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Date : 20201026

Dossier : IMM-3542-20

Référence : 2020 CF 1000

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 26 octobre 2020

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

MEHMET BARAN UCAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT SUR CONSENTEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Le 16 septembre 2020, M. Ucar a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sur le fondement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]  Le demandeur et le défendeur ont présenté conjointement une requête informelle en vue d’obtenir un jugement sur consentement. Dans la présente instance, ils ont déposé un avis de règlement et une demande de jugement sur consentement. Les parties ont convenu que la décision du 28 juillet 2020 de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada devrait être annulée parce qu’elle reposait sur une conclusion de fait erronée tirée par la SAR de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux documents dont elle disposait.

[3]  Dans les documents qu’elles ont déposés en l’espèce, les parties ne précisent pas quelles sont les conclusions de fait erronées ou autres erreurs figurant dans la décision de la SAR qui justifieraient selon elles d’annuler la décision.

[4]  J’ai examiné les documents figurant au dossier eu égard aux exigences relatives à l’annulation d’une décision sur le consentement des parties, qui sont établies par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Garshowitz c Canada (Procureur général), 2017 CAF 251, aux paragraphes 17 à 19, et dans des décisions connexes.

[5]  Dans sa décision, la SAR a maintenu la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) selon laquelle le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR. Le demandeur avait fondé sa demande sur son identité en tant qu’homosexuel.

[6]  Dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur a avancé plusieurs motifs de contrôle relatifs aux conclusions de la SAR quant à son identité en tant qu’homosexuel. La SAR a conclu que la SPR a eu raison de statuer que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, son identité en tant qu’homosexuel. La SAR a conclu qu’il ne risquerait pas sérieusement d’être persécuté en Turquie en raison de son orientation sexuelle.

[7]  Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur a soutenu que la décision de la SAR contenait des affirmations confuses, incohérentes et contradictoires. Les observations du demandeur étaient notamment les suivantes :

[TRADUCTION]

● Le demandeur a soutenu que la SAR a invoqué de façon déraisonnable des incohérences perçues entre son témoignage et celui d’un de ses témoins au sujet d’événements et de discussions qui se sont tenus au Canada pour mettre en doute sa crédibilité et, par conséquent, la preuve relative à son orientation sexuelle.

● Pour établir son identité et appuyer sa demande fondée sur la LIPR, le demandeur a renvoyé aux éléments de preuve non contredits présentés par deux autres témoins en Turquie (sa sœur et son ancien partenaire), qui avaient une connaissance directe de son homosexualité, en plus de son propre témoignage. Le demandeur a fait remarquer que selon la SAR, la SPR a commis une erreur dans son appréciation de ces éléments de preuve. La SAR a conclu que ceux‑ci étaient crédibles et qu’ils reposaient sur une [traduction] « connaissance directe » de l’orientation sexuelle du demandeur, et elle a conclu qu’elle accorderait un [traduction] « certain poids » aux déclarations. Pourtant, la SAR a conclu qu’il n’était pas homosexuel à la lumière de ces mêmes conclusions relatives aux éléments de preuve, ce qui est illogique et incohérent et démontre une utilisation sélective de la preuve.

● Le demandeur soutient également que la SAR a utilisé les lettres non pas pour ce qu’elles disent, mais pour ce qu’elles gardent sous silence (c.‑à‑d. que les deux témoins en Turquie n’ont pas expliqué les divergences entre le témoignage du demandeur et celui de l’autre témoin au sujet d’événements et de discussions qui se sont tenus au Canada alors qu’ils n’étaient pas présents), ce qui va à l’encontre du principe établi dans la décision Mahmud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 729, au paragraphe 11.

● Le demandeur a également soutenu que la SAR a fait fi de la preuve établie dans le rapport de son psychothérapeute selon laquelle des troubles cognitifs liés au stress auraient pu influer sur son témoignage. Il a également fait valoir que la SAR a tiré des conclusions en lien avec les conclusions de la SPR qui contredisaient la preuve établie dans le rapport.

[8]  Compte tenu des exigences énoncées dans l’arrêt Garshowitz, je conviens avec les parties que la décision de la SAR doit être annulée. Dans sa décision, la SAR a invoqué des incohérences mineures dans la preuve pour miner la crédibilité du demandeur et a conclu qu’il n’avait pas établi son identité en tant qu’homosexuel. Ce faisant, la SAR a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir dûment compte de la preuve au dossier. La décision contenait des incohérences internes et des lacunes sur le plan de la logique, et la SAR a fait abstraction de la preuve dans son évaluation de la crédibilité du demandeur, des lettres de sa sœur et de son ancien partenaire, lesquelles présentaient une preuve directe de son homosexualité, et du rapport du psychothérapeute.

[9]  Le demandeur conteste également le fait que la SAR a rejeté la preuve sur la situation du pays et d’autres éléments de preuve documentaires présentés à l’appui de sa demande. Une nouvelle décision de la SAR permettra également à cette dernière de tenir compte de la situation du pays et d’autres éléments de preuve relatifs à la demande du demandeur déposée sur le fondement de la LIPR.

[10]  La demande est accueillie et la décision de la SAR est annulée sur consentement. L’affaire est renvoyée à la SAR afin qu’un autre commissaire rende une nouvelle décision. Sur consentement des parties, aucuns dépens ne sont adjugés à l’une ou l’autre des parties.


 

JUGEMENT SUR CONSENTEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3542-20

LA COUR ORDONNE que :

  1. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section d’appel de l’immigration du 28 juillet 2020 est annulée sur consentement des parties.

  2. L’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Andrew D. Little »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, traductrice

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-3542-20

INTITULÉ :

MEHMET BARAN UCAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

requête écrite examinée à TORONTO (ONTARIO), conformément à l’article 369 des règles des cours fédérales

JUGEMENT SUR CONSENTEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE A.D. LITTLE

DATE DU JUGEMENT SUR CONSENTEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 OCTOBRE 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Brian I. Cintosium

POUR LE DEMANDEUR

John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian I. Cintosium

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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