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     Date : 19980703

     Dossier : IMM-2999-98

ENTRE

     LEON WHITE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]          Voici les brefs motifs que j'ai invoqués pour rejeter la demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi prise contre le demandeur.

[2]          L'audition de la requête en sursis d'exécution déposée par le demandeur le 18 juin était prévue pour le 22 juin 1998, un jour des requêtes régulier à Toronto. Lorsque l'affaire a été entendue, l'avocate du défendeur a sollicité le rejet de la demande principalement parce qu'il était allégué que la question soulevée dans la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire présentée par le demandeur, déposée avec la demande de sursis d'exécution, ne soulevait aucun nouveau point litigieux et qu'en fait, il s'agissait d'une chose jugée. L'avocate du défendeur a fait savoir qu'on l'avait informée que le demandeur avait auparavant déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire concernant la même décision, prise au nom du ministre en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, que celle que la seconde demande d'autorisation et de contrôle judiciaire cherchait maintenant à soulever.

[3]          Il est allégué que l'avocat du demandeur n'était pas au courant de ce fait. Le demandeur, ayant reçu l'instruction de se présenter au centre d'immigration de Mississauga, y était maintenant détenu en attendant son renvoi, bien qu'aucune date n'ait été fixée pour ce renvoi. L'avocat a demandé un ajournement afin que l'affaire pût être examinée. Des dispositions ont été prises pour que la demande de sursis d'exécution fût entendue par téléphone le 25 juin 1998. À la suite de cette audition, lorsque les avocats du demandeur et du défendeur ont présenté des observations devant moi, j'ai rejeté la demande pour les motifs invoqués à l'audience, et maintenant confirmés.

Les faits

[4]          Le demandeur a presque trente ans. Il est né à la Jamaïque et il est venu au Canada à l'âge de 12 ans, muni d'un visa d'immigrant. Il a résidé à Toronto avec sa famille, sa belle-mère, ses frères et soeurs, et il a terminé sa 12e année à une école secondaire locale.

[5]          De 1988 à 1993, il a été condamné pour avoir commis un certain nombre d'infractions, y compris la conduite dangereuse d'un véhicule automobile, la possession de biens obtenus par crime, l'introduction par effraction, la tentative d'entrave à la justice et l'importation d'un stupéfiant. La dernière de ces infractions, la plus grave, a entraîné une peine de 18 mois, dont il a purgé quelque 6 mois avant d'être mis en liberté conditionnelle.

[6]          En mars 1994, peu de temps après qu'il eut obtenu la libération conditionnelle, une enquête en matière d'immigration a été menée. Il a été conclu qu'il était une personne visée au sous-alinéa 27(1)d)(i), et une mesure d'expulsion a été prise contre lui en application du paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration. À ce jour, il a interjeté appel devant la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[7]          En avril 1995, on a informé le demandeur que son appel était considéré comme abandonné du fait qu'il n'avait pas comparu à une audition. Il n'avait pas été avisé de l'audition puisque le seul avis de comparution avait été envoyé à un stagiaire qui avait comparu pour son compte à une enquête en matière d'immigration plus d'un an auparavant, et l'avis n'était pas parvenu au demandeur. Il s'est adressé à la section d'appel, et il a obtenu une seconde chance de faire entendre son appel lorsque les circonstances se sont révélées. Lorsque cela a été fait, il a été avisé que les autorités d'immigration ne le renverraient pas du Canada en attendant l'audition, bien qu'elles eussent fait savoir auparavant qu'elles chercheraient à le faire en mai 1995.

[8]          Avant l'audition de son appel, le demandeur a été avisé par lettre datée du 8 novembre que le ministre examinait la question de savoir s'il y avait lieu d'émettre un avis selon lequel il constituait un danger pour le public au Canada, an application du paragraphe 70(5) de la Loi. Par lettre du 4 janvier 1996, il a été avisé que le ministre avait formulé un tel avis, et qu'il constituait effectivement un danger pour le public au Canada.

[9]          Bien qu'il n'ait pas reconnu le fait dans son affidavit déposé à l'appui de la présente demande de sursis d'exécution et dans sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire récemment déposée, le demandeur avait auparavant déposé, sous le nom de Leon Anthony White, une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire (numéro du greffe IMM-173-96) dans laquelle la décision dont on a demandé le contrôle était celle du ministre, fondée sur le paragraphe 70(5) de la Loi. Il était allégué que cette demande reposait sur les articles 7 et 15 de la Charte des droits. Le 24 avril 1996, un de mes collègues, Madame le juge McGillis, a rejeté cette demande d'autorisation.

[10]          Lorsque l'affaire a été entendue par téléphone, il ne faisait plus de doute que c'était la même personne demandant, par une seconde demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, à faire examiner essentiellement la même décision du ministre. Dans la demande ultérieure, la décision mise en question est décrite quelque peu différemment comme [TRADUCTION] "la décision par laquelle la section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a envisagé d'émettre un avis selon lequel le demandeur constitue un danger pour le public au Canada". Bien que cela semble se rapporter à une décision différente, en fait, il s'agit simplement d'une décision préliminaire de faire une recommandation au ministre, et la seule décision réelle maintenant sujette à question est celle du ministre ou prise pour son compte en application du paragraphe 70(5).

[11]          Dans ces circonstances, l'avocat du défendeur fait valoir que l'affaire était chose jugée et que la demande de sursis d'exécution devrait être rejetée. L'avocat du demandeur soutient que les motifs de la seconde demande de contrôle judiciaire, déposée en juin 1998, diffèrent de ceux figurant dans la première demande, que les questions constitutionnelles alors soulevées ne sont pas répétées, et que les questions maintenant soulevées portent sur l'équité du processus suivi par les agents du personnel du ministre, question qui n'a pas du tout été soulevée dans la demande antérieure. L'avocat du demandeur, qui est nouveau et qui ne s'est pas occupé de la première demande, fait valoir que la question n'est pas visée par le principe de la chose jugée même s'il était reconnu que les faits de la situation qui ont donné lieu aux deux demandes de contrôle judiciaire sont essentiellement les mêmes, et que la question n'est pas débattue sur la base des nouveaux faits.

[12]          À mon avis, la demande ultérieure d'autorisation et de contrôle judiciaire est visée par le principe de la chose jugée appliqué dans son sens général pour empêcher de répéter les occasions de soulever des questions une par une, toutes relativement aux mêmes faits. Toutefois, puisque je ne suis pas saisi de la question de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, j'invite les avocats à aborder le critère habituel d'une demande de sursis d'exécution.

[13]          Après avoir entendu les arguments invoqués, j'ai rejeté la demande parce que :

         1) Je ne suis pas convaincu que la Cour ait été saisie d'une question sérieuse soulevée par la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Si la question n'était pas celle déjà exclue de l'examen par application du principe de la chose jugée, j'estime que la question soulevée qui se rapporte à l'iniquité alléguée découlant de l'opportunité de la décision d'examiner le cas du demandeur sous le régime du paragraphe 70(5) n'est pas une question sérieuse compte tenu de l'arrêt de la Cour d'appel Williams c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1997] 2 C.F. 646 (C.A.F.).
     2.      Les éléments de preuve dont je dispose ne me convainquent pas que l'existence d'un préjudice irréparable ait été établie. Ces éléments de preuve comprennent la mention de ce que le demandeur s'attend à connaître un trouble émotionnel grave découlant de sa séparation d'avec sa femme et ses trois enfants, âgés de 7, de 5 et de 3 ans, dont tous dépendent dans une large mesure du revenu qu'il tire de son travail dans la construction. Il vit avec eux et leur fournit le soutien financier depuis 1995. Bien que j'aie invité les avocats à examiner ce qui pourrait être dit du préjudice irréparable dans les cas où cela doit se rapporter à la période allant du moment actuel à l'examen d'une question sérieuse dont la Cour peut être saisie, la seule idée était qu'une interruption des rapports entre le demandeur et sa femme et ses enfants constituerait un préjudice irréparable. Les éléments de preuve dont je dispose ne me convainquent simplement pas qu'il y aurait préjudice irréparable si le demandeur était maintenant renvoyé du Canada lors même que sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire demeurerait en suspens et pourrait être tranchée sans retard excessif, pourvu que la demande soit dûment mise en état, même en son absence du Canada.

[14]          Comme dans beaucoup d'autres affaires, les circonstances de l'espèce ne donnent pas lieu à des considérations d'ordre humanitaire, en particulier les circonstances qui peuvent toucher les enfants en bas âge, mais ces circonstances ne sont pas réellement exposées en preuve en l'espèce. Il appartient au ministre et à ses agents de les examiner.

[15]          Par tous ces motifs, la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur est rejetée.

                                 W. Andrew MacKay

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-2999-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Leon White c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATES DE L'AUDIENCE :              Les 22, 25 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge MacKay

EN DATE DU                      3 juillet 1998

ONT COMPARU :

    Colin L. Campbell                  pour le demandeur
    Cheryl Mitchell                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Colin L. Campbell                  pour le demandeur
    Toronto (Ontario)
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
   
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