Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201029


Dossier : T‑620‑20

Référence : 2020 CF 1012

[TRADUCTION FRANÇAISE]

RECOURS COLLECTIF ENVISAGÉ

ENTRE :

CHEYENNE WALTERS ET

LORI‑LYNN DAVID

demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une requête déposée dans le cadre d’un recours collectif non autorisé en vue d’obtenir une ordonnance Heyder enjoignant a) que le cabinet Murphy Battista LLP agisse comme représentant dans le recours collectif envisagé, et b) qu’aucun autre recours collectif concernant les faits avancés dans l’affaire Walters c Sa Majesté la Reine (dossier de la Cour no T‑620‑20) ne puisse être intenté devant la Cour fédérale sans son autorisation.

Le défendeur, le procureur général du Canada, ne prend pas position concernant la requête.

II.  Contexte

[2]  Le recours collectif déposé [le recours collectif envisagé] porte sur le retrait de membres des Premières Nations (inscrits et non inscrits), d’Inuits et de Métis, de leurs foyers au Canada entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2019, et placés sous les soins de personnes qui ne faisaient pas partie du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtone auquel ils appartenaient [le groupe principal]. Il y a aussi une demande présentée au nom de parents et de grands‑parents des membres du groupe principal.

[3]  Le recours collectif envisagé exclut expressément les membres présumés du recours collectif intenté dans Moushoom et Meawasige (par son tuteur à l’instance) Beadle c. Le procureur général du Canada (numéro de dossier de la Cour T‑402‑19).

[4]  L’avocat du recours collectif envisagé s’appuie sur son expérience et son travail afin d’élaborer la cause justifiant la présente requête.

[5]  Après avoir lu les documents de la requête initiale, la Cour a donné à l’avocat la possibilité de présenter des observations sur la question de la nécessité de délivrer une ordonnance Heyder et du bénéfice que cela procurerait. Ces documents ont été déposés récemment.

[6]  La question que la Cour doit trancher consiste à savoir si ce type d’ordonnance devrait être accordé.

III.  Analyse

A.  Facteurs

[7]  Contrairement à ce que certains avocats (pas nécessairement l’avocat actuel) ont conclu, une requête visant à obtenir une ordonnance Heyder déposée sans contestation n’est pas automatiquement approuvée. Il n’en est rien.

[8]  La délivrance d’une ordonnance Heyder à l’étape préalable à l’autorisation donne un avantage à l’avocat du recours collectif envisagé en le désignant comme avocat du recours collectif avant que le bien‑fondé de cette proposition ne soit véritablement examiné. En demandant une telle ordonnance, l’avocat se trouve dans la position délicate d’avoir un intérêt personnel dans la désignation – semblable à la position de l’avocat qui demande l’approbation de ses honoraires.

[9]  Comme dans le processus d’approbation des honoraires, la Cour a le devoir d’examiner attentivement les intérêts des membres du recours collectif envisagé ainsi que les intérêts des personnes exclues de l’adhésion, en particulier celles qui, à tout le moins, devraient ou pourraient être incluses.

[10]  La tâche de la Cour est d’autant plus compliquée par l’absence de position de la part du procureur général à l’égard de la présente requête. À première vue, un défendeur a un intérêt réel et un avantage potentiel à savoir avec quel avocat il doit traiter et à ne pas être confronté à des revendications concurrentes sans l’autorisation de la Cour.

[11]  Le fait de ne pas prendre position laisse entendre qu’il n’y a pas d’avantage réel ou de nécessité à délivrer une ordonnance Heyder. Moi aussi, comme le juge Fothergill, l’a fait remarquer dans la décision Heyder c Canada (Procureur général), 2018 CF 432 [Heyder], je déplore l’absence de commentaires de la part du procureur général sur une cause qui a une incidence directe sur le gouvernement du Canada et ses obligations envers la population autochtone et le grand public au Canada.

[12]  La question de la délivrance d’une ordonnance Heyder dans une affaire d’étape préalable à l’autorisation soulève des préoccupations selon lesquelles la délivrance d’une telle ordonnance judiciaire serait perçue comme « faisant pencher la balance » en faveur d’un avocat et d’un groupe non encore approuvé. La Cour pourrait fort bien être privée de points de vue autres ou opposés sur la nature et la description du groupe et les nombreux aspects de l’autorisation. La délivrance d’une ordonnance Heyder se veut souvent un effort pour éviter un concours de « requêtes en conduite de l’instance ».

[13]  Une Cour doit être consciente des répercussions négatives possibles de la délivrance d’une ordonnance Heyder, dont il a été question précédemment, même si toutes les parties à l’action envisagée sont d’accord.

[14]  Dans la décision Heyder, le juge Fothergill a fourni une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération pour délivrer une telle ordonnance :

  • - L’ordonnance est‑elle dans l’intérêt supérieur des demandeurs, des membres du groupe et des défendeurs?

  • - L’ordonnance va‑t‑elle dans le sens de l’engagement pris par la Cour fédérale d’assurer une gestion solide de l’instance?

  • - L’ordonnance est‑elle le reflet de la compétence nationale unique de la Cour fédérale?

  • - L’ordonnance encourage‑t‑elle les objectifs d’économie des ressources judiciaires et permet‑elle d’éviter la multiplicité des instances?

[15]  Il faut ajouter à cette liste, particulièrement au stade préalable de l’autorisation, mais pas exclusivement avant l’autorisation, l’incidence possible d’une telle ordonnance sur d’autres personnes et les effets négatifs possibles d’une telle ordonnance d’exclusion.

B.  Application

[16]  En l’espèce, on ne peut pas nécessairement affirmer que la délivrance d’une ordonnance Heyder est dans l’intérêt supérieur de la défenderesse – elle ne l’a pas dit.

[17]  Les demanderesses ont présenté très peu de preuves quant à l’intérêt supérieur des demanderesses et de la catégorie présumée, bien que certaines négociations aient été entamées et que des recherches préliminaires aient été entreprises.

[18]  Toutefois, la Cour peut tenir compte des circonstances qui se présentent parfois dans des instances multiples, des avocats qui se recoupent et des intérêts variables, particulièrement dans l’éventail des litiges liés aux rafles et à d’autres recours collectifs semblables, notamment les recours collectifs concernant les pensionnats, les externats indiens, et d’autres recours collectifs concernant les Autochtones.

[19]  En l’espèce, la simplicité découlant du fait qu’il n’y ait qu’un seul avocat et l’élimination de la confusion possible causée par d’autres procédures seraient utiles pour régler les questions d’autorisation. Toutefois, les avantages de ce type d’ordonnance commencent à se dissiper avec le temps, si rien n’est fait. La Cour conservera sa compétence et son obligation d’examiner l’ordonnance envisagée au besoin.

[20]  Les effets négatifs possibles d’une telle ordonnance peuvent être éliminés, au besoin, au moyen d’une requête en autorisation ou d’un examen par la Cour, comme il est mentionné ci‑dessus.

[21]  L’ordonnance envisagée, particulièrement avec un élément d’examen, est un exemple de gestion solide de l’instance que la Cour fédérale favorise.

[22]  L’ordonnance et la présente affaire reflètent la compétence unique de la Cour fédérale à titre de tribunal de première instance national et son expérience, son engagement et son expertise dans des affaires complexes touchant les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Elle est compatible avec les dimensions nationales du recours collectif envisagé et les demandes présentées, et offre une seule tribune pour le règlement.

[23]  Conformément à ce qui précède, ce type d’ordonnance favorise l’économie judiciaire à toutes les étapes du litige en fournissant un seul mécanisme de règlement des litiges, en réduisant les coûts, en évitant des procédures multiples et chevauchantes et en évitant des décisions incohérentes tout au long du processus judiciaire.

IV.  Conclusion

[24]  La requête est accueillie avec les dispositions d’examen supplémentaires contenues dans l’ordonnance.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 octobre 2020

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑620‑20

 

INTITULÉ :

CHEYENNE WALTERS ET LORI‑LYNN DAVID c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN APPLICATION DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 octobre 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Angela Buspflug

Janelle O’Connor

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Murphy Battista LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑­Britannique)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.