Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

           

                                                                                                                                                          

Date : 20010827

Dossier : IMM-5368-99

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 952

OTTAWA (ONTARIO), LE 27 AOÛT 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :                                                                                                   

RASIAH BALASUBRAMANIYAM

MALINY BALASUBRAMANIYAM

NESHANTHENY BALASUBRAMANIYAM

SINDUJA BALASUBRAMANIYAM

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                              ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire visant la décision du 25 octobre 1999 par laquelle une agente de révision des revendications refusées a statué que les demandeurs n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada;

LECTURE FAITEdes documents produits et après avoir entendu les prétentions des parties;


ET pour les motifs rendus ce jour même;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 25 octobre 1999 est annulée et le dossier est renvoyé au défendeur pour réexamen par un autre agent de révision des revendications refusées.

                                                                                                                          Dolores M. Hansen            

                                                                                                                                             J.C.F.C.                       

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


Date : 20010827

Dossier : IMM-5368-99

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 952

ENTRE :                                                                                                   

RASIAH BALASUBRAMANIYAM

MALINY BALASUBRAMANIYAM

NESHANTHENY BALASUBRAMANIYAM

SINDUJA BALASUBRAMANIYAM

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]                 La demande vise l'annulation de la décision du 25 octobre 1999 par laquelle une agente de révision des revendications refusées a statué que les demandeurs n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada.

  

[2]                 Les demandeurs, le mari, l'épouse et leurs deux filles, tous citoyens du Sri Lanka, de religion hindoue et de culture tamoule, ont demandé le statut de réfugié à leur arrivée au Canada en août 1997. Le 7 décembre 1998, la Section du statut de réfugié (SSR) a rejeté leurs demandes sur le fondement des conclusions négatives qu'elle avait tirées quant à la crédibilité des revendicateurs. Une demande de contrôle judiciaire visant cette décision a par la suite été rejetée.

[3]                 En décidant que les demandeurs n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, l'agente de révision des revendications refusées a conclu ce qui suit : [traduction] « Il serait déraisonnable que les demandeurs retournent à leur ancien lieu de résidence, où ils s'exposeraient à un risque. Cependant, ils ont une PRI à Colombo. »

[4]                 La question principale que soulève la demande de contrôle judiciaire est liée à la modification récente d'une loi sri lankaise. Les demandeurs soutiennent que cette modification leur ferait courir un risque s'ils étaient contraints à rentrer au Sri Lanka. La modification en cause a été apportée à la Loi sur les immigrants et les émigrants du Sri Lanka (la « Loi » ). Elle est entrée en vigueur en juillet 1998, après l'audition de leur revendication du statut réfugié. Les demandeurs prétendent qu'ils risquent désormais d'être persécutés à cause de cette modification. Ils affirment que s'ils retournent à Colombo, ils seront arrêtés, seront passibles d'une peine sévère et subiront un traitement inhumain parce qu'ils ont quitté illégalement le Sri Lanka.


[5]                 Suivant l'article 45 de la Loi, commet une infraction la personne qui quitte le Sri Lanka en contrevenant à l'une ou l'autre des dispositions de la Loi. L'article 35 de la Loi dit qu' [traduction] « Un citoyen du Sri Lanka ne peut quitter le Sri Lanka que s'il est muni d'un passeport sri lankais » . Avant juillet 1998, la personne reconnue coupable d'une infraction créée par la Loi était passible d'une amende d'au moins 200 et d'au plus 5 000 roupies ou d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois mois et d'au plus cinq ans, ou les deux. Au mois de juillet 1998, la peine dont était passible une personne contrevenant à l'article 45 de la Loi est passée à un emprisonnement minimal obligatoire d'un an et à une amende minimale de 50 000 roupies.

[6]                 Voici ce qu'a dit à ce sujet l'agente de révision des revendications refusées :

  • [traduction] Selon les allégations relatives à la CDNRSRC, les demandeurs seraient arrêtés à leur retour à Colombo parce qu'ils ont quitté le Sri Lanka illégalement. Ils seraient passibles d'un emprisonnement obligatoire d'au moins un an et d'une amende de 50 000 roupies. Les allégations ne précisent pas ce qu'ont fait les demandeurs, mais le FRP révèle qu'ils ont montré les passeports que l'agent leur avait remis aux contrôles de sécurité et à l'aéroport et que les documents utilisés pour se rendre au Canada étaient des passeports canadiens obtenus frauduleusement. Le FRP indique que ces documents ont été récupérés par l'agent, et je ne peux qu'émettre des hypothèses quant à savoir ce qu'il en est advenu. Or, il n'y a plus de preuve permettant de poursuivre les demandeurs pour leur départ illégal du Sri Lanka. Et même si la poursuite était encore possible, j'estime qu'elle n'équivaudrait pas à un traitement inhumain. Des dispositions semblables s'appliquent au Canada. L'article 57 du Code criminel du Canada dispose que quiconque fait un faux passeport ou, sachant qu'un passeport est faux, soit s'en sert, le traite ou lui donne suite, soit fait, ou tente de faire, accomplir l'un de ces actes, est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans. Les demandeurs sont en possession de documents établissant leur identité et ils peuvent obtenir des passeports sri lankais en d'adressant au Haut-commissariat du Sri Lanka à Ottawa. Il ne serait pas déraisonnable que les demandeurs rentrent à Colombo.

[7]                 Les demandeurs prétendent que l'agente a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait plus de preuve permettant de les poursuivre pour leur départ illégal du Sri Lanka, les passeports frauduleux ayant été rendus à l'agent des demandeurs. Ils ajoutent que, en arrivant à cette conclusion, l'agente a confondu deux infractions : l'emploi inapproprié ou frauduleux d'un passeport et le départ illégal du pays. Ils soutiennent que, même s'ils obtenaient des passeports délivrés par le Haut-commissariat du Sri Lanka au Canada ils risqueraient toujours d'être arrêtés, l'infraction pour laquelle ils pourraient être poursuivis étant d'avoir quitté le pays sans être munis de passeports sri lankais, et non celle d'avoir utilisé de faux passeports. Leurs nouveaux passeports ne seraient pas revêtus de timbres de sortie prouvant qu'ils étaient munis de passeports lorsqu'ils ont quitté le Sri Lanka.

[8]                 Les demandeurs soutiennent par ailleurs que la conclusion de l'agente selon laquelle, même s'ils faisaient l'objet d'une poursuite, il ne s'agirait pas d'un traitement inhumain, est manifestement erronée. Selon eux, l'agente se serait appuyée sur le fait que la peine prévue par le Code criminel du Canada pour l'utilisation d'un faux passeport est un emprisonnement d'au plus 14 ans. Ils font valoir que cette considération n'est pas pertinente.

[9]                 Les demandeurs prétendent par ailleurs que l'omission de l'agente de tenir compte de l'application vigoureuse de ces nouvelles dispositions aux Tamouls et du traitement indûment sévère réservé à ces derniers dans les prisons du Sri Lanka constitue une erreur susceptible d'examen judiciaire. Ils ajoutent que l'agente n'a pas évalué le risque que courraient les enfants si leurs parents étaient emprisonnés pendant un an.


[10]            Se fondant sur les motifs de la Cour d'appel fédérale dans Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 540, le défendeur soutient que la Loi est une loi ordinaire d'application générale au Sri Lanka et qu'elle devrait être présumée valide et neutre, les demandeurs ayant l'obligation d'établir qu'elle est discriminatoire ou préjudiciable en soi ou pour quelque motif extrinsèque.

[11]            Je reconnais que la Loi sur les immigrants et les émigrants du Sri Lanka est, de prime abord, une loi ordinaire d'application générale à l'ensemble des citoyens du Sri Lanka. Je reconnais aussi que les peines qu'elle prévoit s'appliquent également à toutes les personnes jugées coupables d'une infraction prévue par la Loi. Or, il ne s'ensuit pas nécessairement que l'application de la Loi est neutre sur le plan racial, que la peine comme telle ne constitue pas un châtiment excessif ou que l'emprisonnement faisant suite à la déclaration de culpabilité ne donnera pas lieu à un traitement inhumain.

[12]            L'article 61 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNUR reconnaît que l'infliction d'une peine sévère pour départ irrégulier peut justifier la reconnaissance d'une personne en tant que réfugié s'il appert que les motifs à l'origine de ce départ se rapportent à l'une des raisons énumérées dans la Convention de 1951. Cependant, comme les demandeurs n'ont présenté aucun élément de preuve, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la sévérité de la peine par rapport à la nature de l'infraction. En outre, se prononcer à ce sujet dans le contexte d'un contrôle judiciaire équivaudrait en fait à réexaminer les revendications du statut de réfugié.


[13]            Partant, je conviens avec les demandeurs que l'agente de révision des revendications refusées s'est trompée concernant la nature de l'infraction pour laquelle ils pouvaient être arrêtés et qu'elle a par conséquent minimisé le risque qu'ils soient arrêtés à leur retour au Sri Lanka. Les demandeurs ont déposé des éléments de preuve documentaire selon lesquels les Tamouls sont spécialement visés dans le cadre de l'application de la Loi et une preuve documentaire abondante concernant le sort peu enviable réservé aux Tamouls dans les prisons sri lankaises. Je juge incomplète l'évaluation à laquelle l'agente s'est livrée à cet égard. Plus précisément, elle n'a pas tenu compte des risques liés à l'emprisonnement auxquels les demandeurs s'exposeraient en tant que Tamouls de retour au pays.

[14]            De plus, étant donné le risque réel que les demandeurs adultes soient arrêtés et mis en détention et le fait qu'ils ne semblent pas avoir de famille à Colombo, l'agente a omis d'effectuer une évaluation indépendante du risque que courraient les demandeurs mineurs.

[15]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 25 octobre 1999 est annulée et le dossier est renvoyé au ministre pour réexamen par un autre agent de révision des revendications refusées.


[16]            La question dont la certification a été demandée n'étant pas liée à la question déterminante aux fins de la demande de contrôle judiciaire, elle ne sera pas certifiée.

                                                                                   Dolores M. Hansen            

                                                                                                      J.C.F.C.                      

OTTAWA (ONTARIO)

27 août 2001

   

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

No DU GREFFE :                                                IMM-5368-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Rasiah Balasubramaniyam et autres c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 28 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          Mme le juge Dolores M. Hansen

DATE DES MOTIFS :                           27 août 2001

  

ONT COMPARU :

Kumar Sriskanda                                                               POUR LES DEMANDEURS

Sally Thomas                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kumar Sriskanda                                                               POUR LES DEMANDEURS

Scarborough (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.