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Date : 20201022

Dossier : T-1615-18

Référence : 2020 CF 997

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2020

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE:

FLATWORK TECHNOLOGIES, LLC

(FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE POWERBLANKET)

demanderesse

et

SUSAN BRIERLEY

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La demanderesse a déposé une requête en jugement sommaire dans le cadre de son action en invalidation de brevet fondée sur le paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4 [la « Loi » ou la « Loi sur les brevets »]. La demanderesse soutient que le brevet canadien no 2,383,341 [le brevet ‘341], qui décrit une enveloppe chauffante électrique destinée à être utilisée sur des flèches hydrauliques articulées, devrait être déclaré invalide conformément à l’article 62 de la Loi.

[2] Les motifs invoqués par la demanderesse sont que sa preuve d’expert prouve que le brevet 341 ne divulgue pas une invention brevetable. Selon elle, la preuve indique que l’invention était évidente à la date de la revendication, de sorte que le brevet est invalide en vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. De plus, la demanderesse soutient que la teneur du brevet 341 existait déjà dans l’art antérieur et que le brevet est donc invalide en vertu l’article 28.2 de la Loi sur les brevets en raison de la divulgation antérieure de l’objet de la revendication. Le dernier motif invoqué par la demanderesse était que la revendication 5 du brevet 341 était invalide en raison de l’absence d’utilité contrairement à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Subsidiairement, la demanderesse soutient que la validité du brevet 341 devrait être déterminée par voie de procès sommaire.

[3] La présente affaire a été entendue dans le cadre d’une audience virtuelle de deux jours.

II. Contexte

A. Les parties

[4] La demanderesse, Flatwork Technologies, LLC [Flatwork], est une société enregistrée au Nevada et dont le siège social est situé dans l’Utah. Flatwork œuvre dans la fabrication de jaquettes chauffantes et d’autres solutions de chauffage et de refroidissement.

[5] La défenderesse, Susan Brierley [Mme Brierley], est une femme d’affaires qui vit à Wetaskiwin, en Alberta. À l’audience, elle a expliqué qu’elle avait été opératrice de machinerie lourde dans le nord de la Colombie-Britannique, notamment sur des chantiers où les températures étaient très froides, et a conçu le brevet ‘341 pour permettre aux flèches hydrauliques articulées de continuer de fonctionner par temps froid. Mme Brierley agit pour son propre compte de manière très compétente.

[6] Chaque partie a déposé un rapport d’expert et les deux déposants ont été contre‑interrogés au sujet de leurs affidavits et de leurs rapports.

B. Le brevet 341

[7] Le 25 avril 2002, Mme Brierley a présenté une demande pour le brevet 341. Le brevet 341 lui a été délivré en 2007. Ce brevet est intitulé « Méthode et dispositif de maintenance de flèches hydrauliques articulées utilisées dans des températures de gel ». L’image suivante, tirée de la page 1 (reproduite à la figure 1) du brevet, représente une pelle rétrocaveuse munie d’une flèche hydraulique articulée qui est enveloppée du dispositif :

341 Patent diagram

[8] Dans le cadre d’une procédure judiciaire antérieure [l’instance en Alberta], Mme Brierley a déclaré, au paragraphe 2, qu’elle [traduction] « [...] a nommé son produit Inferno Tarps ». De 2007 à 2015, elle a étudié le marché de ses appareils et a fini par apprendre, en 2016, que des produits semblables étaient disponibles sur le marché.

C. Instance devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta

[9] Le 12 mars 2018, Mme Brierley a intenté une action devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (dossier no 1812-000073) dans le cadre de laquelle elle alléguait que Flatwork a contrefait le brevet 341 en vendant ses produits sous les noms commerciaux « Powerblanket » et « Warmguard ». Dans sa défense dans cette instance, Flatwork a soutenu que le brevet 341 n’était pas valide. La présente action a ensuite été intentée par Flatwork.

[10] Par des ordonnances datées du 29 avril 2019 et du 15 octobre 2019, le juge Henderson a suspendu l’instance en Alberta jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard de l’action intentée devant la Cour fédérale car il craignait que des ressources judiciaires soient gaspillées si l’instance en Alberta se poursuivait et que la Cour fédérale concluait en fin de compte que le brevet 341 est invalide.

D. Actes de procédure devant la Cour fédérale

[11] Dans sa déclaration déposée le 4 septembre 2018 à la Cour fédérale, Flatwork affirme que le brevet 341 est invalide pour cinq motifs : l’évidence, l’absence d’utilité, l’absence de nouveauté, l’insuffisance et l’ambiguïté. La présente demande de jugement sommaire est fondée sur trois motifs d’invalidité : l’évidence, l’antériorité et l’absence d’utilité.

[12] Mme Brierley fait valoir que son brevet est valide et que la demanderesse n’a [traduction] « produit aucune antériorité qui constituerait une preuve qui invaliderait le brevet 341 ».

E. Requête en jugement sommaire

[13] Le 10 janvier 2020, Flatwork a déposé un avis de requête en vue d’obtenir un jugement sommaire invalidant le brevet 341 en application du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets et d’obtenir une ordonnance portant qu’un certificat de jugement annulant le brevet 341 devra être enregistré auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [OPIC] conformément à l’article 62 de la Loi sur les brevets. Subsidiairement, Flatwork demande une ordonnance portant que la validité du brevet 341 sera déterminée par voie de procès sommaire.

[14] Mme Brierley demande à la Cour de rejeter la requête en jugement sommaire et de déclarer le brevet 341 valide en vertu de l’article 42 et du paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, ou, subsidiairement, de rendre une ordonnance portant que la validité du brevet 341 sera déterminée par voie de procès sommaire. Elle a également demandé une ordonnance portant qu’il [traduction] « [s]’agit d’un abus vexatoire et préjudiciable de la procédure judiciaire et des ressources judiciaires ».

III. Questions préliminaires

A. Éléments de preuve inadmissibles dans le mémoire de Mme Brierley

[15] Le dossier de requête initial de Mme Brierley contenait de nouveaux éléments de preuve, y compris des affidavits de Lisa Olver et de Robert Anderson. Ces affidavits ont été déposés après la fin du contre-interrogatoire, de sorte que la protonotaire Ring a permis à Mme Brierley de déposer un dossier de requête modifié, à la condition qu’elle retire ces affidavits. À l’audience, Flatwork s’est opposée aux renvois continuels de Mme Brierley à ces affidavits dans son mémoire. Mme Brierley a accepté de ne pas mentionner les affidavits. Lorsqu’elle a présenté ses observations orales, Mme Brierley a présenté de vive voix certains éléments de preuve qui ne seront pas pris compte, tout comme les affidavits susmentionnés.

B. Autorisation de modifier la déclaration de Flatwork

[16] Flatwork a demandé l’autorisation de signifier et de déposer une défense modifiée à la déclaration modifiée pour inclure deux éléments d’art antérieur supplémentaires, soit le Termo 2000, une couverture de chauffage pour sac de couchage, et le manchon à vapeur de gaz. Mme Brierley a soutenu qu’ils ne devraient pas être inclus, car ces objets n’étaient pas brevetés et que [traduction] « il est très peu probable qu’une divulgation détaillée de la façon dont le produit a été fabriqué était fournie lors de l’achat », et que cette documentation était [traduction] « inexistante pour le public ». De plus, elle a déclaré que le Termo 2000 a été vendu à l’armée israélienne et, encore une fois, n’était pas accessible au public. Pour ces motifs, elle a soutenu que je ne devrais pas permettre la modification.

[17] Le paragraphe 75(2) des Règles indique qu’une modification ne devrait pas être autorisée pendant ou après une audience, sauf s’il s’agit d’une exception à la règle prévue aux alinéas 75(2)a) et c). Lors de l’audience, j’ai autorisé le dépôt de la déclaration modifiée et l’audience s’est poursuivie sur le fondement de la déclaration modifiée.

[18] Dans Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2019 CF 1309, au paragraphe 56, le juge Manson a autorisé dans le cadre d’une requête préliminaire des modifications similaires afin de permettre à la Cour de se faire « une idée précise de l’état de la technique » et parce que cela « ne causerait aucune injustice » à la partie adverse.

[19] Ces modifications apportées aux annexes ne font que mettre à jour et refléter l’art antérieur dont il est question dans les rapports d’experts et les mémoires. Mme Brierley ne subit pas non plus de préjudice parce que les deux antériorités ont été divulguées dans l’affidavit d’expert du 12 juin 2019. Mme Brierley connaissait cet art antérieur plus d’un an avant l’audience prévue et elle a contre-interrogé l’expert de la demanderesse sur cet art antérieur. En outre, si elle autorise les modifications, la Cour comprendra mieux l’attaque contre le brevet 341.

IV. Questions en litige

[20] Les questions soulevées par la présente requête en jugement sommaire sont les suivantes :

V. Jugement sommaire

[21] Étant donné qu’il s’agit d’une requête en jugement sommaire, la Cour doit être convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à la déclaration d’évidence, d’antériorité ou d’absence d’utilité. L’article 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 régit les requêtes en jugement sommaire :

Absence de véritable question litigieuse

215 (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

Somme d’argent ou point de droit

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) la somme à laquelle le requérant a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

Pouvoirs de la Cour

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

[22] L’interprétation d’un brevet est une question de droit (Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 au para 6 [Whirlpool]). Dans Canmar Foods Ltd c TA Foods Ltd, 2019 CF 1233, décision qui fait actuellement l’objet d’un appel, le juge Manson a déclaré au paragraphe 43 que « [s]i la seule véritable question litigieuse est un point de droit, [la Cour] peut également statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire ». Il a ensuite abordé l’interprétation des revendications du brevet – une question de droit – et a en fin de compte conclu qu’il n’y avait pas de véritable question litigieuse en matière de contrefaçon.

[23] Dans Gemak Trust c Jempak Corporation, 2020 CF 644 aux para 89 et 90 [Gemak], le juge Lafrenière a confirmé que les brevets peuvent être interprétés dans le cadre de requêtes en jugement sommaire, et il a en outre expliqué les facteurs à examiner pour déterminer si une affaire peut être tranchée par jugement sommaire (voir aussi Hryniak c Mauldin, 2014 CSC7 au para 5).

A. Fardeau de la preuve

[24] En l’espèce, Flatwork doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités – le fardeau habituel dans le cadre d’un procès civil –, qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse quant à au moins un de ses arguments relatifs à l’invalidité (évidence, nouveauté ou absence d’utilité) pour obtenir un jugement sommaire (Teva Canada Limited c Wyeth LLC et Pfizer Canada Inc, 2011 CF 169 [inf pour d’autres motifs dans 2012 CAF 141] au para 36).

[25] Même si le fardeau de la preuve incombe à Mme Brierley, la partie défenderesse doit quand même fournir une preuve démontrant qu’il existe une véritable question litigieuse (Collins c Canada, 2015 CAF 281 aux para 70 et 71). Il est loisible à la Cour de tenir pour acquis que les parties ont présenté leurs meilleurs arguments et que, si l’affaire est instruite, aucune preuve additionnelle ne serait présentée (Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 112 au para 105).

B. Conclusion : Jugement sommaire

[26] Pour examiner la question de savoir s’il faut procéder par jugement sommaire, il n’est pas nécessaire d’évaluer la crédibilité des parties ou de leurs témoins experts. Il n’est pas non plus nécessaire d’instruire un procès pour déterminer la validité du brevet 341, car je dispose de tout dont j’ai besoin pour rendre une décision. Je peux appliquer le droit aux faits – et il n’y a pas de désaccord quant aux faits sous jacents –, et l’affaire peut être tranchée en fonction de la question distincte de savoir si le brevet 341 est évident, ou exempt de nouveauté ou d’utilité.

[27] Il ne serait pas dans l’intérêt d’aucune des parties de consacrer le temps et l’argent nécessaires pour engager un procès, puisque je conclus, comme on le verra plus loin, qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Je conclus que, en rendant un jugement sommaire plutôt qu’en instruisant un procès ou un procès sommaire, on favorisera le règlement rapide, proportionné, moins coûteux et en temps utile de la présente affaire, car il n’existe pas de véritable question litigieuse.

VI. Preuve d’expert

[28] Les parties ne s’entendent pas le fait que les experts de l’autre partie sont qualifiés comme experts relativement à l’objet du brevet 341.

A. Jonathan Willner – expert de la demanderesse

[29] Le rapport de Jonathan Willner a fait l’objet d’une déclaration sous serment le 27 mai 2019, et M. Willner a été contre-interrogé sur cet affidavit par vidéoconférence le 31 janvier 2020. M. Willner est un expert-conseil indépendant, qui se décrit comme un expert dans le domaine des enveloppes et des jaquettes chauffantes industrielles et dans la résolution des problèmes thermodynamiques. Il a travaillé sur des systèmes de chauffage, notamment des produits de chauffage par le sol, des panneaux chauffés et des enveloppes chauffantes pour diverses entreprises. Il a d’abord travaillé en Israël puis, au cours des 30 dernières années, au Canada et aux États-Unis, et plus récemment sur les marchés mondiaux. Sa formation n’est pas en rapport avec l’objet du brevet puisqu’il détient des diplômes en enseignement et en océanographie.

[30] M. Willner a reçu des instructions de l’avocat de la demanderesse sur le droit canadien des brevets et a examiné le brevet 341 du point de vue d’une personne versée dans l’art. Il a créé un tableau des revendications montrant les correspondances entre les revendications et l’art antérieur et a conclu que le brevet 341 était évident et exempt d’utilité.

[31] M. Willner a déclaré qu’il travaillait comme entrepreneur indépendant pour Flatwork et qu’à ce titre, il avait établi une chaîne de production de 2016 à 2018. Il n’a effectué aucun travail pour elle depuis le début de 2018. Au paragraphe 15 du rapport d’expert de la défenderesse préparé en réponse, M. Grace écrit qu’il estimait qu’il s’agissait d’un conflit d’intérêts potentiel, d’autant plus que M. Willner n’avait présenté aucun document sur le travail qu’il avait effectué pour Flatwork. Mme Brierley n’a pas soulevé cet argument à l’audience et je conclus qu’il n’est pas pertinent quant à sa capacité de s’exprimer sur ce brevet.

[32] Mme Brierley soutient que M. Willner n’a pas examiné le dossier avec un esprit ouvert et que, parce qu’il avait travaillé en Israël, où il ne faisait pas froid, il ne savait pas de quoi il parlait. De plus, elle allègue qu’il n’a pas fourni de renseignements sur une antériorité sur laquelle il s’est fondé et que, par conséquent, son opinion devrait être rejetée, puisque l’antériorité n’existe peut-être même pas ou ne serait certainement pas retrouvée par une personne versée dans l’art à la date pertinente.

[33] En lisant la transcription de son contre-interrogatoire, je remarque à quel point il n’a pas été professionnel et s’est montré combatif avec Mme Brierley. Par exemple, il lui a dit qu’il était [traduction] « grave » qu’elle n’ait aucun document devant elle et qu’elle avait [traduction] « une éducation ou une exposition limitée ». De plus, il lui a répondu [traduction] « amusez-vous » lorsqu’elle lui a dit qu’elle voulait poser des questions et lui disait sans ambages [traduction] « vous avez tort » lorsqu’il était en désaccord. Un expert est là pour aider la Cour et être impartial. Cela doit être pris en compte lors de l’évaluation du témoignage d’un expert. En l’espèce, M. Willner a agi comme une partie belliqueuse plutôt que comme un expert impartial.

[34] Je conclus toutefois qu’il est qualifié à titre d’expert. Je crois que ses premiers travaux en Israël ne le disqualifient pas, notamment parce que son expérience a été acquise au cours des 30 dernières années dans le secteur du chauffage électrique et du chauffage par le sol en Amérique du Nord et partout dans le monde. Bien qu’il n’ait pas travaillé dans le nord de l’Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique, je ne considère pas qu’une telle expérience de travail, qu’il n’a pas, était essentielle pour donner son avis d’expert compte tenu de sa longue expérience de travail dans d’autres régions du Canada où les températures sont glaciales. Étant donné que le brevet ne comporte pas d’isolation ou de seuils applicables à la productivité thermique, je crois que son expérience lui donne le droit de donner son opinion sur le brevet ‘341. Son manque d’impartialité évident à plusieurs occasions m’amène à être prudente, mais ses tableaux des réclamations sont très utiles pour la Cour.

B. Patrick Grace – Expert de la défenderesse

[35] L’expert de Mme Brierley est Patrick Grace, président de West-Pro Renewable Projects, à Calgary. Son rapport d’expert a fait l’objet d’une déclaration sous serment le 13 janvier 2020 et M. Grace a été contre-interrogé sur le rapport par vidéoconférence le 30 janvier 2020.

[36] L’expérience de M. Grace est à titre de « mécanicien de machinerie lourde diplômé (Alberta) », expérience qu’il a acquise en travaillant pendant 20 ans sur de nombreux projets annuels dans le froid extrême du nord du Canada, de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta. Il a indiqué qu’il avait [traduction] « résidé à longueur d’année dans le nord de l’Alberta sur des sites de prospection et des sites d’Hydro Project, [et dans] le nord de l’Alberta dans le cadre de nombreux projets de construction, et d’extraction pétrolière et gazière, où [il] avai[t] pour tâche d’entretenir l’équipement dans des conditions hivernales extrêmes ». Au cours des 12 années qui ont suivi, il a été propriétaire d’une entreprise dans le domaine et de la conception et de la fabrication de pièces d’acier et d’équipement située en Alberta. Il a également participé à des projets d’énergie renouvelable au cours des dix dernières années. Pendant le contre-interrogatoire, M. Grace a admis qu’il n’avait aucune expérience dans la conception ou la fabrication d’enveloppes ou de jaquettes chauffantes électriques.

[37] Bien qu’il ne réponde pas au critère des études, un expert n’a pas besoin d’avoir une formation formelle à tous les égards, et l’expérience seule pourrait permettre de qualifier une personne comme expert. Comme l’a souligné la Cour :

Un expert dûment qualifié est une personne « dont on démontre qu’il ou elle a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage » [...]

(Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd, 2020 CF 794 au para 17, citant R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 au para 31 [Mohan]; non souligné dans l’original.)

[38] En raison de son expérience à titre de mécanicien de machinerie lourde pendant 20 ans dans les températures glaciales du nord de l’Alberta, je crois que M. Grace pourrait être reconnu comme expert sur certains sujets afin de donner son opinion sur le brevet ‘341. Toutefois, son aide est limitée comme il ne détient aucune expérience dans la conception ou la fabrication d’enveloppes ou de jaquettes chauffantes électriques, qui est l’objet du présent brevet.

[39] M. Grace a admis qu’il n’avait reçu d’instructions ni sur le concept de la personne versée dans l’art lorsqu’il a présenté son rapport d’expert ni sur les principes de droit canadien en matière d’interprétation des revendications. Il a déclaré que l’analyse de M. Willner sur ce qu’une personne versée dans l’art penserait du brevet 341 est [traduction] « une perte de temps et d’argent ». Il a critiqué M. Willner pour avoir trop [traduction] « insisté » sur ce que la personne versée dans l’art penserait. Il a également donné des opinions [traduction] « sous toute réserve » qui ne sont pas appropriées dans un rapport d’expert.

[40] Étant donné que M. Grace n’a jamais reçu d’instructions appropriées sur les concepts de droit canadien en matière de brevets, ses opinions tirées de son rapport d’expert n’ont aucun fondement juridique et n’auront aucun poids, sauf si son expérience à l’égard d’un élément précis est utile à la Cour et que j’y renvoie expressément.

[41] Dans certains cas, une preuve d’expert n’est pas requise pour interpréter les revendications d’un brevet, mais elle est admissible pour aider la Cour dans cet exercice (Gemak, au para 93). La Cour n’est pas tenue de choisir entre les interprétations présentées par les experts « et devrait plutôt, à l’aide du témoignage des experts, tirer ses propres conclusions quant à l’interprétation à donner » (le juge Southcott dans Cascade Corporation c Kinshofer GmbH, 2016 CF 1117 au para 72).

[42] Comme l’a déclaré le juge Manson au paragraphe 77 de Biogen Canada Inc c Taro Pharmaceuticals Inc, 2020 CF 621, « [d]ans les cas où le juge peut interpréter le brevet comme le ferait une personne versée dans l’art, il n’est pas nécessaire de produire une preuve d’expert ».

[43] En l’espèce, le brevet est simple. Ce brevet, ainsi que l’art antérieur, n’est pas complexe; il ne s’agit pas d’une invention pharmaceutique ou mécanique et il peut être interprété avec une contribution minimale des experts, compte tenu des lacunes susmentionnées. Comme Flatwork l’a reconnu, il ne s’agit pas d’invention qui aurait besoin de faire l’objet d’une rétroingénérie ou qui est autrement difficile à comprendre en la regardant, car il s’agit d’un simple dispositif de chauffage.

[44] Il s’agit d’une affaire où, avec l’aide d’éléments de preuve fiables provenant des deux rapports déposés par les parties, la Cour peut interpréter le brevet.

VII. Interprétation des revendications

[45] Avant d’interpréter le brevet 341, je conclus que Flatwork a qualité pour intenter la présente procédure d’invalidation. Flatwork est un « intéressé » visé au paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets. Flatwork est un intéressé puisqu’elle se défend dans le cadre de la procédure d’invalidation de brevet intentée en Alberta par Mme Brierley à l’égard du même brevet. Dans Aux Sable Liquid Products LP c JL Energy Transportation Inc, 2019 CF 581[Aux Sable], le juge Southcott a conclu au paragraphe 10 qu’un demandeur qui a intenté une procédure d’invalidation contre une partie qui les poursuivait pour contrefaçon dans une autre action en instance devant un tribunal de l’Alberta portant sur le même brevet satisfait au critère relatif à l’intéressé.

[46] L’interprétation des revendications constitue le point de départ pour trancher les questions de validité et de contrefaçon. Les principes d’interprétation des revendications sont énoncés par la Cour suprême dans Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, [2000] 2 RCS 1024 aux para 31 à 67, et Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 à la p 520 [Consolboard]. Il convient d’interpréter les revendications avant d’examiner les attaques contre la validité ou la contrefaçon. Par le respect de la teneur des revendications, la Loi sur les brevets favorise l’équité et la prévisibilité.

[47] Lorsqu’elle entreprend une interprétation téléologique du brevet, la Cour devrait chercher à savoir si les mots et expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications du brevet décrivent des éléments « essentiels » d’une invention (Whirlpool, au para 45). Dans Tearlab Corporation c I-Med Pharma Inc, 2019 CAF 179, la Cour d’appel a déclaré ce qui suit au paragraphe 31 :

[...] il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas [...]. Il incombe au juge appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non essentiel et d’accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide [...].

[48] La teneur des revendications doit être interprétée du point de vue d’une personne versée dans l’art, ayant des connaissances générales courantes, pour identifier les éléments.

[49] Lors de l’interprétation d’une revendication, il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications « pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement [...], sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » (Consolboard, à la p 520).

[50] Le mémoire descriptif du brevet doit être examiné pour comprendre le sens d’une revendication, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle est écrite (Whirlpool, au para 52). Au paragraphe 31 d’AztraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36, la Cour suprême a clairement indiqué que l’analyse est principalement axée sur les revendications et que le mémoire descriptif doit être examiné lorsqu’on attaque la validité du brevet en invoquant une ambiguïté.

A. Personne versée dans l’art

[51] Flatwork est d’avis qu’une personne versée dans l’art par rapport au brevet ‘341 est une personne qui a des connaissances en thermodynamique et en électronique ou en génie mécanique ou électrique, qui possède de l’expérience dans la conception et la fabrication d’enveloppes et de jaquettes chauffantes industrielles et qui connaît leurs diverses utilisations. Cette description correspond à la compréhension de M. Willner, exposée aux paragraphes 13 à 15 de son rapport d’expert, où il confirme qu’il se considère comme une personne versée dans l’art en ce qui a trait au brevet 341. M. Willner précise qu’une personne versée dans l’art « aurait plusieurs années d’expérience dans la conception et la fabrication d’enveloppes et de jaquettes chauffantes industrielles et connaîtrait leurs diverses utilisations. »

[52] Mme Brierley n’a présenté aucune observation au sujet de la question de savoir à quoi correspondrait une personne versée dans l’art en l’espèce, et elle n’a pas expliqué le concept à M. Grace.

[53] Une personne versée dans l’art peut avoir une combinaison d’études et d’expérience, ou simplement de l’expérience (Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp, 2016 CF 883 au para 83).

[54] Dans ViiV Healthcare Company c Gilead Sciences Canada, Inc, 2020 CF 486 au para 78, le juge Manson a fait remarquer que les parties s’entendaient généralement sur les caractéristiques de la personne versée dans l’art, de sorte qu’il n’a pas analysé la question de façon approfondie. Il fait remarquer que, lorsqu’il y a désaccord sur ces caractéristiques, « la personne fictive versée dans l’art devait être capable de comprendre l’intégralité du brevet en cause ».

[55] En l’espèce, il n’y a pas non plus de différend important concernant la personne versée dans l’art. Il s’agit d’une personne qui a des connaissances – acquises par l’expérience ou la formation, ou une combinaison des deux – en thermodynamique et en électronique ou en génie mécanique ou électrique. La personne versée dans l’art aurait de l’expérience dans la conception et la fabrication d’enveloppes et de jaquettes chauffantes électriques, et connaîtrait leurs diverses utilisations sur différents objets dans des conditions de gel. Elle doit détenir une solide expérience, c’est-à-dire d’au moins 15 ans, un niveau qui lui permettrait de bien connaître les variations saisonnières du temps froid.

B. Connaissances générales courantes

[56] L’étape suivante consiste à déterminer les connaissances générales courantes [CGC] de cette personne. Les CGC sont des « connaissances que possède généralement une personne versée dans l’art en cause au moment considéré » et « ce que saurait la personne versée dans l’art sans effectuer de recherches » (Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 1 au para 48; Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2020 CF 624 au para 36). Pour être considérée comme une CGC, une telle connaissance doit être [traduction] « connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier » (Eli Lilly and Company c Apotex Inc, 2009 CF 991 au para 97, conf par 2010 CAF 240).

[57] À la date de revendication du 25 avril 2002, les connaissances suivantes auraient fait partie des CGC d’une personne versée dans l’art (c’est-à-dire une personne qui a des connaissances en thermodynamique et en électronique ou en génie mécanique ou électrique, qui possède de l’expérience en conception et en fabrication d’enveloppes et de jaquettes chauffantes industrielles, et qui connaît leurs diverses utilisations dans des conditions de gel). Tout d’abord, elle devrait savoir que des éléments chauffants peuvent être intégrés dans des manchons souples. Ensuite, elle devrait savoir que divers types de matériaux isolants peuvent être utilisés dans ces manchons. En dernier lieu, elle devrait savoir que différents types d’éléments de fixation peuvent être utilisés pour maintenir le manchon souple autour d’un objet pour le chauffer.

[58] Ces trois concepts généraux auraient manifestement été connus d’une personne versée dans l’art. Flatwork a décrit que les CGC consistent à savoir qu’il existe une variété d’enveloppes, de manchons et de couvertures chauffantes offerts dans diverses formes et dimensions pouvant servir à chauffer différents objets. Dans son rapport d’expert, M. Willner cite cinq antériorités précises qui reflètent ce qu’il considère comme les CGC dans l’industrie :

[59] Je conclus que l’art antérieur concernant la couverture de chauffage pour sac de couchage (no 1) et la couverture chauffante électrique en silicone (no 3) est exclu, tout comme le sont les opinions de M. Willner à ces égards. Je le fais parce qu’ils ne constituent pas des antériorités sur lesquelles on peut s’appuyer (Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1234 au para 57). Le droit n’est pas établi quant à savoir a) si le critère est le critère de common law selon lequel une antériorité pourrait être trouvée au moyen d’une recherche raisonnablement diligente; b) si l’introduction du paragraphe 28(3) a mis à jour ce critère, de sorte qu’il s’agit maintenant de déterminer si « un document d’antériorité qui a été communiqué au public avant la date prescrite [par l’article 28.3] fait partie de l’art antérieur pour les besoins de l’analyse relative [à] l’évidence, peu importe que le document en question ait pu être trouvé au moyen d’une recherche raisonnablement diligente » (Aux Sable, au para 176).

[60] Peu importe lequel des critères est appliqué, aucune des antériorités no 1 et no 3 invoquées ne satisfait aux critères. Les deux sont trop imprécises et n’étaient pas divulguées au public à la date pertinente, car l’antériorité no 1 a été trouvée dans un article de magazine daté de janvier 1967 et l’antériorité no 3 n’a été divulguée que dans le rapport de M. Willner, avec sa description et deux photos.

[61] Je reconnais que les trois antériorités restantes citées confirment que les CGC d’une personne versée dans l’art devraient comprendre la connaissance qu’il est possible d’intégrer des éléments chauffants électriques dans une couverture ou un manchon souple comportant des matériaux isolants, puis de fixer le manchon autour d’un objet dans le but de le chauffer dans des températures de gel par différents moyens, comme des cordes, des sangles, des boucles et des rubans autoagrippants à crochets et à boucles placés au niveau de l’ouverture longitudinale.

C. Interprétation

[62] Après avoir identifié la personne versée dans l’art et les CGC, je vais maintenant déterminer comment cette personne interpréterait les revendications.

[63] Il n’est pas contesté que la date pertinente est le 25 avril 2002, date à laquelle le brevet 341 a été déposé.

[64] À l’audience, Mme Brierley a confirmé qu’elle considère la flèche hydraulique articulée comme un élément essentiel, ce que je juge contraire à sa position dans l’action intentée en Alberta. De plus, Mme Brierley a expliqué qu’elle considère que les éléments essentiels du brevet sont l’enveloppe autour d’une flèche hydraulique articulée avec une coquille externe, un élément chauffant électrique, une couche de matériau isolant et des moyens de fermer l’ouverture longitudinale et de fixer les extrémités opposées.

[65] Toutefois, lorsqu’on interprète un brevet, il est bon de se rappeler qu’un inventeur – ce qu’est Mme Brierley, parmi un certain nombre d’autres titres professionnels – n’est pas nécessairement une personne versée dans l’art et que Mme Brierley a exprimé son opinion sur des éléments essentiels pour défendre sa cause. Je ne peux toutefois pas être en désaccord avec elle lorsqu’elle dit que c’est ce que saurait une personne versée dans l’art.

[66] J’interpréterai le brevet et déterminerai les éléments essentiels en examinant ce qu’une personne versée dans l’art disposant des CGC à ce moment-là aurait su. Pour déterminer les éléments essentiels, j’ai tenu compte du fait que les deux experts considéraient que l’utilisation de l’enveloppe chauffante autour de la flèche hydraulique articulée était un aspect essentiel du brevet ‘341. M. Willner dit : [traduction] « À mon avis, la personne versée dans l’art considérerait que le brevet ‘341 est limité à l’utilisation sur des flèches hydrauliques articulées […]. Aucun élément dans le brevet ‘341 n’indique que l’enveloppe chauffante en question est adaptée à une utilisation dans un autre contexte. » Selon M. Grace, [traduction] « il s’agit d’une INVENTION totalement ORIGINALE, conçue spécifiquement pour une flèche hydraulique articulée fonctionnant dans des températures sous le point de congélation ».

[67] À l’examen du brevet ‘341, on constate qu’il contient huit revendications (reproduites ci‑dessous) décrivant un manchon chauffant électrique enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée et d’une méthode pour maintenir la flèche hydraulique au chaud. Les revendications 1 à 6 sont des revendications relatives à un dispositif. Les revendications 7 et 8 sont des revendications relatives à une méthode :

[traduction]

1. Un dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, composé des éléments suivants :

un manchon souple fait d’un matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure, des extrémités opposées et une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon;

des moyens de fermer l’ouverture longitudinale;

des moyens de chauffer la cavité intérieure du manchon;

des moyens de restreindre les extrémités opposées du manchon souple, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

2. Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel les moyens de fermer l’ouverture longitudinale sont des éléments de fixation espacés sur le manchon le long des côtés opposés de l’ouverture longitudinale.

3. Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel des cordons de serrage placés aux extrémités opposées du manchon souple servent à restreindre ces dernières.

4. Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel un élément chauffant électrique intégré dans la surface intérieure du manchon sert à chauffer cette dernière.

5. Le dispositif défini dans la revendication 4, dans lequel le manchon souple est composé d’une première couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface extérieure du manchon souple, et d’une deuxième couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface inférieure du manchon souple, d’une doublure résistante à la chaleur sous la première couche protectrice en polyuréthane, d’une première couche de matériau isolant et d’une deuxième couche de matériau isolant placées entre la doublure résistante à la chaleur et la deuxième couche protectrice en polyuréthane, et de l’élément chauffant électrique placé entre les première et deuxième couches de matériau isolant.

6. Un dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, composé des éléments suivants :

un manchon souple fait d’un matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure, des extrémités opposées et une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon;

des éléments de fixation espacés le long du manchon sur les côtés opposés de l’ouverture longitudinale, laquelle peut être fermée au besoin;

un élément chauffant électrique intégré dans la surface intérieure du manchon, dont la cavité intérieure peut être chauffée;

des cordons de serrage placés aux extrémités opposées du manchon souple destinés à restreindre ces dernières, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

7. Une méthode de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, comprenant les étapes suivantes :

positionner un manchon souple fait de matériau isolant ayant une cavité intérieure autour de la flèche hydraulique articulée, le manchon étant suffisamment souple pour permettre d’utiliser la flèche articulée lorsqu’il est en place;

chauffer la cavité intérieure du manchon;

restreindre les extrémités opposées du manchon pour bien insérer la flèche hydraulique articulée de manière à maintenir le manchon en place et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

8. La méthode définie dans la revendication 7, le manchon étant suffisamment souple pour permettre d’utiliser la flèche articulée lorsqu’il est en place.

[68] Une personne versée dans l’art comprendrait qu’une flèche hydraulique articulée est un bras mécanique composé d’au moins deux sections, mais pouvant en compter davantage. Ces sections sont reliées par un joint souple, lequel est commandé par le débit du fluide hydraulique qui influe sur le mouvement du bras mécanique.

[69] Les éléments dans la revendication indépendante 1 sont les suivants : a) une flèche hydraulique articulée, b) un manchon souple fait de matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure, c) les extrémités opposées, d) l’ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure pour la flèche hydraulique articulée, e) des moyens de fermer l’ouverture longitudinale, f) des moyens de chauffer la cavité intérieure du manchon et g) des moyens de restreindre les extrémités opposées du manchon souple, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure. Une personne versée dans l’art considérerait tous ces éléments comme essentiels.

[70] Maintenant que les éléments essentiels ont été déterminés, je peux poursuivre avec l’interprétation des revendications, et j’adopterai celle qui figure dans le rapport de l’expert de la demanderesse :

[traduction]

« un manchon souple fait de matériau isolant thermique »

24. Le « manchon souple » dans le brevet '341 a pour but d’être enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée. Une personne versée dans l’art comprendrait qu’un « manchon souple » désigne un manchon suffisamment souple pour arriver à cette fin.

25. Le terme « matériau isolant thermique » désigne un matériau qui a la propriété de bloquer le passage de la chaleur. Le brevet ‘341 ne précise pas le matériau isolant à utiliser, mais une personne versée dans l’art saurait quels matériaux isolants thermiques sont généralement utilisés dans les enveloppes chauffantes. Ces matériaux pourraient comprendre une mousse (polymérique, organique ou minérale) à cellules fermées ou ouvertes, une éponge, un film à bulles ou tout autre substrat contenant de l’air à titre d’isolant et empêchant le transfert de chaleur par convection, conduction ou radiation.

« une surface intérieure définissant une cavité intérieure »

26. Une personne versée dans l’art comprendrait que la « surface intérieure » désigne la surface intérieure du manchon. La cavité intérieure est l’espace défini par l’intérieur du manchon. Par exemple, si le manchon est enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée, cette dernière serait placée dans la « cavité intérieure ».

« extrémités opposées »

27. Ce terme désigne les deux extrémités du manchon, montrées sur la figure 4 du brevet (reproduite ci-dessous) et identifiées par le chiffre 18.

Fig 4

« une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon »

28. Une personne versée dans l’art comprendrait que le terme « ouverture longitudinale » désigne une ouverture le long du manchon, dans le sens de la longueur. Cette ouverture s’ouvrirait pour permettre d’enrouler le manchon autour de la flèche hydraulique ou de le retirer. Cette ouverture est indiquée par le numéro 20 dans la figure 4 du brevet (reproduite ci-dessus).

« moyens de fermer l’ouverture longitudinale »

29. Une personne versée dans l’art comprendrait que cet élément de la revendication désigne n’importe quel moyen permettant d’attacher ou de fermer l’ouverture longitudinale autour de la flèche hydraulique articulée. La seule variation de cet élément de la revendication fournie dans le mémoire descriptif du brevet est le terme « éléments de fixation » (indiqués par le numéro 24 dans la figure 4 ci-dessus). Cependant, une personne versée dans l’art comprendrait que d’autres moyens peuvent être utilisés, comme des rubans autoagrippants à crochets et à boucles, des boutons-pression, des boutons, etc.

« moyens de chauffer la cavité intérieure du manchon »

30. Une personne versée dans l’art comprendrait que cet élément de la revendication désigne un élément chauffant électrique. Un élément chauffant électrique constitue le seul « moyen de chauffer » mentionné dans le mémoire descriptif. Bien que d’autres méthodes de chauffage existent, la structure du manchon est particulièrement conçue pour un chauffage électrique. Par exemple, le brevet ne fournit aucun renseignement quant à la possibilité d’intégrer un mécanisme de chauffage chimique ou tout autre mécanisme de chauffage dans le dispositif revendiqué.

« des moyens de restreindre les extrémités opposées du manchon souple, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure »

31. Une personne versée dans l’art comprendrait que cet élément de la revendication désigne tout moyen pour fermer les extrémités du manchon autour de la flèche hydraulique. À titre d’exemple, le brevet ‘341 cite des cordons de serrage, mais une personne versée dans l’art devrait être en mesure de déduire que d’autres moyens peuvent être utilisés, comme des tendeurs élastiques ou du ruban autoagrippant à crochets et à boucles.

Revendication 2

32. La revendication 2 incorpore par renvoi tous les éléments de la revendication 1 et ajoute la condition suivante :

dans lequel les moyens de fermer l’ouverture longitudinale sont des éléments de fixation espacés le long du manchon sur les côtés opposés de l’ouverture longitudinale.

33. Une personne versée dans l’art devrait comprendre que cet élément signifie que l’ouverture longitudinale est fermée au moyen d’éléments de fixation espacés l’un de l’autre, comme une série de boutons-pression, de crochets, de boutons, de morceaux de rubans autoagrippants à crochets et à boucles, de sangles ou autre élément semblable. Une fermeture continue, telle une fermeture à glissière, ne ferait pas partie de ces moyens.

Revendication 3

34. La revendication 2 incorpore par renvoi tous les éléments de la revendication 1 et ajoute la condition suivante :

dans lequel des cordons de serrage placés aux extrémités opposées du manchon souple servent à restreindre ces dernières.

35. Une personne versée dans l’art comprendrait que des « cordons de serrage » désignent le mécanisme bien connu qui sert à restreindre l’extrémité d’un dispositif souple et qui est composé d’un cordon en forme de boucle placé à l’extrémité du manchon. Il est possible de tirer sur le cordon pour « serrer » le matériau, formant ainsi une restriction. Les extrémités du cordon de serrage peuvent être attachées pour maintenir le cordon en place, ou maintenues en place au moyen d’un autobloqueur.

Revendication 4

36. La revendication 4 intègre tous les éléments de la revendication 1 par renvoi, et ajoute la limite suivante :

dans lequel un élément chauffant électrique intégré dans la surface intérieure du manchon sert à chauffer cette dernière.

37. Le brevet '341 n’explique pas comment l’élément chauffant électrique est « intégré » dans la surface intérieure du manchon. Une personne versée dans l’art comprendrait que la limitation du terme « intégrée » signifie que l’élément chauffant électrique se trouve à l’intérieur du manchon, pris entre les couches intérieure et extérieure.

Revendication 5

38. La revendication 5 intègre tous les éléments de la revendication 4 par renvoi, et ajoute la limite suivante :

dans lequel le manchon souple est composé d’une première couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface extérieure du manchon souple, et d’une deuxième couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface inférieure du manchon souple, d’une doublure résistante à la chaleur sous la première couche protectrice en polyuréthane, d’une première couche de matériau isolant et d’une deuxième couche de matériau isolant placées entre la doublure résistante à la chaleur et la deuxième couche protectrice en polyuréthane, et de l’élément chauffant électrique placé entre les première et deuxième couches de matériau isolant.

39. Mon analyse des termes et des phrases de la revendication 5 est la suivante.

« d’une première couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface extérieure du manchon souple, et d’une deuxième couche protectrice en polyuréthane, laquelle forme la surface inférieure du manchon souple »

40. Cet élément de la revendication est illustré dans la figure 5 du brevet ‘341 (reproduite ci-dessous), dans laquelle les surfaces intérieure et extérieure du manchon sont indiquées par les numéros 14 et 36. Le polyuréthane est un matériau précis, qui est spécifié dans la revendication comme formant les surfaces intérieure et extérieure du manchon.

Fig 5

« d’une doublure résistante à la chaleur sous la première couche protectrice en polyuréthane »

41. Une personne versée dans l’art comprendrait que le terme « résistante à la chaleur » désigne un matériau qui peut supporter la température de fonctionnement prévue du dispositif sans fondre ou autrement avoir un rendement moindre. La doublure résistante à la chaleur est précisée comme étant « sous » la première couche en polyuréthane, soit la couche formant la surface extérieure du manchon.

« d’une première couche de matériau isolant et d’une deuxième couche de matériau isolant placées entre la doublure résistante à la chaleur et la deuxième couche protectrice en polyuréthane »

42. Une personne versée dans l’art comprendrait que le dispositif compte deux couches de matériau isolant placées entre la « doublure résistante à la chaleur » (qui est placée sous la couche extérieure du manchon) et la « deuxième couche de matériau isolant » (qui comprend la surface intérieure du manchon). La personne versée dans l’art comprendrait que le « matériau isolant » désigne un matériau qui a une faible conductivité thermique. Bref, le matériau isolant réduit le transfert de chaleur entre des objets à différentes températures. Le brevet ne fournit aucun exemple de « matériau isolant », ni ne précise de seuil applicable à la conductivité thermique requise d’un tel matériau pour les besoins du brevet ‘341. Cela dit, une personne versée dans l’art connaîtrait divers matériaux qui pourraient être qualifiés d’« isolants », selon la description ci-dessous.

« et de l’élément chauffant électrique placé entre les première et deuxième couches de matériau isolant. »

43. Une personne versée dans l’art comprendrait qu’un élément chauffant électrique, comme un câble, est placé entre les première et deuxième couches de matériau isolant. L’élément chauffant électrique est la source de chaleur du dispositif. Selon cette revendication, l’élément chauffant est placé entre les deux couches de matériau isolant. Comme il est discuté en détail plus bas, cette configuration serait, à mon avis, très inefficace, pour ne pas dire complètement non fonctionnelle, en raison de la couche de matériau isolant placée entre la source de chaleur et la « flèche hydraulique » que l’élément est censé chauffer. Cette couche intérieure de matériau isolant bloquerait ou limiterait grandement le transfert de chaleur de l’élément chauffant à la flèche hydraulique.

Revendication 6

44. La revendication 6 est une revendication indépendante, rédigée comme suit :

[traduction]

Un dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, composé des éléments suivants :

un manchon souple fait d’un matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure, des extrémités opposées et une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon;

des éléments de fixation espacés le long du manchon sur les côtés opposés de l’ouverture longitudinale, laquelle peut être fermée au besoin,

un élément chauffant électrique intégré dans la surface intérieure du manchon, dont la cavité intérieure peut être chauffée;

des cordons de serrage placés aux extrémités opposées du manchon souple destinés à restreindre ces dernières, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

45. Les termes utilisés dans la revendication 6 correspondent principalement à ceux utilisés dans la revendication 1 et ses revendications dépendantes. J’attribue aux termes de la revendication 6 les mêmes significations que celles données ci-dessus relativement à la revendication 1 et ses revendications dépendantes.

Revendication 7

46. Les termes utilisés dans la revendication 7 correspondent principalement à ceux utilisés dans la revendication 1 et ses revendications dépendantes. J’attribue aux termes de la revendication 7 les mêmes significations que celles données ci-dessus relativement à la revendication 1 et ses revendications dépendantes.

47. Un élément important, non inclus dans la revendication 1, a été ajouté par la revendication 7 :

le manchon étant suffisamment souple pour permettre d’utiliser la flèche hydraulique articulée lorsqu’il est en place.

48. Une personne versée dans l’art comprendrait que cet élément signifie que le manchon est suffisamment souple de sorte qu’il est possible d’utiliser la flèche hydraulique (c’est-à-dire la faire bouger et fonctionner) sans qu’il soit nécessaire de retirer le manchon.

Revendication 8

49. La revendication 8 incorpore par renvoi tous les éléments de la revendication 7, et ajoute la condition suivante :

le manchon étant suffisamment souple pour permettre d’utiliser la flèche hydraulique articulée lorsqu’il est en place.

50. À mon avis, cette expression a le même sens que la même expression utilisée dans la revendication 7, donné ci-dessus. Par conséquent, il n’y a aucune différence importante entre la revendication 8 et la revendication 7.

VIII. Analyse

A. Le brevet 341 devrait-il être déclaré invalide pour cause d’évidence?

(1) Droit en matière d’évidence

[71] Selon l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, pour être valide, l’objet d’une revendication ne doit pas être évident à la date de la revendication. La date de la revendication est la date de dépôt de la demande au Canada, qui est en l’espèce le 25 avril 2002. Le critère de l’évidence à quatre volets a été reproduit au paragraphe 67 d’Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi] :

[traduction]

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

(2) Observations des parties sur l’évidence

[72] Flatwork est d’avis qu’il n’y a aucune différence entre le manchon chauffant décrit dans le brevet ‘341 et ceux décrits dans l’art antérieur, à une exception importante près. Cette exception est que le manchon chauffant demeure enroulé autour de la flèche hydraulique articulée, peu importe si elle est en cours d’utilisation ou non. Flatwork affirme que cet ajout à l’art antérieur est évident. Essentiellement, l’opinion de Flatwork est [traduction] « que l’application d’un manchon chauffant standard faisant partie de l’art antérieur à une flèche hydraulique articulée n’a rien d’original ». La couche de matériau isolant supplémentaire est une autre exception mineure, qui, selon Flatwork, diminue l’efficacité du dispositif et n’ajoute rien au brevet.

[73] Flatwork soutient que l’expert de Mme Brierley, M. Grace, est d’accord avec les [traduction] « faits essentiels » qui appuient l’argument de l’évidence et qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse concernant l’évidence. Flatwork affirme que ces faits essentiels convenus comprennent ce qui suit :

[traduction]

Le brevet ‘724 divulgue chacun des éléments des revendications 1 à 4 et de la revendication 6 du brevet ‘341, à l’exception de l’utilisation du manchon sur une flèche hydraulique articulée;

Les manchons chauffants souples étaient connus et utilisés pour chauffer une multitude d’objets et d’équipements divers pendant de nombreuses années avant la date de la revendication [sic];

Le brevet ‘341 ne fournit aucune information donnant à penser que l’application d’un manchon chauffé standard faisant partie de l’art antérieur à une flèche hydraulique articulée présentait des difficultés ou des obstacles particuliers à surmonter.

[74] Mme Brierley a fourni un cahier de la jurisprudence contenant quelques décisions sur l’évidence antérieures à l’arrêt Sanofi de la Cour suprême du Canada. Je suis bien sûr obligée d’appliquer Sanofi, de sorte que je ne m’appuierai pas sur ces affaires, dans la mesure où l’interprétation de l’« évidence » diffère de celle donnée dans Sanofi.

[75] Mme Brierley soutient qu’il incombe à Flatwork de prouver que le brevet est évident et qu’elle ne l’a pas fait. Même si les différents éléments du brevet 341 étaient connus, elle soutient que l’invention consistant à assembler les parties n’était pas évidente et [traduction] « exigeait une pensée originale et inventive ».

[76] À l’audience, Mme Brierley a indiqué qu’il s’agissait d’un [traduction] « brevet de combinaison », pour lequel une technologie existante a été utilisée, mais sur une flèche hydraulique articulée, une combinaison qu’elle décrit comme originale et valide. Elle souligne que M. Willner avait même admis qu’il n’avait jamais vu d’enveloppe destinée à chauffer des flèches hydrauliques, et elle tente de faire la distinction par rapport à l’art antérieur, car il utilise des mots différents de celui de son brevet, et que tout le monde lui dit que « tout est une question du choix des mots ». Elle a cité la décision du juge Campbell Bourgault Industries Ltd c Flexi-Coil Ltd (1998), 80 CPR (3d) 1 (CF 1re inst), conf (1999), 86 CPR (3d) 221 (CAF). Cette décision indique que, lorsque le brevet est un brevet de combinaison, « c’est la combinaison dans son ensemble, et non ses composantes individuelles, qu’il faut examiner aux fins d’en déterminer l’évidence. En d’autres termes, la question ultime à trancher est celle de savoir si la combinaison, dans son ensemble, est évidente ou non. » Mme Brierley met l’accent sur le fait que personne d’autre n’a jamais placé d’enveloppes chauffantes autour de flèches hydrauliques articulées et que, pour cette raison, il s’agissait d’une combinaison originale.

(3) Analyse de l’évidence

[77] Il ressort de l’examen du brevet 341 et des quatre volets du critère de Sanofi que le brevet 341 est évident. Comme lorsqu’il fallait trancher s’il convenait de procéder par voie de jugement sommaire, j’ai conclu qu’il n’y a pas lieu d’évaluer la crédibilité, car les points sur lesquels M. Willner et M. Grace s’entendent permettent de conclure qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse concernant l’évidence.

1. Volet no 1 du critère de l’évidence : personne versée dans l’art et ses CGC

[78] Comme il est mentionné plus haut au paragraphe 55 dans la section relative aux témoignages d’experts, la personne versée dans l’art est une personne qui : a des connaissances en thermodynamique et en électronique ou en génie mécanique ou électrique; possède de l’expérience dans la conception et la fabrication d’enveloppes et de jaquettes chauffantes électriques, et connaît leurs diverses utilisations; détient une expérience d’au moins 15 ans, ce qui comprend d’avoir travaillé dans des températures de gel. Dans mon résumé des CGC d’une telle personne présenté plus haut au paragraphe 56, j’ai indiqué qu’elle devrait savoir que des manchons souples chauffés peuvent être fixés autour d’un objet à l’aide de différents éléments de fixation, et qu’ils comportent des matériaux isolants.

2. Volet no 2 du critère de l’évidence : idée originale ou interprétation des revendications

[79] Dans Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc, 2017 CAF 225, la Cour d’appel fédérale [CAF] a déclaré ce qui suit au paragraphe 77 :

Il peut y avoir des cas où l’idée originale peut être comprise sans difficulté, mais il me semble que puisque l’expression « idée originale » n’est toujours pas définie, la recherche de l’idée originale a entraîné une confusion considérable dans la règle de l’évidence. Cette confusion peut être réduite en évitant tout simplement l’idée originale et en interprétant plutôt la revendication.

[80] Bref, même si je crois qu’il ne s’agit pas d’une idée originale, puisqu’il est facile de partir d’une enveloppe chauffée enroulée autour de nombreux objets pour les tenir au chaud dans des températures de gel et de l’appliquer autour d’une flèche articulée, je vais suivre les directives de la CAF et interpréter la revendication.

[81] L’abrégé du brevet ‘341 lui-même décrit le brevet comme suit : « Une méthode permet de maintenir une flèche hydraulique articulée utilisée à des températures sous le point de congélation ». La revendication 1 renvoie à [traduction] « [u]n dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel […] » et les revendications subséquentes sont dépendantes de la revendication 1. Lorsqu’on examine l’accord entre les experts et le texte des revendications par rapport au titre du brevet ‘341, qui renvoie à la flèche hydraulique articulée, il est évident que cette dernière constitue un élément essentiel du brevet ‘341. Comme indiqué dans ma conclusion plus haut, le brevet ‘341 décrit le manchon souple chauffant comme un élément essentiel de la revendication qui est enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée, laquelle constitue également un élément essentiel.

[82] Comme nous l’avons vu au paragraphe 73, l’expert de la demanderesse est d’accord avec les faits essentiels.

[83] Le brevet est autrement simple. Les revendications 1 à 6 expliquent le manchon chauffant électrique, puis les revendications 7 et 8 portent sur la méthode servant à garder la chaleur dans le dispositif pendant son utilisation.

[84] Voici un résumé de l’interprétation des revendications :

3. Volet no 3 du critère de l’évidence : différences entre l’art antérieur et le brevet 341

[85] Même si j’ai mentionné ci-dessus que les CGC ne comprennent pas nécessairement les antériorités israéliennes proposées par M. Willner, il est important de se rappeler que les CGC ne sont qu’un des éléments qui composent l’état de la technique (Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 au para 84 [Hospira]). Même si les antériorités ne font pas nécessairement partie des « CGC », elles peuvent quand même être examinées plus tard dans le cadre du critère de l’évidence. En effet, si ce n’était pas le cas, l’exclusion d’une antériorité difficile à trouver entraînerait la possibilité qu’une invention existante déjà divulguée au public puisse être brevetée au Canada avec une amélioration non originale (Hospira, aux para 83 à 87). Par conséquent, les deux antériorités en Israël peuvent être incluses dans la présente analyse, bien qu’elles n’ajoutent que peu, voire rien à l’analyse.

[86] J’accepte le témoignage d’expert de M. Willner qui relève trois différences entre l’art antérieur, comprenant le brevet ‘050 pour les bouteilles de propane et le brevet ‘724 pour les blocs obturateurs de puits (BOP), et le brevet ‘341. En premier lieu, l’enroulement du manchon chauffant autour d’une flèche hydraulique articulée représente la principale différence entre le brevet ‘341 et l’art antérieur, puisque l’art antérieur ne porte pas sur une flèche hydraulique articulée. Comme deuxième différence, l’art antérieur n’indique pas qu’il y a une couche d’isolant entre l’élément chauffant et la surface intérieure du manchon (voir la revendication 5 présentée plus haut). La troisième différence repose dans le fait que l’enveloppe chauffante peut être utilisée pendant que la flèche est en cours d’utilisation (voir revendications 7 et 8).

[87] Dans sa contre-preuve, M. Grace indique qu’il est « exagéré » de comparer le brevet ‘050 pour les bouteilles de propage au brevet ‘341, puisque les exigences concernant le chauffage des flèches hydrauliques articulées et des bouteilles de propane ne sont pas les mêmes. Il soulève également que les blocs obturateurs de puits et les couvertures pour sacs de couchage ne représentent pas des comparaisons pertinentes pour le brevet ‘341 puisqu’il s’agit d’objets différents. Il indique que le manchon est conçu pour protéger la flèche contre le froid, tandis que la partie intérieure maintient la chaleur de l’huile hydraulique dans la flèche et, par conséquent, le manchon ne sert pas à réchauffer la flèche, mais plutôt à protéger la flèche du froid.

[88] M. Grace reconnaît que des matériaux similaires sont utilisés dans l’art antérieur, y compris le Jug Heat Pak décrit dans le brevet ‘050 et le bloc obturateur de puits décrit dans le brevet ‘724. Il n’a pas expliqué en quoi le fait d’enrouler l’élément chauffant autour du dispositif était différent et, lorsque ce point a été soulevé pendant le contre-interrogatoire, il a reconnu qu’une enveloppe chauffante fixée autour d’un objet n’était pas une idée nouvelle. Il a également reconnu que l’art antérieur, comme le Jug Heat Pak dans le brevet ‘050, mentionne un dispositif comptant deux couches d’isolant thermique fixé à un objet comportant des extrémités opposées.

[89] Après examen des différences réelles entre le brevet 341 et de l’art antérieur, je conclus que la description des différences par M. Willner et les déclarations faites par M. Grace lors du contre-interrogatoire concordent. Pour l’essentiel, les deux ont convenu que bien que les blocs obturateurs de puits, les appareils de chauffage pour bouteilles de propane, les jaquettes électriques et les couvertures pour sacs de couchage étaient bel et bien des dispositifs différents, la technologie demeure néanmoins la même. Ils n’étaient pas en désaccord que l’idée générale de chauffer un objet en enroulant autour de celui-ci une enveloppe électrique, maintenue par un élément de fixation, était la même pour tous les dispositifs.

[90] La différence est que la flèche chauffée conformément au brevet ‘341, selon la description dans les revendications 7 et 8, est une flèche stationnaire ou en opération, et qu’il y a une couche d’isolant supplémentaire entre l’élément chauffant et la surface intérieure du manchon. Selon la description de Mme Brierley, cet élément est différent puisqu’il s’agit d’un isolant thermique et que l’art antérieur mentionne uniquement un « isolant ». Dans son contre-interrogatoire, M. Willner a conclu qu’il s’agissait d’une distinction sans importance, et je souscris à cette conclusion.

[91] Mme Brierley a soutenu que le brevet ‘050 (Jug Heat Pak) ne définissait pas de cavité intérieure ou ne faisait pas mention des extrémités supérieure et inférieure. Lors du contre‑interrogatoire, elle a cherché à confirmer ce point avec M. Willner pour distinguer son brevet :

[traduction]

Q Mme Brierley : À quel endroit dans les revendications et le mémoire descriptif du brevet ‘659 mentionne-t-on ou définit-on la cavité intérieure?

R À aucun endroit, puisque la cavité intérieure est créée sur place lorsque le dispositif est enroulé, tout comme votre produit, la cavité intérieure est créée lorsqu’il est enroulé autour du piston.

Q Ouais, mais ce n’est pas indiqué dans le brevet.

R Parce que vous pouvez l’utiliser sur la méthode. Vous vous mêlez avec la méthode.

[…]

Q Mme Brierley : D’accord. De plus, est-ce que la revendication du brevet ‘050 mentionne des extrémités supérieure et inférieure, ou s’agit-il d’une hypothèse?

[…]

R C’est sans importance. Vraiment – vous pouvez utiliser l’une ou l’autre ou. Vous pouvez l’utiliser à l’envers ou à l’endroit. Ce n’est pas mentionné parce que c’est sans importance.

[92] Cette discussion au sujet des autres dispositifs enroulés similaires qui doivent avoir des extrémités supérieure et inférieure n’est pas pertinente. Les revendications du brevet ‘341, y compris les revendications 1, 2, 3 et 6, mentionnent uniquement les « extrémités opposées » ou les « côtés opposés ». Dans le cas du brevet ‘341, les parties conviennent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une extrémité supérieure et une extrémité inférieure définies. Mme Brierley souligne que son brevet est très différent de l’art antérieur en raison de cette particularité. Elle indique que le brevet ‘724 comporte de nombreuses ouvertures en plus des deux ouvertures sur le côté, et que le brevet précise des extrémités supérieure et inférieure, contrairement à son brevet qui mentionne des « extrémités opposées ». Tous les autres brevets ou dispositifs faisant partie de l’art antérieur comportent des extrémités supérieure et inférieure, tandis que son brevet ne comporte pas d’extrémités supérieure et inférieure puisque le dispositif peut être à l’horizontale lorsque la flèche est utilisée. Elle convient que son brevet n’est pas évident en raison de cette particularité.

[93] Je rejette cet argument aussi clairement qu’en témoignent les figures 2 et 3 (ci-dessous) de son brevet; il n’y a aucune différence dans ces termes. À certains endroits dans son brevet, l’enveloppe chauffante comporte une extrémité supérieure et une extrémité inférieure, et parfois elle comprend deux côtés ou extrémités opposées. Ces termes ne sont pas décrits dans l’art antérieur; lorsqu’une bouteille de propane est à la verticale, la jaquette chauffante comprend un haut et un bas. L’orientation de l’ouverture ne fait pas en sorte que le brevet est différent de l’art antérieur ou ne le rend pas moins évident. Le brevet 341 contient les figures suivantes, qui corroborent ma conclusion :

Fig 2 Fig 3

[94] Les différences réelles entre le brevet ‘341 et l’art antérieur sont donc seulement que, dans son brevet, le manchon est enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée et que cette dernière peut être utilisée lorsque le manchon est en place, et qu’il y a une couche supplémentaire de matériau isolant.

4. Volet no 4 du critère de l’évidence : Ces différences sont-elles évidentes?

[95] Mme Brierley n’a indiqué aucun obstacle ni difficulté par rapport à l’art antérieur dans l’application d’un manchon chauffant type pour chauffer un flèche hydraulique articulée. Cela est important compte tenu de l’art antérieur qui existait à la date du dépôt du brevet 341, soit le 25 avril 2002.

[96] Encore une fois, M. Grace et M. Willner ont convenu qu’il n’y avait aucun obstacle notable par rapport à l’art antérieur à l’utilisation d’un manchon chauffant à une flèche articulée. M. Willner est d’avis [traduction] « que l’utilisation d’une enveloppe chauffante sur une flèche hydraulique articulée n’a rien d’original ». M. Grace l’a même confirmé lors de son contre-interrogatoire :

[traduction]

Q. Êtes-vous d’accord pour dire que cette déclaration est également exacte, en ce sens qu’une description de l’un ou l’autre de ces difficultés ou obstacles, s’il y en avait, ne figure pas dans le brevet 341?

R. La fermeture des extrémités ne présente aucune difficulté. Il pourrait s’agir de cordons de serrage ou de sangles.

Q. Toutefois, en ce qui concerne l’application d’un manchon chauffé standard faisant partie de l’art antérieur qui, vous le savez, est du même type que celui utilisé pour chauffer une multitude d’objets différents, le brevet ‘341 ne décrit aucun obstacle ni difficulté à l’application de cette technologie à une flèche hydraulique articulée, est-ce exact?

R. C’est exact.

[97] M. Willner et M. Grace confirment que l’application d’un manchon chauffant standard faisant partie de l’art antérieur à un objet, une flèche hydraulique articulée dans ce cas, n’a rien d’original. Les témoignages des experts concordent sur ce point.

[98] M. Brierley a soutenu que son brevet n’était pas évident, car la couverture pour bloc obturateur de puits (brevet ‘724) et le Jug Heat Pak (brevet ‘050) n’étaient pas utilisés sur un objet en fonction, contrairement à la revendication 8 de son brevet. Toutefois, il n’y avait aucun obstacle particulier à surmonter ni problème à résoudre pour qu’il soit possible d’adapter un manchon chauffant de l’art antérieur à une flèche articulée, particulièrement lorsqu’on tient compte de la pression et de la vibration exercées sur le dispositif du brevet ‘724, qui est porté lorsque le produit est en fonction, et que seules les revendications 7 et 8 mentionnent que le manchon chauffant peut être utilisé lorsque l’objet est en opération. Les deux manchons sont des dispositifs chauffants souples et sont fixés par des sangles, des rubans autoagrippants à crochets et à boucles, des boucles ou des cordes, et sont simplement enroulés autour d’un objet différent. Bien que le dispositif du brevet ‘724 compte de nombreuses ouvertures secondaires pour accommoder d’autres raccords, il semble évident qu’en fermant ces ouvertures on obtient un dispositif chauffant qui peut être installé sur une flèche articulée pouvant être utilisée.

[99] Une invention est évidente lorsque la personne versée dans l’art peut rapprocher les antériorités et l’idée originale en se fondant uniquement sur ses CGC (Packers Plus Energy Services Inc c Essential Energy Services Ltd, 2019 CAF 96 au para 32). Des dispositifs chauffants électriques souples étaient offerts sur le marché à la date de la revendication en 2002. Aucun obstacle n’a été cité quant à l’utilisation d’un dispositif identique sur une flèche hydraulique. En raison de ses CGC, une personne versée dans l’art aurait compris qu’un élément chauffant similaire aux dispositifs faisant partie de l’art antérieur pouvait être enroulé autour d’autres objets et fixé pour permettre l’utilisation dans des conditions de gel.

[100] Comme M. Willner l’indique au paragraphe 87 de son rapport d’expert, le brevet ‘724 et le brevet ‘050 mentionnent des manchons souples et isolés définissant des cavités intérieures, et des dispositifs comportant des extrémités supérieure et inférieure pouvant être fermées par plusieurs méthodes, notamment des courroies, des boucles, des cordes et des rubans autoagrippants à crochets et à boucles. Ces deux antériorités visaient une utilisation dans des températures de gel. Ni l’un ni l’autre des brevets ‘724 et ‘050 n’indique que les couvertures ne peuvent pas demeurer en place lorsque l’objet est utilisé, et bien que le dispositif du brevet ’724 ne soit pas portatif (contrairement à celui du brevet ‘050), il convient à deux modèles différents de BOP. Ces dispositifs sont similaires en de nombreux points à celui du brevet ‘341, si ce n’est du fait que ce dernier peut être enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée.

[101] Mme Brierley explique en détail que son brevet contient un « isolant thermique » et certains brevets, y compris le brevet ‘050, ne font pas mention d’un isolant thermique. Encore une fois, il s’agit d’une question de choix de mots et les mots qu’elle a utilisés ne démontrent pas qu’il y a une idée originale.

[102] Dans le cas de la revendication 5 citant deux couches d’isolant entre l’élément chauffant et la surface intérieure du manchon, ces éléments n’ont pas été traités dans l’art antérieur. Mme Brierley soutient que ce point fait en sorte que son dispositif n’est pas évident et elle insiste que son invention pourrait tout de même fonctionner sans la deuxième couche d’isolant. Les experts des deux parties conviennent que le fait de placer l’isolant à cet endroit emprisonnerait la chaleur entre l’enveloppe chauffante et le coussin, ce qui aurait pour effet d’emprisonner la chaleur dans la couche isolante. M. Willner a indiqué qu’il s’agit [traduction] « simplement d’une mauvaise conception qui rendrait le manchon chauffant très inefficace, pour ne pas dire complètement non fonctionnel ». M. Grace croit que le dispositif serait tout même en mesure de fonctionner.

[103] Dans tous les cas, cette deuxième distinction par rapport au brevet ‘341 ne révèle pas une différence originale, puisqu’une couche isolante a été placée à un endroit qui diminue sans doute l’efficacité du dispositif et qu’aucun avantage n’a été indiqué au fait de placer une couche isolante à cet endroit. Il ne s’agit pas d’un changement original par rapport à l’art antérieur.

[104] Pour ce qui est du fait que la flèche peut être utilisée tout en étant chauffée, le brevet ‘341 n’explique pas en quoi cette caractéristique est originale ou les obstacles qui ont été surmontés pour parvenir à ce résultat.

[105] Il est révélateur que Mme Brierley ne relève pas de défis ou d’ingéniosité au fait d’enrouler un élément de l’art antérieur autour d’une flèche hydraulique. Elle soutient [traduction] « [qu’]il est possible de déterminer ce qu’il faudrait faire pour passer de l’art antérieur au brevet 341 [...], mais le fait d’identifier les étapes ne signifie pas qu’un ouvrier qualifié qui manque d’originalité penserait à faire ces choses ». Cette observation n’est pas utile. Les distinctions qu’elle relève entre son brevet et l’art antérieur ne démontrent aucun concept original particulier, autre que de prendre un produit similaire à un élément de l’art antérieur et de l’enrouler autour de flèches hydrauliques articulées.

[106] Comme j’en ai discuté précédemment, le terme [traduction] « extrémités opposées » engloberait une extrémité supérieure et une extrémité inférieure. Je ne crois pas que ce terme, au lieu des termes extrémité supérieure et extrémité inférieure, rend le brevet ‘341 original et je pense qu’il s’agit principalement d’une question de sémantique.

[107] Elle ajoute que son brevet est original, puisqu’il propose une solution pour les températures extrêmement froides dans lesquelles les flèches hydrauliques articulées ne fonctionneraient pas puisque l’augmentation de la viscosité des fluides hydrauliques peut entraîner des défaillances des joints. Elle explique avoir travaillé sur des chantiers à – 67 degrés et a été témoin de défaillances d’équipement, et que son brevet a été mis à l’essai dans des températures froides et fonctionne. Toutefois, ces caractéristiques ne sont pas présentées dans le texte du brevet ‘341, et il n’y aucune mention de la température de fonctionnement de cette enveloppe chauffante, autre que [traduction] « températures de gel », comme il est indiqué dans les revendications et la divulgation.

[108] Par conséquent, bien que les températures de gel soient clairement pertinentes, on ne précise pas les températures de fonctionnement et quelles sont celles qui sont propres à l’art antérieur, qui permet également un fonctionnement dans des températures froides. Le brevet 724 indique :

[traduction] Les BOP sont souvent utilisés dans des milieux extrêmement froids, où les températures descendent sous les - 40 degrés…. Le froid extrême peut avoir une incidence sur l’étanchéité des pièces en caoutchouc et ce problème peut entraîner une défaillance du joint, ce qui peut constituer un danger. De plus, le fonctionnement normal du BOP par temps froid peut entraîner une accumulation de givre dans l’alésage du BOP, ce qui porte atteinte à sa sécurité.

[109] Contrairement à l’art antérieur, le brevet ‘724 ne traite pas des problèmes survenus par le passé et Mme Brierley n’a pas démontré un concept original dans le brevet ‘341 qui permet d’utiliser l’enveloppe sur une flèche articulée spécifiquement par temps froid. Le brevet traite d’une enveloppe chauffante souple qui est portable et enroulée autour d’une bouteille de propane (Jug Heat Pak, brevet ‘050) qui est à l’horizontale ou à la verticale (selon la figure 2 du brevet ‘959), et qui est ensuite fixée. Le brevet indique que le but est de chauffer le gaz à une température qui facilite son transfert d’une bouteille portative vers un compresseur par temps doux à froid. Dans ce brevet, on indique certaines difficultés qui ont dû être surmontées pour parvenir à l’invention.

[110] À la date de revendication du brevet, une personne versée dans l’art détenant les CGC aurait évidemment compris que, selon les brevets visant la couverture pour BOP (brevet ‘724) et le Jug Heat Pak (brevet ‘050), des enveloppes chauffées comprenant des serpentins de chauffage intégrés et utilisées dans des conditions de gel peuvent également être enroulées autour d’un objet, puis fixées par des courroies pour maintenir l’objet au chaud. Le fait que le dispositif de ce brevet s’enroule autour d’une flèche articulée n’a rien d’original.

[111] Tous les éléments concernant la flèche hydraulique articulée ont été utilisés par M. Willner pour comparer les brevets ‘724 et ‘341. Ceux-ci sont reproduits à l’annexe A, et je les adopte :

[TRADUCTION]

Revendication 1 du brevet 341

Brevet 724

Un dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, composé des éléments suivants :

Cet élément ne figure pas dans le brevet ‘724, qui divulgue un dispositif pour écouter un BOP.

un manchon souple fait d’un matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure

Le brevet ‘724 divulgue un manchon souple conçu pour s’enrouler autour d’un BOP, de sorte que le BOP est placé dans la cavité intérieure du dispositif (p. ex. col. 2, lignes 19-20). Le manchon comporte une couche d’isolant (p. ex. col. 2, lignes 5 à 15).

des extrémités opposées

Le dispositif du brevet ‘724 comprend des extrémités supérieure et inférieure.

une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon

Le dispositif du brevet ‘724 comprend une ouverture longitudinale permettant de placer le BOP dans la cavité intérieure (voir figure 3 à 22).

des moyens de fermer l’ouverture longitudinale

Le brevet ’724 décrit un moyen d’attacher la couverture autour du BOP. Les descriptions du mode de réalisation privilégié du brevet ‘724 comprennent deux moyens différents pour fixer la couverture de l’ouverture longitudinale :

l’utilisation de ruban autoagrippant à crochets et à boucles le long de l’ouverture longitudinale (p. ex. col. 2, lignes 25 à 29); et

l’utilisation de boucles espacées, comme éléments de fixation, sur les côtés opposés de l’ouverture longitudinale (voir fig. 3 à 26 et 28).

des moyens de chauffer la cavité intérieure du manchon

Le brevet ‘724 divulgue un élément chauffant électrique servant à chauffer la cavité intérieure (p.ex. col. 2, lignes 55-57).

des moyens de restreindre les extrémités opposées du manchon souple, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

Les descriptions du mode de réalisation privilégié du brevet ‘724 comprennent l’utilisation de cordons de serrage sur le manchon pour sceller la couverture contre les raccords externes (voir fig. 3 à 20).

[112] Enfin, je n’admets pas l’argument de Mme Brierley selon lequel il s’agit d’un [traduction] « brevet de combinaison », le rendant non évident. Toutefois, même si j’avais accepté son argument à la lumière de l’ensemble des revendications, je considère que la « combinaison » de la flèche hydraulique articulée et des autres éléments essentiels (qui existaient dans l’art antérieur) n’est pas originale.

(4) Conclusion : évidence

[113] Il n’existe pas de véritable question litigieuse à l’égard de l’évidence du brevet 341, car toutes les revendications étaient évidentes à la date de la revendication. Les différences constituent des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art et ne dénotent aucune inventivité. J’admets donc que le brevet 341 était évident à la date de la revendication. Flatwork a établi qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse, puisque le brevet est évident. Je conclus que toutes les revendications sont invalides pour cause d’évidence.

B. Le brevet 341 devrait-il être déclaré invalide pour cause d’absence de nouveauté ou d’utilité?

[114] Étant donné que j’ai conclu que toutes les revendications étaient invalides pour cause d’évidence, il n’est pas nécessaire que j’examine les questions d’antériorité ou d’utilité. Je n’ai pas besoin d’examiner les autres motifs d’invalidité parce que, dans le cadre d’une procédure d’invalidation, il suffit qu’un unique motif d’invalidité soit établi pour que le demandeur ait gain de cause. Par conséquent, j’accorderai un jugement sommaire à Flatwork et j’invaliderai le brevet 341.

IX. Dépens

[115] L’adjudication de dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et les règles qui le régissent figurent aux articles 400 et suivants des Règles des Cours fédérales. Les facteurs et les critères qui sous-tendent le pouvoir discrétionnaire et doivent être pris en compte sont énoncés dans les Règles des Cours fédérales.

[116] La CAF a conclu que des dépens sous forme de somme globale correspondant à un pourcentage allant de 25 50 % des frais engagés, ainsi que des débours raisonnables, sont appropriés, mais qu’un pourcentage plus ou moins élevé peut être accordé (Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25 au para 17 [Nova]). Le juge Rennie a indiqué que le juge qui adjuge une somme globale dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, qui n’est toutefois pas absolu (Nova, au para 19). Je conclus que des dépens sous forme de somme globale sont appropriés en l’espèce. Gardant cela à l’esprit, j’examinerai les observations des parties.

[117] Dans leurs documents écrits, Flatwork a demandé des dépens à l’égard de la présente requête et de la présente action, sur une base avocat-client. Mme Brierley a demandé des dépens [traduction] « quelle que soit l’issue de la cause ».

[118] Lors de l’audience, j’ai accordé aux parties 10 jours pour présenter des observations sur les dépens, y compris pour fournir à la Cour un mémoire de dépens. J’avais indiqué que j’aimerais avoir leur position concernant une somme globale. Flatwork a demandé une somme globale de 120 306,12 $, qui représenterait 50 % des frais juridiques réels (la moitié de 212 678,79 $ correspond à 106 339,40 $), plus les débours (13 996,72 $). Elle a fait valoir que la Cour devrait accorder une somme globale correspondant à un pourcentage de 25 à 50 % de leurs frais juridiques et qu’elle devrait se situer à l’extrémité supérieure de cette fourchette en raison de la conduite de Mme Brierley. Elle affirme que le tarif B ne couvrirait pas adéquatement leurs dépens parce que le montant serait de 15 671,25 $, plus les débours, selon la colonne V, ce qui ne représenterait que 7,4 % de ses frais juridiques réels.

[119] Flatwork a soutenu que la situation globale du litige devrait être prise en compte, car Mme Brierley a intenté une action en Alberta, laquelle a mené à la présente instance. Dans cette action, Mme Brierley a pris un certain nombre de décisions stratégiques qui ont augmenté les frais inutiles liés à ces procédures, notamment la présentation d’une demande reconventionnelle, la présentation d’une requête en radiation qui a été abandonnée et la cession d’un brevet à une société bélizienne, puis la cession de nouveau à Mme Brierley lorsque la possibilité d’un jugement par défaut a été soulevée. Je reviendrai sur ce point plus loin. De plus, Mme Brierley a adopté des positions contraires concernant les éléments essentiels de son brevet dans les deux instances.

A. Historique des procédures

[120] Le présent dossier a été géré par la protonotaire Ring et de nombreux obstacles devaient être éliminés avant que le procès puisse aller de l’avant.

[121] En février 2019, Mme Brierley prévoyait vendre le brevet 341 à une société bélizienne appelée Angeni Holdings LLC. Toutefois, en raison du litige en cours, les conditions du contrat d’achat du brevet n’étaient pas satisfaites, de sorte que Mme Brierley est demeurée propriétaire du brevet 341. Lors de l’audience, certaines des « querelles » procédurales concernant la propriété et qui était en droit défendre le brevet 341 ont été discutées. La demanderesse s’est vu impliquée dans un conflit important, mais celui-ci a été réglé avec la défenderesse. Il a ainsi été convenu en juin 2019 que la défenderesse était la représentante appropriée, après que la demanderesse eut sollicité un jugement par défaut contre la société bélizienne fondé sur les prétentions de cette dernière selon lesquelles elle ne défendrait pas le brevet devant les tribunaux canadiens et n’accepterait pas la compétence du Canada.

[122] Mme Brierley a d’abord présenté une demande reconventionnelle visant à faire invalider divers brevets de Flatwork. Il y a eu des problèmes avec cette demande reconventionnelle, car Mme Brierley n’a jamais déposé de cautionnement pour frais, comme l’exige le paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets, et elle a formulé dans la demande reconventionnelle des allégations à l’encontre d’une autre société, Greenheim IP Holdings, LLC. Une fois que la protonotaire a expliqué, en mai 2019, les options de litige dont disposait Mme Brierley, Angeni Holdings LLC (la cessionnaire du brevet 341 à l’époque) a déposé un avis de désistement de la demande reconventionnelle.

[123] Dans une lettre datée du 19 décembre 2019, Mme Brierley a indiqué qu’elle intentera maintenant une action distincte contre Greenheat au lieu d’essayer de rétablir la demande reconventionnelle.

[124] Mme Brierley a présenté une requête distincte en radiation de la déclaration de Flatwork, qu’elle a par la suite abandonnée. Flatwork a également tenté de faire radier la défense modifiée de Mme Brierley par une requête datée du 12 juin 2019, mais cette requête a été ajournée sine die le 7 février 2020, après que Flatwork a présenté une requête en jugement sommaire.

[125] Mme Brierley a déposé un cahier des dépenses et des reçus indiquant qu’elle a dépensé 27 588,47 $, bien que Flatwork ait contesté à l’audience que Mme Brierley inclurait 50 $ par heure pour son temps.

B. Conclusion : dépens

[126] Compte tenu de ces observations et des facteurs pertinents prévus au paragraphe 400(3) des Règles, je condamnerai Mme Brierley à verser à Flatwork une somme globale de 40 000 $ à titre de dépens, payables immédiatement. Cette adjudication est supérieure au montant du tarif B, mais légèrement inférieure au bas de la fourchette parce que Mme Brierley a agi pour son compte, bien qu’elle ne soit pas une partie expérimentée comme on l’envisagerait dans la plupart des litiges en matière de brevets commerciaux, où les parties sont généralement représentées par un avocat.

[127] Je n’admets pas que les positions contraires de Mme Brierley dans les actions devant la Cour fédérale et les tribunaux de l’Alberta découlaient d’une intention malveillante et, à l’audience, Mme Brierley a reconnu que la flèche hydraulique articulée était un élément essentiel de son brevet. Certaines des questions concernant les étapes inutiles du litige sont liées au fait que Mme Brierley n’était pas représentée par un avocat. Le brevet lui-même et le litige n’étaient pas complexes et ils ont été tranchés sommairement. Toutefois, d’autres étapes, comme la cession du brevet à la société bélizienne, puis sa cession de nouveau à elle-même et la présentation de requêtes qu’elle a par la suite abandonnées, ont augmenté inutilement les frais. Dans ses observations, Mme Brierley a fourni une lettre datée du 16 janvier 2019, dans laquelle Flatwork a accepté de ne pas lui réclamer les dépens d’une requête en radiation si elle l’abandonnait, ce qu’elle a fait, et Flatwork n’a pas demandé de dépens pour sa défense relativement à cette requête abandonnée. Il faut se rappeler que Mme Brierley a entamé le litige opposant les parties en poursuivant Flatwork en Alberta pour contrefaçon de son brevet et qu’elle l’a certainement fait avec énergie et compétence. Je conclus que 40 000 $, incluant les taxes, constituent une somme globale appropriée pour les frais engagés en l’espèce. Cette somme ne comprend pas les débours, dont il est question ci-dessous.

[128] J’ai également examiné les débours de la demanderesse, y compris pour les honoraires d’expert et les frais de photocopie, et je conclus que les débours de 13 996,72 $ proposés par la demanderesse sont raisonnables. En ajoutant ces débours totaux aux dépens examinés ci-dessus, j’adjugerai une somme globale de 53 996,72 $, incluant les taxes et les débours.

X. Conclusion

[129] Par conséquent, j’accueille la requête en jugement sommaire de Flatwork parce que le brevet 341 est évident et qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Le brevet 341 est sans effet, et l’OPIC doit annuler le brevet 341 conformément au paragraphe 60(1) et à l’article 62 de la Loi sur les brevets.


 

ORDONNANCE dans le dossier T-1615-18

LA COUR ORDONNE que :

« Glennys L. McVeigh »

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A

TABLEAU montrant tous les éléments, sauf la flèche hydraulique articulée, et l’art antérieur faisant partie des CGC

[traduction]

BREVET ‘341

ART ANTÉRIEUR

Revendication 1

BLANK

Un dispositif de maintenance d’une flèche hydraulique articulée utilisée dans des températures de gel, composé des éléments suivants :

Cet élément n’est pas présent dans l’art antérieur, mais les manchons chauffants souples sont bien connus et utilisés depuis longtemps dans le domaine public pour chauffer divers objets. De plus, il aurait été évident pour une personne versée dans l’art qu’un manchon chauffant souple peut également être enroulé autour d’une flèche hydraulique articulée.

un manchon souple fait d’un matériau isolant thermique comportant une surface intérieure définissant une cavité intérieure

La couverture de chauffage pour sac de couchage Termo 2000 et le vaporisateur de gaz comportent tous les deux des manchons souples et isolés définissant des cavités intérieures.

Le brevet ‘724 et le brevet ‘050 divulguent tous les deux des manchons souples et isolés définissant des cavités intérieures.

des extrémités opposées

La couverture de chauffage pour sac de couchage Termo 2000 et le vaporisateur de gaz comportent des extrémités supérieure et inférieure.

Le brevet ‘724 et le brevet ‘050 divulguent tous les deux des dispositifs comportant des extrémités supérieure et inférieure.

une ouverture longitudinale donnant accès à la cavité intérieure, de sorte qu’il est possible de positionner la flèche hydraulique articulée dans la cavité intérieure du manchon

La couverture de chauffage pour sac de couchage, le vaporisateur de gaz et les inventions divulguées dans les brevets ‘724 ou ‘050 comportent des ouvertures longitudinales donnant accès à la cavité intérieure du dispositif en question.

À l’exception du vaporisateur de gaz qui a une extrémité fermée, il serait évident pour une personne versée dans l’art qu’une flèche articulée peut être placée dans la cavité intérieure d’un manchon présentant une construction similaire.

des moyens de fermer l’ouverture longitudinale;

La couverture de chauffage pour sac de couchage et le vaporisateur de gaz comprennent des rubans autoagrippants à crochets et à boucles servant à fermer leurs ouvertures longidutinales respectives.

Le brevet ‘724 décrit des moyens de fixer la couverture autour d’un BOP, ce qui comprend l’utilisation de rubans autoagrippants à crochets et à boucles le long de l’ouverture longitudinale et de boucles, comme éléments de fixation, espacées sur les côtés opposées de l’ouverture longitudinale.

Le brevet ‘050 décrit des moyens de fixer le manchon autour d’une bonbonne à l’aide de pièces de retenue réglables faisant appel à des ressorts, des œillets, des crochets de laçage, des rubans autoagrippants à crochets et à boucles (Velcro), des sangles, des attaches, des boutons-pression, des boucles ou des éléments similaires, et une combinaison de ceux-ci.

des moyens de chauffer la cavité intérieure du manchon

La couverture de chauffage pour sac de couchage et le vaporisateur de gaz comportent des éléments chauffants électriques pour chauffer les cavités intérieures.

Le brevet ‘724 et le brevet ‘050 divulguent également des éléments chauffants électriques pour chauffer les cavités intérieures.

des moyens de restreindre les extrémités opposées du manchon souple, de manière à maintenir en place le manchon sur la flèche articulée et à empêcher la chaleur de s’échapper de la cavité intérieure.

Des bandes de rubans autoagrippants à crochets et à boucles sont placées sur les extrémités inférieure et supérieure de la couverture de chauffage pour sac de couchage, bandes qui permettent de restreindre ces extrémités.

Les descriptions du mode de réalisation privilégié du brevet ‘724 comprennent l’utilisation de cordons de serrage sur le manchon pour sceller la couverture contre les raccords externes.

Le vaporisateur de gaz comprend un cordon de serrage destiné à restreindre l’extrémité inférieure du dispositif. L’extrémité supérieure du dispositif est déjà fermée, mais il serait évident pour la personne versée dans l’art que si l’extrémité supérieure est ouverte pour recevoir un objet de forme différente, elle pourrait être restreinte au moyen d’un cordon de serrage.

Revendication 2

BLANK

Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel les moyens de fermer l’ouverture longitudinale sont des éléments de fixation espacés sur le manchon le long des côtés opposés de l’ouverture longitudinale.

Le brevet ‘724 décrit des moyens de fixer la couverture autour d’un BOP, ce qui comprend l’utilisation de rubans autoagrippants à crochets et à boucles le long de l’ouverture longitudinale et de boucles, comme éléments de fixation, espacées sur les côtés opposées de l’ouverture longitudinale.

Revendication 3

BLANK

Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel des cordons de serrage placés aux extrémités opposées du manchon souple servent à restreindre ces dernières.

Les descriptions du mode de réalisation privilégié du brevet ‘724 comprennent l’utilisation de cordons de serrage sur le manchon pour sceller la couverture contre les raccords externes

Le vaporisateur de gaz comprend un cordon de serrage destiné à restreindre l’extrémité inférieure du dispositif. L’extrémité supérieure du dispositif est déjà fermée, mais il serait évident pour la personne versée dans l’art que si l’extrémité supérieure est ouverte pour recevoir un objet de forme différente, elle pourrait être restreinte au moyen d’un cordon de serrage.

Revendication 4

BLANK

Le dispositif défini dans la revendication 1, dans lequel un élément chauffant électrique intégré dans la surface intérieure du manchon sert à chauffer cette dernière.

La couverture de chauffage pour sac de couchage est chauffée au moyen d’un fil de résistance placé entre les couches extérieure et intérieure du dispositif.

Le brevet ‘724 divulgue l’utilisation de câbles de chauffage autorégulés fixés par des piqûres entre les coussins amovibles et les coussins internes, puis attachés à la coquille intérieure.

Le brevet ‘050 divulgue l’utilisation d’éléments de chauffage (qui peuvent être des éléments en feuille d’aluminium gravée ou à fils) pris entre des matériaux composites appropriés qui permettre de transmettre la chaleur de l’enveloppe chauffante à la bonbonne.

Le vaporisateur de gaz comprend un élément chauffant électrique pris entre la couche en polymère intérieure du manchon et le matériau isolant, et maintenu en place par un substrat en polymère amovible dans lequel l'élément est intégré.

 


ANNEXE B

Dispositions pertinentes

Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4

Patent Act, RSC 1985, c P-4

Date de la revendication

Claim date

28.1 (1) La date de la revendication d’une demande de brevet est la date de dépôt de celle-ci, sauf si :

28.1 (1) The date of a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) is the filing date of the application, unless

a) la demande est déposée, selon le cas :

(a) the pending application is filed by

(i) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication,

(i) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim, or

(ii) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication, dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada;

(ii) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim;

b) à cette date, il s’est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois;

(b) the filing date of the pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application; and

c) le demandeur a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

(c) the applicant has made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application.

Date de dépôt de la demande antérieure

Claims based on previously regularly filed applications

(2) Dans le cas où les alinéas (1)a) à c) s’appliquent, la date de la revendication est la date de dépôt de la demande antérieurement déposée de façon régulière.

(2) In the circumstances described in paragraphs (1)(a) to (c), the claim date is the filing date of the previously regularly filed application.

Objet non divulgué

Subject-matter of claim must not be previously disclosed

28.2 (1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

28.2 (1) The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) before the one-year period immediately preceding the filing date or, if the claim date is before that period, before the claim date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subjectmatter became available to the public in Canada or elsewhere;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

(b) before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the subjectmatter became available to the public in Canada or elsewhere;

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a);

(c) in an application for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant, and has a filing date that is before the claim date; or

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) si :

(d) in an application (the “co-pending application”) for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant and has a filing date that is on or after the claim date if

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas :

(i) the co-pending application is filed by

(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a),

(A) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim, or

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

(B) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim,

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa a),

(ii) the filing date of the previously regularly filed application is before the claim date of the pending application,

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s’est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

(iii) the filing date of the co-pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application, and

(iv) cette personne a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

(iv) the applicant has, in respect of the co-pending application, made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application.

[…]

Objet non évident

Invention must not be obvious

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) information disclosed before the one-year period immediately preceding the filing date or, if the claim date is before that period, before the claim date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

[…]

Invalidation de brevets ou de revendications

Impeachment of patents or claims

60 (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d’un intéressé.

60 (1) A patent or any claim in a patent may be declared invalid or void by the Federal Court at the instance of the Attorney General of Canada or at the instance of any interested person.

Déclaration relative à la violation

Declaration as to infringement

(2) Si une personne a un motif raisonnable de croire qu’un procédé employé ou dont l’emploi est projeté, ou qu’un article fabriqué, employé ou vendu ou dont sont projetés la fabrication, l’emploi ou la vente par elle, pourrait, d’après l’allégation d’un breveté, constituer une violation d’un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d’obtenir une déclaration que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.

(2) Where any person has reasonable cause to believe that any process used or proposed to be used or any article made, used or sold or proposed to be made, used or sold by him might be alleged by any patentee to constitute an infringement of an exclusive property or privilege granted thereby, he may bring an action in the Federal Court against the patentee for a declaration that the process or article does not or would not constitute an infringement of the exclusive property or privilege.

Cautionnement pour frais

Security for costs

(3) À l’exception du procureur général du Canada ou du procureur général d’une province, le plaignant dans une action exercée sous l’autorité du présent article fournit, avant de s’y engager, un cautionnement pour les frais du breveté au montant que le tribunal peut déterminer. Toutefois, le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit d’obtenir une déclaration en vertu du présent article sans être tenu de fournir un cautionnement.

(3) With the exception of the Attorney General of Canada or the attorney general of a province, the plaintiff in any action under this section shall, before proceeding therein, give security for the costs of the patentee in such sum as the Federal Court may direct, but a defendant in any action for the infringement of a patent is entitled to obtain a declaration under this section without being required to furnish any security.

[…]

Jugement annulant un breve

Judgment voiding patent

62 Le brevet ou la partie du brevet qui a été annulé par un jugement est nul et de nul effet et est tenu pour tel, à moins que le jugement ne soit infirmé en appel en vertu de l’article 63.

62 A patent, or part of a patent, that is voided by a judgment shall be and be held to have been void and of no effect, unless the judgment is reversed on appeal as provided in section 63.

 

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Federal Courts Rules, SOR/98-106

Modifications avec autorisation

Amendments with leave

75 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

75 (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.

Conditions

Limitation

(2) L’autorisation visée au paragraphe (1) ne peut être accordée pendant ou après une audience que si, selon le cas :

(2) No amendment shall be allowed under subsection (1) during or after a hearing unless

a) l’objet de la modification est de faire concorder le document avec les questions en litige à l’audience;

(a) the purpose is to make the document accord with the issues at the hearing;

b) une nouvelle audience est ordonnée;

(b) a new hearing is ordered; or

c) les autres parties se voient accorder l’occasion de prendre les mesures préparatoires nécessaires pour donner suite aux prétentions nouvelles ou révisées.

(c) the other parties are given an opportunity for any preparation necessary to meet any new or amended allegations.

[…]

Jugement sommaire

Summary Judgment

Faits et éléments de preuve nécessaires

Facts and evidence required

214 La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance. Elle doit énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse.

214 A response to a motion for summary judgment shall not rely on what might be adduced as evidence at a later stage in the proceedings. It must set out specific facts and adduce the evidence showing that there is a genuine issue for trial.

Absence de véritable question litigieuse

If no genuine issue for trial

215 (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

215 (1) If on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

Somme d’argent ou point de droit

Genuine issue of amount or question of law

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

(2) If the Court is satisfied that the only genuine issue is

a) la somme à laquelle le requérant a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

Pouvoirs de la Cour

Powers of Court

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

(3) If the Court is satisfied that there is a genuine issue of fact or law for trial with respect to a claim or a defence, the Court may

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

(a) nevertheless determine that issue by way of summary trial and make any order necessary for the conduct of the summary trial; or

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

(b) dismiss the motion in whole or in part and order that the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, proceed to trial or that the action be conducted as a specially managed proceeding.



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