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     Date: 19991223

     Dossier: IMM-6299-98

Entre :

     David Luis JOHNSON

     Partie demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 20 octobre 1998 par la Section du statut de réfugié statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La décision du tribunal est essentiellement fondée sur l'absence de crédibilité du demandeur, tel qu'il appert de l'extrait suivant de sa décision:

             Le revendicateur, après avoir démontré sa connaissance sur le mouvement FLEC, a déclaré n'avoir jamais eu de carte de membres (sic), qu'il ne croyait pas qu'il existait même des cartes de membres (sic), que peut-être que cela existe, mais qu'il n'en a jamais vu (sic) et n'aurait jamais cherché à obtenir une carte. Il déclare qu'il a fait la demande, via monsieur Albertino, d'un certificat de naissance, de la carte d'identité et si possible d'une carte de membre du FLEC. Cette demande de carte de membre, aux yeux du tribunal, devient contradictoire avec son témoignage antérieur décrit plus haut et conclut que cela mine la crédibilité du revendicateur. Il a ajusté son témoignage en ajoutant qu'il a essayé de fournir une preuve documentaire de son affiliation.
             En ce qui a trait à son rôle d'informateur au sein du FLEC, le tribunal trouve invraisemblable l'histoire du revendicateur quant (sic) celui-ci déclare que monsieur Buta, qu'il rencontrait une à deux fois par semaine selon son témoignage, n'aurait jamais été au courant qu'il était membre du FLEC. Le tribunal croit que si c'était vrai qu'ils se rencontraient deux fois par semaine, monsieur Buta aurait connu les allégences (sic) du demandeur.
             De plus, selon le témoignage du revendicateur, ce n'est qu'en 1997, et à une seule occasion, que monsieur Buta lui aurait dit : "qu'il y aurait des bataillons à Cabinda et qu'il y aurait une guerre". Il ajoute que lorsque ce dernier lui a dit cela, monsieur Buta ne se serait pas rendu compte qu'il lui donnait des informations.
             Le tribunal croit que cette information était générale compte tenu qu'il y a, depuis bien longtemps, des affrontements dans le secteur, selon l'ensemble de la preuve documentaire, information qui ne peut être utile ni d'un côté ni de l'autre, et ne croit pas que monsieur Buta aurait été fusillé, comme le revendicateur veut le faire croire, car l'information n'est pas stratégiquement utile.
             Le tribunal ne croit pas que le demandeur a joué le rôle d'un informateur et ne croit pas qu'il a été un membre actif du FLEC, son histoire étant invraisemblable et n'a pas démontré de façon satisfaisante son implication.


[3]      Après audition des procureurs des parties et révision de la preuve, je suis d'avis qu'au moins deux des trois "invraisemblances" ci-dessus notées par le tribunal n'en sont pas véritablement. En effet, sur la question des cartes de membre du mouvement FLEC (Front de libération de l'enclave du Cabinda), le tribunal trouve que le demandeur s'est contredit lorsque, d'une part, il déclare avoir fait la demande d'une carte semblable "via monsieur Albertino", et que, d'autre part, il a déclaré qu'il "n'aurait jamais cherché à obtenir une carte". Or, je ne vois rien dans la preuve qui supporte l'affirmation que le demandeur a déclaré n'avoir jamais cherché à obtenir une carte. Les extraits de la transcription de son témoignage auxquels réfère l'avocate de la partie défenderesse, aux pages 247, 291 et 292, ne démontrent pas que le demandeur ait fait semblable affirmation.

[4]      En ce qui concerne l'affirmation faite par le tribunal que le demandeur a déclaré que monsieur Buta "n'aurait jamais été au courant qu'il était membre du FLEC", elle n'est pas davantage supportée par la preuve. Au contraire, l'extrait de la transcription du témoignage du demandeur auquel réfère l'avocate de la partie défenderesse, à la page 261, indique simplement que le demandeur a affirmé n'avoir jamais dit à monsieur Buta qu'il était membre du FLEC, précisant toutefois que ce dernier pouvait bien savoir.

[5]      Comme ces deux questions sont reliées à l'appartenance du demandeur au FLEC et que cette appartenance va au coeur même de la revendication, je suis d'avis que la mauvaise appréciation des faits faite par le tribunal vicie l'ensemble de sa décision.

[6]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accordée, la décision du tribunal, annulée, et l'affaire, renvoyée devant la Section du statut de réfugié différemment constituée pour nouvelle considération.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 décembre 1999

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