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Date : 20201124


Dossier : T‑1184‑17

Référence : 2020 CF 1087

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

MERCK SHARP & DOHME CORP. et MERCK CANADA INC.

demanderesses

et

WYETH LLC

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Dans leur action en invalidation, Merck Sharp & Dohme Corp. et Merck Canada Inc. [Merck ou la demanderesse], qui s’occupent actuellement de la mise au point d’un vaccin antipneumococcique conjugué couvrant 15 sérotypes [V114], sollicitent une ordonnance invalidant un brevet de composition et deux brevets de formulation de Wyeth LLC, relativement au vaccin antipneumococcique conjugué que celle‑ci produit actuellement et qui couvre 13 sérotypes [Prevnar 13].

[2]  Étant donné que l’essai, d’une durée de 12 jours, est censé débuter le 30 novembre 2020, Merck dépose la présente requête en autorisation afin de pouvoir produire en réplique des rapports de ses trois experts.

[3]  Les parties ont produit jusqu’ici les rapports d’expert suivants à l’appui de leurs positions respectives :

(1)  Dans le cas de Merck (rapports déposés en juin 2020) :

M. Paton fait part de son opinion sur le brevet de composition, ce qui inclut les titres de compétence et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ainsi que l’interprétation des revendications, l’antériorité, l’évidence et la portée excessive ou l’absence d’utilité (son rapport compte 136 pages);

M. Kasper fait part de son opinion sur le brevet de composition, ce qui inclut les titres de compétences et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ainsi que l’interprétation des revendications sous l’angle de l’évidence de certaines d’entre elles qui se rapportent à la méthode ou au procédé (son rapport compte 47 pages);

M. Petrovsky fait part de son opinion sur les brevets de formulation, ce qui inclut les titres de compétence et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ainsi que l’interprétation des revendications, l’antériorité, l’évidence et le concept du double brevet (son rapport compte 118 pages).

(2)  Dans le cas de Wyeth (rapports déposés en septembre 2020) :

M. Ravenscroft fait part de son opinion sur le brevet de composition, ce qui inclut les titres de compétence et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ainsi que l’interprétation des revendications, l’antériorité et l’évidence. Il répond également aux opinions de MM. Paton et Kasper (son rapport compte 215 pages).

M. Dagan fait part de son opinion sur la mise au point des vaccins antipneumococciques, ce qui inclut les interférences avec le système immunitaire, la suppression provoquée par le vecteur ainsi que la sélection des sérotypes. Il répond également aux opinions de MM. Paton et Kasper (son rapport compte 114 pages).

M. Manning fait part de son opinion sur les brevets de formulation, ce qui inclut les titres de compétence et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ainsi que l’interprétation des revendications, l’antériorité, l’évidence et le concept du double brevet. Il répond également à l’opinion de M. Petrovsky (son rapport compte 208 pages).

[4]  Merck souhaite maintenant produire en réplique des rapports dans lesquels MM. Paton et Kasper font état de leur opinion sur de nouvelles questions que soulèvent MM. Ravenscroft et Dagan, de même qu’une réplique de M. Petrovsky à M. Manning au sujet des brevets de formulation [les rapports en réplique]. Outre son opinion en réplique sur le brevet de composition, M. Paton fait part d’une opinion en réfutation concernant l’historique de la poursuite des demandes de brevet de Wyeth auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [l’Office], comme l’autorise maintenant l’article 53.1 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 [l’opinion en réfutation].

II.  Les questions en litige

[5]  La seule question à trancher dans le cadre de la présente requête consiste à savoir s’il y a lieu d’autoriser Merck à signifier et à déposer les rapports en réplique et l’opinion en réfutation.

III.  Analyse

A.  Le droit applicable

[6]  Les règles générales qui régissent la production d’une preuve en réplique sont bien connues et relativement simples. Cependant, elles ne sont pas simples à appliquer dans le cadre d’une requête préliminaire, hors contexte et sans le tableau complet que les dépositions et les contre‑interrogatoires des experts brosseront devant la Cour à l’instruction de l’action.

[7]  Cela dit, le point de départ est le paragraphe 274(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], qui indique l’ordre dans lequel les parties présentent leur preuve :

274(1) Sous réserve du paragraphe (2), à l’instruction d’une action, sauf directives contraires de la Cour :

a)  le demandeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

b)  une fois que le demandeur a présenté sa preuve, le défendeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

c)  après que le défendeur a présenté sa preuve, le demandeur peut présenter une contre‑preuve.

[8]  Il existe quelques règles qui régissent et restreignent la nature de la preuve que les demandeurs peuvent produire en réplique. Elles découlent toutes du fait que le demandeur n’est pas autorisé à scinder sa preuve (R c Krause, [1986] 2 RCS 466 à la p 473); la preuve en réplique doit se rapporter aux questions soulevées en défense que le demandeur n’a pas soulevées dans le cadre de sa preuve principale (Amgen Canada Inc c Apotex Inc, 2016 CAF 121 au para 12).

[9]  Comme l’a déclaré le juge Manson dans la décision Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2019 CF 1309 au para 16, dans la décision Halford c Seed Hawk Inc, 2003 CFPI 141 au para 15, la Section de première instance de la Cour fédérale a réparti avec justesse cette règle en quatre principes :

1. La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

2. La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre‑interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

3. La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

4. Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

[10]  Dans la décision Merck‑Frosst c Canada (Santé), 2009 CF 914 au para 10 [Merck‑Frosst], le juge Zinn a ajouté quelques autres facteurs à prendre en compte au moment d’apprécier si les éléments de preuve introduits constituent une réplique appropriée :

a) ces éléments de preuve serviront‑ils les intérêts de la justice?

b) ces éléments de preuve aideront‑ils la Cour à trancher la question sur le fond?

c) l’accueil de la requête causera‑t‑il un préjudice grave ou substantiel à la partie adverse?

d) les éléments de la contre‑preuve étaient‑ils disponibles et (ou) était‑il possible d’en prévoir la pertinence à une date antérieure?

[11]  Le juge Zinn transforme ce quatrième facteur en une analyse à deux volets, aux paragraphes 23 et 25 de la décision Merck‑Frosst :

(23)  La première étape consiste à se demander si les éléments de preuve proposés répondent adéquatement aux éléments de preuve de l’autre partie. La preuve est adéquate s’il ne s’agit pas d’une simple déclaration contraire, mais qu’elle fournit une preuve qui critique, conteste ou réfute la preuve de l’autre partie. La preuve n’est pas adéquate si elle ne fait que répéter ou réitérer la preuve que la partie a initialement déposée.

[…]

(25)  S’il est jugé que la preuve répond adéquatement, il faut alors se demander s’il était possible d’en anticiper la pertinence à une date antérieure. S’il était possible de prévoir qu’elle soit pertinente, elle est donc offerte dans le but de renforcer son point de vue en présentant de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu et auraient dû être inclus dans l’affidavit initial. Une telle preuve n’est pas une contre‑preuve adéquate, puisque la partie qui propose de la déposer scinde son dossier. […]

[12]  En revanche, l’article 279 des Règles régit l’admissibilité de la preuve d’expert. Le témoignage d’un témoin expert n’est admissible en preuve que si la question en litige a été définie dans les actes de procédure ou dans une ordonnance de la Cour; l’expert doit avoir signifié et déposé auparavant un affidavit ou une déclaration qui ont été établis conformément aux Règles; de plus, l’expert doit être disponible à l’instruction pour être contre‑interrogé.

[13]  Dans l’arrêt R c Mohan, [1994] 2 RCS 9, au paragraphe 20, la Cour suprême du Canada a élaboré un critère utile pour déterminer s’il convient d’admettre une preuve d’expert :

a) elle devrait être pertinence;

b) elle devrait être nécessaire pour aider le juge des faits;

c) elle ne devrait faire l’objet d’aucune règle d’exclusion;

d) c’est un expert dûment qualifié qui devrait la produire.

[14]  En gardant tous ces principes à l’esprit, examinons maintenant les sujets dont il est question dans les rapports en réplique et l’opinion en réfutation de Merck, de même que les positions contradictoires que les parties ont adoptées à l’égard de chacun d’eux.

B.  L’opinion en réfutation de M. Paton

[15]  Dans son opinion en réfutation (3 pages), M. Paton répond à l’opinion de M. Ravenscroft quant à l’interprétation des revendications du brevet de composition. Merck soutient que M. Ravenscroft a fait état d’une opinion qui ne concordait pas avec des déclarations que Wyeth avait faites à l’Office lors de la poursuite des demandes de brevet (c’est‑à‑dire que certaines revendications ne se limitaient pas à 13 sérotypes), ce qui déclenche l’application du paragraphe 53.1(1) de la Loi sur les brevets. Merck affirme qu’il est interdit à Wyeth de déposer une preuve contradictoire de cette nature, et elle soutient qu’elle n’aurait pas pu prévoir que Wyeth adopterait une position aussi incompatible.

[16]  Wyeth soutient que le paragraphe 53.1(1) est une simple règle de preuve qui n’empêche pas un breveté d’adopter une position incompatible dans le cadre d’un litige. Elle fait valoir de plus que l’opinion de M. Paton est inutile, car les éléments de preuve de l’Office qui se rapportent à la poursuite d’une demande de brevet n’exigent pas un expert scientifique.

[17]  Sans devoir approfondir à ce stade‑ci de l’instance l’interprétation du paragraphe 53.1(1), je ne suis pas d’accord avec Wyeth. Les communications entre cette dernière et l’Office décrivent le processus de création d’un vaccin conjugué. À mon avis, la Cour tirerait avantage d’une preuve d’expert sur la teneur de cet échange et sur son effet. De plus, étant donné que la preuve en réfutation n’est admissible qu’après qu’un breveté a adopté une position incompatible, le rapport en réfutation de M. Paton n’est valable qu’en réponse à l’opinion de M. Ravenscroft. De ce fait, Merck n’aurait pas pu soulever cette question avant que l’expert de Wyeth fasse état de cette position censément incompatible dans le cadre de son action. Le dépôt de l’opinion en réfutation sera donc autorisé.

[18]  Comme je suis d’avis que cette interprétation scientifique sera avantageuse pour la Cour, j’autoriserai également Wyeth à déposer la réplique de M. Ravenscroft à la réfutation, sans autre modification.

C.  Le rapport en réplique de M. Paton

[19]  Dans son projet de rapport en réplique (23 pages), M. Paton analyse cinq points qu’ont soulevés MM. Dagan et Ravenscroft. Les parties ont un point de vue différent sur le fait de savoir s’il s’agissait de nouvelles questions en litige ou pas, ou s’il aurait été possible de les prévoir :

[traduction]

Premièrement, M. Paton laisse entendre que M. Ravenscroft a indiqué pour la première fois dans le présent litige que, pour apprécier l’évidence du brevet de composition, la personne versée dans l’art commencerait par un composite antipneumococcique à protéine seulement, et non par un vaccin antipneumococcique conjugué. Il déclare qu’il n’aurait pas pu prévoir que le point de départ d’un vaccin conjugué n’aurait pas été un vaccin conjugué.

Deuxièmement, M. Paton répond à l’opinion de M. Ravenscroft selon laquelle les conditions particulières aux sérotypes que comportent les exemples 1 à 15 du brevet sont cruciales et nécessaires pour qu’une personne versée dans l’art réalise une composition conjuguée couvrant 13 sérotypes. Il ajoute que cela contredit les dispositions claires du brevet de composition et que, cela étant, ce fait n’aurait pas pu être prévu.

Troisièmement, M. Paton répond à l’opinion non prévue de M. Dagan sur la question de l’évidence, relativement à une date ultérieure à la date de priorité du brevet de composition.

Quatrièmement, M. Dagan soulève de nouveaux documents d’antériorité concernant un aspect de la question de l’évidence, et M. Paton n’aurait pas pu prévoir qu’il le ferait.

Cinquièmement, M. Ravenscroft fait part de son opinion que certaines informations n’étaient pas disponibles ailleurs qu’entre les mains de sociétés pharmaceutiques à une date pertinente, et M. Paton, se fiant à son expérience personnelle, n’est pas d’accord avec cela.

[20]  J’aimerais tout d’abord souligner que M. Paton énonce précisément le mandat que les avocats lui ont confié, et il déclare qu’on lui a demandé de lire les rapports déposés en défense et d’indiquer les questions qu’il n’avait pas soulevées dans le cadre de la preuve principale et qu’il n’aurait pas pu considérer à l’avance comme pertinentes, avant que M. Ravenscroft ou M. Dagan les soulèvent.

[21]  Je suis d’accord avec Merck qu’on ne s’attend pas à ce qu’un demandeur tente d’anticiper chacun des arguments de la partie défenderesse; cela nuirait à l’efficacité d’un litige bien circonscrit et forcerait la partie demanderesse à déposer une preuve inutile et lourde. La plupart des arguments contraires que Wyeth a soumis à la Cour sont de nature générale et sont liés au fait que Merck était bien au fait des questions que soulevaient ses experts et qu’elle était au courant des nouveaux éléments de preuve auxquels ils faisaient référence. Je ne crois pas qu’il s’agisse là du critère auquel il faille satisfaire.

[22]  Le rapport en réplique de M. Paton est bien ciblé. Ce dernier dit précisément pourquoi il n’aurait pas pu raisonnablement prévoir les sujets qui y sont analysés et pourquoi il n’est pas d’accord avec MM. Ravenscroft et Dagan. Wyeth ne m’a pas fait part de motifs suffisants pour conclure le contraire à ce stade‑ci.

[23]  Merck obtiendra l’autorisation de déposer le rapport en réplique de M. Paton.

D.  Le rapport en réplique de M. Kasper

[24]  Dans son rapport en réplique distinct (13 pages), M. Kasper fait également part de ses opinions sur les questions suivantes :

[traduction]

Les opinions de M. Ravenscroft sur les conditions particulières aux sérotypes qui sont nécessaires pour fabriquer des conjugués;

Les opinions de M. Ravenscroft sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, en date du 8 avril 2005;

La connaissance qu’a M. Dagan des interférences avec le système immunitaire, en date du 26 avril 2006.

[25]  Merck formule, à l’appui de la preuve en réplique de M. Kasper, les mêmes arguments que ceux qu’elle invoque à l’égard de la preuve en réplique de M. Paton. En plus d’invoquer des arguments semblables à l’encontre de la preuve de M. Kasper, Wyeth soutient que la preuve de M. Kasper fait double emploi avec celle de M. Paton.

[26]  Je rejette les arguments principaux de Wyeth pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles je les ai rejetés à l’égard du rapport en réplique de M. Paton.

[27]  Quant à l’aspect de double emploi de l’opinion de M. Kasper, Wyeth indique qu’en raison de son inutilité, cette opinion ne satisfait pas au critère énoncé dans l’arrêt Mohan. S’il fallait que nous suivions l’argument de Wyeth, deux experts différents, relevant de deux champs d’expertise différents, ne pourraient jamais faire part de leur opinion sur un même sujet pour le compte d’une même partie. Selon Merck, M. Paton est un expert en pneumocoques, tandis que M. Kasper est un expert en conjugués polysaccharide‑protéine. À l’instar des rapports qu’ils ont présentés dans le cadre de leur preuve principale et qui se complètent l’un l’autre, leurs rapports en réplique ne font pas simplement double emploi, même s’ils portent effectivement sur la même question ou sur des questions semblables. Je présume qu’ils aideront tous les deux la Cour à comprendre les données scientifiques qui sous‑tendent ces questions en litige.

[28]  Merck obtiendra l’autorisation de déposer le rapport en réplique de M. Kasper.

E.  Le rapport en réplique de M. Petrovsky

[29]  Enfin, le rapport en réplique de M. Petrovsky (13 pages) répond à cinq questions que M. Manning a soulevées. Merck soutient qu’il ne s’agit pas de questions qu’on aurait pu raisonnablement prévoir :

[traduction]

Premièrement, il a été demandé à M. Manning de faire part de son opinion sur l’historique de l’invention de Merck, et M. Petrovsky ne pouvait pas prévoir quel historique Wyeth présenterait;

Deuxièmement, M. Manning dit que la personne versée dans l’art n’aurait pas pu connaître Jones et coll., 2005. M. Petrovsky répond que cela est incompatible avec des admissions liant le breveté dans les brevets de formulation, qui citent expressément Jones et coll., 2005;

Troisièmement, M. Manning s’est fondé sur de nouveaux documents d’antériorité relatifs à l’utilisation de surfactants que M. Petrovsky ne considérerait pas au départ comme pertinents, même s’il en a été question dans son rapport initial;

Quatrièmement, M. Petrovsky déclare qu’il était incompatible de la part de M. Manning de dire que les brevets de formulation ne se rapportent qu’à la stabilité physique, car la stabilité, telle qu’elle est définie dans les brevets, se rapporte à la fois à la stabilité chimique et à la stabilité physique;

Cinquièmement, M. Manning a soulevé une nouvelle question au sujet du fait de savoir si, à la date pertinente, certaines informations auraient pu circuler ailleurs que dans les sociétés pharmaceutiques. M. Petrovsky répond à cette question et donne des exemples précis de la manière dont son expérience concrète dans le domaine, à la date pertinente, est incompatible avec l’opinion dont M. Manning fait état.

[30]  Merck fait valoir qu’en ce qui concerne les nouveaux éléments d’antériorité ou les nouveaux documents auxquels l’expert de Wyeth fait référence, elle ne les considérait pas comme pertinentes à sa cause avant qu’on les invoque à l’appui d’une position imprévue que les experts de Wyeth ont adoptée. De plus, ces derniers font part d’opinions qu’on n’aurait pas pu prévoir non plus, parce qu’elles contredisent les réponses que Wyeth a données à l’interrogatoire préalable ou les revendications contestées du brevet de composition et des brevets de formulation.

[31]  Wyeth répond que tous ces éléments d’antériorité ou ces documents, sinon la plupart d’entre eux, étaient énumérés à l’annexe 1 de la déclaration initiale de Merck.

[32]  Là encore, ce n’est pas parce qu’une partie ou un expert connaît au départ un élément d’antériorité ou une autre preuve documentaire que ceux‑ci sont considérés comme pertinents au moment de traiter d’une question ou d’un secteur de la science en particulier. Ils ne pourraient le devenir que s’ils sont liés par la partie adverse à cette question ou à ce secteur de la science.

[33]  De façon générale, les questions soulevées en réplique ont trait à des notions scientifiques complexes pour lesquelles la Cour, si elle veut pouvoir les éclaircir, a besoin d’une preuve d’expert. Il est donc dans l’intérêt de la justice d’admettre la preuve quand celle‑ci a pour but d’éclairer la Cour.

[34]  Pour ce qui est de Jones et coll., 2005, je crois que les observations de Wyeth présentent la question sous un faux jour. Certes, M. Petrovsky a écrit au sujet de Jones et coll., 2005 dans son rapport initial, mais, dans la preuve en réplique, il répond à la position de M. Manning selon laquelle cette étude ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Il ressort clairement de la réponse de M. Petrovsky que la position de M. Manning était imprévue, du moins pour lui.

[35]  Merck obtiendra l’autorisation de déposer le rapport en réplique de M. Petrovsky.

IV.  Conclusion

[36]  Merck sera autorisée à déposer les rapports en réplique et l’opinion en réfutation, étant donné que : a) elle n’a pas encore eu la possibilité de traiter de ces questions; b) celles‑ci n’étaient pas prévues et n’auraient pas pu l’être raisonnablement; c) les nouvelles questions exigent une réponse si l’on veut que la Cour puisse se faire une idée complète et précise des questions scientifiques qui sont soulevées à l’égard d’importantes questions litigieuses en l’espèce.

[37]  Wyeth n’en subira aucun préjudice, puisque ses experts ont eu la possibilité de faire des commentaires sur toutes les questions soulevées dans les rapports d’expert de Merck, et elle est, par la présente, autorisée à déposer la réponse de M. Ravenscroft à la réfutation.

[38]  Les dépens de la présente requête sont adjugés à Merck.

 


ORDONNANCE dans le dossier T‑1184‑17

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en réplique des demanderesses est accueillie;

  2. Les demanderesses sont autorisées à déposer les rapports en réplique de MM. Paton, Kasperet Petrovskyainsi que l’opinion en réfutation de M. Paton;

  3. La défenderesse est autorisée à déposer la réponse de M. Ravenscroft à la réfutation;

  4. Les dépens de la présente requête sont adjugés à Merck.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1184‑17

 

INTITULÉ :

MERCK SHARP & DOHME CORP., et MERCK CANADA INC. c WYETH LLC

 

AUDIENCE TENUE PAR vidÉoconfÉrence LE 10 novembrE 2020, DEPUIS ottawa (ontario) (COUR) ET toronto (ontario) (PARTIES)

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

La juge en chef adjointe GAGNÉ

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

LE 24 NOVEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Fiona Légère

Sharanya Thavakumaran

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Amy Grenon

Christopher Guerreiro

 

POUR La DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR La DÉFENDERESSE

 

 

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