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                                                                                                                                  Date : 20050526

                                                                                                                             Dossier : T-2154-02

                                                                                                                     Référence : 2005 CF 720

ENTRE :

                                                             RÉAL BÉLANGER

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                          Défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD :

[1]         Par son action intentée en application de l'article 135 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.), la Loi, le demandeur en appelle de la décision ministérielle rendue en vertu de l'article 131 de la Loi, le 24 septembre 2002, par le ministre du Revenu national, décision confirmant l'imposition de droits de douane au montant de onze mille trois cent deux dollars et soixante-quinze sous (11 302,75 $) pour des marchandises importées au Canada.


[2]         Le 23 mai 2001, après enquête, Nicole Beaulieu, enquêtrice de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a émis, à l'encontre du demandeur, un avis de confiscation compensatoire au montant de 11 302,75 $, sous l'autorité de l'article 124 de la Loi. L'enquêtrice considérait avoir des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait commis plusieurs infractions à la Loi en regard de marchandises importées au Canada entre le 15 août 1998 et le 15 septembre 2000.

[3]         Le processus de confiscation compensatoire est bien décrit par la Cour suprême du Canada, sous la plume de monsieur le juge Fish, dans l'arrêt récent de Martineau c. Canada (Ministre du Revenu national), [2004] 3 R.C.S. 737, aux pages 749 et 750 :

[40]          Le processus administratif de confiscation compensatoire comporte quatre étapes.

[41]          En premier lieu, en vertu de l'art. 124 de la LD, l'agent des douanes doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la LD a été commise. Cette condition préliminaire remplie, et après avoir constaté la difficulté de saisir les marchandises et les moyens de transport liés à l'infraction douanière, l'agent peut exiger du contrevenant un montant égal à la valeur de ces biens.

[42]          En deuxième lieu, la personne visée par un avis de confiscation compensatoire peut, dans un délai de 90 jours, demander au ministre de réviser la décision de l'agent des douanes (al. 129(1)d) de la LD). Le ministre communique alors les motifs qui appuient la sanction appliquée (par. 130(1) de la LD). Dans les 30 jours suivant la communication des motifs, le présumé contrevenant peut faire valoir ses prétentions et présenter sa preuve, par écrit, au ministre (par. 130(2) et (3) de la LD).

[43]          En troisième lieu, le ministre rend sa décision sur la validité de la confiscation compensatoire (art. 131 de la LD). Cette décision « n'est susceptible d'appel [. . .] ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1) » (par. 131(3) de la LD).

[44]          Enfin, en quatrième lieu, dans un délai de 90 jours suivant la communication de la décision du ministre, la personne qui l'a demandée peut porter l'affaire en appel, par voie d'action, devant la Cour fédérale (par. 135(1) de la LD).

[4]         Les dispositions de la Loi auxquelles réfère la Cour suprême, dans Martineau, supra, se lisent comme suit :



   124. (1) L'agent qui croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises ou de moyens de transport peut, si on ne les trouve pas ou si leur saisie est problématique, réclamer par avis écrit au contrevenant_:

a) soit le paiement du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

b) soit le paiement du montant inférieur ordonné par le ministre.

   (2) Pour l'application de l'alinéa (1)a), s'il s'agit de marchandises, le paiement que peut réclamer l'agent est celui du total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable_:

a) au moment de la signification de l'avis, si elles n'ont pas fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5) ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l'alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6);

b) au moment où elles ont fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas.

   (3) Pour l'application de l'alinéa (1)a), s'il s'agit de moyens de transport, le paiement que peut réclamer l'agent est celui de leur contre-valeur, déterminée par le ministre, au moment de la signification de l'avis.

   (4) Dans les cas où, pour les calculs visés au paragraphe (2), il est impossible d'établir la valeur en douane des marchandises, on peut y substituer leur valeur, déterminée par le ministre, au moment de la signification de l'avis.

   (4.1) Les articles 117 et 119 et le paragraphe (2) s'appliquent aux infractions à la présente loi ou aux règlements à l'égard de marchandises exportées ou sur le point de l'être, la mention de « _valeur en douane des marchandises_ » valant mention de « _valeur des marchandises_ » .

   (4.2) Pour l'application du paragraphe (4.1), la valeur des marchandises est égale à l'ensemble de tous les paiements que l'acheteur a faits, ou s'est engagé à faire, au vendeur ou au profit de celui-ci à leur égard.

   (4.3) Dans le cas où il est impossible d'établir la valeur des marchandises en application du paragraphe (4.2), le ministre peut déterminer cette valeur.

   (5) Il suffit, pour que l'avis prévu au paragraphe (1) soit considéré comme signifié, qu'il soit envoyé en recommandé à la dernière adresse connue du destinataire.

   (6) Le destinataire de l'avis est tenu de payer, en plus de la somme mentionnée dans l'avis, des intérêts au taux réglementaire, calculés sur le solde impayé pour la période allant du lendemain de la signification de l'avis jusqu'au jour du paiement intégral de la somme. Toutefois, aucun intérêt n'est exigible si la somme est payée intégralement dans les trente jours suivant la date de l'avis.

129. (1) Les personnes ci-après peuvent, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie ou la signification de l'avis, en s'adressant par écrit, ou par tout autre moyen que le ministre juge indiqué, à l'agent qui a saisi les biens ou les moyens de transport ou a signifié ou fait signifier l'avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article 131_:

[. . .]

d) celles à qui a été signifié l'avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

   130. (1) Le commissaire signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l'article 129 un avis des motifs de la saisie, ou des motifs de l'avis prévu aux articles 109.3 ou 124, à l'origine de la demande.

   (2) La personne visée au paragraphe (1) dispose de trente jours à compter de la signification de l'avis pour produire tous moyens de preuve à l'appui de ses prétentions.

   (3) Les moyens de preuve visés au paragraphe (2) peuvent être produits par déclaration sous serment faite devant toute personne autorisée par une loi fédérale ou provinciale à faire prêter serment et à recevoir les déclarations sous serment.

   131. (1) Après l'expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l'espèce, les circonstances de l'affaire et décide si c'est valablement qu'a été retenu, selon le cas_:

a) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

b) le motif d'utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction aux mêmes loi ou règlements, ou le motif de cette infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

c) le motif de non-conformité aux paragraphes 109.1(1) ou (2) ou à une disposition désignée en vertu du paragraphe 109.1(3) pour justifier l'établissement d'une pénalité en vertu de l'article 109.3, peu importe s'il y a réellement eu non-conformité.

   (1.1) La personne à qui a été signifié un avis visé à l'article 130 peut aviser par écrit le ministre qu'elle ne produira pas de moyens de preuve en application de cet article et autoriser le ministre à rendre sans délai une décision sur la question.

   (2) Dès qu'il a rendu sa décision, le ministre en signifie par écrit un avis détaillé à la personne qui en a fait la demande.

   (3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n'est susceptible d'appel, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

   135. (1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

   124. (1) Where an officer believes on reasonable grounds that a person has contravened any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods or conveyance, the officer may, if the goods or conveyance is not found or if the seizure thereof would be impractical, serve a written notice on that person demanding payment of

(a) an amount of money determined under subsection (2) or (3), as the case may be; or

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

   (2) For the purpose of paragraph (1)(a), an officer may demand payment in respect of goods of an amount of money of a value equal to the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto

(a) at the time the notice is served, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies; or

(b) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case.

   (3) For the purpose of paragraph (1)(a), an officer may demand payment in respect of a conveyance of an amount of money of a value equal to the value of the conveyance at the time the notice is served, as determined by the Minister.

   (4) For the purpose of calculating the amount of money referred to in subsection (2), where the value for duty of goods cannot be ascertained, the value of the goods at the time the notice is served under subsection (1), as determined by the Minister, may be substituted for the value for duty thereof.

   (4.1) Sections 117 and 119 and subsection (2) apply to a contravention of this Act or the regulations in respect of goods that have been or are about to be exported, except that the references to "value for duty of the goods" in those provisions are to be read as references to "value of the goods".

   (4.2) For the purposes of subsection (4.1), the expression "value of the goods" means the total of all payments made or to be made by the purchaser of the goods to or for the benefit of the vendor.

   (4.3) If the value of the goods cannot be determined under subsection (4.2), the Minister may determine that value.

   (5) Service of the notice referred to in subsection (1) is sufficient if it is sent by registered mail addressed to the person on whom it is to be served at his latest known address.

   (6) A person on whom a notice of ascertained forfeiture has been served shall pay, in addition to the amount set out in the notice, interest at the prescribed rate for the period beginning on the day after the notice was served and ending on the day the amount is paid in full, calculated on the outstanding balance. However, interest is not payable if the amount is paid in full within thirty days after the date of the notice.

   129. (1) The following persons may, within ninety days after the date of a seizure or the service of a notice, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing, or by any other means satisfactory to the Minister, to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or closest to the place from where the notice was served:

[. . .]

(d) any person on whom a notice is served under section 109.3 or 124.

   130. (1) Where a decision of the Minister under section 131 is requested under section 129, the Commissioner shall forthwith serve on the person who requested the decision written notice of the reasons for the seizure, or for the notice served under section 109.3 or 124, in respect of which the decision is requested.

   (2) The person on whom a notice is served under subsection (1) may, within thirty days after the notice is served, furnish such evidence in the matter as he desires to furnish.

   (3) Evidence may be given under subsection (2) by affidavit made before any person authorized by an Act of Parliament or of the legislature of a province to administer oaths or take affidavits.

   131. (1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

(a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

(b) in the case of a conveyance seized or in respect of which a notice was served under section 124 on the ground that it was made use of in respect of goods in respect of which this Act or the regulations were contravened, whether the conveyance was made use of in that way and whether the Act or the regulations were so contravened; or

(c) in the case of a penalty assessed under section 109.3 against a person for failure to comply with subsection 109.1(1) or (2) or a provision that is designated under subsection 109.1(3), whether the person so failed to comply.

   (1.1) A person on whom a notice is served under section 130 may notify the Minister, in writing, that the person will not be furnishing evidence under that section and authorize the Minister to make a decision without delay in the matter.

   (2) The Minister shall, forthwith on making a decision under subsection (1), serve on the person who requested the decision a detailed written notice of the decision.

   (3) The Minister's decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

   135. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.


[5]         Il importe en outre de reproduire les dispositions pertinentes suivantes de la Loi :



12. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, ainsi que des circonstances et des conditions prévues par règlement, toutes les marchandises importées doivent être déclarées au bureau de douane le plus proche, doté des attributions prévues à cet effet, qui soit ouvert.

   [. . .]

   (3.1) Il est entendu que le fait de faire entrer des marchandises au Canada après leur sortie du Canada est une importation aux fins de la déclaration de ces marchandises prévue au paragraphe (1).

   13. La personne qui déclare, dans le cadre de l'article 12, des marchandises à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada, ou qu'un agent intercepte en vertu de l'article 99.1 doit_:

a) répondre véridiquement aux questions que lui pose l'agent sur les marchandises;

b) à la demande de l'agent, lui présenter les marchandises et les déballer, ainsi que décharger les moyens de transport et en ouvrir les parties, ouvrir ou défaire les colis et autres contenants que l'agent veut examiner.

   17. (1) Les marchandises importées sont passibles de droits à compter de leur importation jusqu'à paiement ou suppression des droits.

32. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), des règlements d'application du paragraphe (6), et de l'article 33, le dédouanement des marchandises est subordonné_:

a) à leur déclaration en détail faite par leur importateur ou leur propriétaire selon les modalités réglementaires et, si elle est à établir par écrit, en la forme et avec les renseignements déterminés par le ministre;

b) au paiement des droits afférents.

   152. (1) Dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi en matière d'importation ou d'exportation de marchandises, la charge de prouver l'importation ou l'exportation incombe à Sa Majesté.

   (2) Pour l'application du paragraphe (1), la preuve de l'origine étrangère des marchandises constitue, sauf preuve contraire, celle de leur importation.

   (3) Sous réserve du paragraphe (4), dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l'autre partie à la procédure ou à l'inculpé pour toute question relative, pour ce qui est de marchandises_:

a) à leur identité ou origine;

b) au mode, moment ou lieu de leur importation ou exportation;

c) au paiement des droits afférents;

d) à l'observation, à leur égard, de la présente loi ou de ses règlements.

   (4) Dans toute poursuite engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, pour toute question visée aux alinéas (3)a) à d), non à Sa Majesté, mais au prévenu, à condition toutefois que la Couronne ait établi que les faits ou circonstances en cause sont connus de l'inculpé ou que celui-ci est ou était en mesure de les connaître.

12. (1) Subject to this section, all goods that are imported shall, except in such circumstances and subject to such conditions as may be prescribed, be reported at the nearest customs office designated for that purpose that is open for business.

   [. . .]

(3.1) For greater certainty, for the purposes of the reporting of goods under subsection (1), the return of goods to Canada after they are taken out of Canada is an importation of those goods.

   13. Every person who reports goods under section 12 inside or outside Canada or is stopped by an officer in accordance with section 99.1 shall

(a) answer truthfully any question asked by an officer with respect to the goods; and

(b) if an officer so requests, present the goods to the officer, remove any covering from the goods, unload any conveyance or open any part of the conveyance, or open or unpack any package or container that the officer wishes to examine.

   17. (1) Imported goods are charged with duties thereon from the time of importation thereof until such time as the duties are paid or the charge is otherwise removed.

   32. (1) Subject to subsections (2) and (4) and any regulations made under subsection (6), and to section 33, no goods shall be released until

(a) they have been accounted for by the importer or owner thereof in the prescribed manner and, where they are to be accounted for in writing, in the prescribed form containing the prescribed information; and

(b) all duties thereon have been paid.

   152. (1) In any proceeding under this Act relating to the importation or exportation of goods, the burden of proof of the importation or exportation of the goods lies on Her Majesty.

   (2) For the purpose of subsection (1), proof of the foreign origin of goods is, in the absence of evidence to the contrary, proof of the importation of the goods.

   (3) Subject to subsection (4), in any proceeding under this Act, the burden of proof in any question relating to

(a) the identity or origin of any goods,

(b) the manner, time or place of importation or exportation of any goods,

(c) the payment of duties on any goods, or

(d) the compliance with any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods

lies on the person, other than Her Majesty, who is a party to the proceeding or the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty.

   (4) In any prosecution under this Act, the burden of proof in any question relating to the matters referred to in paragraphs (3)(a) to (d) lies on the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty, only if the Crown has established that the facts or circumstances concerned are within the knowledge of the accused or are or were within his means to know.


[6]         En l'espèce, afin de permettre au demandeur de faire valoir tous moyens de preuve à l'encontre de l'avis de confiscation compensatoire du 23 mai 2001, et ce, conformément au paragraphe 130(2) de la Loi, le défendeur lui a transmis copie du rapport de l'enquêtrice Nicole Beaulieu, daté du 30 avril 2001. Suite à cette transmission faite vers le 10 septembre 2001, le demandeur n'a, avant la décision ministérielle du 24 septembre 2002, soumis aucun élément de preuve à l'appui de sa contestation de l'avis de confiscation compensatoire.


[7]         Le demandeur conteste maintenant l'existence de motifs raisonnables ayant pu permettre à l'enquêtrice de croire à quelque infraction à la Loi ou à ses règlements et soumet en conséquence que la décision ministérielle prise en vertu de l'article 131 de la Loi est mal fondée en faits et en droit. Toutefois, le demandeur n'a apporté aucune preuve à l'encontre de celle soumise par le défendeur voulant que le moyen de la confiscation compensatoire était justifié du fait qu'une partie des marchandises en cause n'ont pu être trouvées et que la saisie du reste était problématique puisque les marchandises (une nacelle, une chenille de traction et un « backo à trois pointes » ) étaient enterrées sous la neige et la glace, dans des boisés pratiquement inaccessibles.

[8]         Il s'agit donc ici, en définitive, de trancher les deux questions suivantes :

a)         L'enquêtrice des douanes avait-elle des motifs raisonnables de croire que les marchandises visées dans l'avis de confiscation compensatoire n'ont pas été déclarées ou ont été sous-évaluées lorsque importées au Canada, en contravention des articles 12, 13, 17 et 32 de la Loi?

b)          Est-ce que la décision du ministre rendue en vertu de l'article 131 de la Loi est bien fondée en faits et en droit?

                                                                * * * * * * * * * *

[9]         Les marchandises importées en cause peuvent être divisées ainsi :

1)         une nacelle;

2)         une déchiqueteuse et un tracteur à jardin;

3)         une « clutch » ;

4)         des couteaux à déchiqueteuse;

5)         de l'outillage; et

6)         des machineries agricoles consistant en une excavatrice, une petite chenille de traction et un « backo à trois pointes » .

[10]       En regard de chacune de ces marchandises, la preuve révèle ce qui suit :

1)         Importation de la nacelle


[11]       Dans la nuit du 19 mars 2000, le demandeur est entré au Canada et a fait défaut de se présenter à un poste de douane ouvert, en contravention du paragraphe 11(1) de la Loi. À deux reprises, le demandeur a confirmé avoir commis cette infraction, soit le 18 avril 2000, à l'agent des douanes Leslie MacLeod, au poste douanier de Chartierville, et le 20 février 2001, aux deux enquêteurs des douanes, Nicole Beaulieu et Jean-Maurice Ouellet, lors d'une perquisition autorisée à son domicile.

[12]       Durant cette nuit du 19 mars 2000, le demandeur a importé au Canada une nacelle portant une plaque d'immatriculation du Québec. Toutefois, le 12 avril 2001, le marchand américain Eddie Nash du New Hampshire, maintenant décédé, a confirmé à l'enquêtrice Beaulieu avoir vendu la nacelle au demandeur. Le 28 février 2001, ce dernier a confirmé aux deux enquêtrices Beaulieu et Masson que la valeur de la nacelle était de 4 000 $.

[13]       À cet égard, le 9 mai 2002, le demandeur a plaidé coupable devant la Cour du Québec, dossier 450-73-000233-019, à l'infraction d'avoir omis de se présenter au plus proche bureau de douane ouvert, contrevenant ainsi au paragraphe 11(1) et à l'article 161 de la Loi. Une amende de 300 $ lui a alors été imposée.

2)         Importation de la déchiqueteuse

[14]       Le 18 avril 2000, à Chartierville, alors que le bureau de douane était fermé, le demandeur a, en contravention des articles 11 et 12 de la Loi, importé au Canada une déchiqueteuse et un tracteur à jardin qu'il venait d'acquérir aux États-Unis. Entré une journée plus tôt dans ce pays, transportant alors une déchiqueteuse qu'il aurait vendue au marchand Eddie Nash, le demandeur revenait ainsi au Canada, en pleine nuit, en possession d'une autre déchiqueteuse.


[15]       Durant cette nuit du 18 avril 2000, une caméra de surveillance a identifié le camion du demandeur qui tirait une remorque. Dans la boîte du camion se trouvait un tracteur à jardin, et sur la remorque, une déchiqueteuse. Il n'est pas contesté que c'est le demandeur qui conduisait le camion. Ce dernier ne s'étant ni arrêté, ni présenté au poste de douane le plus proche conformément à l'article 11 de la Loi, il a été un peu plus tard arrêté par une patrouille de la Sûreté du Québec et reconduit au poste de douane de Chartierville. En réponse à une question de l'agent des douanes Leslie MacLeod, le demandeur a répondu qu'il ne rapportait aucune marchandise des États-Unis. Au sujet de la déchiqueteuse, qui portait une plaque immatriculée du Québec, le demandeur a précisé qu'elle avait été achetée au Québec, qu'il avait tenté en vain de la vendre aux États-Unis, et qu'il la rapportait tout simplement au Québec. Toutefois, à l'examen d'un reçu en possession du demandeur, daté du 17 avril 2000, l'agent des douanes a constaté que celui-ci avait lui-même vendu une déchiqueteuse au marchand américan Eddie Nash, pour un montant de 2 500 $.

[16]       Quant au tracteur à jardin qu'il transportait dans son camion, le demandeur a répondu à l'agent MacLeod qu'il n'avait pas été acheté aux États-Unis, mais qu'il le transportait chez lui en consignation. Toutefois, à l'examen des papiers en possession du demandeur, l'agent des douanes a trouvé un reçu prouvant que celui-ci avait acheté le tracteur la veille, le 17 avril 2000, du marchand américain Eddie Nash.

[17]       Enfin, à la question de savoir s'il était déjà passé aux douanes de Chartierville auparavant, le demandeur a répondu à l'agent MacLeod qu'il y était passé une seule fois, deux ou trois ans auparavant. Confronté par l'agent, le demandeur a dû admettre qu'il y était passé le mois précédant, le 19 mars 2000, à 1 heure 12 du matin, une fois le poste frontalier fermé.

[18]       Ce sont toutes ces circonstances qui ont alors amené l'agent MacLeod à prévenir la Division des enquêtes de l'Agence des douanes et du revenu dont l'enquêtrice a ensuite fait autoriser, par le juge de paix Réjean Beaudoin, un mandat de perquisition et deux demandes de renseignements à des tiers en vertu de l'article 43 de la Loi.


[19]       À cet égard, le 9 mai 2002, le demandeur a plaidé coupable à diverses infractions devant la Cour du Québec, dossier 450-75-000231-013, soit celle de ne s'être pas présenté le 18 avril 2000 à un poste douanier ouvert, et celle d'avoir importé à la même date la déchiqueteuse et un tracteur à jardin sans les avoir déclarés, le tout en violation des articles 11 et 12 de la Loi.

3)         Importation de la « clutch »

[20]       Vers le 10 juin 2000, le demandeur a importé au Canada une « clutch » qu'il avait acquise aux États-Unis du commerçant Eddie Nash, tel que cela appert d'une facture portant le numéro 84645 saisie lors de la perquisition autorisée du 20 février 2001. Le 28 février 2001, le demandeur a admis aux deux enquêteurs des douanes Beaulieu et Ouellet qu'il avait importé cette « clutch » , qu'il ne l'avait pas déclarée conformément à l'article 12 de la Loi et qu'elle se trouvait alors au Canada.

4)         Importation de couteaux à déchiqueteuse

[21]       Le 6 juin 2000, le demandeur a écrit à un commerçant américain du nom de Phillip Hickok Services, Inc., afin de commander un ensemble de couteaux à déchiqueteuse. Une facture portant le numéro 467971 saisie lors de la perquisition autorisée chez le demandeur indique que ces marchandises ont été payées « le 20 juin » . Or, à cette date précise, le demandeur est entré au Canada en provenance des États-Unis non pas au poste douanier de Rock-Island tel qu'il l'a déclaré à l'enquête du 28 février 2001, mais bien au poste frontalier de St-Herménégilde, au Québec. À cette occasion, le demandeur a déclaré qu'il importait uniquement 21 bouteilles de bière, tel que cela apparaît sur la déclaration en détail B-15 portant le numéro A01900.

5)         Importation d'outillage


[22]       En réponse à une demande autorisée de renseignements formulée par l'enquêtrice Beaulieu à la Banque de Montréal, celle-ci lui a communiqué des relevés de compte MasterCard du demandeur pour une période déterminée. Un relevé de compte en date du 3 mai 2000 révèle que le demandeur a acheté aux États-Unis, le 11 avril 2000, de la marchandise pour des montants de 126 $ et 348,10 $, en devises américaines. Un autre relevé de compte, en date du 3 octobre 2000, révèle que le demandeur a acheté aux États-Unis, les 13 et 15 septembre 2000, des marchandises aux montants de 289 $ et 400 $ en devises américaines. Or le demandeur n'a soumis aucune déclaration douanière détaillée en regard de toutes ces marchandises.

6)         Importation de machineries agricoles

[23]       Le 15 août 1998, le demandeur est entré au Canada en compagnie d'un dénommé Pierre Sioui. Ce dernier, ayant le statut d'Indien, a déclaré aux autorités douanières qu'il rapportait au Canada une excavatrice, une petite chenille de traction et un « backo à trois pointes » , soumettant une facture d'achat de Eddie Nash & Sons, Inc. d'un montant de 2 600 $ en devises américaines. Or, lors de la perquisition autorisée chez le demandeur du 20 février 2001, une facture au montant de 7 400 $ en devises américaines, concernant l'achat de la même marchandise, en provenance du même vendeur, a été trouvée. Interrogé par les agents des douanes, le demandeur a présenté une « Déclaration en détails des marchandises occasionnelles » (B-15) datée du 15 août 1998, au nom de Pierre Sioui, et il a reconnu que cette déclaration visait la marchandise qu'il avait lui-même acquise au montant de 7 400 $.

                                                                * * * * * * * * * *


[24]       À l'égard de toutes les marchandises importées en cause, le paragraphe 152(3) de la Loi imposait au demandeur le fardeau de la preuve de leur identité ou origine, du mode, moment ou lieu de leur importation ou exportation, du paiement des droits afférents et de l'observation de la Loi ou de ses règlements.

[25]       Au sujet de la nacelle, le demandeur prétend l'avoir achetée au Canada en novembre 1999. Il dit l'avoir payée comptant et ignore le nom tant du vendeur que du commerce avec qui il a fait affaires. Quant à la déchiqueteuse, il soutient l'avoir achetée au Québec, après publication d'un préavis d'encan. Il dit avoir payé comptant, sans contrat écrit.

[26]       Or, dans ces deux cas, la preuve a révélé que la nacelle et la déchiqueteuse n'étaient pas d'origine canadienne, mais bien d'origine américaine. Les recherches effectuées auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) par l'enquêtrice Beaulieu ont démontré que ces machineries n'avaient aucun historique d'immatriculation antérieure. C'est avec la complicité du commerçant Les Équipements Proulx et Raiche que le demandeur a pu obtenir des attestations de transactions fausses qui lui ont permis d'obtenir des plaques d'immatriculation du Québec au bureau de la SAAQ pour ces machineries. Jocelyn Raiche, de l'entreprise Les Équipements Proulx et Raiche, a témoigné avoir fourni les attestations sans avoir vu les machineries et sur la seule base des renseignements fournis par le demandeur. Monsieur Raiche a reconnu qu'il ne s'agissait pas là d'une pratique normale, expliquant qu'il a simplement voulu rendre service à un client régulier.


[27]       Considérant ce stratagème d'immatriculation basé sur des attestations de transactions émises sans pièces justificatives, considérant l'invraisemblance des réponses du demandeur voulant qu'il ne connaisse pas le nom des personnes au Canada qui lui ont vendu comptant la nacelle et la déchiqueteuse en cause, et considérant, par ailleurs, la confirmation par le commerçant Eddie Nash, le 12 avril 2001, à l'enquêtrice des douanes Beaulieu, qu'il avait vendu au demandeur une nacelle et une déchiqueteuse, je trouve le demandeur non crédible et son témoignage doit être écarté.

[28]       Cette dernière conclusion est renforcie par le témoignage de monsieur Alain Leech qui est venu déclarer à la Cour ce qu'il avait déjà déclaré par écrit, à savoir qu'après avoir vendu une déchiqueteuse de marque Asplundh au demandeur, ce dernier lui aurait demandé de mentir aux autorités douanières en leur faisant croire que la déchiqueteuse avait été plutôt vendue au commerçant américain Eddie Nash. Contribuent également à miner la crédibilité du demandeur, ses explications farfelues pour tenter de justifier ses passages au poste douanier éloigné de Chartierville, la nuit, et pour tenter d'expliquer la conduite du dénommé Sioui en regard de l'importation des machineries agricoles que ce dernier, en sa présence, a faussement prétendu être destinées à un village huron.

[29]       Dans les circonstances, non seulement le demandeur n'a-t-il pas réussi à repousser le fardeau de la preuve à lui imposé par le paragraphe 152(3) de la Loi, mais la preuve révèle de façon convaincante que l'enquêtrice des douanes Nicole Beaulieu avait des motifs raisonnables de croire que les marchandises visées dans l'avis de confiscation compensatoire du 12 juillet 2001 avaient été importées au Canada, par le demandeur, en contravention des articles 12, 13, 17 et 32 de la Loi, et qu'en outre, le demandeur avait contrevenu à l'article 11 de la Loi. La même preuve confirme le bien-fondé en faits et en droit de la décision du défendeur rendue en vertu de l'article 131 de la Loi.

[30]       Pour toutes ces raisons, l'action du demandeur est rejetée, avec dépens.


                                                                

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 26 mai 2005


                                                               COUR FÉDÉRALE

                                     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       T-2154-02

INTITULÉ :                                                      RÉAL BÉLANGER c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Les 18 et 19 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                          Le 26 mai 2005            

COMPARUTIONS:

M. Réal Bélanger                                              LE DEMANDEUR SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

Me Jacques Mimar                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Réal Bélanger                                                    LE DEMANDEUR

Orford (Québec)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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