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Date : 20050914

Dossier : IMM-1814-05

Référence : 2005 CF 1236

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                                HANG THI YEN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), concernant la décision de la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de rejeter, en date du 25 février 2005, l'appel interjeté par la demanderesse de la décision d'un agent d'immigration désigné de rejeter sa demande de parrainage de Thi Ngoan Nguyen (l'appelant), l'un de ses enfants à charge, parce que ce dernier n'appartenait pas à la catégorie du regroupement familial suivant l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).


LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                La Cour est saisie des questions suivantes en l'espèce :

1.         La SAI a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de l'alinéa 117(9)d) et du paragraphe 117(10) du Règlement?

2.         La SAI a-t-elle commis une erreur dans son application de l'article 25 de la Loi?

3.         La SAI a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle ou à l'équité procédurale en ne tenant pas d'audience ou, subsidiairement, en ne rendant pas une décision et des motifs dans un délai raisonnable?

LA CONCLUSION

[3]                Pour les motifs qui suivent, je dois répondre par la négative à ces trois questions. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

LE CONTEXTE

[4]                La demanderesse est une citoyenne canadienne d'origine vietnamienne âgée de 46 ans. Elle a quitté son pays d'origine par bateau pour échapper à son ex-conjoint de fait qui la battait. À cause de circonstances fâcheuses, elle n'a pas pu emmener ses trois enfants avec elle.


[5]                Sur le bateau, elle a fait la connaissance d'un homme qu'elle a ensuite épousé. Le couple a vécu dans le camp de réfugiés Bulaugalang, en Indonésie, et a eu deux enfants. La demanderesse n'a jamais révélé à son mari qu'elle avait trois autres enfants au Vietnam. La demanderesse, son mari et leurs deux enfants ont été considérés comme des réfugiés du HCR et ont obtenu le droit de s'établir au Canada en tant que RC1 (réfugiés au sens de la Convention cherchant à se réinstaller, aide du gouvernement nécessaire pendant une période maximale de 12 mois) le 27 novembre 1991. La demanderesse est devenue citoyenne canadienne le 26 octobre 1995.

[6]                La demanderesse, son mari et leurs deux enfants sont allés au Vietnam à la fin de 1995. Au cours de son séjour dans ce pays, la demanderesse a rendu secrètement visite à ses trois enfants et leur a dit qu'elle allait les parrainer.

[7]                Lorsque son grand-père est décédé en 2001, la demanderesse est retournée seule au Vietnam et a rendu visite à ses enfants. Ces derniers vivaient avec leur grand-mère, laquelle était apparemment âgée et faible. La demanderesse craignait qu'il n'y ait plus personne au Vietnam pour s'occuper de ses enfants, car ceux-ci ignoraient où leur père se trouvait.


[8]                À son retour au Canada, la demanderesse a parlé de ses trois enfants vivant au Vietnam à son mari, lui demandant de comprendre et de lui pardonner. Le 28 mai 2001, elle a parrainé ses trois enfants afin qu'ils obtiennent la résidence permanente au Canada. Les trois demandes ont été rejetées par un agent des visas en avril 2003. La demanderesse a interjeté appel de cette décision à la SAI, laquelle a rejeté les trois appels. Elle a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire relativement à chacune des décisions rendues par la SAI. Le présent contrôle judiciaire concerne l'un des enfants, Thi Ngoan Nguyen, qui est né en 1987.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[9]                La SAI a rejeté l'appel de la demanderesse parce qu'elle n'avait pas compétence pour examiner des motifs d'ordre humanitaire en vertu du Règlement et que l'agent des visas n'avait pas commis d'erreur. Elle a estimé que la demanderesse avait délibérément omis de révéler l'existence de ses trois aînés au moment de son établissement au Canada. Selon elle, la demanderesse avait pris cette décision par intérêt personnel, parce qu'elle craignait que cette nouvelle contrarie son mari et compromette son mariage. La SAI a expliqué que les personnes à charge dont l'existence n'est pas divulguée sont exclus de la catégorie du regroupement familial conformément au paragraphe 117(9) du Règlement.

ANALYSE

La norme de contrôle


[10]            La norme de contrôle qui s'applique aux questions d'interprétation de la loi est celle de la décision correcte (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 366 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 18, et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). La norme de contrôle qui s'applique aux questions mixtes de droit et de fait est celle de la décision raisonnable (raisonnable simpliciter) (Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 4 C.F. 658 (1re inst.); Collier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1445 (1re inst.) (QL)).

1.         La SAI a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de l'alinéa 117(9)d) et du paragraphe 117(10) du Règlement?

[11]            Le paragraphe 13(1) de la Loi prévoit qu'un citoyen canadien peut, sous réserve des règlements, parrainer un étranger appartenant à la catégorie « regroupement familial » . La Loi indique expressément que le « droit » d'une personne de parrainer un membre de sa famille peut être limité par les règlements et que le membre de la famille étranger doit faire partie de la catégorie « regroupement familial » qui est définie. À cet égard, l'alinéa 117(9)d) du Règlement dispose que, dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, un étranger ne peut être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial s'il n'accompagnait pas le répondant et n'a pas fait l'objet d'un contrôle à l'époque où cette demande a été faite.


RÉGIME DE PARRAINAGE

Droit au parrainage : individus

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l'étranger de la catégorie « regroupement familial » .

SPONSORSHIP OF FOREIGN NATIONALS

Right to sponsor family member

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.


Restrictions

117 (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

Excluded relationships

117 (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor ifd) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

Exception

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l'alinéa (9)d) ne s'applique pas à l'étranger qui y est visé et qui n'a pas fait l'objet d'un contrôle parce qu'un agent a décidé que le contrôle n'était pas exigé par la Loi ou l'ancienne loi, selon le cas.

Exception

(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

Application de l'alinéa (9)d)

(11) L'alinéa (9)d) s'applique à l'étranger visé au paragraphe (10) si un agent arrive à la conclusion que, à l'époque où la demande visée à cet alinéa a été faite :

Application of par. (9)(d)

(11) Paragraph (9)(d) applies in respect of a foreign national referred to in subsection (10) if an officer determines that, at the time of the application referred to in that paragraph,

a) ou bien le répondant a été informé que l'étranger pouvait faire l'objet d'un contrôle et il pouvait faire en sorte que ce dernier soit disponible, mais il ne l'a pas fait, ou l'étranger ne s'est pas présenté au contrôle;

(a) the sponsor was informed that the foreign national could be examined and the sponsor was able to make the foreign national available for examination but did not do so or the foreign national did not appear for examination; or

b) ou bien l'étranger était l'époux du répondant, vivait séparément de lui et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

(b) the foreign national was the sponsor's spouse, was living separate and apart from the sponsor and was not examined.


[12]            En l'espèce, la demande de parrainage de la demanderesse a été enregistrée le 28 mai 2001. La Loi et le Règlement sont entrés en vigueur le 28 juin 2002. La demanderesse a été informée du rejet de sa demande de parrainage le 27 juin 2003.

[13]            Comme la demande de la demanderesse avait été enregistrée et était toujours en instance à la date d'entrée en vigueur de la Loi et du Règlement, elle est régie par la Loi, conformément à l'article 190 de celle-ci. Les articles 187 et 190 prévoient ce qui suit à cet égard :



187. Aux articles 188 à 201, « ancienne loi » s'entend de la Loi sur l'immigration, chapitre I-2 des Lois révisées du Canada (1985) et, le cas échéant, des textes d'application - règlements, règles ou autres - pris sous son régime.

187. For the purposes of sections 188 to 201, "former Act" means the Immigration Act, chapter I-2 of the Revised Statutes of Canada, 1985, and, where applicable, the regulations and rules made under it.

190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.


[14]            Le Règlement renferme cependant des dispositions transitoires particulières pour les membres de la famille qui doivent être inclus dans une demande. Les articles 352 et 355 du Règlement sont libellés comme suit :


Mention dans la demande non obligatoire

352. La personne qui, avant l'entrée en vigueur du présent article, a fait une demande au titre de l'ancienne loi n'est pas tenue de mentionner dans sa demande, s'il ne l'accompagne pas, son conjoint de fait ou tout enfant -- qui est un enfant à charge au sens du paragraphe 2(1) du présent règlement -- qui n'est pas une « fille à charge » ou un « fils à charge » au sens du paragraphe 2(1) de l'ancien règlement.

Not required to be included

352. A person is not required to include in an application a non-accompanying common-law partner or a non-accompanying child who is not a dependent son or a dependent daughter within the meaning of subsection 2(1) of the former Regulations and is a dependent child as defined in section 2 of these Regulations if the application was made under the former Act before the day on which this section comes into force.

Membres de la famille non exclus

355. L'alinéa 117(9)d) du présent règlement ne s'applique pas aux enfants à charge visés à l'article 352 du présent règlement ni au conjoint de fait d'une personne qui n'accompagnent pas celle-ci et qui font une demande au titre de la catégorie du regroupement familial ou de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada si cette personne les parraine et a fait une demande au titre de l'ancienne loi avant le 28 juin 2002.

Family members not excluded from family class

355. If a person who made an application under the former Act before June 28, 2002 sponsors a non-accompanying dependent child, referred to in section 352, who makes an application as a member of the family class or the spouse or common-law partner in Canada class, or sponsors a non-accompanying common-law partner who makes such an application, paragraph 117(9)(d) does not apply in respect of that dependent child or common-law partner.


[15]            Les articles 352 et 355 du Règlement ne s'appliquent pas en l'espèce. Le Règlement fixe une nouvelle limite d'âge pour les enfants à charge. Les articles 352 et 355 visent à faire en sorte qu'une demande déposée en conformité avec l'ancien régime réglementaire puisse inclure les personnes qui satisfont à la définition d' « enfant à charge » du Règlement. Cette protection ne s'applique cependant pas au cas de la demanderesse; son enfant n'avait pas entre 19 et 21 ans en 1991 lorsque la demanderesse est devenue résidente permanente. La SAI n'a pas commis d'erreur en n'appliquant pas l'article 355 du Règlement. Par conséquent, l'alinéa 117(9)d) du Règlement a été correctement appliqué à la demande de parrainage de la demanderesse.

[16]            L'article 117 du Règlement a été modifié le 22 juillet 2004 afin qu'une exception au paragraphe 117(9) soit ajoutée. Cette exception est maintenant prévue au paragraphe 117(10) du Règlement (DORS/2004-167).

[17]            En l'espèce, la décision de l'agent des visas avait déjà été rendue le jour où la modification est entrée en vigueur. Comme aucune disposition ne prévoit un effet rétroactif, l'exception indiquée au paragraphe 117(10) ne s'applique pas en l'espèce. Même si cette disposition s'était appliquée, il n'est pas démontré ou allégué en l'espèce qu'un agent a décidé que l'enfant de la demanderesse ne devait pas faire l'objet d'un contrôle. L'agent des visas ne savait pas que la demanderesse avait trois enfants au Vietnam. Il n'a donc pas eu la possibilité de soumettre l'enfant de la demanderesse à un contrôle, étant donné que celle-ci a délibérément exclu ses enfants de sa demande de résidence permanente.


[18]            La demanderesse soutient qu'à l'époque de sa demande et de son établissement, les personnes à charge n'accompagnant pas un répondant ne devaient pas obligatoirement faire l'objet d'un contrôle et, sous réserve des conditions d'admissibilité, seul le cas des personnes à charge qui accompagnaient le répondant devait être examiné. Elle fait valoir en conséquence que le fait qu'elle n'a pas révélé qu'elle avait des personnes à charge qui ne l'accompagnaient pas n'avait aucune importance au regard de son admissibilité. Elle soutient que cela n'avait aucune conséquence juridique puisque, même si elle avait parlé de ses trois aînés, ceux-ci n'auraient pas pu faire l'objet d'un contrôle puisqu'ils étaient restés au Vietnam.

[19]            Je pense, comme le défendeur, que la décision rendue récemment dans l'affaire Azizi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 354, répond à la prétention de la demanderesse. Dans cette affaire, un réfugié cherchant à se réinstaller avait présenté une demande d'établissement en vertu de l'ancienne loi. Lorsqu'il a demandé la résidence permanente, il n'a pas parlé de son épouse et de ses enfants. Ces derniers n'ont donc pas été considérés comme appartenant à la catégorie du regroupement familial, conformément à l'alinéa 117(9)d). Le demandeur prétendait que le fait qu'il n'avait pas révélé l'existence de ses personnes à charge n'avait aucune conséquence juridique et n'avait donc aucune incidence sur son admissibilité puisque, même s'il en avait parlé, les membres de sa famille n'auraient pas pu faire l'objet d'un contrôle. Cet argument a été rejeté.

[20]            J'adopte le même raisonnement en l'espèce. L'alinéa 117(9)d) a pour objet d'exclure de la catégorie du regroupement familial les personnes dont le répondant a choisi sciemment de ne pas révéler qu'elles étaient à sa charge au moment où les demandes de résidence permanente ont été faites (Collier, précitée). C'est exactement ce qui s'est passé en l'espèce. La demanderesse n'a pas révélé qu'elle avait trois enfants dans sa demande de résidence permanente (dossier du tribunal, à la page 000056). Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un demandeur est tenu de révéler l'existence de toutes les personnes à sa charge (voir Azizi, précitée). L'histoire de la demanderesse est malheureuse, mais aucune erreur n'a été commise dans la manière dont l'alinéa 117(9)d) a été appliqué.

[21]            Au soutien de sa contestation de l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement, la demanderesse rappelle que, dans la décision Huang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration rendue le 28 juin 2004, la SAI a permis à M. Huang de parrainer son enfant dont il n'avait pas parlé dans sa demande (dossier de la SAI VA3-00412). M. Huang et son épouse n'avaient rien dit de leur deuxième enfant aux autorités canadiennes à cause de la politique de l'enfant unique en vigueur en Chine. M. Huang n'a révélé l'existence de son deuxième enfant qu'après son arrivée au Canada.

[22]            La Cour ayant annulé cette décision le 24 mai 2005, sur consentement des deux parties, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, elle n'est pas liée par elle (IMM-6720-04).


2.         La SAI a-t-elle commis une erreur dans son application de l'article 25 de la Loi?

[23]            L'article 63 de la Loi prévoit que la décision d'un agent des visas de rejeter une demande de parrainage peut être portée en appel à la SAI.


Droit d'appel : visa

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

Right to appeal -- visa refusal of family class

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.


[24]            Les alinéas 67(1)a) et b) de la Loi prévoient ce qui suit :


Fondement de l'appel

67. (1) Il est fait droit à l'appel sur preuve qu'au moment où il en est disposé :

Appeal allowed

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or


[25]            Aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi, le ministre peut lever tout ou partie des critères applicables s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire le justifient, compte tenu de l'intérêt supérieur des enfants. Cette disposition est libellée comme suit :



Séjour pour motif d'ordre humanitaire

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

Humanitarian and compassionate considerations

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.


[26]            L'article 65 de la Loi empêche la SAI de prendre en considération des motifs d'ordre humanitaire, sauf si l'étranger et le répondant font partie de la catégorie du regroupement familial. Cette disposition constitue clairement une exception au pouvoir conféré au ministre par le paragraphe 25(1) de la Loi.


Motifs d'ordre humanitaire

65. Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

Humanitarian and compassionate considerations

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.


[27]            En l'espèce, la demanderesse a interjeté appel de la décision d'un agent des visas selon laquelle l'appelant n'appartenait pas à la catégorie du regroupement familial. Cette décision a entraîné automatiquement l'application de l'article 65 de la Loi.


3.         La SAI a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle ou à l'équité procédurale en ne tenant pas d'audience ou, subsidiairement, en ne rendant pas une décision et des motifs dans un délai raisonnable?

La procédure par écrit

[28]            Aux termes du paragraphe 25(1) des Règles de la Section d'appel de l'immigration, la SAI peut, au lieu de tenir une audience, exiger que les parties procèdent par écrit, à condition que cette façon de faire ne cause pas d'injustice et qu'il ne soit pas nécessaire d'entendre des témoins.

[29]            La SAI n'a pas tenu d'audience en l'espèce et n'a pas permis qu'une audience ait lieu. Elle a plutôt demandé aux parties de lui présenter leurs observations par écrit. Il n'était pas nécessaire que la demanderesse témoigne de vive voix puisque les faits étaient simples et n'étaient pas contestés. Par conséquent, je ne crois pas que la SAI ait manqué à un principe de justice naturelle en procédant par écrit.

Le délai qui s'est écoulé avant que la décision et les motifs soient rendus


[30]            La demanderesse a déposé son avis d'appel le 30 juin 2003 et la SAI a rendu sa décision et ses motifs le 25 février 2005. La procédure d'appel a donc duré 20 mois. Il ressort du dossier du tribunal que le délai était attribuable principalement au fait que la SAI attendait que l'affaire De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.F. 162; 2004 CF 1276, soit entendue et tranchée. Cette affaire a été entendue en août 2004 et la décision a été rendue en septembre 2004.

[31]            Je ne crois pas que la SAI ait manqué aux principes de justice naturelle en décidant d'attendre que l'affaire De Guzman soit tranchée. Au contraire, en agissant ainsi, elle a fait en sorte que les décisions ne se contredisent pas. Dans une lettre du 25 octobre 2004 (dossier de la demanderesse, à la page 79), la demanderesse écrit clairement qu'elle comprend les raisons du délai et qu'elle ne s'en plaint pas.

[32]            La SAI a rendu sa décision cinq mois après la décision De Guzman. Ce délai ne constitue pas un manquement aux principes de justice naturelle. La demanderesse n'a pas démontré que le délai lui avait causé un préjudice.

[33]            Enfin, j'estime que l'alinéa 117(9)d) s'applique en l'espèce et que la demanderesse ne jouit d'aucun droit de manière rétroactive. Le Règlement s'applique sans égard à la faute. Je suis d'accord avec le juge O'Keefe quand il dit, dans la décision Preclaro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1063, au paragraphe 29 :

[...] l'intégrité du système est importante et [...] les autorités doivent pouvoir se fier aux renseignements contenus dans une demande présentée par une personne qui souhaite entrer au Canada. [...]

[34]            Pour les motifs qui précèdent, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

[35]            Le défendeur propose la question suivante à des fins de certification :

[traduction] La théorie des attentes légitimes peut-elle être invoquée pour éviter l'application de l'article 190 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés?

[36]            Compte tenu des conclusions que j'ai tirées en l'espèce, il n'est pas nécessaire de certifier cette question.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                              _ Michel Beaudry _                       

                                                                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-1814-05

INTITULÉ :                                                            HANG THI YEN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 17 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                           LE 14 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Lori A. O'Reilly                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Rick Garvin                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O'Reilly Law Office                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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