGrill » . Mais, selon moi, cela ne veut pas nécessairement dire que les trois quarts de ces personnes connaissaient le « Chicken McGrill » ou en avaient déjà entendu parler. Tout ce que nous savons, c'est que la plupart des personnes qui entendent l'expression « Chicken McGrill » pensent à McDonald. Toutefois, Mme Corbin s'est fondée sur cette conclusion pour dire que les consommateurs qui croyaient que le « Chicken Grill » provenait de McDonald devaient penser au « Chicken McGrill » et confondre les deux. Nous ne savons cependant tout simplement pas si ces personnes connaissaient déjà le « Chicken McGrill » .

[50]      Mme Corbin prétend que la seule explication raisonnable des données obtenues, c'est que les consommateurs ont confondu les deux marques, puisque McDonald a été nommé plus que tout autre restaurant comme étant la source du « Chicken Grill » et vu les résultats des groupes témoin. À cet égard, je suis d'accord avec M. Chakrapani et M. Ross. Les résultats provenant des groupes témoin ne me convainquent pas que les consommateurs ont fait un lien particulier entre « Chicken Grill » et McDonald. « Chicken Skillet » et « Bacon Grill » me semblent des noms peu probables pour des sandwichs. En outre, selon moi, l'ajout des mots « skillet » et « bacon » suscite le « bruit de fond » statistique au lieu de l'éliminer. Bref, l'usage des groupes témoin n'écarte pas la possibilité que les personnes qui ont nommé McDonald comme étant la source du sandwich « Chicken Grill » l'ont fait pour des raisons complètement étrangères à l'existence du « Chicken McGrill » , notamment la présence dominante de McDonald dans le marché de la restauration rapide.

[51]      En outre, je suis frappé par le fait que presque autant de personnes croyaient que le « Chicken Grill » provenait de PFK ou de Burger King que de McDonald. Cela ressort des données brutes de l'étude de Mme Corbin. On a demandé à 286 personnes quel restaurant vendrait le sandwich « Chicken Grill » . Voici les résultats obtenus :

·      152 ont dit : « Je ne sais pas »


·      36 ont mentionné McDonald

·      27 ont mentionné PFK

·      23 ont mentionné Burger King

·      17 ont mentionné Wendy's

·      12 ont mentionné A & W

·      7 ont mentionné Harvey's

·      8 ont mentionné Subway

·      6 ont mentionné Dairy Queen

·      5 ont mentionné St-Hubert

·      3 ont mentionné Swiss Chalet

·      1 a mentionné Arby's

[52]      Mme Corbin soutient que le nombre de personnes qui ont mentionné McDonald est significatif sur le plan statistique. MM. Chakrapani et Ross ne sont pas d'accord. Selon moi, les chiffres bruts ne révèlent pas d'association particulière entre « Chicken Grill » et McDonald. Ces chiffres n'établissent pas non plus que les consommateurs se sont trompés parce qu'ils connaissaient déjà le « Chicken McGrill » . Il est manifeste que 250 des 286 répondants à qui on a posé la question concernant le « Chicken Grill » n'ont pas du tout pensé à McDonald. Ceux qui y ont pensé ont donné diverses raisons de le faire, raisons qui ont également été mentionnées par les personnes qui ont nommé d'autres restaurants.

[53]      M. Chakrapani a préparé sa propre enquête sur la confusion. Il a posé des questions à des clients d'A & W concernant le sandwich « Chicken McGrill » . Une grande majorité d'entre eux (71 p. 100) en avaient déjà entendu parler. Quand on leur a posé la question ouverte [traduction] « Que pouvez-vous me dire concernant un sandwich Chicken McGrill? » , plusieurs clients ont mentionné spontanément McDonald (18 p. 100). Quand on leur a demandé de nommer la source précise du « Chicken McGrill » , la plupart (70 p. 100) savaient qu'il s'agissait de McDonald. Moins de 1 p. 100 ont mentionné A & W. Vu ces résultats, M. Chakrapani a conclu qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable que les consommateurs confondent la source des deux sandwichs. En particulier, il a conclu que les clients d'A & W ne croyaient pas que le « Chicken McGrill » provenait d'A & W. Par conséquent, il n'y a aucune preuve de ce qu'on appelle la « confusion directe » .


[54]      Quant à la « confusion inverse » , A & W prétend qu'une deuxième étude effectuée par M. Chakrapani étaye son argument selon lequel les consommateurs croient que le « Chicken Grill » provient de McDonald. L'étude de M. Chakrapani visait à déterminer si les consommateurs associent « Chicken Grill » et A & W ou s'ils croient que « Chicken Grill » est un terme générique. Il a conclu que peu de consommateurs (2 p. 100 seulement) associent l'expression « Chicken Grill » à un restaurant en particulier. Ils avaient davantage tendance à penser à des méthodes de préparation des aliments (65 p. 100) ou à la nutrition (18 p. 100). Seulement 0,3 p. 100 ont mentionné A & W. Même quand on leur a demandé précisément s'ils croyaient qu'un restaurant en particulier était associé au sandwich « Chicken Grill » , la plupart (69 p. 100) n'ont encore là pas mentionné une entreprise quelconque. Ceux qui ont pensé à un restaurant ont nommé McDonald (13 p. 100), PFK (6 p. 100), Wendy's (5 p. 100), Burger King (4 p. 100), Harvey's (3 p. 100) et A & W (0,6 p. 100). M. Chakrapani a qualifié ces chiffres d'aléatoires puisqu'ils ne révèlent aucune association digne d'être mentionnée entre « Chicken Grill » et une source en particulier.

[55]      Pour sa part, A & W s'est quelque peu réjouie de ces résultats. Même s'ils révèlent clairement une très faible connaissance de la marque « Chicken Grill » , ils indiquent également que certains clients (13 p. 100) croient que le sandwich « Chicken Grill » provient de McDonald. Selon A & W, il s'agit d'une preuve importante de « confusion inverse » .

[56]      Je ne crois pas que les résultats de M. Chakrapani appuient la thèse d'A & W. M. Chakrapani a conclu que la grande majorité des répondants ne font aucun lien entre le nom « Chicken Grill » et un restaurant. Ce n'est que lorsqu'on a insisté que 13 p. 100 ont mentionné McDonald, soit un pourcentage équivalant à la part du marché de McDonald. Cela laisse à penser que les répondants pourraient avoir tout simplement deviné. Par contre, dans l'autre sondage de M. Chakrapani, 18 p. 100 des répondants ont spontanément associé les termes « Chicken McGrill » et McDonald, alors que moins de 1 p. 100 ont mentionné un autre restaurant. Par conséquent, l'association de « Chicken McGrill » et McDonald est forte, alors que l'association de « Chicken Grill » et une source en particulier est insignifiante; son rapport avec A & W est presque non existant.

[57]      Dans l'ensemble, je dois conclure que la preuve statistique n'établit aucunement la confusion.

(iii) Preuve linguistique

[58]      Mme Julie Sedivy, une linguiste, a dit que les consommateurs étaient susceptibles de confondre les marques « Chicken Grill » et « Chicken McGrill » . Selon Mme Sedivy, la ressemblance des deux expressions dans le son, l'apparence et le sens font en sorte que les consommateurs les confondraient. Elle croit que le préfixe « Mc » est susceptible d'être mal prononcé ou complètement omis dans une conversation. En outre, l'ajout du « Mc » ne change rien au sens de l'expression « Chicken Grill » .

[59]      Mme Sedivy a dit que l'expression « Chicken Grill » était un groupe « nom-nom » . Les groupes nom-nom sont plus complexes et plus difficiles à comprendre que les groupes adjectif-nom. Dans ce dernier cas, le lien entre les deux composants est prévisible : l'adjectif, habituellement à gauche en anglais, modifie le nom, qui se trouve habituellement à droite. Dans son rapport écrit, Mme Sedivy donne les exemples suivants [traduction]: « Un étudiant intelligent est un étudiant qui a la caractéristique d'être intelligent; un garçon blond est un garçon qui a la caractéristique d'être blond; un poulet grillé est un poulet qui a la caractéristique d'être grillé, etc. » .   


[60]      Par contre, le lien entre les termes dans une expression qui comporte deux noms est moins clair. Le plus souvent, son sens se comprend du contexte et, à la longue, tous se font la même idée du sens de l'expression. Néanmoins, ces expressions ont un certain sens intrinsèque ou prévisible. En fait, elles ressemblent souvent aux expressions adjectif-nom: le mot qui se trouve en premier qualifie en quelque sorte le deuxième. Ainsi, le mot composé « house boat » s'entend d'un bateau-logement alors que « boat house » est une remise à bateaux. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une nouvelle expression composée de deux noms, il faut souvent d'avord songer à sa signification possible, puis la mémoriser en tant qu'expression comportant comportant deux termes. Mme Sedivy soutient que les consommateurs qui entendent deux mots composés semblables de type nom-nom, par exemple « Chicken Grill » et « Chicken McGrill » les joindront probablement en mémoire et quand ils tenteront de les récupérer, ils les confondront.

[61]      Selon l'analyse de Mme Sedivy, l'expression composée nom-nom « Chicken Grill » pourrait vouloir dire un restaurant, un outil de cuisine, un événement culinaire ou un plat. Le sens n'est pas clair. L'emploi qu'en fait A & W pour qualifier un sandwich n'est pas conforme au modèle habituel des expressions anglaises nom-nom, dans lesquelles le mot de gauche qualifie le mot de droite. L'expression « Chicken Grill » , dans un restaurant A & W, n'est pas un gril du tout, il s'agit d'un sandwich au poulet grillé. Comme tel, le mot composé « Chicken Grill » ne décrit pas le produit; il ne fait que suggérer certaines de ses caractéristiques.


[62]      Mme Sedivy estime que le préfixe « Mc » n'aide pas les consommateurs à distinguer le « Chicken Grill » du « Chicken McGrill » . Elle a dit que le « Mc » était « un morphème flexionnel » , c'est-à-dire un élément de langage qui ne modifie pas le sens du radical auquel il est attaché et qui ne change pas non plus sa catégorie grammaticale. Elle l'a comparé au « s » qui s'ajoute à un mot pour désigner le pluriel ou au « ed » qui modifie, en anglais, le temps du verbe. Le morphème ne change pas le sens de l'expression dans laquelle il apparaît (c'est-à-dire « Chicken McGrill » ), particulièrement lorsqu'il se trouve au milieu. En outre, il n'amènerait pas les consommateurs à enregistrer cette expression ou à la rechercher dans leur mémoire d'une manière distincte d'une expression semblable dépourvue du préfixe « Mc » (c'est-à-dire « Chicken Grill » ).

[63]      En outre, Mme Sedivy estime que les consommateurs ne prononceraient pas le « Mc » clairement. En fait, ils pourraient tout bonnement l'omettre dans leurs conversations.

[64]      Par conséquent, les résultats de l'enquête de Mme Corbin dans laquelle les consommateurs ont associé « Chicken Grill » plus souvent à McDonald qu'à d'autres restaurants n'ont pas du tout étonné Mme Sedivy. Elle était d'accord avec Mme Corbin que cette erreur pouvait s'expliquer par l'existence du « Chicken McGrill » .


[65]      McDonald a demandé à M. Peter Reich, également linguiste, de réagir à l'analyse de Mme Sedivy. Il n'était pas d'accord avec plusieurs conclusions tirées par Mme Sedivy. Il croit que l'expression « Chicken Grill » correspond à une structure assez courante pour le nom d'aliments. Il arrive souvent que l'on décrive un mets par une expression nom-nom, un des noms étant l'ingrédient principal et l'autre le mode de préparation. Dans ce type d'expression, il n'est pas inhabituel que le premier mot désigne l'ingrédient et le deuxième, le mode de préparation. M. Reich a donné les exemples suivants : « fish fry (poisson frit), lobster bake (homard cuit au four), pork roast (rôti de porc), chicken stew (ragoût de poulet)et steak barbecue (bifteck grillé) » . En se fondant sur sa recherche dans les dictionnaires et sur l'Internet, M. Reich a conclu que le terme « grill » était fréquemment utilisé dans ce type d'expression pour décrire un plat. Il a conclu que les expressions « seafood grill » (fruits de mer grillés), « fish grill » (poisson grillé) et « steak grill » (bifteck grillé), ainsi que « chicken grill » (poulet grillé), étaient très répandues. Quand il a effectué une recherche sur l'Internet au sujet de « chicken grill » , il a trouvé le nom de restaurants, de recettes et de plats, dont des sandwichs.

[66]      M. Reich a conclu de son analyse que « Chicken Grill » a [traduction] « un sens commun et ordinaire dans la langue anglaise, à savoir un repas qui comprend du poulet qui a été cuit au grill » . Si l'expression « Chicken Grill » est utilisée dans un restaurant qui vend des sandwichs, les consommateurs comprendront qu'il s'agit d'un sandwich au poulet grillé. Selon M. Reich, l'expression « Chicken Grill » ne peut avoir aucun autre sens pertinent dans ce contexte. Par conséquent, « Chicken Grill » ne fait pas que suggérer le produit qu'il nomme, il le décrit très clairement.


[67]      M. Reich a également affirmé que le préfixe « Mc » a un sens clair, bien connu et bien précis: il signifie « de McDonald » . Comme tel, il n'est pas d'accord avec Mme Sedivy lorsqu'elle prétend que « Mc » n'ajoute pratiquement rien lorsqu'il est inséré dans l'expression « Chicken Grill » . En outre, vu son sens distinct, le préfixe « Mc » ne sera probablement pas omis par les consommateurs dans une conversation ordinaire. Enfin, selon M. Reich, le préfixe « Mc » distingue clairement le « Chicken McGrill » du « Chicken Grill » , ce qui rend peu probable que les consommateurs les confondent. Pour lui, il n'est pas significatif qu'un petit nombre de consommateurs aient commandé un « Chicken McGrill » dans un restaurant A & W. Il est d'avis qu'il s'agit d'un simple lapsus.

[68]      Globalement, étant donné la preuve des deux experts, j'estime que le préfixe « Mc » a un sens et que, dans les circonstances en cause, il diminue sensiblement la possibilité de confusion concernant la source du produit de chacune des parties. Je suis convaincu que l'opinion de M. Reich décrit mieux comment un consommateur moyen réagit au nom des sandwichs des parties.

(iv) Preuve sur la mise en marché

[69]      Mme Alexandra Campbell, spécialiste en mise en marché, a témoigné à l'appui de la position de McDonald selon laquelle il est peu probable que les consommateurs confondent la source des sandwichs au poulet grillé des parties. Elle était d'avis que A & W n'avait tout simplement pas fait suffisamment de publicité pour son sandwich pour que les consommateurs le connaissent ou en connaissent la source.


[70]      Mme Campbell a analysé les activités de mise en marché et de communication d'A & W concernant le sandwich « Chicken Grill » . Elle a constaté que les principaux efforts de mise en marché d'A & W ont eu lieu entre 1989 et 1991 et qu'ils ont diminué par la suite. Par conséquent, les ventes du « Chicken Grill » sont passées de 8 p. 100 du total des ventes en 1989 à 1,5 p. 100 par la suite. Les ventes n'ont augmenté que lorsque A & W a augmenté la publicité ou a offert des coupons rabais. Les ventes ont diminué quand les activités de mise en marché ont été réduites, surtout entre 1992 et 1996.

[71]      A & W a relancé le « Chicken Grill » en 1997 et en a fait la publicité dans ses restaurants par la voie de coupons rabais. Encore une fois, les ventes ont augmenté et ont atteint 8 p. 100 pendant la période de publicité et elles ont diminué pour atteindre 2 p. 100 par la suite. Il n'y a eu aucune publicité relative au « Chicken Grill » depuis 2001.

[72]      Mme Campbell estime que la stratégie de mise en marché d'A & W concernant le « Chicken Grill » était insuffisante pour susciter un effet de notoriété dans l'esprit des consommateurs. Elle estime qu'il faut communiquer fréquemment avec les consommateurs pour que ceux-ci connaissent une marque lorsqu'il s'agit de produits qu'ils achètent souvent et qui sont peu coûteux, comme des sandwichs. En outre, elle croit que l'usage par A & W de coupons rabais pour promouvoir le « Chicken Grill » lui a peut-être nui. Ces coupons rabais peuvent augmenter les ventes à court terme, mais à long terme, ils peuvent avoir pour effet de diminuer la fidélité à la marque.


[73]      Mme Campbell a conclu que son opinion était étayée par les enquêtes effectuées par M. Chakrapani. Aucun consommateur ne se souvenait avoir acheté un « Chicken Grill » . Peu d'entre eux (seulement 2 p. 100) l'ont associé à un restaurant en particulier, et moins encore (0,3 p. 100) savaient qu'A & W en était la source. Les consommateurs connaissent donc très peu le produit « Chicken Grill » , ce qui donne à penser que les acheteurs ne l'associeraient pas à une source en particulier, et par conséquent, qu'ils ne pourraient se tromper entre deux sources possibles. Par contre, l'utilisation du préfixe « Mc » , selon elle, accentuait la notoriété de la marque et décrivait bien la source du « Chicken McGrill » .

c) Application du critère relatif à la confusion

[74]      Comme je l'ai dit, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, ainsi que des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, pour décider si la marque de commerce « Chicken McGrill » de McDonald crée de la confusion.

(i)    Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont connues

[75]      La preuve susmentionnée relative aux enquêtes donne à penser que la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W n'est pas bien connue et n'est pas particulièrement associée à A & W ou à un autre restaurant. Plusieurs consommateurs estiment qu'il s'agit d'une expression qui suggère les caractéristiques du produit auquel elle est liée plutôt que le nom d'un produit.

[76]      Par contre, « Chicken McGrill » est fortement associé à McDonald. Le nom décrit également quelque peu les caractéristiques du produit, mais les consommateurs ont tout de suite l'impression que McDonald en est la source.


[77]      Ce facteur contredit l'allégation de confusion d'A & W.

(ii) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[78]      A & W utilise la marque de commerce « Chicken Grill » depuis 1988. McDonald utilise la marque « Chicken McGrill » depuis 2001. Comme je l'ai dit, la preuve établissant que les consommateurs ont confondu les deux marques pendant leurs existence simultanée est très mince. En outre, A & W n'a pas été en mesure d'établir une connaissance publique, si connaissance il y a, de sa marque de commerce depuis 1988. McDonald a démontré que le public associe très fortement la société et sa marque de commerce « Chicken McGrill » . Cela donne à penser qu'il est peu probable qu'il y ait confusion directe, mais permet de penser qu'il y aurait peut-être confusion inverse.

(iii) Le genre de marchandises


[79]      Les parties vendent des marchandises quasi identiques, soit des sandwichs au poulet grillé. Ces produits sont peu coûteux et sont vendus dans un environnement qui donne peu d'occasions à l'acheteur de réfléchir à son choix. Comme le souligne Mme Campbell, il est très difficile de créer une notoriété pour ce type de produit sans faire beaucoup de publicité. A & W n'a pas fait de publicité vigoureuse de son produit depuis 1997. Elle n'a fait aucune publicité dans les principaux médias pour le « Chicken Grill » depuis son lancement initial en 1989, lorsqu'elle a dépensé un million de dollars pour faire de la publicité. Par conséquent, les consommateurs connaissent très peu la marque « Chicken Grill » .

[80]      McDonald a fait la promotion de la vente de son produit avec beaucoup de vigueur. La société a consacré 1,2 million de dollars en publicité en 2002 uniquement pour le « Chicken McGrill » . Elle n'a rien dépensé en 2003, mais elle a renouvelé sa campagne de publicité pour le « Chicken McGrill » en 2004, lorsqu'elle a dépensé 600 000 $ au cours des six premiers mois de l'année. Les dépenses de McDonald, de même que l'identificateur de son produit, savoir le préfixe « Mc » , expliquent pourquoi le public connaît très bien la source du « Chicken McGrill » . Selon Mme Campbell, McDonald a pris les moyens qu'il fallait pour faire connaître des produits peu coûteux, notamment des sandwichs, aux consommateurs. Encore une fois, ce facteur révèle une absence de confusion directe, mais pourrait néanmoins permettre d'accueillir un argument fondé sur la confusion inverse.

(iv) La nature du commerce


[81]      Les deux parties exploitent le même type d'entreprise, mais elles visent des segments différents de la population. A & W vise surtout les consommateurs adultes, alors que McDonald mise davantage sur les enfants. Les parties sont des concurrents dans une industrie qui vaut 12 milliards de dollars. Elles ne vendent leurs produits que dans leurs propres locaux. Selon moi, le consommateur moyen de restauration rapide connaît la différence entre McDonald et A & W et les distingue facilement; il serait peu probable qu'il pense à l'existence d'un lien entre les deux à moins d'indices importants à l'effet contraire. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les consommateurs de sandwichs au poulet grillé qui, les parties en conviennent, sont surtout les adultes.

[82]      Selon moi, cela rend peu probable qu'une personne qui achète un « Chicken Grill » pense que le produit provient de McDonald, même si le nom ressemble quelque peu au « Chicken McGrill » de McDonald. Le consommateur ne serait pas non plus susceptible de penser qu'un « Chicken McGrill » provient de A & W. La nature concurrentielle de l'industrie milite contre toute confusion potentielle, qu'elle soit directe ou inverse.

(v) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[83]      Les noms des produits en cause en l'espèce sont, bien entendu, semblables. Ils suggèrent également des qualités semblables et des caractéristiques semblables. Toutefois, le préfixe « Mc » minimise la possibilité de confusion directe. Il donne un signe clair et bien connu que la source du produit est McDonald.


[84]      Quant à la confusion inverse, rien dans les termes « chicken » et « grill » ne désigne en soi McDonald. Je sais qu'il y a une certaine preuve à l'effet contraire dans les études de Mme Corbin et de M. Chakrapani. Toutefois, pour les motifs susmentionnés, cette preuve ne me convainc pas que l'association entre « Chicken Grill » et McDonald découle d'une confusion chez le consommateur. Elle est également compatible avec la possibilité que les participants aient deviné en se fondant sur la part importante du marché occupée par McDonald.

(vi) Autres circonstances

[85]      A & W prétend que je dois également considérer l'indifférence de McDonald à l'égard de la marque de commerce d'A & W comme un facteur aggravant. Je constate que l' « intention » fait partie des facteurs expressément mentionnés dans le critère américain relatif à la confusion dont nous avons parlé plus haut. Ce critère ne figure pas dans la Loi sur les marques de commerce canadienne. Néanmoins, je suis d'accord avec A & W que l'attitude de la défenderesse pourrait faire partie des circonstances de l'espèce dont la Cour peut tenir compte sous le régime du paragraphe 6(5) de la Loi.


[86]      McDonald connaissait la marque de commerce d'A & W avant d'enregistrer la sienne. Ses avocats avaient effectué une recherche du registre des marques de commerce. Néanmoins, McDonald a décidé d'utiliser « Chicken McGrill » malgré les objections d'A & W. McDonald ne pensait pas qu'A & W, qu'elle a qualifiée d'entreprise « familiale » , était un concurrent important. Elle s'est sentie obligée d'utiliser le même nom qu'utilisait aux États-Unis sa maison mère. Je conviens, avec A & W, que McDonald ne s'est pas montrée très sensible à la place d'A & W au sein du marché et qu'elle n'a pas accordé à sa marque de commerce tout le respect qu'elle aurait souhaité. Toutefois, cela ne m'aide pas à trancher la question de la confusion. McDonald a décidé d'utiliser « Chicken McGrill » , et la question dont je suis saisi est de savoir si l'emploi de cette marque de commerce a créé de la confusion.

d) Conclusion en matière de confusion

[87]      Vu l'ensemble de la preuve et des circonstances de l'espèce, ainsi que les critères pertinents, je ne suis pas convaincu que l'emploi, par McDonald, de la marque « Chicken McGrill » crée de la confusion. Il y a certainement très peu de preuve de confusion directe. Quant à la confusion inverse, je reconnais la possibilité qu'elle existe dans les circonstances de l'espèce. Toutefois, la preuve dont je suis saisi n'étaye pas la prétention d'A & W.

3. L'emploi, par McDonald, de « Chicken McGrill » a-t-il entraîné la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W, ce qui contrevient au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce?

[88]      La juge Danièle Tremblay-Lamer a précisé deux conditions qui doivent être satisfaites pour qu'un demandeur puisse avoir gain de cause en ce qui concerne une allégation de perte d'achalandage :                           

Premièrement, le public doit voir un rapport entre les marques des deux parties. Deuxièmement, l'emploi par [la défenderesse] doit avoir pour effet probable de créer dans l'esprit du public une impression défavorable propre à déprécier l'achalandage attaché aux marques de commerce de [la demanderesse].


ITV Technologies, Inc. c. WK Television Ltd., [2003] A.C.F. no 1335 (QL), 2003 CF 1056, 29 C.P.R. (4th) 182, à la p. 231.

[89]      Il découle de mon analyse de la question de la confusion que, en l'espèce, la preuve n'établit guère que les consommateurs voient un rapport entre les deux marques. En outre, A & W n'a présenté aucune preuve d'atteinte à sa réputation. Elle prétend que l'atteinte est évidente du fait que les ventes du « Chicken McGrill » de McDonald sont plus de cinq fois plus élevées que celles du « Chicken Grill » . Je ne saurais cependant accepter seul ce fait comme étant une preuve de préjudice; les ventes globales de McDonald sont à peu près cinq fois celles d'A & W.

[90]      Toutefois, A & W prétend également qu'elle a subi une forme de préjudice moins tangible. Elle soutient que si l'on autorise McDonald à continuer d'utiliser « Chicken McGrill » , A & W perdra le contrôle de sa marque déposée. Rien n'empêcherait plus d'autres entreprises d'employer d'autres variantes de l'expression « Chicken Grill » .

[91]      La perte de contrôle ou la dilution de la force d'une marque de commerce peut constituer une forme de diminution de la valeur de l'achalandage : Orkin Exterminating Co. Inc. c. Pestco Co. of Canada Ltd. (1985), 5 C.P.R. (3d) 433 (C.A. Ont.); Meubles Domani's c. Guccio Gucci S.A., [1992] A.C.F. no 536 (C.A.F.) (QL). Toutefois, je ne crois pas que les circonstances en l'espèce donnent ouverture à une demande fondée sur la perte de contrôle d'une marque déposée.

[92]      Dans l'arrêt Orkin, précité, par exemple, la défenderesse utilisait la marque de commerce déposée de la demanderesse en Ontario. La demanderesse ne faisait pas affaire en Ontario, mais elle voulait s'y installer. La Cour d'appel de l'Ontario a décidé que la perte d'occasion de la demanderesse d'utiliser sa marque de commerce dans un lieu où elle avait établi de l'achalandage, sans avoir encore commencé son exploitation, constituait une perte d'achalandage.

[93]      Le raisonnement appliqué dans Orkin ne s'applique pas en l'espèce. Premièrement, McDonald n'utilise pas la marque de commerce d'A & W. Elle utilise sa propre marque de commerce. Deuxièmement, McDonald n'a pas empêché A & W d'utiliser sa marque dans les circuits de distribution qu'elle choisit. Sous réserve uniquement d'une déclaration d'invalidité de sa marque de commerce, A & W peut l'utiliser comme elle le veut.

[94]      Par conséquent, rien n'étaye à mon avis la prétention d'A & W concernant la perte d'achalandage.

4. La marque de commerce « Chicken Grill » d'A & W est-elle invalide parce qu'elle n'est pas distinctive, comme l'exige l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce?


[95]      Il incombe à McDonald de démontrer que la marque de commerce d'A & W n'est pas distinctive. Une marque déposée est présumée valide sauf si le contraire est établi : General Motors du Canada c. Moteurs Décarie Inc., [2001] 1 C.F. 665, [2000] A.C.F. no 1653 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 31.

[96]      McDonald se fonde sur les parties suivantes de la preuve décrites plus en détail ci-dessus :

·      le témoignage de M. Chakrapani donnant à penser que le « Chicken Grill » est très peu connu et, par conséquent, que les consommateurs peuvent interpréter cette expression comme étant le nom générique d'un produit alimentaire plutôt qu'une marque de commerce;

·      l'opinion de M. Reich selon laquelle l'expression « Chicken Grill » suit une pratique courante pour l'appellation d'aliments préparés;

·      le témoignage de M. Campbell indiquant que A & W n'a pas fait suffisamment de publicité de sa marque de commerce pour que les consommateurs la retiennent.

[97]      Pour sa part, A & W invoque :

·      l'opinion de Mme Sedivy selon l'expression « Chicken Grill » constitue un groupe « nom-nom » qui suggère les caractéristiques du produit d'A & W et qui ne fait pas que le décrire;


·      ses efforts considérables pour faire respecter la marque déposée en empêchant d'autres entreprises de la contrefaire.

[98]      Le mot « distinctive » est défini à l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce :

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[99]      À mon avis, McDonald a démontré que la marque de commerce « Chicken Grill » n'est pas bien connue ni associée d'emblée à A & W. Toutefois, cela n'est pas suffisant pour les besoins de l'alinéa 18(1)b) de la Loi. McDonald n'a pas démontré que la marque de commerce d'A & W est si peu distinctive qu'elle ne distingue pas le produit d'A & W des produits offerts par d'autres restaurants. Par conséquent, la demande reconventionnelle de McDonald est rejetée.

V. Décision

[100] L'action intentée par A & W pour contrefaçon de marque de commerce en vertu des articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce est rejetée avec dépens. La demande reconventionnelle de McDonald en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi est également rejetée avec dépens.


                                           JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.       L'action de la demanderesse est rejetée avec dépens.

2.       La demande reconventionnelle de la défenderesse est rejetée avec dépens.

                                                                          « James W. O'Reilly »          

                                                                                                     Juge                    

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


                                                Annexe



Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13

2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

                             [...]

« distinctive »

Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

Idem

(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

                             [...]

Éléments d'appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

Quand l'enregistrement est invalide

18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide dans les cas suivants_:

                             [...]

b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l'enregistrement;

                             [...]

Droits conférés par l'enregistrement

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

Violation

20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne_:

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce_:

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

Dépréciation de l'achalandage

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

Trade-Marks Act 1994, Royaume-Uni, ch. 26

Contrefaçon d'une marque enregistrée

10.(1) Toute personne contrefait une marque enregistrée si elle utilise dans la pratique des affaires un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

Première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (Journal officiel no L 40 du 11/02/1989, p. 1-7)

Droits conférés par la marque

5. (1) La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

                             [...]

Trade-marks Act, R.S.C. 1985, c. T-13

2. In this Act,

                               ...

"distinctive" in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

When mark or name confusing

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

                               ...

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

When registration invalid

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

                               ...

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced,

                               ...

Rights conferred by registration

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.

Infringement

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

Depreciation of goodwill

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Trade-Marks Act 1994, U.K., c. 26

Infringement of registered trade mark.

10. (1) A person infringes a registered trade mark if he uses in the course of trade a sign which is identical with the trade mark in relation to goods or services which are identical with those for which it is registered.

First Directive 89/104/EEC of the Council, of 21 December 1988, to Approximate the Laws of the member States relating to Trade Marks (OJEC No. L 40 of 11.2.1989, p. 1-7)

Rights conferred by a trade mark

5. (1) The registered trade mark shall confer on the proprietor exclusive rights therein. The proprietor shall be entitled to prevent all third parties not having his consent from using in the course of trade:

(a) any sign which is identical with the trade mark in relation to goods or services which are identical with those for which the trade mark is registered;

                               ...



COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2023-01

INTITULÉ :                                        SERVICES ALIMENTAIRES A & W DU CANADA INC.

c. LES RESTAURANTS McDONALD DU CANADA LIMITÉE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                DU 13 AU 23 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       LE 23 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Ron Dimock                                          POUR LA DEMANDERESSE

Michael Crinson

Ronald Slaght                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Nina Bombier

Jonathan Colombo

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DIMOCK STRATTON                        POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

LENCZNER SLAGHT ROYCE             POUR LA DÉFENDERESSE

SMITH GRIFFIN

Toronto (Ontario)


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