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Date : 20201102

Dossier : T‑1599‑19

Référence : 2020 CF 1023

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2020

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ROBYN YOUNG

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Robyn Young, est membre à la retraite des Forces armées canadiennes [FAC]. Elle demande le contrôle judiciaire d’une décision concernant la mise en œuvre d’une décision favorable rendue à la suite d’un grief.

Contexte

[2]  La demanderesse a été membre des FAC du 30 mai 2007 au 31 décembre 2015, date de sa libération pour raisons médicales.

[3]  Dans une lettre datée du 5 janvier 2015, la demanderesse a demandé le remboursement des frais de déplacement du plus proche parent [PPP] pour sa mère. La demanderesse a déclaré que sa mère avait fait quatre déplacements de Windsor (Ontario) à Victoria (Colombie‑Britannique) du 11 juin 2014 au 27 septembre 2014 pour être avec la demanderesse pendant qu’elle était hospitalisée et se rétablissait d’une chirurgie au cerveau. La demanderesse a demandé [traduction] « les prestations maximales » conformément à la politique en vigueur.

[4]  Le 6 juillet 2015, la demanderesse a présenté un grief concernant sa demande de prestation pour déplacement du PPP. Le Comité externe d’examen des griefs militaires [le Comité] a rejeté le grief.

[5]  Cependant, dans une décision du 6 mars 2018, le général J.H. Vance [général Vance], chef d’état‑major de la Défense, a informé la demanderesse que, après avoir effectué un examen de novo, et même s’il estimait que la demanderesse avait été traitée conformément à la politique applicable, il a conclu qu’elle avait été lésée. Il a déclaré qu’il était disposé à accorder le redressement qu’elle demandait et qu’il était en mesure de le faire.

[6]  Dans sa décision, le général Vance s’est reporté à la Directive sur la rémunération et les avantages sociaux [DRAS] 211.07 – Prestation pour déplacement du plus proche parent [DRAS 211.07], la politique approuvée par le Conseil du Trésor sur le remboursement des frais de déplacement du PPP. Le général Vance a convenu avec le Comité que la maladie grave de la demanderesse répondait aux critères de la DRAS 211.07 pour l’admissibilité à la prestation pour déplacement du PPP. Le général Vance a souligné que, pour le Comité, la question des critères d’admissibilité était que la demanderesse avait inscrit uniquement le nom de son père dans un formulaire des PPP, mais que la mère de la demanderesse s’était déplacée pour être avec cette dernière. Le général Vance a toutefois conclu que le fait que la mère de la demanderesse n’était pas inscrite dans le formulaire des PPP n’était pas pertinent et qu’il était tout à fait raisonnable, compréhensible et souhaitable que la mère de la demanderesse se soit déplacée pour être avec la demanderesse pendant la crise médicale de cette dernière. Il a déclaré que l’objet de la prestation pour déplacement du PPP est de permettre qu’un être cher puisse être au chevet d’un proche en cas de crise médicale, et qu’il était convaincu que les déplacements que la mère a faits pour être avec la demanderesse au moment où elle en avait besoin répondaient à l’objet de la prestation. Le général Vance a déclaré que la mère de la demanderesse était le PPP de cette dernière, même si son nom n’était pas inscrit dans le formulaire pertinent. Il a conclu que sa déclaration rendait la demanderesse admissible à la prestation pour déplacement du PPP pour les frais de déplacement de sa mère, conformément aux dispositions de la DRAS 211.07, et il a ordonné que la demanderesse soit remboursée en conséquence.

[7]  Le 14 mars 2018, la décision du général Vance a été transmise par courriel à l’unité du personnel militaire du Commandement et à l’unité d’appartenance de la demanderesse, le NCSM Malahat, pour qu’elle soit mise en œuvre.

[8]  Le 20 juin 2018, la demanderesse a présenté à l’Unité interarmées de soutien du personnel (UISP) des FAC une feuille de travail pour prestation pour déplacement du plus proche parent [la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP], dans laquelle elle demandait une prestation pour déplacement du PPP s’élevant à 51 701,80 $. Elle a également présenté une déclaration sous serment concernant une liste de 22 dépenses; cette déclaration est jointe au document. L’UISP a examiné la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP de la demanderesse et elle a réduit la prestation admissible à 13 676,01 $. Dans une lettre à la demanderesse datée du 31 juillet 2018, l’UISP a expliqué que, du 11 juin au 27 septembre 2014, la mère de la demanderesse avait fait quatre déplacements à ses propres frais pour être avec la demanderesse pendant son hospitalisation et sa convalescence. Le 27 septembre 2014, la demanderesse est retournée vivre à Windsor, en Ontario. Le droit à la prestation pour déplacement du PPP a donc pris fin le 28 septembre 2014. Toutes les dépenses engagées le 28 septembre ou après cette date ont été enlevées de la feuille de travail et ne devaient pas être remboursées. Un chèque de 13 676,01 $ du Fonds central des Forces armées canadiennes était joint à la lettre.

[9]  Dans une lettre datée du 9 août 2018, la demanderesse a répondu à la lettre du 31 juillet 2018 de l’UISP. La demanderesse a soutenu que la DRAS ne définit pas la cessation de la prestation ni le terme « déménager » et ne traite pas de la réinstallation du membre blessé, mais qu’elle définit le droit. Elle a fait valoir que le général Vance avait approuvé la prestation pour déplacement du PPP pour un total de 300 jours (120 jours ainsi que 180 jours supplémentaires qui avaient, a‑t‑elle affirmé, été autorisés par le général Vance). Elle a joint la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP et la déclaration solennelle, et elle a retourné le chèque. Dans un courriel du 27 août 2018 adressé au général Vance et à d’autres, la demanderesse a déclaré que l’UISP refusait toujours la directive du général Vance.

[10]  Le 7 septembre 2018, le lieutenant‑général C.A. Lamarre, commandant, Commandement du personnel militaire, a écrit à la demanderesse en réponse à son courriel du 27 août 2018. Il a souligné que la DRAS 211.07 est destinée au remboursement des déplacements d’un PPP. À la suite de la décision du général Vance, il était entendu que les FAC, conformément à la politique, rembourseraient la demanderesse pour les frais de déplacement engagés par sa mère, en tant que PPP. Toutefois, la demanderesse réclamait également un remboursement pour une période pendant laquelle elle vivait avec sa mère, ce qui ne correspondait pas à l’objet de la DRAS 211.07 et ne constituait pas une prestation pour déplacement approuvée par le général Vance. De plus, l’examen de la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP de la demanderesse a révélé que tous les déplacements ont été effectués du 11 juin au 27 septembre 2014 et du 12 au 17 mars 2015. Au cours de la période supplémentaire pour laquelle la demanderesse demandait une prestation pour déplacement du PPP, soit du 28 septembre 2014 au 30 avril 2015 (à l’exclusion de la période du 12 au 17 mars 2015, pour laquelle le Fonds pour les familles de militaires avait accordé un remboursement), il n’y a pas eu de déplacement puisque la demanderesse vivait avec sa mère. La demanderesse n’avait donc droit à aucune prestation en vertu du paragraphe 211.07(3) des DRAS pour la période en question.

[11]  Le lieutenant‑général Lamarre a déclaré que le chèque précédemment envoyé, d’un montant de 13 676,01 $ et provenant d’Appuyons nos troupes, devait couvrir tous les frais de déplacement restants du PPP et permettre de rembourser entièrement la demanderesse pour les déplacements effectués par sa mère en tant que PPP. De plus, les fonds d’Appuyons nos troupes étaient conformes à l’objet que visait la décision de l’autorité de dernière instance (le général Vance), qui était d’accorder à la demanderesse le redressement qu’elle demandait, conformément à la politique, puisque le montant est spécifiquement destiné aux frais de déplacement et de séjour. Le lieutenant‑général Lamarre a déclaré qu’il voulait rassurer la demanderesse que les frais de déplacement du PPP étaient couverts conformément à sa demande précédente, et il lui a demandé de confirmer qu’elle souhaitait qu’un chèque de 13 676,01 $ soit réémis.

[12]  Dans un courriel du 25 septembre 2018, la demanderesse a soutenu que le général Vance appuyait l’ensemble de sa demande de remboursement, pour les raisons qu’elle a énoncées. Elle a indiqué qu’elle n’accepterait pas un paiement de 13 676,01 $ et elle a déclaré que [traduction] « l’autorité de dernière instance (le général Vance) doit préciser le montant de la prestation qu’il m’accorde ».

[13]  Dans une lettre datée du 12 décembre 2018, le général Vance a écrit à la demanderesse pour répondre à ses préoccupations au sujet de la prestation pour déplacement du PPP. Il a déclaré que, après l’envoi de sa lettre de décision, il avait été porté à son attention que, en tant que membre de la Réserve de classe A, la demanderesse n’avait pas droit à la prestation prévue par la DRAS 211.07. Il était néanmoins d’avis que la demanderesse devait recevoir une certaine forme d’aide financière pour les dépenses engagées par sa mère. À cet égard, un chèque de 13 676,01 $, qui représentait des fonds non publics d’Appuyons nos troupes, avait été remis à la demanderesse. Le général Vance a déclaré qu’il estimait que ce montant respectait l’intention exprimée dans sa décision antérieure, rendue à l’appui du grief de la demanderesse. De plus, il a déclaré avoir confirmé que le montant offert et joint à la lettre représentait le remboursement maximal auquel la demanderesse aurait eu droit en vertu de la DRAS 211.07.

[14]  La demanderesse a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire par lequel elle contestait la lettre du 12 décembre 2018 du général Vance. Le 21 mai 2019, la Cour a rendu un jugement sur consentement par lequel elle annulait la décision du 12 décembre 2018 du général Vance en raison d’un manquement à l’équité procédurale survenu pendant le processus décisionnel. Des dépens de 1 250 $ ont été adjugés à la demanderesse.

[15]  Dans un courriel daté du 28 août 2019 adressé à divers membres des FAC et à d’autres personnes, la demanderesse a déclaré que la discrimination et le manque de respect dont ont fait montre les FAC n’étaient plus acceptables, et elle a exigé que les fonds qui lui étaient dus soient payés dans les 30 jours, à défaut de quoi elle déposerait une autre demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour. La demanderesse a joint au courriel la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP et la déclaration sous serment qu’elle avait initialement présentées le 20 juin 2018, ainsi que d’autres documents, y compris le jugement sur consentement.

[16]  Dans une lettre du 28 septembre 2019 adressée à la demanderesse, le vice‑amiral Haydn C. Edmundson [vice‑amiral Edmundson], commandant, Commandement du personnel militaire, a réitéré le contexte factuel relatif au grief de la demanderesse et à la demande de cette dernière d’obtenir une prestation pour déplacement du PPP. La lettre indiquait que la demanderesse avait encaissé le chèque de 13 676,01 $ d’Appuyons nos troupes le 21 janvier 2019, ce qui signifiait qu’elle acceptait de clore l’affaire et qu’elle ne demanderait aucun autre redressement ni réparation à cet égard. Le vice‑amiral Edmundson a déclaré qu’il était convaincu que la décision du général Vance du 6 mars 2018 avait été mise en application et que l’affaire était maintenant close. Tout autre recours devrait être exercé dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant la Cour.

[17]  Le 30 septembre 2019, la demanderesse a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 28 septembre 2019 par le vice‑amiral Edmundson.

Décision faisant l’objet du contrôle

[18]  La lettre du 28 septembre 2019 du vice‑amiral Edmundson adressée à la demanderesse se lit ainsi :

[traduction]

MISE EN APPLICATION DE LA DÉCISION RENDUE À LA SUITE D’UN GRIEF

REMBOURSEMENT DES FRAIS DE DÉPLACEMENT POUR LE PLUS PROCHE PARENT

MATELOT DE 1RE CLASSE (RETRAITÉE) ROBYN YOUNG

Références : A. CEMD 5080­1­15­y­104854 6 mars 2018

B. Note de LS Young 1000­1 datée du 5 janvier 2015

À la référence A, après avoir examiné votre grief, le chef d’état‑major de la Défense (CEMD) a conclu que vous étiez lésée, et il était disposé à vous accorder un redressement. Dans votre redressement de grief, vous avez demandé la prestation pour déplacement du plus proche parent (PDPPP) pour votre mère.

Le dossier du grief révèle que votre mère, du 11 juin 2014 au 27 septembre 2014, a effectué quatre déplacements aller‑retour entre Windsor (Ontario) et Victoria (Colombie‑Britannique), à ses propres frais, pour être avec vous. Les frais associés à ces déplacements s’élèvent à 13 676,01 $.

Le 27 septembre 2014, vous êtes retournée vivre à Windsor, en Ontario, pour vivre avec votre mère. Au cours des périodes du 28 septembre 2014 au 11 mars 2015 et du 18 mars 2015 au 30 avril 2015, pour lesquelles vous demandez un remboursement au titre de la PDPPP, aucun déplacement n’a été effectué puisque vous habitiez avec votre mère. Par conséquent, aucuns frais de déplacement du plus proche parent n’ont été engagés.

À la suite de la présentation de votre demande de remboursement des frais de déplacement et de vos déclarations solennelles, un chèque de 13 676,01 $ d’Appuyons nos troupes émis le 14 novembre 2018 (no 372829), qui couvrait les frais de déplacement du plus proche parent engagés par votre mère pendant la période du 11 juin 2014 au 27 septembre 2014, vous a été envoyé.

Vous avez encaissé ce chèque le 21 janvier 2019. Cela signifie que vous acceptiez que l’affaire est close et que vous ne demanderez aucun autre redressement ni réparation à cet égard.

Je suis convaincu que la décision du CEMD (référence A) a été mise en application et que le dossier est maintenant fermé; tout autre recours dans cette affaire doit être exercé au moyen d’un contrôle judiciaire instruit en vertu de la Loi sur les Cours fédérales.

Pour terminer, je tiens à vous remercier du service que vous avez accompli dans les Forces armées canadiennes, et je vous souhaite la meilleure des chances dans vos projets.

Régime législatif

[19]  La politique en cause dans la présente affaire est la suivante : Directives sur la rémunération et les avantages sociaux des Forces canadiennes, ou DRAS, chapitre 211 – Prestations de service pour les militaires blessés et malades des Forces armées canadiennes, dont les dispositions les plus pertinentes sont les suivantes :

211.07 – PRESTATION POUR DÉPLACEMENT DU PLUS PROCHE PARENT

211.07(1) (But) La prestation pour déplacement du plus proche parent a pour but de rembourser les frais de déplacement et de séjour de ses plus proches parents et de leurs accompagnateurs à un militaire malade ou blessé.

211.07(2) (Définitions) Les définitions suivantes s’appliquent à la présente directive :

« accompagnateur » signifie une personne qui, à l’égard d’un proche parent, satisfait aux exigences des alinéas (3)(a) ou (b) de l’article 209.02. (travel assistant)

« frais de déplacement et de séjour » s’entend au sens de l’article 209.01 (Définitions et interprétation) des ORFC. (travel and living expenses)

« PDPPP » signifie le paiement ou remboursement des frais de déplacement et de séjour des plus proches parents et de leurs accompagnateurs d’un membre malade ou blessé. (NKTB)

« plus proche parent » s’entend au sens de l’article 1.02 (Définitions) des ORFC. (next of kin)

211.07(3) (Droit) Un militaire a droit à la PDPPP si toutes les conditions suivantes sont réunies :

(a) un médecin militaire est de l’opinion que,

(i) le militaire a une déficience sérieuse ou invalidante, ou qui peut être mortelle

(ii) la présence du plus proche parent du militaire est immédiatement nécessaire à l’emplacement du militaire;

(b) le chef d’état‑major de la défense – ou un officier désigné par le chef d’état‑major de la défense – détermine qu’il n’y a aucune raison opérationnelle ou de sécurité qui empêche le plus proche parent – et un accompagnateur, selon le cas – d’être à l’emplacement du militaire; et

(c) le plus proche parent – et un accompagnateur, selon le cas – voyage à l’emplacement du militaire.

211.07(4) (Nombre de personnes) La PDPPP est autorisée pour un maximum de quatre personnes, y compris des accompagnateurs.

211.07(5) (Déplacement – Durée) La PDPPP est autorisée pour un maximum de 120 jours en ce qui concerne le nombre total de personnes qui voyagent et ainsi divisé entre les personnes par le militaire, si le militaire est apte, ou par le premier PPP adulte, si le militaire est inapte. Le chef d’état‑major de la défense peut autoriser une période additionnelle de déplacement maximale de 180 jours pour une personne si, de l’avis du médecin militaire, la présence du PPP est requise.

(CT, en vigueur le 7 juin 2012)

[20]  Pour les besoins de la prestation pour déplacement du PPP, « plus proches parents » et « frais de déplacement et de séjour » sont définis aux chapitres 1.02 et 209.01, respectivement, des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC] :

1.02 – DÉFINITIONS

Dans les ORFC ainsi que dans tous les ordres et directives émis à l’intention des Forces canadiennes en vertu de la Loi sur la défense nationale, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente, les définitions qui suivent s’appliquent :

[…]

« plus proches parents » S’agissant d’un officier ou militaire du rang, personnes qu’il désigne à ce titre, par ordre de préférence, sur le formulaire approuvé à cette fin par le chef d’état‑major de la défense. (next of kin)

Section 1 Frais de déplacement et de séjour

209.01 – DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

[…]

(2) Pour l’application de la présente section, « frais de déplacement et de séjour » s’entendent des frais payés ou remboursés sur des fonds publics, aux mêmes taux et dans les mêmes conditions que ceux prévus pour les officiers du service général qui sont titulaires du grade de lieutenant‑colonel en service temporaire et sont en déplacement, et comprennent les frais suivants :

a)  les frais réels et raisonnables de transport;

b)  les frais réels et raisonnables d’hébergement;

c)  l’indemnité de repas;

d)  l’indemnité pour frais accessoires.

(G) [C.P. 2012­0767 en vigueur le 7 juin 2012; C.P. 2014­933 en vigueur le 15 septembre 2014]

Questions en litige

[21]  Dans ses observations écrites, la demanderesse, qui se représente elle‑même, a énoncé les questions en litige suivantes : le « CEMD » a‑t‑il agi contrairement à la loi; fondé sa décision sur une conclusion erronée sans tenir compte des documents dont il disposait; manqué au principe de justice naturelle et d’équité procédurale; refusé d’exercer sa compétence?

[22]  À l’inverse, le défendeur soutient qu’il n’y a qu’une seule question de fond en litige dans la demande de contrôle judiciaire, à savoir si la décision du vice‑amiral Edmundson, commandant, Commandement du personnel militaire, est raisonnable.

[23]  Étant donné que les observations des parties concernent des décideurs différents et des décisions différentes, il faut d’abord déterminer quelle décision doit faire l’objet d’un contrôle avant de procéder à une analyse quant au fond.

[24]  Dans son avis de demande, la demanderesse indique que la décision faisant l’objet du contrôle est la décision du 28 septembre 2019 du vice‑amiral Edmundson, qu’elle désigne comme le « chef d’état‑major de la Défense [CEMD] ». La demanderesse affirme également dans son avis de demande que le vice‑amiral Edmundson, dans sa décision, est revenu sur la décision définitive et exécutoire du 6 mars 2018 du général Vance, et qu’il n’a pas tenu compte du jugement sur consentement du 21 mai 2019 :

[traduction]

Dans sa décision du 28 septembre 2019, le vice‑amiral Haydn C. Edmundson, chef d’état‑major de la Défense [CEMD], est revenu sur la décision définitive et exécutoire précédente (approbation) rendue le 6 mars 2018 par le général J.H. Vance (en ce qui concerne la prestation pour déplacement du plus proche parent [PDPPP] qui a été approuvée dans le cadre d’un redressement de grief), et il n’a pas tenu compte du jugement rendu le 21 mai 2019 à la Cour fédérale du Canada [sic] par le sous‑procureur général du Canada.

[25]  Je souligne que, bien que la demanderesse désigne le vice‑amiral Edmundson comme le « CEMD », il est clair, d’après le dossier dont je dispose, que le vice‑amiral Edmundson a pris la décision du 28 septembre 2019 en sa qualité de commandant, Commandement du personnel militaire. Il est également clair que le général Vance, en tant que chef d’état‑major de la Défense, a pris la décision précédente, le 6 mars 2018, concernant le droit à la prestation pour déplacement du PPP.

[26]  Dans ses observations écrites, la demanderesse affirme qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire portant sur la [traduction] « rétractation continue concernant la mise en application de la décision définitive et exécutoire (l’octroi) de l’autorité de dernière instance, le général J.H. Vance, chef d’état‑major de la Défense [CEMD], rendue le 6 mars 2018, relativement au droit à la prestation pour déplacement du plus proche parent [PDPPP] sur le plan financier ».

[27]  Bien qu’elle ait indiqué que sa demande de contrôle judiciaire portait sur la mise en application de la décision du général Vance, dans ses observations écrites, la demanderesse a affirmé que les questions en litige se rapportaient au « CEMD ».

[28]  À cet égard, la demanderesse soutient que le « CEMD » a agi de [traduction] « toute autre façon contraire à la loi » lorsqu’il a revu sa décision initiale du 6 mars 2018 en procédant à des « séances d’information » suivant cette décision; lorsqu’il a pris une nouvelle décision le 12 décembre 2018; lorsqu’il a permis à l’UISP d’examiner et de réviser la prestation pour déplacement du PPP à laquelle la demanderesse avait droit; lorsqu’il a permis au vice‑amiral Edmundson de prendre une nouvelle décision le 28 septembre 2019; lorsqu’il a conclu que le remboursement à la demanderesse avait été effectué au moyen du chèque émis à partir des fonds d’Appuyons nos troupes.

[29]  La demanderesse a également soutenu que le « CEMD » a fondé sa décision sur des conclusions erronées sans tenir compte des documents dont il disposait lorsque [traduction] : « le personnel militaire ne relevant pas de la compétence du directeur général, Autorité des griefs des Forces canadiennes, a effectué un examen le 12 novembre 2018 en utilisant des critères discriminatoires qui ne sont conformes à aucun document législatif ou réglementaire militaire ».

[30]  Elle a ajouté que le « CEMD » n’a pas respecté les principes de justice naturelle et d’équité procédurale : [traduction] « lorsqu’il a effectué des examens après la décision définitive et exécutoire du 6 mars 2018 »; lorsque l’UISP a effectué un examen et une révision concernant le droit de la demanderesse à la prestation pour déplacement du PPP; lorsque le vice‑amiral Edmundson a pris une nouvelle décision le 28 septembre 2019; et lorsqu’un critère non pertinent au chapitre du droit à la prestation a été présenté au « CEMD ».

[31]  La demanderesse a également relevé, comme question en litige, que le « CEMD » avait refusé d’exercer sa compétence : [traduction] « lors de la mise en application de sa décision définitive et exécutoire du 6 mars 2018 »; lorsque le personnel militaire ne relevant pas de l’autorité du directeur général de l’Autorité des griefs des Forces canadiennes, a effectué des examens relatifs au droit de la demanderesse à la prestation pour déplacement du PPP, et [traduction] « lorsque la demanderesse a reçu un jugement sur consentement le 21 mai 2019 pour le contrôle judiciaire précédent ».

[32]  D’après ces observations, il est évident que la demanderesse conteste la mise en application de la décision du 6 mars 2018 du général Vance et, à cet égard, elle attribue au général Vance toutes les mesures liées à la mise en application. Je présume que c’est en raison du rôle du général Vance, qui est le chef d’état‑major de la Défense, l’autorité de dernière instance dans la chaîne de commandement militaire. Toutefois, la décision du 6 mars 2018 du général Vance n’est pas celle qui fait l’objet du contrôle judiciaire en l’espèce. Je ne suis pas non plus saisie de la décision rendue le 28 septembre 2019 par le général Vance, qui a été annulée par le jugement sur consentement. Le dossier dont je dispose n’appuie pas non plus le fait que le général Vance a participé à la mise en application de sa décision du 6 mars 2018.

[33]  La seule décision faisant l’objet d’un contrôle en l’espèce est la décision rendue le 28 septembre 2019 par le vice‑amiral Edmundson. Lorsqu’elle a comparu devant moi, la demanderesse a reconnu que ses observations écrites ont manqué la cible, puisque la décision pour laquelle elle demande un contrôle judiciaire est la décision du vice‑amiral Edmundson. Elle a donc révisé ses observations orales, comme nous le verrons plus loin, pour mettre l’accent sur le caractère raisonnable de la décision.

[34]  La décision définitive concernant la mise en application de la décision du général Vance a été rendue dans la lettre de décision du 28 septembre 2019 du vice‑amiral Edmundson. Par conséquent, et après avoir examiné l’ensemble des documents dont je dispose, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la demande de contrôle judiciaire soulève en réalité une question de fond, à savoir si la décision du vice‑amiral Edmundson est raisonnable.

[35]  Enfin, dans la mesure où la demanderesse affirme dans ses observations écrites qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale relativement à la décision du vice‑amiral Edmundson, elle n’a pas expliqué, de quelque façon que ce soit, le fondement de cette affirmation.

Norme de contrôle

[36]  La demanderesse ne formule aucune observation quant à la norme de contrôle applicable. Le défendeur soutient, et je suis d’accord, que la norme de contrôle de la décision raisonnable est présumée s’appliquer (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux para 12, 25, 91, 97, 100, 102 et 116 [Vavilov]).

[37]  La cour de révision doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, aux para 15, 99). Lorsqu’une décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti, elle est raisonnable et la cour de révision doit faire preuve de retenue à son égard (Vavilov, au para 85).

Questions préliminaires

  i.  Admissibilité de l’affidavit de la demanderesse

[38]  Le défendeur soutient que des parties de l’affidavit de la demanderesse souscrit le 13 novembre 2019 et déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire contiennent des arguments et des opinions, contrairement aux exigences du paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], et à la jurisprudence selon laquelle l’affidavit a pour but de présenter les faits pertinents quant au litige « sans commentaires ni explications » (Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 47, au para 18). Le défendeur mentionne expressément les paragraphes 5, 9, 11, 13 et 20, qui selon lui contiennent en tout ou en partie des arguments ou des opinions. Par conséquent, ces paragraphes devraient être jugés inadmissibles, ou devraient se voir accorder que peu de poids.

[39]  L’interprétation des Règles et du droit pertinent par le défendeur est correcte et, dans la mesure où les paragraphes contestés constituent un argument ou une opinion, je ne leur accorderai aucun poids.

  ii.  Admissibilité de nouveaux éléments de preuve

[40]  Le défendeur soutient que le document qui constitue l’onglet 4 du dossier de requête de la demanderesse n’a pas été dûment présenté à la Cour et que la demanderesse n’a pas demandé l’autorisation de la Cour pour déposer un affidavit complémentaire. Le défendeur soutient que le document devrait être radié ou, subsidiairement, qu’il ne faudrait lui accorder aucun poids.

[41]  Le document contesté constitue l’onglet 4 du dossier de requête de la demanderesse, et il est intitulé « Applicant’s Additional Record » (Document complémentaire de la demanderesse). La demanderesse explique qu’elle a rédigé le document à l’intention de l’autorité de dernière instance (le général Vance) à l’étape finale du redressement du grief, avant que ne soit rendue la décision définitive et exécutoire de l’autorité de dernière instance. Ce document est daté de février 2015. Il n’est pas mentionné dans l’affidavit de la demanderesse ni joint à l’affidavit en tant que pièce. Il ne figure pas non plus dans le dossier certifié modifié du tribunal.

[42]  Conformément à l’article 312 des Règles, une partie peut, avec l’autorisation de la Cour, déposer des affidavits complémentaires à ceux déposés à l’appui de la demande de contrôle judiciaire ou déposer un dossier complémentaire. Pour obtenir l’autorisation visée au paragraphe 312 des Règles, la demanderesse doit satisfaire à deux exigences préliminaires : 1) la preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire; 2) l’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher (Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, aux para 4‑6; voir aussi GCT Canada Limited Partnership c Administration portuaire Vancouver Fraser, 2020 CF 348). Les éléments de preuve complémentaires ne sont autorisés que si les conditions suivantes sont respectées : ils serviront l’intérêt de la justice; ils aideront la Cour; leur admission ne causera aucun préjudice important à l’autre partie, et ils n’étaient pas accessibles au moment du dépôt de l’élément de preuve original (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, aux para 10‑16).

[43]  En l’espèce, la demanderesse n’a pas cherché à présenter le document contesté au moyen d’un affidavit complémentaire. Elle n’a pas non plus demandé l’autorisation de déposer un dossier complémentaire.

[44]  Comme il a été mentionné précédemment, le document ne figure pas non plus dans le dossier certifié du tribunal, et il est donc possible de supposer qu’il n’a pas été présenté au décideur. Dans le cours normal des choses, et à certaines exceptions près, les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance du décideur administratif ne sont pas admissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire (voir, par exemple, Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, au para 35; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22, au para 19).

[45]  Quoi qu’il en soit, et après avoir examiné le document, je suis d’avis que, même si la demanderesse avait demandé l’autorisation, le document ne serait pas admissible. Le document était pertinent pour l’examen du grief de la demanderesse, qui a été tranché par le général Vance dans sa décision du 6 mars 2018; toutefois, cette décision ne fait pas l’objet de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce. La décision en cause est la décision de mise en application du vice‑amiral Edmundson du 28 septembre 2019. Par conséquent, le document n’est pas pertinent et n’aiderait pas la Cour à se prononcer sur le caractère raisonnable de la décision du vice‑amiral Edmundson. De plus, puisque le document aurait été rédigé en 2015, il aurait été accessible au moment du dépôt de la demande de contrôle judiciaire.

[46]  Enfin, je souligne que la demanderesse ne s’appuie sur le document qu’une seule fois, au paragraphe 11 de ses observations écrites, dans le but d’étayer le fait qu’elle a demandé le remboursement maximal pour sa mère au titre de la prestation pour déplacement du PPP. À cet égard, la lettre du 5 janvier 2015, dans laquelle la demanderesse demande la prestation pour déplacement du PPP pour les dépenses engagées par sa mère, énumère les quatre déplacements effectués par sa mère et [traduction] « demande les prestations maximales » se trouve dans le dossier certifié du tribunal et est également mentionnée dans l’affidavit du capitaine Rodney Summerton, déposé par le défendeur dans la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie. Le défendeur ne conteste pas le fait que la demanderesse prétend avoir demandé la prestation maximale. Ce qu’il faut établir, c’est si le vice‑amiral Edmundson a agi raisonnablement lorsqu’il a tranché la question de savoir lesquelles des dépenses couvertes par la prestation selon la demanderesse sont réellement remboursables en vertu de la DRAS 211.07 et de la directive du général Vance.

[47]  Par conséquent, même si le document en question n’est pas admissible, cela n’a pas d’incidence négative sur cet aspect de la preuve de la demanderesse.

  iii.  Fondements de la demande

[48]  Le défendeur soutient que les observations écrites de la demanderesse contiennent un motif qui ne figurait pas dans l’avis de demande de la demanderesse. Plus précisément, la demanderesse ajoute la question du « pouvoir délégué » de l’UISP de déterminer le montant de la prestation pour déplacement du PPP. Selon l’alinéa 301e) des Règles, l’avis de demande de contrôle judiciaire doit contenir un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable. Sauf dans certaines circonstances, les demandeurs ne peuvent pas présenter de nouveaux motifs dans leurs observations écrites, même si le défendeur n’a pas subi de préjudice (TI’azt’en Nation c Sam, 2013 CF 226, aux para 6‑7 [TI’azt’en Nation]). Le défendeur soutient que les motifs énoncés dans l’avis de demande de la demanderesse ne comprennent pas le pouvoir de l’UISP d’évaluer les documents à l’appui de la demanderesse et de réviser la feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP de la demanderesse. Il n’en est pas non plus question dans le dossier de la preuve. Le défendeur soutient que l’ajout de ce motif lui cause un préjudice, puisqu’il n’a pas pu déposer d’éléments de preuve sur la question.

[49]  Comme l’a indiqué le défendeur, dans la décision TI’azt’en Nation, la Cour a déclaré ce qui suit :

[6] Les personnes qui demandent un contrôle judiciaire doivent énoncer dans leurs avis de demande les motifs sur lesquels elles se fondent et elles ne peuvent pas présenter de nouveaux motifs dans leurs mémoires des faits et du droit, même si le défendeur n’a pas subi de préjudice (Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, alinéa 301e) (voir l’annexe); Arora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 24 (CF 1re inst.), au paragraphe 9; Williamson c Canada (Procureur général du Canada), 2005 CF 954; Spidel c Canada (Procureur général du Canada), 2011 CF 601).

[7] Toutefois, il y a de la place pour l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire lorsque, par exemple, des arguments pertinents sont soulevés après le dépôt de l’avis de demande; les nouveaux arguments sont bien fondés, ils sont apparentés à ceux énoncés dans l’avis et sont étayés par le dossier de la preuve; le défendeur ne subirait pas de préjudice et il n’en résulterait pas de retard indu (Al Mansuri c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 22, aux paragraphes 12 et 13).

[50]  En l’espèce, la demanderesse affirme dans la section « Overview of Events » [Aperçu des événements] de ses observations écrites que, conformément à la DRAS 211, chapitre 1, article 1.20, « Pouvoirs – Conseil du Trésor », l’UISP n’a pas le pouvoir délégué de déterminer et de réglementer les paiements dans le cadre du remboursement des frais de déplacement et d’autres dépenses. La demanderesse n’inclut pas l’absence alléguée de pouvoir de l’UISP dans sa liste de questions. Toutefois, en ce qui concerne son affirmation selon laquelle le [traduction] « CEMD a agi de toute autre façon contraire à la loi », la demanderesse soutient que le « CEMD » a agi illégalement en permettant [traduction] « à l’UISP d’effectuer un examen et une révision concernant le droit de la demanderesse à la prestation pour déplacement du PPP ».

[51]  Comme je l’ai indiqué précédemment, je conviens avec le défendeur pour dire que la seule décision susceptible de contrôle est la décision du vice‑amiral Edmundson du 28 septembre 2019, et que la seule question à trancher est de savoir si cette décision était raisonnable. Par conséquent, le fait que le « CEMD » (le général Vance) ait délégué un pouvoir de mise en application à la l’UISP n’est pas, à proprement parler, une question dont la Cour est saisie.

[52]  De plus, dans la mesure où elle affirme de façon plus générale que l’UISP n’a pas de pouvoir décisionnel délégué, la demanderesse n’a pas appuyé cette affirmation par des arguments ou des éléments de preuve. Elle ne fait référence qu’à l’article 1.02 de la DRAS 211, qui prévoit ce qui suit :

1.02 – POUVOIRS – CONSEIL DU TRÉSOR (CT)

L’article 35 de la Loi sur la défense nationale (LDN) stipule ce qui suit :

« 35(1) Les taux et conditions de versement de la solde des officiers et militaires du rang, autres que les juges militaires, sont établis par le Conseil du Trésor.

(2) Les indemnités payables aux officiers et militaires du rang au titre soit des frais de déplacement ou autres, soit des dépenses ou conditions inhérentes au service sont fixées et régies par le Conseil du Trésor. »

[53]  À mon avis, l’article 1.02 de la DRAS 211 reconnaît simplement que le Conseil du Trésor détermine les taux de rémunération et les paiements qui peuvent être effectués pour le remboursement des frais de déplacement et autres. La façon dont les frais de déplacement sont évalués et l’identité des personnes qui réalisent cette évaluation ne sont pas traitées à l’article en question, et je ne dispose d’aucun élément de preuve quant à la composition de l’UISP ou à ses fonctions précises et aux pouvoirs qui lui sont délégués. Par conséquent, même si la question avait été dûment soulevée, la demanderesse n’aurait pas gain de cause, car l’affirmation n’est pas fondée ni établie par les éléments de preuve et les observations de la demanderesse.

[54]  À cet égard, je fais remarquer que le dossier contient un courriel du 11 juin 2018 envoyé à la mère de la demanderesse en réponse à sa question sur la raison pour laquelle l’UISP participait à la détermination du montant de la prestation de la demanderesse. Il est expliqué que, bien que le général Vance ait approuvé la réparation demandée dans le grief de la demanderesse, c’est le QG de l’UISP qui a le pouvoir de signature et d’approbation pour les demandes de prestation pour déplacement du PPP en tant que telles. Bien que le général Vance ait approuvé la demande de prestation pour déplacement du PPP de la demanderesse, il n’a pas déterminé le montant en tant que tel de la demande. Le courriel indiquait que l’UISP était responsable d’évaluer et d’approuver le montant de la prestation en fonction de la politique sur la prestation pour déplacement du PPP. Je ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que l’UISP n’avait pas cette compétence.

QUESTION EN LITIGE 1 : La décision du vice‑amiral Edmundson datée du 28 septembre 2019 était‑elle raisonnable?

Position de la demanderesse

[55]  Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse, dans ses observations écrites, n’a pas pris position sur le caractère raisonnable de la décision. La demanderesse soutient plutôt que le « CEMD » (le général Vance) a agi de façon contraire à la loi, que le « CEMD » a fondé sa décision sur des conclusions erronées sans tenir compte des documents dont il disposait, et que le « CEMD » a refusé d’exercer sa compétence. Toutes ces observations ont trait à la mise en application de la décision du général Vance du 6 mars 2018, mais elles ne traitent pas de la décision qui fait l’objet du contrôle en l’espèce, soit celle du vice‑amiral Edmundson.

[56]  Toutefois, lorsqu’elle a comparu devant moi, la demanderesse a soutenu que le général Vance, dans sa décision du 6 mars 2018, lui avait accordé la prestation maximale à laquelle elle pouvait avoir droit en vertu de la DRAS 211.07. Cela comprenait les frais de déplacement, d’hébergement, de repas et autres pour 300 jours pour sa mère en tant que PPP de la demanderesse. Et même si la demanderesse est retournée vivre à Windsor, en Ontario, le 27 septembre 2014, elle habitait seule, et non avec sa mère. Comme sa mère a continué de s’occuper d’elle pendant cette période, sa mère devrait avoir droit à toute la prestation pour déplacement du PPP. La demanderesse a soutenu qu’elle avait présenté des renseignements appuyant la prestation additionnelle dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le général Vance le 12 décembre 2018, décision qui a été annulée par le jugement sur consentement. Elle ne s’était toutefois pas rendu compte qu’elle devait présenter de nouveau les renseignements pour la nouvelle demande de contrôle judiciaire, et elle a demandé s’il était possible d’obtenir un ajournement pour pouvoir présenter de nouveaux éléments de preuve. La demanderesse soutient également que, puisque le paiement reçu provenait d’Appuyons nos troupes, une source de fonds non publics, elle n’a pas reçu la prestation à laquelle elle avait droit.

Position du défendeur

[57]  Le défendeur soutient que la législation et la [traduction] « législation connexe » doivent être interprétées de façon harmonieuse et dans un contexte général, et que l’interprétation de la DRAS par le vice‑amiral Edmundson, conjointement avec les ORFC, est bien fondée.

[58]  Le défendeur soutient que l’observation de la demanderesse selon laquelle elle a droit à des indemnités de déplacement pour 300 jours, parce qu’elle a demandé la « prestation maximale » et parce que le général Vance a jugé qu’elle avait été lésée, est déraisonnable. Premièrement, nulle part dans sa décision du 6 mars 2018 sur le grief le général Vance n’indique que la demanderesse a droit au paiement pour les déplacements effectués pendant une période de 300 jours. Deuxièmement, même si le général Vance avait conclu que la demanderesse avait droit à un remboursement pour les déplacements effectués au cours d’une période de 300 jours, la mère de la demanderesse s’est rendue à Victoria pour un total de seulement 41 jours à l’occasion de quatre déplacements effectués du 11 juin au 27 septembre 2014. Le 27 septembre 2014, la demanderesse a alors déménagé à Windsor, en Ontario, pour habiter avec sa mère.

[59]  Le défendeur soutient que la DRAS indique clairement que la prestation pour déplacement du PPP n’est versée que pour les déplacements réellement effectués par le PPP « à l’emplacement du militaire ». Le paragraphe 211.07(05), qui autorise le remboursement des déplacements pour une durée maximale de 300 jours, interprété selon le sens ordinaire et grammatical, ne modifie pas le droit à la prestation pour déplacement du PPP prévu au paragraphe 211.07(3), selon lequel le remboursement est conditionnel au fait que le PPP se déplace à l’emplacement du militaire. Par conséquent, une fois que la demanderesse a déménagé à Windsor, sa mère, en tant que PPP, ne se déplaçait plus à l’emplacement de la militaire, comme l’exige le paragraphe 211.07(3), et elle n’était plus admissible à la prestation pour déplacement du PPP.

[60]  Enfin, le défendeur soutient que la prestation pour déplacement du PPP ne permet de rembourser le PPP que pour des frais de déplacement réels et raisonnables, comme le démontrent les dispositions législatives et les politiques, et qu’elle n’est pas censée être une manne. Le vice‑amiral Edmundson a raisonnablement conclu que la demanderesse avait reçu et accepté le montant auquel elle avait droit au titre de la prestation pour déplacement du PPP, soit 13 676,01 $, et qu’elle n’avait droit à aucun autre remboursement en vertu de la DRAS.

Analyse

  i.  Caractère raisonnable de la décision

[61]  La demanderesse n’est pas d’accord avec l’interprétation que fait le vice‑amiral Edmundson de la DRAS 211.07 en ce qui concerne son droit à la prestation pour déplacement du PPP et elle n’est pas d’accord avec sa décision, fondée sur cette interprétation, selon laquelle le règlement de son grief avait été mis en œuvre. Ce désaccord est fondé sur le fait qu’elle estime que le général Vance, dans sa décision du 6 mars 2018, lui accordait la pleine prestation qui pourrait être versée en vertu de la DRAS 211.07. Selon elle, la prestation maximale, dans son cas, devrait être de 51 701,80 $. Une telle interprétation de la DRAS 211.07 donne essentiellement droit à la demanderesse à une indemnité quotidienne du PPP pour sa mère, même après le retour de la demanderesse à Windsor, en Ontario. De l’avis de la demanderesse, il n’était pas loisible au vice‑amiral Edmundson de conclure, d’après l’évaluation du montant admissible par l’UISP, que le montant auquel avait droit la demanderesse était inférieur à la prestation maximale.

[62]  À mon avis, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : était‑il raisonnable pour le vice‑amiral Edmundson de conclure que le chèque de 13 676,01 $ permettait de rembourser la demanderesse pour la prestation pour déplacement du PPP à laquelle, selon le général Vance, elle était admissible en vertu de la DRAS 211.07?

[63]  Il s’agit fondamentalement d’une question d’interprétation des lois ou des politiques. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov au sujet du processus d’interprétation d’un décideur administratif :

[120]  Or, quelle que soit la forme que prend l’opération d’interprétation d’une disposition législative, le fond de l’interprétation de celle‑ci par le décideur administratif doit être conforme à son texte, à son contexte et à son objet. En ce sens, les principes habituels d’interprétation législative s’appliquent tout autant lorsqu’un décideur administratif interprète une disposition. Par exemple, lorsque le libellé d’une disposition est « précis et non équivoque », son sens ordinaire joue normalement un rôle plus important dans le processus d’interprétation : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, par. 10. Lorsque le sens d’une disposition législative est contesté au cours d’une instance administrative, il incombe au décideur de démontrer dans ses motifs qu’il était conscient de ces éléments essentiels.

[121]  La tâche du décideur administratif est d’interpréter la disposition contestée d’une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l’objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause. Toutefois, le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu’il sait de moindre qualité — mais plausible — simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. Il incombe au décideur de véritablement s’efforcer de discerner le sens de la disposition et l’intention du législateur, et non d’échafauder une interprétation à partir du résultat souhaité.

(Voir aussi la décision King c Canada (Procureur général), 2017 CF 975, aux para 16, 19.)

[64]  À mon avis, l’interprétation du vice‑amiral Edmundson de la DRAS 211.07 et de la décision du général Vance sur le droit à la prestation est raisonnable. Par conséquent, la décision du vice‑amiral Edmundson selon laquelle la décision du général Vance d’accorder à la demanderesse une prestation pour déplacement du PPP a été mise en application est également raisonnable.

[65]  Selon le paragraphe 211.07(1) des DRAS, la prestation pour déplacement du PPP a pour but de rembourser les frais de déplacement et de séjour de ses plus proches parents à un militaire malade ou blessé. Pour les besoins de la DRAS 211.07, les « frais de déplacement et de séjour » sont définis à l’article 209.01 des ORFC et comprennent « les frais réels et raisonnables de transport » et « les frais réels et raisonnables d’hébergement ». À mon avis, il est donc clair que l’objet de la prestation est de rembourser les frais de déplacement et de séjour réels dans le cas où le PPP se déplace pour être avec un militaire malade ou blessé. Cela se confirme aussi à la lecture du libellé de la disposition sur le droit à la prestation, le paragraphe 211.07(3). Cette disposition prévoit qu’un militaire a droit à la prestation pour déplacement du PPP si les trois conditions indiquées sont réunies : un médecin militaire est de l’opinion que le militaire a subi une blessure grave et que la présence du PPP est immédiatement nécessaire à l’emplacement du militaire; il n’y a aucune raison opérationnelle ou de sécurité qui empêche le PPP de voyager à l’emplacement du militaire; et le plus proche parent « voyage à l’emplacement du militaire ».

[66]  Bien que ces trois exigences soient de nature conjonctive, dans le contexte de la présente affaire, seule la troisième condition, l’alinéa 211.07(3)(c), est en cause. Dans sa décision, le vice‑amiral Edmundson souligne que le grief de la demanderesse indiquait que la mère de la demanderesse, du 11 juin 2014 au 27 septembre 2014, avait effectué quatre déplacements aller‑retour entre Windsor (Ontario) et Victoria (Colombie‑Britannique) pour être avec la demanderesse, et que les frais associés à ces déplacements s’élevaient à 13 676,01 $. Le 27 septembre 2014, la demanderesse est retournée vivre à Windsor. Ainsi, pendant les périodes du 28 septembre 2014 au 11 mars 2014 et du 18 mars 2015 au 30 avril 2015, pour lesquelles la demanderesse demandait un remboursement, aucun déplacement n’a été effectué, parce que la demanderesse vivait au même endroit que sa mère. Par conséquent, des frais de déplacement du PPP n’ont pas été engagés pendant cette période.

[67]  À mon avis, il était raisonnable de conclure, puisque le PPP de la demanderesse n’a pas effectué de déplacement du 28 septembre 2014 au 11 mars 2015 et du 18 mars au 30 avril 2015, que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité énoncés à l’alinéa 211.07(3)(c). Une telle interprétation cadre avec le texte, le contexte et l’objet de la disposition et du régime législatif.

[68]  Le défendeur soutient que le paragraphe 211.07(5) des DRAS ne modifie pas le sens ordinaire et l’application du paragraphe 211.07(3) des DRAS, ce à quoi je souscris. Selon le paragraphe 211.07(5) des DRAS, la prestation pour déplacement du PPP est offerte pour une période maximale de 120 jours, et le chef d’état‑major de la Défense peut autoriser une période additionnelle maximale de 180 jours (pour un total de 300 jours).

[69]  La demanderesse soutient toutefois que, selon la décision rendue par le général Vance le 6 mars 2018, elle a droit à la prestation maximale prévue par les DRAS, ce qui, selon l’interprétation de la demanderesse, signifie le remboursement des frais de déplacement, de repas et d’hébergement et des faux frais engagés par sa mère, en tant que PPP, pour une période de 300 jours. Selon l’interprétation de la demanderesse, elle aurait droit à l’indemnité quotidienne prévue par la prestation pour déplacement du PPP, même si aucuns frais de déplacement ou d’hébergement n’ont été engagés. Je ne puis être d’accord.

[70]  Comme il a été mentionné précédemment, le fait que la durée de la prestation puisse être prolongée à 300 jours n’élimine pas l’exigence prévue à l’alinéa 211.07(3)(c) des DRAS, selon laquelle, pour avoir droit à la prestation, le PPP doit s’être réellement déplacé à l’emplacement du militaire (et avoir engagé des frais relatifs aux déplacements). De plus, conformément au paragraphe 211.07(5) des DRAS, la prestation pour déplacement du PPP est autorisée pour un maximum de 120 jours en ce qui concerne le nombre total de PPP « qui voyagent ». Le chef d’état‑major de la défense peut autoriser « une période additionnelle de déplacement maximale de 180 jours pour une personne si, de l’avis du médecin militaire, la présence du PPP est requise ». La période additionnelle prévue au paragraphe 211.07(5) des DRAS couvre les frais de déplacement engagés au cours de cette période. En l’absence de déplacements de la mère de la demanderesse, en tant que PPP, au cours de la période contestée, le vice‑amiral Edmundson a raisonnablement conclu que les 13 676,01 $ versés couvraient les frais réellement engagés et réclamés par la mère de la demanderesse.

[71]  De plus, selon le paragraphe 211.07(5) des DRAS, le chef d’état‑major de la défense peut autoriser une « période additionnelle de déplacement » maximale de 180 jours « si, de l’avis du médecin militaire, la présence du PPP est requise ». Dans sa décision du 6 mars 2018, le général Vance a effectivement jugé que la mère de la demanderesse était son plus proche parent, de sorte que la demanderesse serait admissible à la prestation pour déplacement du PPP. Toutefois, nulle part dans sa décision le général Vance n’autorise explicitement la période additionnelle de 180 jours de la prestation pour déplacement du PPP, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 211.07(5) des DRAS pour que la période additionnelle d’admissibilité à la prestation soit accordée. Le dossier dont je dispose ne contient pas non plus l’avis d’un médecin militaire selon lequel une telle autorisation serait requise.

[72]  Le général Vance fait plutôt référence aux paragraphes 211.07(1), (2) et (3) des DRAS et souligne que, du 11 juin au 27 septembre 2014, la mère de la demanderesse a fait quatre déplacements aller‑retour entre Windsor (Ontario) et Victoria (Colombie‑Britannique), à ses propres frais, pour aider la demanderesse pendant son hospitalisation et sa convalescence. De plus, le 5 janvier 2015, la demanderesse avait présenté une demande de remboursement de ces frais de déplacement au titre de la prestation pour déplacement du PPP, et la demande avait été refusée parce que la demanderesse n’avait pas inscrit le nom de sa mère dans le formulaire des PPP. Le général Vance a déclaré que son affirmation selon laquelle la mère de la demanderesse était son PPP rendait la demanderesse admissible à la prestation pour déplacement du PPP pour les frais de déplacement de sa mère, [traduction] « conformément aux dispositions de la DRAS 211.07, et j’ordonnerai que vous soyez remboursée en conséquence ».

[73]  De plus, dans sa demande de prestation pour déplacement du PPP du 5 janvier 2015, dont disposait le général Vance, la demanderesse n’a demandé le remboursement des frais que pour les quatre déplacements mentionnés, bien qu’elle ait également demandé [traduction] « les prestations maximales ». Ce que je veux dire, c’est que le général Vance a pris sa décision avant que la demanderesse ne présente sa feuille de travail pour prestation pour déplacement, dans laquelle elle demandait une prestation additionnelle pour une période de 300 jours. Le général Vance n’a pas fait référence au paragraphe 211.07(5) des DRAS et il n’aurait pas eu de raison d’examiner cet aspect de la demande.

[74]  À mon avis, rien dans la décision du général Vance n’appuie le point de vue de la demanderesse selon lequel le général Vance lui a accordé non seulement une période additionnelle de déplacement de 180 jours, mais aussi le droit de demander une prestation pour des jours pendant cette période pour lesquels aucun déplacement du PPP n’a été effectué.

[75]  Je suis quelque peu troublée par l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle a présenté dans sa première demande de contrôle judiciaire des documents qui appuyaient sa demande élargie de prestation, et par le fait que ces documents ne figurent pas dans le dossier certifié du tribunal. Bien entendu, il lui incombait, en tant que demanderesse, d’inclure dans son dossier de demande tous les documents qu’elle souhaitait invoquer pour appuyer sa demande. Cela dit, si le décideur disposait d’autres documents pertinents, ces documents auraient dû être inclus dans le dossier certifié du tribunal. Toutefois, même si la demanderesse a vraiment inclus d’autres observations dans la demande de contrôle judiciaire antérieure, cela ne signifie pas que le vice‑amiral Edmundson disposait de ces observations lorsqu’il a pris sa décision.

[76]  De plus, bien que le dossier certifié du tribunal confirme que la demanderesse a produit sa feuille de travail pour prestation pour déplacement du PPP et sa déclaration sous serment à un certain nombre d’occasions, y compris le 28 août 2019, juste avant l’introduction de sa demande de contrôle judiciaire, le dossier certifié du tribunal ne contient aucun autre document présenté par la demanderesse à l’appui de sa demande. C’est‑à‑dire qu’il n’y a aucun document attestant que sa mère a effectivement engagé des frais – déplacement, hébergement ou autre – au cours de la période contestée, pendant laquelle la demanderesse et sa mère se trouvaient toutes les deux à Windsor, en Ontario.

[77]  De plus, même si la demanderesse a présenté une autre lettre contestant l’interprétation et l’application de la DRAS 211.07 dans son cas, je ne vois pas clairement en quoi cela modifierait l’analyse du vice‑amiral Edmundson et sa conclusion selon laquelle, en l’absence de tout autre déplacement du PPP, la demanderesse n’avait pas droit à la prestation pour déplacement du PPP. Par conséquent, je ne suis pas persuadée qu’il serait approprié d’ajourner l’affaire pour permettre à la demanderesse de présenter de nouveaux éléments de preuve.

[78]  Dans sa décision du 28 septembre 2019, le vice‑amiral Edmundson a fait référence à la décision du général Vance ainsi qu’à la lettre du 5 janvier 2015 de la demanderesse. Comme le général Vance, il a mentionné précisément les quatre déplacements que la mère de la demanderesse a réellement effectués. Il a également mentionné la demande de prestation pour déplacement et la déclaration sous serment présentées par la demanderesse. Il a conclu que la demanderesse n’avait droit au remboursement que pour les quatre déplacements en question. À mon avis, cette conclusion était conforme à la décision du général Vance.

  ii.  Incidence de la source des fonds

[79]  D’après le dossier, à un certain moment, une question a été soulevée quant à savoir si la demanderesse, en tant que réserviste de classe A, avait droit à la prestation pour déplacement du PPP prévue par la DRAS 211.07.

[80]  Dans sa décision du 6 mars 2018, le général Vance a souligné que, en raison du statut de réserviste de classe A de la demanderesse au moment de son diagnostic, la demanderesse n’était initialement pas admissible à plusieurs types de prestations médicales prévues par les DRAS. Il a ajouté que la situation avait toutefois été corrigée par la suite, et que la demanderesse avait reçu un large éventail de soutien, y compris des soins médicaux, des services de réadaptation et diverses prestations relatives aux déplacements. Par conséquent, son grief portait uniquement sur la prestation pour déplacement du PPP. Le général Vance a déclaré qu’il devait établir si la décision de refuser la demande de prestation pour déplacement du PPP « était nécessaire » et que le fait de déclarer que la mère de la demanderesse était son PPP rendait la demanderesse admissible à la prestation pour déplacement du PPP conformément à la DRAS 211.07; il a ajouté qu’il ordonnerait que la demanderesse soit remboursée en conséquence.

[81]  Comme la demanderesse le souligne à juste titre, la décision du 12 décembre 2018, dans laquelle le général Vance a déclaré qu’il avait été informé, après avoir pris sa décision du 6 mars 2018, que la demanderesse, en tant que membre de la Réserve de classe A, n’avait pas droit à la prestation prévue par la DRAS 211.07, a été annulée par la Cour. La demanderesse soutient que le vice‑amiral Edmundson, dans sa décision, tire essentiellement la même conclusion.

[82]  Je tiens d’abord à souligner que la Cour n’a pas tiré de conclusions sur le bien‑fondé de la décision rendue par le général Vance le 12 décembre 2018. Il n’y a pas eu d’audience, et le jugement sur consentement indique seulement que la décision a été annulée en raison d’un manque d’équité procédurale. La demanderesse n’a présenté aucune observation de fond concernant un manquement présumé à l’équité procédurale relativement à la décision du vice‑amiral Edmundson.

[83]  De plus, le vice‑amiral Edmundson évite soigneusement, dans sa lettre, la question de savoir si, en tant que réserviste de classe A, la demanderesse avait droit à la prestation pour déplacement du PPP prévue par la DRAS 211.07. Il affirme que, en fonction de la demande de prestation pour déplacement et de la déclaration sous serment de la demanderesse, un chèque de 13 676,01 $ d’Appuyons nos troupes, daté du 14 novembre 2019, a été envoyé à la demanderesse, qui l’a encaissé; le chèque couvrait les frais de déplacement du PPP engagés par la mère de la demanderesse pendant la période du 11 juin au 27 septembre 2014. Le vice‑amiral Edmundson affirme qu’il était convaincu que la décision du général Vance avait été mise en application.

[84]  La demanderesse souligne que, selon l’article 209.01 des ORFC, les « frais de déplacement et de séjour » sont les frais inscrits « payés ou remboursés sur des fonds publics », mais qu’elle n’a pas été payée sur des fonds publics. Elle soutient que, puisque les fonds qui lui ont été versés ne sont pas des fonds publics, la décision du général Vance du 6 mars 2018 n’a pas été mise en application, et que, bien qu’elle ait reçu un don de bienfaisance, elle n’a pas été remboursée conformément de la politique.

[85]  La demanderesse fait remarquer que, selon la Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N­5, le fonds Appuyons nos troupes, un fonds de bienfaisance, est visé par la définition de « biens non publics » qui figure au paragraphe 2(1) :

biens non publics

a) Les fonds et biens – autres que les sorties de matériel – reçus et administrés, directement ou indirectement, par les mess, cantines ou organismes des Forces canadiennes;

b) les fonds et biens fournis par les officiers ou militaires du rang, unités ou autres éléments des Forces canadiennes ou mis à leur disposition pour leur avantage et leur intérêt collectifs;

c) des sous‑produits et rebuts, ainsi que le produit de leur vente, dans la mesure fixée sous le régime du paragraphe 39(2);

d) les fonds et biens provenant des fonds et biens définis aux alinéas a) à c), ou reçus en échange de ceux‑ci, ou achetés avec le produit de leur vente.

[86]  À mon avis, dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse n’a pas soulevé la question de savoir si, en tant que réserviste de classe A, elle avait droit ou non à la prestation pour déplacement du PPP prévue par la DRAS 211. Quoi qu’il en soit, ce qui ressort du dossier, c’est que le premier chèque a été envoyé à la demanderesse par l’UISP le 31 juillet 2018 et qu’il provenait du Fonds central des Forces canadiennes. La demanderesse a retourné ce chèque. Un chèque de remplacement était joint à la lettre du 12 décembre 2018 du général Vance. Le général Vance a déclaré qu’il s’agissait de fonds non publics versés par Appuyons nos troupes. La demanderesse a encaissé ce chèque le 21 janvier 2019. Ce qui ressort également du dossier, c’est que la demande de prestation pour déplacement de la demanderesse a été évaluée et tranchée conformément aux dispositions de la DRAS 211.07. Cela a été clairement établi dans la lettre du lieutenant‑général Lamarre de septembre 2018, dans laquelle il explique également que le chèque devait permettre de rembourser complètement la demanderesse pour le préjudice financier qu’elle a pu subir relativement aux déplacements de sa mère en tant que PPP, et que [traduction] « [d]e plus, les fonds d’Appuyons nos troupes respectent l’intention de la décision de l’autorité de dernière instance de vous accorder, conformément à la politique, le redressement que vous avez demandé, car le montant vise spécifiquement les frais de déplacement et de séjour. »

[87]  Par conséquent, peu importe la source des fonds versés, conformément à la décision du général Vance d’accepter le grief, le montant de la demande a été évalué comme si la demanderesse avait accès à l’indemnité pour déplacement du PPP prévue par la DRAS 211.07.

[88]  À mon avis, en l’espèce, la demanderesse ne conteste pas vraiment la source des fonds qui lui ont été versés, mais plutôt l’évaluation du montant des fonds accessibles en vertu de la DRAS 211.07. Si, en tant que réserviste de classe A, la demanderesse n’a pas le droit absolu à la prestation pour déplacement, les fonds qui lui sont versés ne doivent alors pas nécessairement provenir de fonds publics. Si les réservistes de classe A ont droit à la prestation, compte tenu des circonstances, le montant serait alors le même, et ce, même si les fonds en l’espèce avaient dû être payés sur des fonds publics. De plus, la demanderesse a encaissé le chèque remis, sachant que le montant des fonds avait été évalué en fonction de la DRAS 211.07, mais que les fonds avaient été versés par Appuyons nos troupes; elle avait aussi été informée du point de vue des militaires, selon lequel, d’après l’évaluation de la prestation pour déplacement du PPP prévue par la DRAS 211, aucun autre montant ne lui était dû. Par conséquent, compte tenu des circonstances, et même si la demanderesse n’est pas d’accord avec l’évaluation, l’esprit et l’intention de la décision du général Vance du 6 mars 2018 ont été mis en application.

Conclusion

[89]  En conclusion, le vice‑amiral Edmundson a raisonnablement conclu, à la lumière de son interprétation du régime législatif et de la décision du général Vance, que les 13 676,01 $ versés à la demanderesse ont permis de mettre pleinement en application la décision.

Dépens

[90]  Le défendeur a déclaré, lorsqu’il a comparu devant moi, qu’il avait initialement demandé des dépens, mais qu’il renonçait à cette demande.

 


JUGEMENT dans le dossier T­1599­19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T­1599­19

 

INTITULÉ :

ROBYN YOUNG c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE SUR ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 OCTOBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 NOVEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Robyn Young

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Maia McEachern

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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