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Date : 20201209


Dossier : T-1849-17

Référence : 2020 CF 1131

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2020

En présence de l’honorable madame la juge Roussel

ENTRE :

SÉBASTIEN RACICOT

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Le demandeur, Sébastien Racicot, est policier à l’emploi de la Gendarmerie royale du Canada [GRC] depuis 1997.

[2]  Le 14 août 2014, une altercation survient entre M. Racicot et son ex-conjointe à la résidence familiale. La fille du couple est témoin des évènements. Dans les jours qui suivent l’altercation, l’ex-conjointe de M. Racicot porte plainte contre lui pour voies de fait auprès du service de police municipal. Le 20 août 2014, M. Racicot est arrêté, puis libéré sous promesse de comparaître. Il porte plainte à son tour contre son ex-conjointe pour voies de fait.

[3]  À la suite de son arrestation, M. Racicot informe son superviseur des procédures intentées par le service de police municipal. Une semaine plus tard, la GRC avise M. Racicot qu’une enquête déontologique sera intentée à son égard concernant les évènements du 14 août 2014 en vertu de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [Loi sur la GRC]. Le mandat d’enquête ne comprend alors qu’une allégation. Celle-ci reproche notamment à M. Racicot d’avoir omis de se comporter d’une manière à éviter de jeter le discrédit sur la GRC en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[4]  Le 11 novembre 2014, la Direction des poursuites criminelles et pénales communique sa décision de ne pas poursuivre d’accusations de nature criminelle contre M. Racicot et son ex-conjointe au motif de preuve insuffisante.

[5]  En raison d’informations dévoilées lors de l’enquête, la GRC lance un second mandat d’enquête en février 2015. Quatre (4) nouvelles allégations sont ajoutées. Celles-ci portent entre autres sur l’utilisation par M. Racicot du téléphone cellulaire fourni par la GRC afin de communiquer avec sa fille à des fins personnelles inappropriées ou non autorisées et d’avoir, le ou vers le 16 octobre 2014, discuté de l’évènement du 14 août 2014 avec celle-ci et tenté de l’influencer. La GRC reproche à nouveau à M. Racicot d’avoir omis de se comporter d’une manière à éviter de jeter le discrédit sur la GRC en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[6]  Le 25 mai 2015, M. Racicot reçoit le rapport d’enquête du Groupe des normes professionnelles de la Division « C » daté du 21 mai 2015 concernant les cinq [5] allégations.

[7]  Le 20 juillet 2015, l’autorité disciplinaire signe un avis de rencontre disciplinaire dans lequel elle énonce les cinq (5) allégations portées contre M. Racicot. Elle informe également M. Racicot qu’elle a déterminé qu’il existe une preuve suffisante à l’égard de quatre (4) de ces allégations, lui permettant ainsi de conclure prima facie que sa conduite était contraire au Code de déontologie. Elle avise M. Racicot de son droit de présenter des observations par écrit avant la tenue d’une rencontre déontologique. Celle-ci a lieu le 10 septembre 2015.

[8]  Le 23 septembre 2015, l’autorité disciplinaire rend sa décision. Elle conclut que trois (3) des cinq (5) allégations ont été établies et que M. Racicot a contrevenu aux articles 4.6 et 7.1 du Code de déontologie.

[9]  Concernant l’allégation découlant de l’altercation survenue le 14 août 2014 (allégation no 1), l’autorité disciplinaire constate que les versions de M. Racicot et de son ex-conjointe sont contradictoires et retient plutôt celle présentée par leur fille qui corrobore en partie celle de l’ex-conjointe. L’autorité disciplinaire rejette l’argument soulevé par M. Racicot que sa fille aurait été victime d’aliénation parentale aux mains de sa mère. L’autorité disciplinaire ajoute qu’en tant que policier, M. Racicot se devait d’éviter des confrontations physiques lorsque d’autres options étaient disponibles. Compte tenu de la situation tendue dans laquelle il se retrouvait, M. Racicot aurait dû prendre les moyens nécessaires pour diminuer la tension et non l’aggraver. Il devait également respecter les droits d’autrui, dont ceux de son ex-conjointe. L’autorité disciplinaire conclut qu’une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail de policier en général et celles de la GRC en particulier, serait d’avis que M. Racicot ne s’est pas comporté d’une manière à éviter de jeter le discrédit sur la GRC en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[10]  Concernant l’utilisation des biens et du matériel fournis par l’État à des fins non autorisées (allégation no 3), l’autorité disciplinaire note l’admission de M. Racicot ainsi que son explication selon laquelle il n’était pas au courant de l’interdiction et n’avait jamais été avisé par un superviseur de ne pas utiliser le cellulaire du bureau à des fins personnelles. L’autorité disciplinaire souligne toutefois que l’enquête a révélé qu’entre le 27 mai 2014 et le 18 août 2014, 2 847 messages SMS ont été envoyés et/ou reçus entre le numéro de cellulaire de bureau de M. Racicot et le numéro de son ex-conjointe à toute heure de la journée, peu importe la journée de la semaine. De plus, entre le 26 mai 2014 et le 17 octobre 2014, 534 messages SMS ont été envoyés et/ou reçus entre le numéro de cellulaire de bureau de M. Racicot et celui de sa fille. L’autorité disciplinaire estime qu’une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail de policier en général et celles de la GRC, serait d’avis que M. Racicot n’a pas utilisé le cellulaire du bureau de façon raisonnable. Il l’a plutôt utilisé à de nombreuses reprises à des fins personnelles inappropriées et non autorisées pour communiquer avec sa fille et son ex-conjointe, en contravention de l’article 4.6 du Code de déontologie.

[11]  Enfin, quant à l’allégation selon laquelle M. Racicot aurait eu des communications avec sa fille dans le but de l’influencer dans sa version des faits (allégation no 4), l’autorité disciplinaire rejette l’explication de M. Racicot selon laquelle il avait le droit de parler à sa fille et de corriger les faits parce que sa version ne représentait pas ce qui était arrivé. L’autorité disciplinaire souligne entre autres que l’enquête a révélé la transmission de 90 messages SMS entre M. Racicot et sa fille dans une période de 24 heures entre le 16 et 17 octobre 2014. S’appuyant sur certains de ces échanges, l’autorité disciplinaire conclut que M. Racicot a exercé des pressions indues sur sa fille dans le but d’influencer son témoignage et de lui faire changer sa version des faits, alors qu’une enquête criminelle et une enquête déontologique en vertu de la partie IV de la Loi sur la GRC étaient en cours.

[12]  L’autorité disciplinaire impose les mesures suivantes :

  • (a) Allégation no 1 : l’obligation d’assister à des séances de consultation ou de compléter un programme de réadaptation abordant la violence conjugale avant le 1er juin 2016 et une pénalité financière équivalente à seize (16) heures de salaire;

  • (b) Allégation no 3 : un avertissement;

  • (c) Allégation no 4 : l’obligation d’assister à des séances de consultation ou de compléter un programme de réadaptation abordant la gestion de la colère avant le 1er juin 2016 et une pénalité financière équivalente à huit (8) heures de salaire.

[13]  M. Racicot porte cette décision en appel. Il soulève deux (2) motifs d’appel.

[14]  Il soutient d’abord que l’autorité disciplinaire a commis une erreur manifeste et déterminante en ne tenant pas compte de tous les éléments essentiels à la détermination de l’allégation no 1. Il allègue notamment que l’autorité disciplinaire n’a pas considéré la jurisprudence en matière de crédibilité des témoins et d’aliénation parentale qu’il a présentée. Il reproche également à l’autorité disciplinaire d’avoir omis de tenir compte des éléments suivants : (1) l’ensemble de ses déclarations qui étaient identiques et cohérentes entre elles, contrairement à celles de son ex-conjointe; (2) le rapport du test de polygraphe démontrant qu’il disait la vérité; (3) la scène de l’altercation reconstituée lors de la rencontre disciplinaire; (4) son droit à la légitime défense lors de l’altercation du 14 août 2014; et (5) la déclaration d’un voisin. De manière générale, M. Racicot estime que l’autorité disciplinaire n’a pas évalué convenablement la crédibilité des témoins et a ignoré certains éléments de preuve.

[15]  Quant aux allégations no 3 et no 4, M. Racicot reproche à l’autorité disciplinaire d’avoir erré dans son interprétation des normes de conduite applicables. Il allègue d’abord qu’une personne raisonnable n’aurait pas conclu que l’utilisation de son téléphone du travail était abusive, déraisonnable ou inappropriée. Il soutient également que l’autorité disciplinaire aurait dû tenir compte de son rôle de père interagissant avec sa fille dans l’évaluation de la personne raisonnable.

[16]  Son appel est renvoyé pour examen devant le Comité externe d’examen de la GRC [CEE] conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Dans son rapport du 18 avril 2017, le CEE recommande à l’arbitre de rejeter l’appel et de confirmer la décision de l’autorité disciplinaire.

[17]  Le 23 octobre 2017, l’arbitre en matière d’appel accepte les recommandations du CEE, rejette l’appel et confirme la décision de l’autorité disciplinaire. Dans sa décision, l’arbitre passe en revue le rapport d’enquête, les déclarations de M. Racicot, de son ex-conjointe et de leur fille, les observations écrites de M. Racicot devant l’autorité disciplinaire, la rencontre disciplinaire et la décision de l’autorité disciplinaire, les observations écrites en appel de M. Racicot ainsi que le rapport du CEE. Concernant le premier motif d’appel, l’arbitre rejette les arguments soulevés par M. Racicot voulant que l’autorité disciplinaire n’ait pas considéré certains éléments de preuve, comme les résultats de son test de polygraphe, ou sa thèse de légitime défense. L’arbitre souligne que le test de polygraphe fait partie du dossier considéré par l’autorité disciplinaire et que celle-ci n’était pas tenue de traiter explicitement de chacun des éléments de preuve ou arguments soulevés par M. Racicot. L’arbitre est également d’avis que l’autorité disciplinaire n’a pas erré dans son appréciation de la crédibilité des témoins. Rappelant d’abord qu’un degré élevé de retenue doit être accordé sur cette question, l’arbitre conclut que l’autorité disciplinaire a bien décrit les déclarations, expliqué le rejet des déclarations contradictoires de M. Racicot et de son ex-conjointe et fourni les raisons justifiant le poids accordé à la version des faits présentée par leur fille. L’arbitre indique également être d’accord avec l’autorité disciplinaire qu’il n’y avait aucun élément de preuve démontrant que la fille de M. Racicot avait été influencée par sa mère dans son témoignage ou qu’il y avait eu aliénation parentale.

[18]  Quant au deuxième motif d’appel, l’arbitre conclut que l’autorité disciplinaire n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans son interprétation et son application de la norme de conduite. D’une part, pour l’allégation no 3, l’arbitre indique ne pas être convaincu que l’autorité disciplinaire a rendu une décision manifestement déraisonnable vu le nombre de messages envoyés et reçus pendant la période visée et l’admission de M. Racicot. D’autre part, pour l’allégation no 4, l’arbitre conclut qu’à la lumière de la déclaration de sa fille et des messages textes qu’il lui a envoyés, M. Racicot ne s’est pas comporté comme un parent raisonnable qui tente de raisonner avec sa fille. Tout comme l’autorité disciplinaire et le CEE, l’arbitre conclut qu’une personne raisonnable sachant que des enquêtes criminelle et déontologique étaient en cours n’aurait pas agi comme M. Racicot l’a fait. Il aurait dû « s’abstenir d’incessamment inciter [sa fille] à opter pour sa version des faits alors qu’elle était si décisive par rapport à la sienne ».

[19]  M. Racicot demande à cette Cour d’infirmer la décision rendue par l’arbitre et d’ordonner le remboursement des vingt-quatre (24) heures sans solde qui lui ont été imposées ainsi que les frais des examens de polygraphe déboursés.

[20]  Concernant l’allégation no 1, M. Racicot reproche à l’arbitre de s’être indûment attardé à la question de la crédibilité des témoins et de ne pas avoir fait « mention du principe de défense en vertu de l’article 34 du Code criminel », LRC 1985, c C-46. Il soumet également que l’omission de considérer les résultats du test de polygraphe qui confirmaient qu’il disait la vérité constitue « elle aussi une erreur manifeste et déterminante ».

[21]  En ce qui a trait aux allégations no 3 et 4, M. Racicot soutient que la décision de l’arbitre n’est pas raisonnable parce qu’il n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve. Notamment, il reproche à l’arbitre de ne pas avoir accepter son explication que les échanges SMS avaient été, pour une partie considérable, initiés par son ex-conjointe et que ces échanges avaient eu lieu dans le cadre de procédures de divorce. Quant aux messages envoyés à sa fille, il réitère qu’il croyait sincèrement qu’il y avait présence d’aliénation parentale ce qui devait minimiser le poids octroyé à l’usage du téléphone pour communiquer avec elle. À cet égard, il ajoute que les messages démontrent clairement qu’ils ne visaient pas à forcer sa fille à changer sa déclaration, mais plutôt à ne pas perdre son respect. Enfin, M. Racicot soutient que la compétence de statuer sur la présence d’aliénation parentale appartient à la Cour supérieure du Québec et que sa crainte à ce sujet était objective si l’on tient compte des déclarations qui démontrent une animosité sérieuse de la part de son ex-conjointe à son égard.

II.  Analyse

[22]  La Cour ne peut souscrire à la position de M. Racicot selon laquelle son argument concernant la légitime défense serait assujetti à la norme de la décision correcte puisqu’il s’agit d’une question de droit.

[23]  Depuis l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de contrôle présumée est celle de la décision raisonnable. Cette présomption peut être réfutée dans deux (2) types de situations : (1) lorsque le législateur a prescrit l’utilisation d’une norme particulière ou a prévu un mécanisme d’appel; ou (2) lorsque la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. L’exception de la primauté du droit couvre les questions constitutionnelles, les questions de droit d’importance capitale pour le système dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov aux para 10, 16-17).

[24]  La question de légitime défense soulevée par M. Racicot peut être considérée, tout au plus, comme une question mixte de fait et de droit. Puisqu’aucune des exceptions ne s’applique en l’instance, la Cour entend examiner la décision selon la norme de la décision raisonnable.

[25]  Lorsque la norme du caractère raisonnable s’applique, le point de départ est la retenue judiciaire et le respect du rôle distinct des décideurs administratifs (Vavilov au para 75). La Cour s’intéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov au para 83). Elle doit se demander si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov au para 99). Elle ne se demande pas « quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’“éventail” des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution “correcte” au problème » (Vavilov au para 83). Il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov au para 100).

[26]  Après examen du dossier, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. M. Racicot n’a pas démontré en quoi la décision de l’arbitre est déraisonnable.

[27]  Concernant la thèse de M. Racicot selon laquelle il se défendait contre les voies de fait de son ex-conjointe lors de l’altercation du 14 août 2014, l’arbitre considère l’argument de M. Racicot au paragraphe 49 de sa décision, mais le rejette aux paragraphes 90 à 95. Il est d’avis que l’autorité disciplinaire n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante dans son appréciation de la crédibilité des témoins.

[28]  M. Racicot reconnait que sa déclaration des faits et celle de son ex-conjointe sont contradictoires. Puisque l’autorité disciplinaire a jugé la déclaration de sa fille crédible, l’arbitre ne pouvait raisonnablement infirmer la décision sur une question de crédibilité que si l’autorité disciplinaire avait commis une erreur manifeste et déterminante (Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794 au para 77 ; Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71 aux para 45-47). L’autorité disciplinaire et l’arbitre ayant retenu la version des faits de sa fille, M. Racicot ne pouvait raisonnablement soutenir un droit à la légitime défense.

[29]  L’arbitre a de plus considéré l’argument de M. Racicot selon lequel l’autorité disciplinaire n’aurait pas tenu compte de ses résultats de polygraphe. Toutefois, il l’estime mal fondé. Rappelant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, l’arbitre souligne que l’autorité disciplinaire n’était pas tenue de commenter dans ses motifs tous les arguments et éléments de preuve présentés par M. Racicot. Il est néanmoins d’avis qu’il ressort clairement de la décision que l’autorité disciplinaire a considéré et décrit correctement la version relatée par M. Racicot relativement à l’incident survenu le 14 août 2014 et qu’elle a présenté des motifs détaillés à l’appui de sa décision. À cet effet, il note que l’autorité disciplinaire souligne avoir basé sa conclusion sur toute l’information obtenue dans le cadre de l’enquête. Or, le rapport du polygraphe en faisait partie.

[30]  Concernant l’utilisation inappropriée et non autorisée du cellulaire fourni par la GRC, l’arbitre a pris en compte tous les arguments de M. Racicot sur cette question, incluant le fait qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi, que le nombre de messages envoyés et reçus était raisonnable dans les circonstances, qu’aucuns frais additionnels n’avaient été octroyés à la GRC, que l’utilisation n’avait pas affecté son travail et qu’il avait cessé l’utilisation dès qu’il a été informé que l’utilisation à des fins personnelles était prohibée.

[31]  L’arbitre estime toutefois que l’utilisation du téléphone était déraisonnable en raison de son usage fréquent à des fins personnelles non autorisées. Considérant les centaines de messages personnels envoyés par M. Racicot à sa fille et leurs contenus ainsi que le caractère blasphématoire de plusieurs messages transmis à son ex-conjointe, la Cour estime qu’il était tout à fait raisonnable pour l’arbitre, comme l’autorité disciplinaire, de conclure que ce comportement contrevenait au Code de déontologie et que l’utilisation du cellulaire était inappropriée.

[32]  Par ailleurs, tant l’arbitre que l’autorité disciplinaire ont déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour conclure que la fille de M. Racicot était victime d’aliénation parentale aux mains de son ex-conjointe. Au contraire, ils concluent que c’est plutôt M. Racicot qui a tenté d’influencer sa fille. L’arbitre est d’avis que peu importe les prétentions de M. Racicot sur ses intentions en communiquant avec sa fille concernant l’altercation du 14 août 2014, il ressort du témoignage de sa fille ainsi que des messages SMS en preuve que M. Racicot ne s’est pas comporté comme un parent raisonnable qui tente de raisonner avec sa fille. L’arbitre pouvait raisonnablement conclure ainsi à la lumière de la preuve devant lui.

[33]  Quant à l’argument que l’autorité disciplinaire et l’arbitre n’avaient pas la compétence pour trancher la question d’aliénation parentale, la Cour ne peut y souscrire. M. Racicot a soumis cette question à l’autorité disciplinaire et à l’arbitre. Ils ont déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour conclure que la fille de M. Racicot était victime d’aliénation parentale aux mains de sa mère. M. Racicot ne peut maintenant prétendre qu’ils n’avaient pas la compétence pour se prononcer sur un argument qu’il a lui-même soulevé.

[34]  En terminant, la Cour estime que M. Racicot n’a pas démontré que la décision de l’arbitre était déraisonnable. Il soumet les mêmes arguments qu’il a soulevés devant l’arbitre. Il tente à nouveau de démontrer qu’il ne faisait que se défendre légitimement lors de l’altercation et persiste à dire que son intention n’était pas d’influencer sa fille. Or, ces arguments ont été considérés par l’autorité disciplinaire, le CEE et l’arbitre et ils ont été rejetés à chaque étape. Tout comme les décisions de l’autorité disciplinaire et du CEE, la décision de l’arbitre est justifiée, intelligible et transparente (Vavilov au para 99). M. Racicot demande essentiellement à cette Cour de réévaluer la preuve dans le but d’arriver à une conclusion différente. Il est bien reconnu en jurisprudence que tel n’est pas le rôle de cette Cour (Vavilov au para 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59).

[35]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au montant de 2 500,00 $ en faveur du Procureur général du Canada.


JUGEMENT au dossier T-1849-17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée; et

  2. Des dépens au montant de 2 500,00 $ sont accordés en faveur du Procureur général du Canada.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1849-17

INTITULÉ :

SÉBASTIEN RACICOT c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER DÉCEMBRE 2020

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 9 DÉCEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Constantin Kyritsis

Pour LE DEMANDEUR

Luc Vaillancourt

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rose Kyritsis Phaneuf

Avocats

Montréal (Québec)

Pour LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour LE DÉFENDEUR

 

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