Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 1997.12.08

     IMM-1899-96

E n t r e :

     MICHAEL DANIEL HOLMES,

     requérant,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [prononcés, tel que révisés, à l'audience

     à Edmonton (Alberta) le mercredi 8 octobre 1997]

LE JUGE CAMPBELL

[1]      En l'espèce, la décision à l'examen est celle d'un délégué du ministre qui s'est dit d'avis, en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, que le requérant constitue un danger pour le public. Le débat tourne en l'espèce autour de la question de savoir dans quelle mesure la décision qui a été prise reposait sur les faits qui avaient été établis le jour où la décision a été prise.

[2]      Il s'agit d'ailleurs d'une décision non motivée. Les recommandations communiquées à l'auteur de la décision par l'agent d'immigration qui avait examiné le dossier ne constituent pas des motifs.

[3]      Voici les propos qu'a tenus à cet égard le juge Strayer, de la Section d'appel, dans l'arrêt Williams (dossier no A-855-96) au sujet des facteurs qui s'appliquent en pareil cas. Le juge Strayer déclare, aux pages 22 et 23 :

         Ce qui a été reconnu, c'est que lorsque la décision discrétionnaire d'un tribunal est manifestement absurde ou lorsque les faits qui ont été soumis au tribunal exigeaient manifestement un résultat différent ou étaient dénués de pertinence mais ont apparemment eu un effet déterminant sur le résultat, il se peut qu'une cour de justice doive, en l'absence de motifs qui auraient pu expliquer comment le résultat est effectivement justifié ou comment certains facteurs ont été pris en considération mais rejetés, annuler la décision pour l'un des motifs reconnus de contrôle judiciaire comme l'erreur de droit, la mauvaise foi, la prise en considération de facteurs dénués de pertinence et l'omission de tenir compte de facteur pertinents.         

[4]      Dans le cas qui nous occupe, je considère comme vrais les faits qui sont exposés aux paragraphes 16 à 27 du mémoire du requérant et qui ont été relatés devant l'auteur de la décision avant qu'il ne prenne sa décision :

     [TRADUCTION]
     16.      Suivant les nombreux éléments de preuve dont le délégué du ministre disposait, le requérant souffrait d'une maladie mentale ainsi que d'alcoolisme au moment des infractions reprochées, mais il avait par la suite enrayé ses maladies.         
     17.      À la page 26 du dossier du procès-verbal du procès criminel qui a conduit à la première condamnation, le procureur de la Couronne précise que le requérant et la victime avaient tous les deux de graves problèmes d'alcool (ligne 16).         
     18.      À la page 31 du dossier, l'avocat qui occupait pour le requérant dans le procès criminel précise à la Cour que son client n'a commencé à boire que vers l'âge de 19 ans et qu'il a ensuite commencé à boire de façon excessive (lignes 18 à 20).         
     19.      À la page 48 du dossier, la Cour a, dans le procès criminel, conclu que rien ne permettait de conclure que le requérant avait intentionnellement écrasé la victime mais qu'il y avait des éléments de preuve convaincants suivant lesquels le jugement du requérant était affaibli par l'alcool (lignes 14 à 18).         
     20.      À la page 83 du dossier, la Cour a, dans l'instance qui s'est soldée par le jugement par lequel la Cour a, le 28 janvier 1993, déclaré le requérant coupable de conduite en état d'ébriété, conclu que le requérant souffrait d'une maladie caractérisée à la fois par l'alcoolisme et par une psychose schizophrénique de forme paranoïde ou qu'il avait des symptômes voisins. La Cour a précisé que le requérant ne pouvait pas être puni pour une maladie mentale, sauf en ce qui concernait l'abus d'alcool (lignes 7 à 17).         
     21.      Le délégué du ministre disposait également d'abondants éléments de preuve suivant lesquels le requérant avait vaincu sa schizophrénie et son alcoolisme depuis ces incidents survenus en 1988 et 1992.         
     22.      L'avocat du requérant a présenté des observations devant l'intimé et a précisé qu'un médecin soignait le requérant et que, malgré le fait que le requérant continuait à avoir des crises, et notamment à être victime d'hallucinations, la gravité et la fréquence de ces crises avaient diminué et que le requérant pouvait fonctionner normalement au travail et à la maison. L'avocat a ajouté que le requérant avait suivi des cours de préparation à la vie active et des cours de réadaptation pour alcooliques et toxicomanes pendant son incarcération. L'avocat a en outre précisé que le requérant avait travaillé de façon occasionnelle à compter de janvier 1995 et qu'il travaillait à temps plein depuis avril 1995 comme employé chargé de l'entretien dans un foyer pour personnes âgées. Récemment, l'avocat du requérant a informé la Cour que le requérant n'utilisait et ne consommait plus d'alcool ou de stupéfiants.         
     23.      L'agent d'immigration qui agissait au nom de l'intimé a conclu que le requérant n'avait fait l'objet d'aucune déclaration de culpabilité au cours des 35 derniers mois, que le requérant était soigné par son médecin et qu'il semblait que ses symptômes étaient enrayés grâce à sa médication, de sorte qu'il pouvait travailler à temps plein comme employé chargé de l'entretien dans un foyer et, finalement, que le requérant ne consommait plus d'alcool ou de stupéfiants (page 4 du dossier).         
     24.      Suivant la preuve soumise au délégué du ministre, le requérant n'a commis aucune infraction depuis le début de 1992.         
     25.      Il ressort à l'évidence du dossier que rien ne permet de conclure que le requérant ait jamais recouru à la violence ou qu'il ait jamais voulu causer du tort à qui que ce soit.         
     26.      À la page 28 du dossier, le procureur de la Couronne déclare, au sujet de l'accusation de conduite en état d'ébriété ayant causé la mort, qu'il tenait à bien préciser que le ministère public n'essayait pas de prétendre " et qu'il n'était pas en mesure de prouver " que le requérant savait que la victime se trouvait devant le véhicule lorsqu'il a poursuivi sa route ou lorsqu'il a commencé à conduire le véhicule.         
         À la page 33 du dossier, le même procureur de la Couronne affirme devant la Cour que, comme le requérant s'est approché du véhicule par l'arrière et non par le côté ou par le devant, il n'était pas en mesure d'apercevoir la victime ou toute autre personne qui aurait pu se trouver devant le véhicule en position accroupie et en train d'essayer d'enlever la plaque d'immatriculation. À la page 48 du dossier, la Cour conclut que rien ne permet de penser que l'accusé a intentionnellement écrasé la victime.         
     27.      Il ressort également à l'évidence du dossier, et plus particulièrement de la page 68 de celui-ci, que le requérant a souffert d'intenses remords en ce qui concerne la mort non intentionnelle qui a conduit à la première condamnation. Il a souffert d'angoisse et on lui a prescrit des antidépresseurs. Il avait entrepris des démarches en vue de consulter un psychiatre. Il avait dit à ses médecins qu'il entendait des voix et que les plaques d'immatriculation de voitures revêtaient une signification spéciale pour lui.         
         C'est ce qui a amené son médecin à l'adresser à un psychiatre. Le requérant prenait des gens pour d'autres et les confondait avec sa petite amie décédée. Il a subi plusieurs crises de panique et a même été victime de possibles réactions dissociatives.         

[5]      Par conséquent, je conclus que les faits portés à la connaissance de l'auteur de la décision commandaient de toute évidence un résultat différent. Faute de motifs démontrant en quoi le résultat est logique, j'annule par la présente la décision pour défaut de tenir compte de facteurs pertinents.

[6]      Il n'y a pas de questions à certifier et je ne prononce pas d'ordonnance quant aux dépens.

     Douglas R. Campbell

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 décembre 1997.

Traduction certifiée conforme     

                                     François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1899-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MICHAEL DANIEL HOLMES c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :      8 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Campbell le 8 décembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Karen Schwartzenberger              pour le requérant
     Me William Blain                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     McCUAIG DESROCHERS              pour le requérant
     Edmonton (Alberta)
     Me George Thomson                  pour l'intimé
     Sous-procureur général du Canada
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.