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Date : 19990224


Dossier : IMM-535-98

ENTRE


HERMAN BARRAN,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision datée du 13 janvier 1998 par laquelle l"agente des visas N.M. Egan, du consulat général du Canada, à Buffalo (New York), aux États-Unis, a rejeté la demande que le demandeur avait présentée en vue d"être admis au Canada à titre de résident permanent.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est un ressortissant de la Trinité; il réside aux États-Unis depuis 1993. En 1972, le demandeur a terminé ses études secondaires à Port of Spain, à la Trinité. En 1973, il a reçu une formation en apprentissage dans le cadre d"un programme d"atelier pour une période d"un an et il a obtenu un certificat. En avril 1997, le demandeur a présenté une demande au consulat du Canada, à Buffalo, en vue d"être admis à titre de résident permanent au Canada dans le cadre du programme des travailleurs professionnels, en indiquant comme profession envisagée celle de régleur-conducteur de machines-outils, stade expérimental (no 8313-110 de la CCDP). Le 13 janvier 1998, le demandeur a reçu une lettre du consulat général du Canada lui faisant part du rejet de sa demande.

DÉCISION DE L"AGENTE DES VISAS

[3]      Dans sa décision, l"agente des visas dit ceci :

         [TRADUCTION]         
         À la suite de la demande que vous avez présentée en vue d"être admis à titre de résident permanent au Canada, j"ai examiné votre demande conformément au paragraphe 8(1) du Règlement sur l"immigration de 1978 et j"ai conclu que vous ne remplissiez pas les conditions en vue d"immigrer au Canada.         
         Votre profession (ou vos professions) a été évaluée conformément à la Classification canadienne descriptive des professions. Vous avez demandé à être évalué à titre de régleur-conducteur de machines-outils, stade expérimental, no 8313-110 de la CCDP.         
         J"ai effectué une évaluation et une enquête minutieuses en ce qui concerne votre formation et votre expérience à titre de régleur-conducteur de machines-outils, stade expérimental en me fondant sur les renseignements figurant dans votre demande. Toutefois, vous n"avez pas obtenu un nombre suffisant de points d"appréciation pour être admis à titre d"immigrant au Canada. Je suis convaincue que les points que vous avez obtenus indiquent d"une façon exacte si vous pouvez réussir votre installation au Canada. Le nombre minimum nécessaire est de 60 points, ce qui comprend cinq points additionnels si vous présentez une demande à titre de parent aidé.         
         Vous appartenez donc à la catégorie non admissible de personnes visées à l"alinéa 19(2)d ) de la Loi, qui se lit comme suit:         
         (2)      Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants [...] qui :         
              d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire.         
         J"ai donc rejeté votre demande.         
         Vous trouverez ci-joint une évaluation détaillée de chacune des professions à l"égard desquelles vous avez été apprécié. Veuillez noter qu"aucun point d"appréciation ne vous a été attribué à l"égard du facteur " personnalité " étant donné que des points ne peuvent être attribués à cet égard qu"à la suite d"une entrevue personnelle. Si une entrevue a lieu, le nombre minimum de points d"appréciation nécessaires est de 70. Même si l"on vous attribuait le nombre maximum de dix points à l"égard de la personnalité, vous n"auriez toujours pas le nombre minimum de points nécessaires.         
         Veuillez noter que si vous voulez faire examiner de nouveaux renseignements, vous devez soumettre une nouvelle demande et payer les frais d"examen nécessaires. (C"est l"auteur de la lettre qui souligne).         
         POINTS D"APPRÉCIATION         
         Profession : Régleur-conducteur de machines-outils, stade expérimental, no 8313-110         

Nombre de points obtenus

Maximum

Âge

Facteur professionnel

Préparation professionnelle spécifique ou

Études et formation

Expérience

Emploi réservé

Facteur démographique

Études

Connaissance du français et de l"anglais

Parent aidé

10

01


18

08

00

08

00

09

05

10

10


18

08

10

08

16

15

05

TOTAL (nombre minimum nécessaire : 60) 59

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[4]      Il est soutenu que l"agente des visas n"a pas attribué de points d"appréciation au demandeur à l"égard du facteur " Études " au lieu des treize (13) points auquel le demandeur a droit. Il est soutenu que le demandeur a terminé sa dixième année, qu"il est titulaire d"un certificat à l"égard d"un cours en atelier d"un an et qu"il a donc droit à treize points d"appréciation à l"égard du facteur " Études ".

[5]      Il est soutenu que l"agente des visas a prématurément rejeté la demande sur sélection administrative en se fondant sur une erreur de frappe et sans s"informer auprès du demandeur des études qu"il avait faites ou sans lui demander des copies de ses diplômes.

[6]      Il est soutenu que la preuve documentaire supplémentaire des diplômes obtenus par le demandeur autorise celui-ci à faire traiter son cas plus à fond et à obtenir une entrevue avec un représentant au consulat général du Canada.

[7]      Il est soutenu que même si elle a effectué son appréciation conformément à la loi et même si elle a conclu que le demandeur avait les qualités voulues à l"égard de la profession désignée, l"agente des visas a commis une erreur en n"attribuant pas au demandeur treize (13) points d"appréciation à l"égard du facteur " Études " étant donné que le demandeur a effectué des études postsecondaires et a obtenu son certificat : Muliadi c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.).

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[8]      Dans le cadre d"un contrôle judiciaire, le demandeur ne peut pas se fonder sur des éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas. Le diplôme d"études secondaires sur lequel le demandeur se fonde maintenant pour établir qu"il a terminé ses études secondaires ne peut donc pas légitimement être soumis à la Cour : Hossain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), IMM-2016-97 (C.F. 1re inst.) (17 avril 1998) et Lemiecha c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) (1993), 72 F.T.R. 49 (C.F. 1re inst.).

[9]      En outre, l"agente des visas n"est pas tenue d"aider le demandeur ou de demander des renseignements supplémentaires. Puisque c"était le demandeur lui-même qui avait soumis la documentation disant qu"il n"avait pas terminé ses études secondaires, il ne saurait maintenant alléguer que l"agente était tenue de demander des précisions ou des renseignements sur ce point : Hossain (supra) .

ANALYSE

[10]      Il y a deux questions à trancher :

     1.      Dans le cadre d"une demande de contrôle judiciaire, cette Cour peut-elle prendre en considération de nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur?
     2.      L"agente des visas était-elle tenue de demander des renseignements supplémentaires au sujet des études que le demandeur avait faites?

[11]      On doit répondre à la première question par la négative, comme la Cour l"a souvent fait. Dans le cadre d"un contrôle judiciaire, la Cour peut uniquement tenir compte des éléments de preuve dont le décideur disposait et non de nouveaux éléments : Brychka c. Canada (Procureur général) (1998), 142 F.T.R. 258. La demande de contrôle judiciaire doit être fondée sur les éléments de preuve figurant dans le dossier dont disposait l"office fédéral. Si la Cour examinait des éléments additionnels, le contrôle judiciaire serait transformé en appel. Anduengo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1997] 3 C.F. 468, 38 Imm. L.R. (2d) 217, 132 F.T.R. 281.

[12]      L"agente des visas ne disposait pas du diplôme d"études secondaires mentionné par le demandeur au moment où elle a effectué son appréciation, comme elle l"a déclaré dans son affidavit :

         [TRADUCTION]         
         M. Barran a déclaré qu"il n"avait pas terminé ses études secondaires. Ce renseignement a été donné en réponse à la question 12 de la demande, où figure l"inscription " études secondaires non terminées ".         

Dossier de la demande du défendeur, page 2

Dossier de la demande du demandeur, page 16

         [TRADUCTION]         
         Je remarque en outre que M. Barran a inclus à l"annexe " A " de l"affidavit qu"il a produit à l"appui un certificat de réussite du Calvary R.C. School.         
         Je tiens à faire remarquer que ce document ne m"avait pas été fourni lorsque j"ai rejeté la demande.         

Dossier de la demande du défendeur, page 2

[13]      Quant à la seconde question, la réponse est moins évidente. Dans la décision Dhesi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) [1997] A.C.F. no 59 (1re inst.), le juge Dubé a statué que l"agent des visas avait l"obligation d"équité de fournir des précisions lorsqu"il y avait des contradictions entre les réponses données oralement et les documents fournis :

         Un tribunal se doit de prendre en considération l"ensemble de la preuve et d"examiner les contradictions évidentes entre le témoignage oral d"un témoin, qui peut être nerveux (bien qu"il puisse avoir répondu, comme en l"espèce, qu"il ne l"était pas) et les renseignements fournis antérieurement par écrit sous déclaration solennelle.         

[14]      Dans la décision Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) [1998] A.C.F. no 819 (1re inst.), le juge Teitelbaum a fait les remarques suivantes au sujet de l"obligation d"équité qui incombe à l"agent des visas :

         En l'espèce, je suis convaincu que l'agent des visas a violé l'obligation d'équité qui lui incombait en ne demandant pas au demandeur, après avoir reçu les " cartes d'assurance ", d'expliquer ce qui, selon elle, était une contradiction au sujet de ses antécédents professionnels.         
         Il me semble que le demandeur s'est vu refuser le droit d'" expliquer " la contradiction alléguée.         

[15]      Dans l"arrêt Muliadi c. Canada (MEI) , [1986] 2 C.F. 205, le juge Stone, de la Cour d"appel, en parlant d"une appréciation négative que l"agent des visas avait reçue de la province de l"Ontario, a fait la remarque suivante :

         Si l"appelant en avait été informé avant que le rejet de sa demande n"ait été décidé, il aurait peut-être pu examiner la question, et il n"est pas impossible, convaincre l"agent des visas de la viabilité de l"entreprise.         

[16]      Cela étant, j"estime qu"en l"espèce, il n"existe pas d"éléments de preuve contradictoires donnant naissance à une obligation de la part de l"agente des visas de demander des renseignements supplémentaires. L"agente des visas avait devant elle une demande dans laquelle il était question d"[TRADUCTION] " études secondaires non terminées " et elle ne disposait d"aucun certificat contredisant cette déclaration.

[17]      De plus, le renseignement sur les [TRADUCTION] " études secondaires non terminées " n"était pas un renseignement dont le demandeur n"était pas au courant puisque sa signature figure sur le formulaire de demande sous la rubrique : " DÉCLARATION DU DEMANDEUR ".

         [TRADUCTION]         
         J"assume personnellement toute responsabilité à l"égard des déclarations qui sont faites dans cette demande et je déclare que les renseignements qui y figurent sont véridiques, exacts et complets. Si le demandeur ne vérifie pas le contenu de la demande avant de la signer, je ne crois pas qu"il incombe à l"agent des visas de confirmer le contenu de la demande.         

[18]      J"ai conclu que l"agente des visas s"était acquittée des obligations qu"elle avait selon les arrêts pertinents. En outre, si le demandeur a omis de fournir des renseignements importants au sujet de sa demande avant que la décision soit prise, il lui est loisible de soumettre une nouvelle demande, comme l"agente des visas l"a dit dans la lettre susmentionnée qu"elle a envoyée au demandeur le 13 janvier 1998.

[19]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         B. Cullen

                                     J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 février 1999

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :      IMM-535-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HERMAN BARRAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :      le 9 février 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE CULLEN EN DATE DU 24 FÉVRIER 1999.

ONT COMPARU :

Stanley Ehrlich      POUR LE DEMANDEUR
Brian Frimeth      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Codina and Pukitis      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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