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Date : 20010927

Dossier : IMM-3345-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1058

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

CHUPPIAH SIVALOHANATHAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle un agent des visas a rejeté, le 29 mai 2000, la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur.

[2]                 Le demandeur demande à la Cour d'annuler cette décision et d'enjoindre à l'agent des visas, par une ordonnance de la nature d'un mandamus, de réexaminer sa demande en respectant les principes d'équité et les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), et du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

Les faits

[3]                 Le demandeur, Chuppiah Sivalohanathan, est un citoyen du Sri Lanka qui a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre d'entrepreneur. Il a travaillé pour la même société pendant plus de 18 ans au Sri Lanka, où il a d'abord été commis, avant de gravir les échelons jusqu'au poste de gestionnaire du fret maritime. Il voulait déménager au Canada pour créer une société de transport de marchandises en Ontario.

[4]                 En 1998, le demandeur a chargé un avocat du Canada de s'occuper de sa demande de résidence permanente et de son plan d'entreprise. Au cours de l'été 1999, l'avocat a préparé et présenté la demande pour le compte du demandeur à titre d'entrepreneur. La demande renfermait un plan d'entreprise détaillé. L'avocat a présenté une mise à jour de ce plan en 2000. Le 11 mai 2000, le demandeur a rencontré l'agent des visas lors d'une entrevue à Singapour.


[5]                 La demande du demandeur a été rejetée par une décision datée du 29 mai 2000, rédigée en partie comme suit :

[TRADUCTION] Vous ne m'avez pas convaincu que vous êtes visé par cette définition. Vous ne m'avez pas convaincu, plus particulièrement, que vous êtes en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada ou d'y investir une somme importante, et de participer activement et régulièrement à sa gestion. Lors de l'entrevue, vous avez été pleinement informé de cette décision et des motifs sur lesquels elle était fondée et vous avez eu la possibilité de la réfuter.

Comme vous n'êtes pas visé par la définition d' « entrepreneur » , vous appartenez à la catégorie de personnes non admissibles au Canada qui est décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration puisque vous ne vous conformez pas aux conditions prévues par cette loi ou son règlement d'application. Par conséquent, j'ai rejeté votre demande. Vous trouverez ci-joint une copie de cette disposition à titre de référence.

Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

Question en litige

[6]                 L'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'agir équitablement envers le demandeur, en ne permettant pas à ce dernier de répondre à ses préoccupations concernant la demande?

Disposition réglementaire pertinente

[7]                 Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, précité, définit de la façon suivante le terme « entrepreneur » :


« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commencial venture;

Analyse et décision

[8]                 Le demandeur a indiqué au début de l'audience que la seule question en litige en l'espèce consistait à déterminer si l'agent des visas avait manqué à son obligation d'agir équitablement envers lui en ne lui donnant pas réellement la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant la demande.

[9]                 Le manquement à l'équité procédurale serait survenu lorsque, à la fin de l'entrevue, l'agent des visas a dit au demandeur qu'il ne croyait pas qu'il satisfaisait aux conditions du paragraphe 2(1) du Règlement. L'agent des visas a écrit ce qui suit dans les notes du STIDI :


[TRADUCTION] À LA FIN DE L'ENTREVUE, J'AI DIT À L'INTÉRESSÉ QUE, MALGRÉ LE FAIT QU'IL SEMBLAIT COMPÉTENT ET EXPÉRIMENTÉ DANS LE DOMAINE DE L'ADMINISTRATION ET DE LA GESTION DU TRANSPORT MARITIME DE MARCHANDISES, SON EXPÉRIENCE GÉNÉRALE ET LE PLAN QU'IL ENVISAGEAIT DE RÉALISER AU CANADA ÉTAIENT INSUFFISANTS POUR ME CONVAINCRE QU'IL ÉTAIT EN MESURE D'ÉTABLIR UNE ENTREPRISE COMME L'EXIGE LE PAR. 2(1). L'INTÉRESSÉ N'A PAS TENTÉ DE RÉFUTER CETTE CONCLUSION.

LMP - REFUS

[10]            L'agent des visas a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 de son affidavit :

[TRADUCTION] À la fin de l'entrevue, j'ai dit au demandeur que son expérience générale et le plan qu'il envisageait de réaliser au Canada étaient insuffisants pour me convaincre qu'il était en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent d'obtenir ou de conserver un emploi, et qu'il était en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion d'une entreprise ou d'un commerce. Le demandeur n'a posé aucune question et n'a donné aucun renseignement additionnel pour réfuter ma conclusion ou me démontrer que j'avais tort.

[11]            Selon le demandeur, l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 204 (C.A.F.), s'applique aux faits de l'espèce. Dans cette affaire, l'agent des visas n'avait rien dit au demandeur de l'évaluation défavorable de sa demande qu'il avait obtenue de la province de l'Ontario. C'est de cette évaluation défavorable que parlait le juge Stone dans sa décision et non de la décision défavorable de l'agent des visas. Or, la situation est différente en l'espèce : l'agent des visas a fait part au demandeur de ses préoccupations concernant la demande présentée par ce dernier.


[12]            La Cour s'est penchée sur les obligations imposées à un agent des visas par l'équité procédurale dans des affaires comme la présente dans Qayum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (9 mai 1997), dossier no IMM-2036-96 (C.F. 1re inst.). Le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) a dit ce qui suit aux paragraphes 6 à 8 de sa décision :

Dans l'affaire Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79, 6 Imm. L.R. (2d) 222 (C.F. 1re inst.), le juge en chef adjoint Jerome a déclaré que l'agent des visas n'était pas tenu de demander des renseignements complémentaires (C.F., p. 83) :

Il incombe donc clairement au requérant de présenter toutes les données pertinentes pouvant être utiles à sa demande. La mesure dans laquelle les agents d'immigration voudront offrir de l'aide ou des conseils pourra dépendre de leurs préférences individuelles ou même faire l'objet de politiques si le ministère le juge opportun, mais une telle obligation n'est pas de celles imposées aux agents par la Loi ou le Règlement.

J'estime que l'on ne peut pas faire droit aux arguments du requérant. C'est à lui qu'il appartient de montrer qu'il est en droit d'être admis au Canada. Il avait, en l'espèce, à démontrer sa capacité d'établir, au Canada, une entreprise susceptible de contribuer de manière significative à la vie économique. L'agent des visas a estimé qu'il n'y était pas parvenu. Le requérant n'a pas fourni d'états financiers pour les commerces qu'il gérait aux États-Unis et au Pakistan. Chose plus importante encore, il n'a présenté aucun plan d'entreprise en vue du lancement du commerce qu'il prévoyait installer au Canada, se contentant simplement d'affirmer que tel était son plan.

L'affidavit et les notes personnelles de l'agent des visas confirment qu'elle a justement demandé au requérant qu'il lui fournisse les états financiers et les déclarations d'impôt concernant ses commerces. Elle a fait savoir au requérant que cette absence de documentation la préoccupait. J'estime que l'agent des visas s'est, comme il lui incombait de le faire, comportée de manière équitable.

[13]            En l'espèce, l'agent des visas a choisi de dire au demandeur à la fin de l'entrevue que son expérience et le plan qu'il se proposait de réaliser étaient insuffisants pour le convaincre qu'il satisfaisait aux conditions du paragraphe 2(1) du Règlement. C'était alors le temps, pour le demandeur, de fournir des renseignements additionnels pertinents au soutien de sa demande, si de tels renseignements existaient. Je ne pense pas qu'il était trop tard pour que le demandeur fournisse ces renseignements à l'agent des visas, si de tels renseignements existaient.

[14]            Je suis d'avis que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'agir équitablement envers le demandeur. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            Les parties ont indiqué qu'elles n'ont pas une question grave de portée générale à soumettre en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, précitée.

ORDONNANCE

[16]            LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                     « John A. O'Keefe »             

                                                                                                                                Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 27 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-3345-00

INTITULÉ :                                                     CHUPPIAH SIVALOHANATHAN et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 14 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                     Le 27 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Michael Korman                                                                             POUR LE DEMANDEUR

John Loncar                                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis & Korman                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    

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