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                                                                                                                                          Date : 20020410

                                                                                                                            Dossier : IMM-3177-00

                                                                                                        Référence neutre : 2002 CFPI 403

Ottawa (Ontario), le 10 avril 2002

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE EDMOND P. BLANCHARD

ENTRE :

                                                         AISSA (SALIBA) EL-KACHI,

                                                                                                                                  Partie demanderesse

                                                                              - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                     Partie défenderesse

                       MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE AMENDÉS

[1]                 M. Aissa (Saliba) El-Kachi, un citoyen du Liban, allègue une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques advenant son retour au Liban. Il fait cette demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « Section du statut » ) rendue le 27 juin 2000 qui l'a exclu de la protection de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés ( « Convention » ) en application de l'alinéa 1Fa de celle-ci.


[2]                 Un réfugié au sens de la Convention selon la définition à l'article 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c. I-2, ne comprend pas « les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci... »

[3]                 Il est utile de reproduire la partie pertinente de l'alinéa F de l'article premier de la Convention.


F.    Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura les raisons sérieuses de penser :

a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.


F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes.


EXPOSÉ DES FAITS

[4]                 Le demandeur est né en 1956 dans une province du nord du Liban. Après avoir complété son service militaire, alors qu'il avait 18 ans, le demandeur s'est enrôlé dans l'armée libanaise. De 1973 à 1979, le demandeur a fait partie de l'armée libanaise. En 1979, le demandeur s'est marié et a quitté l'armée libanaise, tout en demeurant réserviste. De 1979 à 1983, le demandeur a travaillé comme mécanicien à Beyrouth.

[5]                 En 1982, le demandeur a été rappelé par l'armée libanaise à Beyrouth et en 1983, avec son épouse, il a déménagé à Jezzine, une province au sud du Liban, étant donné que la famille de son épouse vivait dans cette ville.


[6]                 Le demandeur s'est enrôlé volontairement dans l'Armée du Liban sud ( « l'ALS » ) et a oeuvré en son sein de 1983 à 1999. Il fut promu adjudant, puis fut de nouveau élevé à un grade supérieur avec cette fois, plus de quarante-cinq hommes sous ses ordres.

[7]                 L'ALS était financée et armée par l'État d'Israël. Ses troupes ont assisté Israël durant l'occupation du sud du Liban, l'invasion de Beirut et l'établissement de la Zone Tampon au sud du Liban. Différentes régions du Liban avaient été envahies par Israël depuis 1982, y inclus Jezzine.

[8]                 Selon le demandeur, il a adhéré à l'ALS afin de pouvoir protéger sa famille et son voisinage. En 1986, sa fille a été tuée alors qu'un missile du Hezbollah a atteint leur maison.

[9]                 Dans son Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ), le demandeur déclare avoir été impliqué comme chef d'équipe lors d'attaques militaires contre le Hezbollah commandé par ses supérieurs. Dans son récit, il dit être recherché par le Hezbollah parce qu'il l'a combattu, de même que par le gouvernement libanais officiellement en guerre avec Israël. Selon le FRP du demandeur, le gouvernement libanais considère comme traître à leur patrie ceux qui ont fait partie de l'ALS.

[10]            Deux ou trois jours avant l'audience, le demandeur a amendé son FRP pour y ajouter que durant ses seize ans de service au sein de l'ALS, il était principalement en charge de postes de contrôle dans la région de Jezzine. Ni le FRP du demandeur ni les notes au port d'entrée mentionnent que c'est à lui qu'incombait cette responsabilité.


[11]            Selon le demandeur, il n'avait jamais tiré sur des civils lors d'attaques aériennes ou autrement, mais que lorsqu'il faisait feu, il ne voyait pas les cibles.

[12]            En 1999, Israël s'est retiré de Jezzine et a abandonné le contrôle de cette ville aux autorités libanaises. Le demandeur avait le choix de se retirer avec Israël ou de rester dans cette région. Il a décidé de rester. Le demandeur prétend que ses amis lui ont conseillé de quitter Jezzine, mais qu'il a plutôt opté de se cacher dans cette région. Finalement, il a rencontré un chauffeur de taxi qui l'a mis en contact avec un membre du service de renseignements de la Syrie qui l'a aidé à quitter le pays.

[13]            Le demandeur est arrivé au Canada le 6 septembre 1999 et il a revendiqué le statut de réfugié le même jour.

[14]            L'audience de la revendication a eu lieu à Ottawa le 25 mai 2000.

DÉCISION DE LA SECTION DU STATUT                                   

[15]            En rejetant la demande du revendicateur, la Section du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'avait pas démontré avoir une crainte bien fondée d'être persécuté advenant son retour au Liban, et qu'il devait de toute façon être exclu du bénéfice du statut de « réfugié au sens de la Convention » en application de l'alinéa 1Fa) de celle-ci, puisqu'il fut complice de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité par l'ALS.


QUESTIONS EN LITIGE

[16]            Le demandeur prétend que la décision de la Section du statut a erré en droit et en faits et a tiré des conclusions déraisonnables et arbitraires, sans tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait dans son appréciation de la preuve apportée par le demandeur et plus particulièrement pour les deux motifs suivants :

1 -        en concluant que le demandeur était visé par la disposition de l'article d'exclusion de l'article 1Fa) de la Convention.

2 -        en concluant que le demandeur ne serait pas persécuté pour ses opinions politiques advenant un retour au Liban mais seulement poursuivi par les autorités militaires du pays pour avoir joint l'Armée du Liban sud.

ANALYSE

a)         Est-ce que la Section du statut a erré en concluant que le demandeur était visé par la disposition de l'article d'exclusion de l'article 1Fa) de la Convention?

[17]            Dans l'arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1992] 2 C.F. 306, la Cour d'appel fédérale a énoncé des principes à être suivis lorsque le ministre cherche à exclure l'intéressé de la protection de la Convention, suite à l'application de l'alinéa Fa) de l'article premier de celle-ci. Les principes suivants sont applicables en l'espèce:

           (a) le ministre a toujours la charge d'établir sur le plan juridique que le revendicateur est complice des crimes internationaux;


(b) le fardeau de la preuve est moindre que la prépondérance des probabilités;

           (c) en règle générale, la « simple appartenance » à une organisation mêlée à la perpétration de crimes internationaux n'est pas suffisante pour exclure l'intéressé;

           (d) la complicité exige la « participation personnelle et consciente » du revendicateur à la perpétration des crimes internationaux; et

(e) la complicité se fonde sur l'existence d'une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause en ont.

[18]            La question de la complicité a aussi été considérée par le juge Reed dans l'arrêt Penate c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 79. Suite à une analyse des arrêts Ramirez c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.), Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.) et Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433, le juge Reed a conclu aux pages 84-85 :

Selon mon interprétation de la jurisprudence, sera considéré comme complice quiconque fait partie du groupe persécuteur, qui a connaissance des actes accomplis par ce groupe, et qui ne prend pas de mesures pour les empêcher (s'il peut le faire) ni ne se dissocie du groupe à la première occasion (compte tenu de sa propre sécurité), mais qui l'appuie activement. On voit là une intention commune. Je fais remarquer que la jurisprudence susmentionnée ne vise pas des infractions internationales isolées, mais la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l'opération.

[19]            En l'espèce, la Section du statut a fondé sa conclusion d'exclusion sur les faits suivants :

The claimant joined the SLA voluntarily and was paid regular wages by the Israeli army. When he joined the SLA in 1983 he was only a Staff Sergeant. He was promoted several times, rising to become Lieutenant. He was associated with SLA in a supervisory capacity for 16 years, eventually being in charge of 45 men. According to his original PIF, the claimant participated in military attacks against Hezbollah and fought the Lebanese government. Based on his oral testimony and his PIF, the panel finds that the claimant joined the SLA because he agreed with its objectives and wished to contribute to their attainment, which he did. The panel does not believe the claimant's allegations that his role in the SLA was a defensive one.


...

This was the area, [Jezzine] where the claimant worked and worked so diligently that he was promoted several times. It is simply not plausible that he did not know of the massive human rights violations being committed by the SLA. He remained with the organization for 16 years and assisted it despite knowing of its illegal detentions, torture, destruction of crops, punishment of innocent people and indiscriminate bombing of civilians. ([Jezzine] non indiqué dans l'original.)

[20]            La Section du statut observe aussi que le demandeur prétend ne pas avoir commis de crime de guerre, puisqu'il ne s'occupait que de postes de contrôle. La Section du statut conclut que si c'est le cas, il serait alors dans la même situation que ces anciens de l'ALS que les autorités libanaises ont libérés après qu'ils se furent rendus, et auxquels les tribunaux ont imposé des peines relativement légères.

[21]            Néanmoins, la Section du statut a rejeté la modification de dernière minute que le demandeur a porté à son FRP, à savoir que son rôle était principalement la charge d'un poste de contrôle dans la région de Jezzine. Elle a plutôt accepté le récit original du demandeur qui déclare avoir été impliqué comme chef d'équipe lors d'attaques militaires contre le Hezbollah. À mon avis, cette conclusion de la Section du statut n'est pas manifestement déraisonnable.

[22]            Je suis d'avis que la preuve documentaire démontre que l'ALS était impliquée dans des crimes contre l'humanité. La Section du statut, à la page 3 de ses motifs, a résumé la preuve documentaire sur laquelle elle a fondé ses conclusions comme suit :


Tabs 1, 3 and 10 in R-1 and M-1, M-2 and M-3 assert that the SLA committed serious human rights violations; was complicit or participant in attacks on civilians; destroyed crops; forced deportation of civilians; forced recruitment; forced people to become enforcers; forced field relocations and inflicted massive punishments on innocent people in response to guerrilla attacks. In addition, SLA operated about 17 prisons with Israeli assistance, the most notorious being Khiam.

M-3, an Amnesty International report, says:

"Many men and women held in Khiam since 1985 have been tortured or ill treated during interrogation. Methods have reportedly included electric shock torture, beatings with electric cables, suspension from pool and dousing with water. The detainees are cut off from the outside world since family visits were suspended in 1988 and visits by the International Committee of the Red Cross have never been allowed there... They seemed to be held outside any legal framework."

M-3 further states that Khiam is "staffed by SLA", but Israeli officials had been directly involved in the detention centre, including participating in interrogation and torture at least until 1988. It said Israel's direct involvement has diminished since.

Other documents tell us of other areas where SLA held prisoners and detail its human rights violations against civilians. Of particular note is Tab-3, a question and answer series prepared by the Immigration and Refugee Board. It outlines that between July 1994 and January 1995 the United Nations recorded 87 attacks by guerrillas against Israeli and SLA positions. In the same period, the UNIFIL counted over 16,000 artillery, motor and tank attacks by Israeli and SLA forces, sometimes aimed at villages.

[23]            Je suis satisfait que tous ces crimes sont des crimes de guerre et/ou des crimes contre l'humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes. Je suis d'avis que la preuve documentaire appuie la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l'opération de l'ALS.

[24]            Cette preuve appuie la conclusion de la Section du statut à savoir que l'ALS était une organisation brutale qui avait commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable, compte tenu de la preuve.


[25]            Le demandeur a adhéré volontairement à l'ALS et pour 16 ans a oeuvré en son sein et fut éventuellement promu au grade d'officier en charge de 45 hommes. Ces faits ne sont pas contestés. Je suis d'avis, compte tenu de cette preuve, qu'il était raisonnable pour la Section du statut de conclure que le demandeur s'est engagé dans l'ALS parce qu'il était d'accord avec ses objectifs et qu'il désirait collaborer à leur réalisation, ce qu'il fit d'ailleurs.

[26]            La preuve démontre aussi que le demandeur était conscient que ces crimes contre l'humanité et des crimes de guerre étaient commis par l'ALS. D'ailleurs, la preuve démontre que suite à des questions posées à l'audience, le demandeur aurait avoué qu'il savait que l'ALS avait commis des crimes contre l'humanité à la prison de Khiam. Il témoigna ainsi :

           Q.    Sir, you have already given us a lot of evidence about your own personal activities in the artillery unit, in the infantry unit at the checkpoints. So I don't want to revisit all of that again. During the time that you were involved with the SLA, either when you were working at the checkpoints as part of the infantry unit or as part of the artillery unit in the earlier period of time, had you ever heard of - were you ever aware of the activities of the SLA which involved detentions of suspected Hesbullah at the prison in Kayan (phonetic)?

           A.    Yes.

           Q.    Were you aware that routinely people in the prison were being tortured?

           A.    No. I was not aware of that, although I heard things from people.

           Q.    Well, that's confusing, that you were not aware, but you heard people. So give us an answer which we can understand.

           A.    I was aware of this.


[27]            La Section du statut a, dans ses motifs, retenu ce témoignage du demandeur et a conclu qu'il était invraisemblable que ce dernier ne soit pas conscient que ces crimes étaient commis. Je note ce passage à la page 8 des motifs de la Section du statut :

...The claimant served for 16 years as an SLA officer. He had 45 men under him. How is it possible that he did not know that the SLA and the Israelis were targeting civilians? How could he not know that SLA was recruiting people forcibly? Or that villages were being bombed? Or that massive punishments were being inflicted on whole villages because of sporadic guerrilla attacks? Or that the SLA was not torturing the Lebanese and Palestinian suspects it detained at its prisons? The Panel finds it implausible that the claimant would be in the SLA for 16 years as an officer and not know that these acts were taking place. The claimant at first denied and then, under questioning, stated that he knew that there were violations of human rights in Khiam Prison.

[28]            Compte tenu du témoignage du demandeur, ses propres expériences durant ses 16 années au sein de la SLA, ainsi que la preuve documentaire au dossier, je suis d'avis que le demandeur avait une connaissance de la nature et de l'ampleur des activités criminelles dans lesquelles l'ALS était impliquée au sud du Liban. La conclusion de la Section du statut en ce sens n'est pas manifestement déraisonnable.

[29]            La jurisprudence de cette Cour est abondante en ce qui a trait à l'obligation d'un revendicateur du statut de réfugié, après avoir appris qu'il contribuait aux activités d'un groupe criminel, doit s'en être dissocié dès que possible. [Quinonez c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no. 42 en ligne : QL, para. 28; Kiared c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. No. 1197 en ligne : QL para. 11.]


[30]            En l'espèce, le demandeur, après s'être nécessairement rendu compte de la nature criminelle de plusieurs activités de l'ALS ne s'en est pas dissocié à la première occasion non risquée. Je constate aussi, selon la preuve, que le demandeur avait eu l'occasion de quitter le sud du Liban et de se dissocier de l'ALS. Ce dernier avait déjà facilement quitté le Liban pour voyager en Israël. Il avait aussi des contacts qui auraient pu l'aider à quitter, incluant ses frères, des militaires de l'armée libanaise. Selon son propre témoignage, il n'a eu aucune difficulté à entrer en contact avec les autorités syriennes qui étaient disposées à le protéger. La preuve démontre que le demandeur n'a fait aucun effort pour se dissocier de l'ALS à la première occasion. Il s'est contenté de continuer dans son poste d'officier et par ce comportement, en toute connaissance des atrocités commises par l'ALS, il appuyait implicitement les activités de l'ALS.

[31]            En l'espèce, je suis d'avis que le demandeur a fait preuve d'une participation personnelle et consciente aux crimes commis par l'ALS satisfaisant ainsi à l'exigence de la mens rea. Je suis satisfait que le ministre a fait sa preuve à la norme moindre que la prépondérance des probabilités, telle qu'adoptée par la Cour d'appel fédérale [Ramirez, supra].

[32]            À mon avis, la preuve est suffisante pour permettre une détermination qu'il y a de « raisons sérieuses de penser » que le demandeur est complice des crimes contre l'humanité commis par l'ALS. La Section du statut n'a donc pas commis d'erreur quant à la complicité du demandeur.

[33]            Ayant conclu que la Section du statut n'a pas erré en excluant le demandeur de la protection de la Convention, il n'est pas nécessaire de considérer la question de l'inclusion.

[34]            Pour ces motifs la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


Certification

[35]            La partie défenderesse me demande de considérer la question suivante pour certification :

Dans les arrêts Ramirez c. Canada (M.E.I.), [1992] 2 C.F. 306 et Moreno c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 298, la Cour d'appel fédérale a décidé que la simple appartenance à une organisation qui commet à l'occasion des crimes contre l'humanité ne suffit pas à fonder une exclusion au titre de la section Fa) de l'article premier. La Cour a, cependant, formulé une exception à cette règle. Dans l'arrêt Ramirez, elle a estimé que l'appartenance peut à elle seule suffire lorsque l'organisation en question « vise principalement des fins limitées et brutales » (id., p. 317). Dans l'arrêt Moreno, cette exception a été donnée comme applicable aux organisations dont « l'existence même [...] repose sur l'atteinte d'objectifs politiques et sociaux par tout moyen jugé nécessaire. » (id., p. 321)

Ces deux critères, tirés, l'un de l'arrêt Ramirez et l'autre de l'arrêt Moreno, sont-ils identiques ou équivalents? Si non, la Cour peut-elle à son gré utiliser l'un ou l'autre de ces critères?

[36]            La question proposée traite essentiellement de l'exception à la règle générale, à savoir, l'application de la présomption réfutable de complicité ou la simple appartenance à une organisation qui commet des crimes contre l'humanité peut suffire à fonder une exclusion au titre de l'alinéa Fa) de l'article premier. Ma conclusion se fonde non sur l'application de ladite présomption mais plutôt sur une analyse de la participation personnelle et consciente du demandeur compte tenu de toute la preuve au dossier. Je suis d'avis que la question proposée ne peut être déterminante.

[37]            Pour ces motifs je ne certifierai donc pas la question proposée.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.     La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                                "Edmond P. Blanchard"                  

                                                                                                                                                                 Juge                        


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR: IMM-3177-00

INTITULÉ: AISSA (SALIBA) EL-KACHI c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE: MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE: 23 OCTOBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

EN DATE DU 10 AVRIL 2002

COMPARUTIONS

ME JACQUES BEAUCHEMIN POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

ME NORMAND LEMYRE POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ALARIE, LEGAULT, BEAUCHEMIN POUR LA PARTIE DEMANDERESSE PAQUIN, JOBIN, BRISSON & PHILPOT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

M. MORRIS ROSENBERG POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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