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Date : 20020411

Dossier : IMM-3836-00

Ottawa (Ontario), le 11e jour d'avril 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                                       LIVIU LEUCE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est acceptée, la décision de l'agent des visas datée du 19 juin 2000 est annulée et la demande de résidence permanente au Canada de M. Leuce est renvoyée au ministre pour nouvel examen par un autre agent des visas.

                                                                                                                                                                                                                         

                                                                                                                                                                 Juge                

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020415

Dossier : IMM-3836-00

Référence neutre : 2002 CFPI 409

ENTRE :

                                                                       LIVIU LEUCE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Liviu Leuce, dans sa demande de contrôle judiciaire, demande que la décision qui a été rendue le 19 juin 2000 par un agent des visas à l'ambassade du Canada à Bucarest, laquelle décision rejetait la demande de résidence permanente au Canada de M. Leuce, soit annulée et que la demande soit renvoyée à l'ambassade du Canada pour nouvel examen par un autre agent des visas.

[2]                 Le demandeur, M. Leuce, est un citoyen de la Roumanie. Celui-ci est diplômé de la faculté de génie mécanique de l'Institut Polytechnique « Traian Vuia » . Le 11 septembre 1998, celui-ci a présenté une demande de résidence permanente au Canada comme demandeur indépendant. Le point 16a de sa demande mentionnait que la profession qu'il envisageait d'exercer était celle d'ingénieur mécanique, Classification nationale des professions no 2132.1 de la CNP. La demande de ce dernier faisait mention de son épouse et de son enfant de 13 ans comme personnes à charge. Le demandeur s'est présenté à l'ambassade le 11 mai 2000 où il a été interrogé par un agent des visas dont les notes de l'entretien se retrouvent dans les notes au Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) et font partie du dossier du tribunal. Le paragraphe 4 de l'affidavit de l'agent des visas mentionne que les notes au STIDI reflètent exactement le souvenir qu'il a des faits saillants qui y sont racontés.

[3]                 La demande a été rejetée par une lettre datée du 19 juin 2000 au motif que le demandeur, ayant obtenu 66 points d'appréciation au lieu du minimum requis de 70 points, ne remplissait pas les conditions requises aux fins de l'immigration.


[4]                 Le demandeur conteste la décision de l'agent des visas à plusieurs égards. Compte tenu de la décision en l'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner les diverses allégations du demandeur. L'argument principal consiste en ce que M. Leuce n'a pas été apprécié à l'égard de la profession qu'il envisageait d'exercer comme cela est mentionné dans sa demande. Le demandeur soutient que les arrêts Issaeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 124 F.T.R. 178, Olajuwon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 150 F.T.R. 158, Rizk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 1083 (C.F. 1re inst.), Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 177 F.T.R. 122, Krishnamurthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 6 Imm. L.R. (3d) 125 (C.F. 1re inst.), Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1992), 52 F.T.R. 311 et Israfil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 6 Imm. L.R. (3d) 90 (C.F. 1re inst.), constituent des autorités qui établissent qu'un immigrant éventuel a droit d'être apprécié à l'égard de sa prétendue profession et qu'un agent des visas qui omet de le faire n'a droit qu'à peu de respect.

[5]                 Le défendeur, par ailleurs, soutient que l'agent des visas a apprécié le demandeur comme ingénieur mécanique mais qu'il a arrêté lorsqu'il a estimé que le demandeur n'obtiendrait pas assez de points pour obtenir le droit d'établissement. L'agent des visas a ensuite porté son attention sur la question de savoir si les compétences et l'expérience du demandeur correspondaient à d'autres professions ou à des professions connexes, en l'espèce, celle de technologue en génie mécanique. Le défendeur s'appuie sur l'arrêt Goussev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 F.T.R. 140, plus particulièrement sur les paragraphes 14 et 15 qui sont ainsi libellés :


[14] L'avocate du défendeur m'a référée à des arrêts dans lesquels il a été statué qu'une appréciation officieuse ou préliminaire par un agent des visas ne constitue pas une appréciation et que l'agent des visas est tenu d'apprécier le demandeur à l'égard de la profession envisagée; voir, par exemple, Issaeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 37 Imm. L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.) et Birioulin c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-812-98, 16 février 1999). Selon moi, ces arrêts n'exigent pas que l'agent des visas poursuive son appréciation à l'égard d'une profession donnée une fois qu'il est clair que le demandeur ne peut pas obtenir le nombre nécessaire de points pour se voir accorder le droit d'établissement. Ainsi, s'il existe une exigence selon laquelle au moins un point doit être attribué à l'égard d'un facteur donné, et si l'agent des visas conclut que l'intéressé n'obtiendra pas de points à l'égard de ce facteur, l'agent des visas n'est pas tenu de continuer à effectuer une démarche inutile en appréciant les autres facteurs. Une appréciation a été effectuée.

[15] Les arrêts Issaeva et Birioulin se rapportent à une situation dans laquelle une appréciation, si elle avait été effectuée, aurait permis de conclure que le demandeur pouvait obtenir un nombre de points suffisant pour se voir accorder le droit d'établissement. Telle n'était pas la situation en l'espèce en ce qui concerne l'appréciation du demandeur par rapport aux professions d'ingénieur mécanicien et d'ingénieur en génie maritime. La situation ici en cause est semblable à celle qui existait dans les affaires Ou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997) 39 Imm. L.R. (2d) 227 (C.F. 1re inst.) et Cai c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-883-96, 17 janvier 1997 (C.F. 1re inst.). De plus, en appréciant le demandeur en tant qu'officier ingénieur en génie maritime (no 2274 de la CNP), et de mécanicien (marine) (no 7311 de la CNP), l'agente des visas s'acquittait uniquement de l'obligation qui incombe, selon la Cour, aux agents de visas, c'est-à-dire apprécier le demandeur à l'égard de professions autres que celles qu'il a expressément mentionnées, et qui pourraient entraîner un résultat plus favorable à celui-ci; voir, par exemple, Gaffney c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185 (C.A.F.)

[6]                 Le défendeur soutient que : le demandeur a été avantagé en obtenant une appréciation supplémentaire; les notes au STIDI et l'affidavit de l'agent des visas indiquent clairement que l'entrevue a été menée afin d'apprécier le demandeur comme ingénieur mécanique; la preuve démontre qu'une fois que l'agent des visas a décidé que le demandeur devait être apprécié comme ingénieur mécanique, celui-ci a informé le demandeur, lui a donné l'occasion de répondre et n'a donc pas commis d'erreur en classant le demandeur comme technologue en génie mécanique malgré qu'il existe un grand chevauchement entre cette catégorie et la catégorie d'ingénieur mécanique.

[7]                 Je suis d'accord avec le défendeur que la preuve contenue dans l'affidavit et dans les notes au STIDI de l'agent des visas établissent clairement que l'entrevue du demandeur a été menée en rapport avec la profession d'ingénieur mécanique que celui-ci envisage d'exercer. Toutefois, cela ne règle pas la question. La question ne consiste pas à savoir si le demandeur a été interrogé comme un ingénieur mécanique éventuel mais de savoir s'il a été apprécié à l'égard de cette catégorie d'emploi. L'appréciation, à l'égard de la profession envisagée, doit continuer, au moins, jusqu'à ce « qu'il [soit] clair que le demandeur ne peut pas obtenir le nombre nécessaire de points pour se voir accorder le droit d'établissement » (Goussev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précité), avant d'apprécier le demandeur à l'égard de « professions autres que celles qu'il a expressément mentionnées, et qui pourraient entraîner un résultat plus favorable à celui-ci » (Goussev citant Gaffney c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185 (C.A.F.)).

[8]                 À la page 1 de la correspondance de l'agent des visas datée du 19 juin 2000 qui expose la décision de ce dernier en rapport avec la demande de résidence permanente du demandeur, il est mentionné ce qui suit :

[TRADUCTION]

Cher M. Leuce :

La présente est envoyée en réponse à votre demande de résidence permanente au Canada.

J'ai maintenant achevé l'appréciation de votre demande et j'ai le regret de vous informer que j'ai conclu que vous ne remplissez pas les conditions voulues pour immigrer au Canada.


En vertu du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration 1978, les demandeurs indépendants, la catégorie dans laquelle vous avez appliqué, sont appréciés en fonction des études, de la préparation professionnelle, de l'expérience, du facteur professionnel (demande), de l'emploi réservé ou de la profession désignée, des facteurs démographiques au Canada, de l'âge, de la connaissance de l'anglais et du français ainsi que des qualités personnelles.

Vous avez été apprécié à l'égard des exigences applicables à votre profession de technologue en génie mécanique (no 2232.1 de la CNP) étant donné que votre expérience professionnelle correspondait à la description qui en était faite dans la Classification nationale des professions du Canada et non pas à la description de la profession d'ingénieur de production (no 2141.0 de la CNP)                                       (Non souligné dans le texte original.)

[9]                 Le résumé du dossier de l'appréciation des immigrants qui accompagnait les notes au STIDI montre une appréciation d'ingénieur de production (2141.0) et une appréciation de technologue en génie mécanique (2232.1).

[10]            Le mémoire de faits et de droit du demandeur (dossier de la demande du demandeur à la page 147) mentionne ce qui suit au paragraphe 25 :

[TRADUCTION]

Dans le présent cas, il est respectueusement soutenu qu'une appréciation de la profession que le demandeur envisage d'exercer n'a pas été effectuée en conformité avec la loi et les règlements. De plus, on n'a rien dit dans la lettre de refus sur la profession que le demandeur envisage d'exercer. Par conséquent, l'agent des visas a erré en droit et il a excédé sa compétence.

et plus loin au paragraphe 43 (à la page 153 du dossier de la demande du demandeur), le demandeur affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il est soutenu de nouveau, en l'espèce, que la lettre de refus ne faisait pas même référence au no 2132 de la CNP ayant trait à la profession d'ingénieur mécanique. Le demandeur a été apprécié selon les exigences relatives à la profession de technologue en génie mécanique (no 2232.1 de la CNP) parce que son expérience de travail correspondait à la description de sa profession comme elle était décrite dans la Classification nationale des professions du Canada et non pas à la description de la profession d'ingénieur de production (no 2141.0 de la CNP). On ne sait trop à l'égard de quelles fonctions et de quel titre l'agent des visas a apprécié la présente demande.


[11]            L'avocat du défendeur concède qu'il n'y a aucun élément de preuve expliquant ou clarifiant les références à la profession d'ingénieur de production dans la correspondance datée du 19 juin 2000 ou dans le résumé de la fiche d'appréciation de l'immigrant dans les notes au STIDI et que la question de la preuve est importante.

[12]            Une décision d'un agent des visas constitue une preuve de la décision rendue et de ses motifs selon l'arrêt Wang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1991] 2 C.F. 165 (C.A.F.). Je conclus que, selon la preuve soumise, il appert qu'il y a une erreur apparaissant au dossier et que la décision de l'agent des visas doit par conséquent être tenue pour manifestement déraisonnable.

[13]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agent des visas datée du 19 juin 2000 est annulée et la demande de résidence permanente au Canada est renvoyée au ministre pour nouvel examen par un autre agent des visas.


[14]            L'avocat n'a pas plaidé de question grave de portée générale, par conséquent aucune question n'est certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

  

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »      

                                                                                                             Juge                         

Ottawa (Ontario)

Le 15 avril 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                                                                   

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :     IMM-3836-00

INTITULÉ :    Liviu Leuce et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 3 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                         MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :           Le 15 avril 2002

COMPARUTIONS:

Mario D. Bellissimo                       POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mario D. Bellissimo                       POUR LE DEMANDEUR

Haynes, Bellissimo

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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