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Date : 20201015


Dossier : T-538-19

Référence : 2020 CF 970

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2020

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

GCT CANADA LIMITED PARTNERSHIP

demanderesse

et

L’ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER ET
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, GCT Canada Limited Partnership (GCT), présente une requête par écrit en vertu de l’article 369 en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger un haut dirigeant de la défenderesse, l’Administration portuaire Vancouver Fraser (APVF), concernant les documents communiqués par l’APVF en réponse à la demande de GCT pour obtenir le « dossier » conformément à l’article 317. Le procureur général du Canada n’a présenté aucune observation au sujet de la présente requête.

I.  Contexte

[2]  L’historique et le contexte de la demande de contrôle judiciaire de GCT sont exposés dans des décisions antérieures portant sur d’autres requêtes (voir les décisions 2019 CF 1147 et 2020 CF 348). En résumé, GCT souhaite agrandir ses installations au port de Vancouver et conteste les décisions rendues par l’APVF, laquelle veut également réaliser son propre projet d’agrandissement du port. Entre autres prétentions, GCT soutient que l’APVF a fait preuve de partialité réelle lorsqu’elle a décidé de ne pas aller de l’avant avec le processus d’approbation du projet de GCT, parce que l’APVF souhaitait plutôt réaliser son propre projet.

[3]  Le projet de l’APVF était à l’étape des audiences du processus d’évaluation environnementale prévu dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), LC 2012, c 19, art 52 (la LCEE) lorsque GCT a déposé sa demande de contrôle judiciaire. Depuis, un nombre important d’événements se sont produits, notamment les suivants :

  • Le 28 août 2019, la LCEE a été abrogée et remplacée par la Loi sur l’évaluation d’impact, LC 2019, c 28, art 1.
  • Le 23 septembre 2019, l’APVF a écrit une lettre à GCT pour l’informer qu’elle annulait sa décision de mars 2019 de ne pas effectuer une enquête préliminaire de projet de GCT concernant son projet d’agrandissement du port (décision de septembre 2019).
  • GCT a alors tenté de modifier son avis de demande et de déposer deux affidavits supplémentaires.
  • L’APVF et le procureur général du Canada ont déposé des requêtes en radiation de la demande de contrôle judiciaire en raison de son caractère théorique ainsi que de certains éléments de preuve par affidavit déposés par GCT. Le 9 mars 2020, les requêtes en radiation ainsi que la requête en modification de l’avis de demande ont été accueillies en partie par la juge responsable de la gestion de l’instance Angela Furlanetto (GCT Canada Limited Partnership c Administration portuaire Vancouver Fraser, 2020 CF 348).
  • L’APVF a interjeté appel de cette décision. Le juge Michael Phelan a entendu l’appel le 24 septembre 2020 et l’a mis en délibéré. Le procureur général n’a présenté aucune observation à l’égard de l’appel.

[4]  Dans sa requête en modification de son avis de demande, GCT y sollicite une ordonnance enjoignant à l’APVF de produire les documents liés à ses décisions de mars 2019 et de septembre 2019 ainsi que tous les documents relatifs au processus décisionnel. La juge responsable de la gestion de l’instance a rejeté cette demande, statuant au paragraphe 73 de sa décision que toute demande de documents doit être faite au moyen d’une demande particulière en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles].

[5]  GCT a ensuite présenté sa demande fondée sur l’article 317, en réponse à laquelle l’APVF a produit des documents le 9 septembre 2020. Insatisfaite des documents communiqués par l’APVF, GCT a déposé une requête en vertu de l’article 318 pour obtenir d’autres documents, par suite de laquelle la présente requête a été déposée.

[6]  Lors d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 29 septembre 2020, GCT a indiqué qu’elle avait l’intention de demander à la Cour l’autorisation de contre-interroger M. Peter Xotta, vice-président, Planification et activités, de l’APVF avant l’audience de la requête fondée sur l’article 318. La Cour lui a ordonné de soumettre des observations pour expliquer cette demande. Dans les circonstances, il a été convenu que l’affaire prendrait la forme d’une procédure de requête écrite en application de l’article 369 et que les deux parties formuleraient des observations écrites. Les parties ont convenu qu’un autre dossier de requête n’était pas nécessaire, compte tenu des documents qui avaient déjà été déposés à la Cour.

II.  Observations des parties

[7]  GCT souhaite obtenir une autorisation de la Cour en vue de contre-interroger M. Xotta, ce qui l’aiderait à soutenir sa requête pendante présentée en vertu du paragraphe 318(2) visant à obtenir la communication d’autres documents prévue à l’article 317 (ce que GCT appelle la [traduction« requête 317 » dans ses observations écrites concernant sa requête fondée sur l’article 316). GCT explique qu’elle demande l’autorisation à la Cour de contre-interroger M. Xotta afin de vérifier ce que l’APVF a pris en considération pour prendre la décision faisant l’objet du contrôle dans la demande, puisque c’est lui qui a certifié, au nom de l’APVF, les documents communiqués en application de l’article 317.

[8]  À l’appui de sa requête fondée sur l’article 318 s’opposant aux documents transmis par l’APVF, GCT a déposé un affidavit dans lequel sont énumérées les catégories de documents qui n’ont pas été produites par l’APVF, mais qui, selon GCT, sont pertinentes et nécessaires pour trancher de façon juste les questions soulevées dans sa demande de contrôle judiciaire. En réponse, l’APVF a déposé deux affidavits d’une adjointe administrative embauchée dans le cabinet d’avocats de l’APVF. GCT fait valoir que cette personne n’a pas fourni et ne peut fournir l’information dont elle a besoin pour sa requête fondée sur l’article 318, notamment :

  • les éléments de preuve en réponse à la prétention de GCT voulant que l’APVF n’ait produit qu’une partie des documents et des procès-verbaux pertinents des réunions pertinentes du conseil d’administration;
  • les [traduction« éléments de preuve positifs » qui confirment que toutes les communications pertinentes avec des conseillers externes, les communications gouvernementales et la correspondance interne ont été fournies;
  • l’information concernant les ententes conclues avec des tiers qui sont, selon GCT, pertinentes;
  • l’explication qui justifie pourquoi l’APVF n’a pas produit les documents se rapportant à sa décision de septembre 2019 visant à annuler la décision initiale de mars 2019 de ne pas étudier la proposition de projet de GCT.

[9]  GCT a déposé la présente requête en vertu de l’article 316, dont le libellé est le suivant :

316 Dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une demande.

316 On motion, the Court may, in special circumstances, authorize a witness to testify in court in relation to an issue of fact raised in an application.

[10]  GCT soutient que la situation en l’espèce représente des « circonstances particulières » au sens de l’article 316. Elle fait valoir que la déposante de l’APVF n’est pas en mesure de fournir des éléments de preuve relativement aux lacunes du dossier, car elle n’a aucune connaissance directe de son contenu. Selon GCT, contre-interroger cette déposante serait vide de sens, compte tenu des limites de ses connaissances.

[11]  GCT affirme que la seule manière d’évaluer le caractère adéquat du dossier est de contre-interroger M. Xotta, puisqu’il possède une connaissance personnelle et directe du processus décisionnel de l’APVF relativement aux principales décisions dans cette affaire. Selon GCT, sans ce contre-interrogatoire, la Cour n’aura accès à aucun élément de preuve concernant les documents sur lesquels l’APVF s’est appuyée pour prendre ses décisions – d’abord sa décision de mars 2019 de refuser l’approbation du projet de GCT, puis sa décision de septembre 2019 d’annuler cette décision. GCT soutient également que, sans le contre-interrogatoire de M. Xotta, [traduction« la Cour n’aura pas non plus accès aux éléments de preuve concernant les autres documents que l’APVF a en sa possession, qui sont pertinents quant à la demande et auxquels GCT est présumée avoir droit ».

[12]  GCT fait valoir que la Cour devrait examiner sa demande en tenant compte de l’allégation voulant que l’APVF ait fait preuve d’une partialité réelle dans sa prise de décision. Elle ajoute que [traduction« l’APVF n’est pas un tribunal traditionnel où le dossier de prise de décision est circonscrit. L’obscur processus décisionnel de ce décideur non juridictionnel justifie des éléments de preuve (au moyen d’un contre-interrogatoire ou autrement) pour établir précisément l’information dont disposait le décideur ».

[13]  Compte tenu de ce qui précède, GCT soutient que la Cour devrait exercer son pouvoir et ordonner le contre-interrogatoire hors cour de M. Xotta en application de l’article 316. Invoquant la décision Ginena c Canada (Procureur général), 2010 CF 297, aux para 4‑5 [Ginena], elle fait valoir que les « circonstances particulières » dont doit tenir compte la Cour en vertu de l’article 316 sont liées aux faits et que la principale question à laquelle il faut répondre est de savoir si la preuve par affidavit est inadéquate.

[14]  L’APVF présente plusieurs arguments contre la requête de GCT. Premièrement, elle affirme que l’article 316 ne s’applique pas à une requête fondée sur l’article 318, car l’article 316 ne s’applique qu’à une « demande » au sens des Règles, et non à une requête. Elle fait valoir que la partie 5 des Règles régissant les demandes prévoit que ces dernières seront réglées par procédure sommaire sur le fondement d’affidavits, de documents déposés en preuve au moyen d’affidavits et de contre-interrogatoires. Invoquant les articles 306‑308, l’APVF affirme également que les Règles prévoient expressément le droit de contre-interroger l’auteur d’un affidavit déposé à l’appui d’une demande.

[15]  L’APVF soutient que l’article 316 ne permet pas de procéder à un contre-interrogatoire hors cour. Elle affirme plutôt que cet article prévoit un moyen de présenter des témoignages de vive voix à l’audience, en plus de la preuve documentaire. L’APVF fait valoir que la demande de GCT est sans précédent et contraire au libellé explicite de l’article 316. Elle soutient que la décision Ginena ne s’applique pas, puisque dans cette affaire, le demandeur avait demandé l’autorisation de témoigner à l’audience et que cette demande avait été rejetée. Le protonotaire Richard Morneau avait alors souligné la « nature exceptionnelle » de telles demandes.

[16]  De plus, l’APVF affirme que les articles 317 et 318 ne visent pas les contre‑interrogatoires. L’article 317 prévoit un moyen par lequel une partie peut demander un document, et l’article 318 énonce le processus pour s’opposer à une telle demande. L’APVF fait remarquer que l’article 317 n’exige pas qu’un décideur produise des documents qui pourraient être liés aux questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire. Comme l’a plutôt confirmé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, au para 107 [Tsleil-Waututh 2017], l’APVF soutient que l’article 317 n’exige que la communication des documents qui sont « pertinents quant à la demande » et « en la possession » du décideur administratif, et de lui seul. Il ne sert pas la même fonction que la communication de la preuve dans une action (Tsleil-Waututh 2017, au para 115).

[17]  Enfin, l’APVF fait valoir que le témoignage de M. Xotta n’est pas nécessaire pour que la Cour statue sur l’opposition de GCT au titre de l’article 318, car la Cour peut ordonner en vertu du paragraphe 318(4) la communication d’autres documents si elle est convaincue que les documents transmis par l’APVF sont insuffisants. L’APVF soutient que l’article 317 ne vise pas à fournir l’équivalent de la communication de la preuve aux parties à une demande de contrôle judiciaire et que la Cour ne devrait pas reconnaître les efforts de GCT pour obtenir des documents supplémentaires.

[18]  En réponse, GCT soutient que sa demande relève dûment de l’article 316, puisqu’elle s’inscrit dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire existante. Elle précise qu’elle ne cherche pas à contre-interroger M. Xotta à l’audience de la requête fondée sur l’article 318 en soi. Elle souhaite plutôt le faire hors cour, [traduction« comme c’est souvent le cas », et s’appuyer sur la transcription à l’audience de la requête. GCT fait valoir que l’article 316 est comparable à l’article 371, qui prévoit que « [d]ans des circonstances particulières, la Cour peut […] autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une requête ». De plus, invoquant l’article 3, GCT soutient que, [traduction« bien qu’il n’y ait pas de dispositions explicites portant sur le contre-interrogatoire hors cour de personnes qui ne sont pas les déposants, les Règles doivent être interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste, expéditive et économique ».

III.  Analyse

[19]  L’essentiel de l’argument de GCT est énoncé dans l’extrait suivant tiré de ses observations en réponse :

[traduction]

Puisqu’elle a retardé la livraison du dossier, l’APVF a fourni, selon GCT, un dossier incomplet. Il y a longtemps que l’APVF aurait dû produire un dossier complet.

À l’égard de la requête fondée sur l’article 317, l’APVF a présenté une déposante sans aucune connaissance du dossier et/ou de l’APVF. Contre-interroger cette déposante serait vide de sens.

La seule personne ayant une connaissance réelle du caractère adéquat du dossier de l’APVF est M. Xotta, qui a certifié les documents au nom de l’APVF et qui a signé la lettre exposant la décision du 1er mars 2019 à la base de la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, il connaît bien les documents qui sous‑tendent cette décision et son « annulation » en septembre. Dans la demande de contrôle judiciaire elle-même, l’APVF n’a pas fourni d’affidavit de la part de M. Xotta, malgré son rôle dans le processus décisionnel et sa connaissance du dossier.

Compte tenu de l’allégation de partialité dans la demande, de la réticence de l’APVF à produire son dossier et des allégations de lacunes manifestes dans le dossier produit, GCT soutient respectueusement que le contre-interrogatoire demandé est la seule manière de vérifier correctement le caractère adéquat du dossier de l’APVF pour que la Cour tranche de façon juste la requête fondée sur l’article 317.

[20]  Je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire, à cette étape, de rendre l’ordonnance demandée par GCT. Ma conclusion s’appuie essentiellement sur trois motifs liés à l’interprétation et à la portée appropriées de l’article 316, à savoir le libellé clair de l’article 316, la jurisprudence restreinte qui l’applique et l’interprète ainsi que les commentaires publiés concernant son interprétation.

[21]  Premièrement, aux termes du libellé clair de l’article 316, « [d]ans des circonstances particulières, la Cour peut […] autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une demande » [non souligné dans l’original]. La version anglaise correspond à la version française : « [T]he Court may, in special circumstances, authorize a witness to testify in court in relation to an issue of fact raised in an application » [non souligné dans l’original]. Les articles 306 et 307 prévoient le dépôt d’affidavits par le demandeur et le défendeur, et l’article 308 porte sur le contre-interrogatoire des auteurs de ces affidavits. Ces éléments de preuve, conjugués au dossier certifié du tribunal déposé par suite d’une demande faite en vertu de l’article 317, composent le dossier de preuve dans la plupart des demandes de contrôle judiciaire.

[22]  Je suis d’accord avec GCT que l’article 316 ressemble à l’article 371, aux termes duquel, dans des « circonstances particulières », la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l’audience. Comme dans le cas des demandes de contrôle judiciaire, les Règles prévoient que, dans la plupart des cas, une requête sera fondée sur la preuve par affidavit et les contre-interrogatoires des auteurs de ces affidavits. Ce n’est que dans des circonstances particulières qu’un témoin témoignera à l’audience d’une requête présentée en vertu de l’article 371.

[23]  Ces dispositions peuvent être comparées aux articles 87-100 et 271-273 concernant les dépositions recueillies hors cour dans le contexte des actions. Ces articles montrent que les rédacteurs ont examiné précisément le moment où les éléments de preuve peuvent être recueillis hors cour et qu’ils ont intégré des dispositions précises et détaillées lorsqu’ils l’ont jugé nécessaire et approprié. J’estime que cela est conforme à une interprétation de l’article 316 où les témoignages ne sont autorisés qu’à l’audience.

[24]  Au paragraphe 107 de la décision Tsleil-Waututh 2017, le juge David Stratas a mentionné que « [l]’article 317 a l’effet que prévoit son libellé ». J’interprète l’article 316 de la même manière : il a l’effet que prévoit son libellé, lequel indique que la Cour autorise « un témoin à témoigner à l’audience ».

[25]  Deuxièmement, une telle interprétation va dans le sens de la jurisprudence restreinte sur la question. Je conviens avec l’APVF que la décision Ginena invoquée par GCT est d’une utilité limitée, puisqu’elle ne fait que souligner le caractère exceptionnel d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 316 et la primauté de la preuve par affidavit dans les demandes de contrôle judiciaire.

[26]  Dans la décision Tsleil-Waututh 2017 et d’autres décisions, il a été reconnu qu’il existe des exceptions à l’exigence générale voulant qu’une demande fondée sur l’article 317 se limite aux documents qui étaient devant le décideur avant qu’il rende sa décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire (Tsleil-Waututh 2017, aux para 112-114). L’une de ces exceptions se rapporte aux allégations de manquement à l’équité procédurale (Tsleil-Waututh 2017, aux para 98-99), ce qui comprend une allégation de partialité réelle. Chaque cas doit être examiné en fonction de ses propres faits. Cependant, cela ne justifie pas une interprétation libérale de l’article 316 qui permettrait de recueillir des dépositions hors cour.

[27]  Dans la décision Ermineskin Band of Indians v Canada (Minister of Indian and Northern Affairs) (1987), 15 FTR 42 (CFPI) [Ermineskin], le juge Collier a rejeté une demande visant à obtenir une ordonnance pour pouvoir interroger une personne hors cour. Il a souligné que le paragraphe 319(4) (la disposition qui a précédé l’article en vigueur) prévoyait qu’un tribunal peut autoriser le témoignage oral d’un témoin à l’audience d’une requête. Il a déclaré que [traduction« cette disposition, bien sûr, vise à permettre à un témoin d’être convoqué à l’appui de la requête ou en opposition à celle-ci » (Ermineskin, à la p 7). Le juge Collier a conclu [traduction« qu’il n’y a cependant rien dans les règles ou les procédures de la Cour qui permet le contre-interrogatoire ou l’interrogatoire d’un possible témoin éventuel avant l’audience d’une demande » (Ermineskin, à la p 7).

[28]  Dans la décision Glaxo Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et Apotex Inc et al (1987), 11 FTR 132 (CFPI), à la p 133, le juge Rouleau a confirmé que c’est au demandeur cherchant à obtenir une ordonnance en vertu du paragraphe 319(4) qu’il incombe de prouver l’existence d’une « raison spéciale » pour justifier une telle ordonnance. Dans la décision Holland c Canada (Procureur général), 1999 CanLII 9168 (CFPI), au para 3, relativement à l’article 316 en vigueur, le juge a cité avec approbation ce commentaire. Ensuite, ces décisions ont été citées et approuvées par le juge Richard Mosley dans la décision Canadian Supplement Trademark Ltd c Petrillo, 2010 CF 421 [Petrillo], où il a confirmé que le simple fait que la preuve documentaire puisse contenir des contradictions n’était pas un motif suffisant pour rendre une ordonnance en vertu de l’article 316. Dans le même ordre d’idées, le souhait de permettre à la Cour d’évaluer le comportement d’un témoin ne justifie pas à lui seul une ordonnance en vertu de l’article 316 (Petrillo, au para 20). D’après les faits de cette affaire, le juge Mosley a conclu que « [l]a présente situation n’en est pas une où les circonstances démontrant qu’un témoignage de vive voix est nécessaire sont les plus claires » (Petrillo, au para 24).

[29]  À ce point-ci, il n’est pas nécessaire d’analyser la jurisprudence se rapportant à la nature et à la portée de la communication prévue à l’article 317, puisque ce sera l’objet de la requête fondée sur l’article 318 de GCT, qui sera entendue à une date ultérieure. Il suffit de noter que la jurisprudence confirme que l’article 316 permet le témoignage oral à l’audience d’une demande, et non l’interrogatoire d’un témoin éventuel avant l’audience. La jurisprudence confirme également qu’il incombe à GCT de démontrer qu’une ordonnance si exceptionnelle est nécessaire.

[30]  Troisièmement, cette interprétation de l’article 316 est conforme aux commentaires publiés concernant les Règles : voir Brian Saunders et al., Federal Courts Practice, 2020 (Toronto : Thomson Reuters), à la p 757; Roger Hughes et al., Pratique devant les Cours fédérales, 2020 (Toronto : LexisNexis Canada), à la p 803; Bernard Letarte et al., Recours et procédure devant les Cours fédérales (Montréal : LexisNexis Canada), aux p 421-422.

[31]  Enfin, je ferais remarquer que la demande est peut-être prématurée. GCT a déposé une requête fondée sur l’article 318 pour obtenir plus de documents pertinents de la part de l’APVF. Cette dernière, à son tour, a déposé des documents à l’appui des documents communiqués. La requête sera entendue à une date ultérieure. La jurisprudence est claire : un tribunal dispose « d’une grande souplesse en matière de redressement » pour trouver une solution relativement à une requête visant à obtenir plus de documents en vertu du paragraphe 318(2) : Lukács c Canada (Office des transports), 2016 CAF 103, au para 13; Girouard c Conseil canadien de la magistrature, 2019 CAF 252, au para 18.

[32]  Si la Cour détermine que les documents communiqués par l’APVF en application de l’article 317 sont inadéquats, elle dispose évidemment de la souplesse nécessaire pour rédiger une ordonnance appropriée. Ainsi, GCT ne sera pas privée de recours si elle a finalement droit à d’autres documents. Toutefois, à ce point-ci, je ne suis pas convaincu qu’une telle communication est nécessaire pour que la Cour entende la requête fondée sur l’article 318 de GCT et statue sur celle-ci de façon juste.

IV.  Conclusion

[33]  Pour ces motifs, la requête déposée par GCT en vertu de l’article 316 visant à obtenir l’autorisation de contre-interroger M. Xotta avant l’audience de sa requête fondée sur le paragraphe 318(2) est rejetée.

[34]  Il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.


ORDONNANCE dans le dossier T-538-19

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête déposée par GCT en vertu de l’article 316 pour obtenir une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Xotta avant l’audience de sa requête visant à obtenir d’autres documents en application du paragraphe 318(2) est rejetée.

  2. Il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-538-19

INTITULÉ :

GCT CANADA LIMITED PARTNERSHIP c L’ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (oNTARIO) EN APPLICATION DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES, dors/98-106

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 15 OCTOBRE 2020

COMPARUTIONS :

Peter H. Griffin

Matthew B. Lerner

Christopher Yung

Margaret Robbins

POUR LA DEMANDERESSE

Joan Young

POUR LA DÉFENDERESSE

ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER

Gwen MacIsaac

Jordan Marks

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

McMillan s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU cANADA

 

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