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Date : 20201006


Dossier : T-1507-19

Référence : 2020 CF 952

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 6 octobre 2020

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

MURLIDHAR GUPTA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, M. Murlidhar Gupta, Ph. D., sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 15 août 2019, par laquelle Ressources naturelles Canada [RNCan] a accepté un rapport d’enquête administrative.

II.  Le contexte

[2]  M. Gupta, Ph. D., est un chercheur qui a obtenu son doctorat à l’Université Laval en 2002. La même année, M. Gupta a été embauché par CanmetENERGY, une division du Secteur de l’innovation et de la technologie de l’énergie de RNCan. M. Gupta s’est d’abord joint à RNCan en tant que chercheur postdoctoral au sein du Groupe de technologies non polluantes du Groupe de la production écologique de l’électricité, et, en 2004, il est devenu chercheur scientifique (RES-01). Le 1er avril 2006, il a été promu à l’échelon RES-02 et, enfin, en novembre 2010, il a été réaffecté aux systèmes bioénergétiques au sein du Groupe d’innovation industrielle.

[3]  Au fil des ans, M. Gupta a présenté une multitude de dossiers en vue d’une promotion, pour passer de l’échelon RES-2 à celui de RES-3. Toutefois, à l’exception des années 2018 à 2020, qui sont en cours, M. Gupta n’a pas réussi à obtenir cette promotion. Des litiges ont éclaté entre les parties, principalement sous la forme de griefs et de demandes de contrôle judiciaire. Finalement, en juin 2017, les parties ont conclu et signé un protocole de règlement, aux termes duquel un enquêteur tiers indépendant examinerait les affirmations de M. Gupta selon lesquelles ses dossiers aux fins de promotion avaient été indûment bloqués à la suite de conflits sur le lieu de travail.

[4]  Les articles 4, 8, 10 et l’alinéa 9d) du protocole de règlement sont particulièrement pertinents en l’espèce, compte tenu des arguments soulevés.

[5]  L’article 4 décrit le mandat de l’enquêteur : [traduction« [Il] sera chargé d’examiner les éléments de conflit sur le lieu de travail qui ont été soulevés dans les dossiers de l’employé selon le critère des “facteurs pertinents” pour les années 2012-2017. L’enquêteur se penchera sur quatre questions »:

a) si les faits allégués par l’employé se sont produits;

b) si ces faits constituent un différend en milieu de travail qui aurait pu avoir des répercussions sur la carrière de M. Gupta (le “différend en milieu de travail”);

c) si ce différend en milieu de travail, le cas échéant, a eu une incidence négative sur la demande de promotion de l’employé;

d) dans l’affirmative, l’étendue de cette incidence, et la question de savoir si l’employé aurait été promu en l’absence de ce différend en milieu de travail. »

[6]  L’article 8 est ainsi libellé : [traduction« L’enquêteur fournira aux deux parties un résumé des informations obtenues lors de ces entretiens et leur donnera la possibilité de présenter des observations écrites concernant ce résumé. »

[7]  L’article 9 est ainsi libellé : [traduction« [L]employeur et l’employé conviennent d’être liés par le résultat de l’enquête, et en particulier [...] d) L’employé et l’employeur conviennent de ne pas demander de contrôle judiciaire de la décision de l’enquêteur. »

[8]  L’article 10 est ainsi libellé : [traduction« En cas de différend découlant du présent protocole ou lié à celui-ci, y compris toute question concernant son existence, son interprétation, sa validité ou sa résiliation, les parties s’efforcent de résoudre le différend par une négociation de bonne foi et peuvent, si nécessaire, et avec le consentement écrit des parties, régler la question par la médiation, avec un médiateur accepté par les deux parties, avant d’engager une procédure judiciaire. »

[9]  Les parties se sont mises d’accord sur le choix du cabinet d’enquête. Les enquêteurs ont interrogé M. Gupta et dix autres témoins, puis ont présenté à chacun d’eux un résumé de leur déclaration aux fins de confirmation et de signature. En mars 2019, les enquêteurs ont remis leur rapport final, qui contient 7 sections, dont une consacrée à leurs conclusions, et qui décrit les 9 entretiens avec les témoins ainsi que celui avec M. Gupta.

[10]  En mai 2019, l’avocat de M. Gupta a fait part de ses préoccupations concernant le non-respect par les enquêteurs de l’article 8 du protocole de règlement, étant donné qu’aucun résumé des informations n’avait été remis à M. Gupta avant la présentation du rapport final. M. Gupta a alors eu la possibilité de soumettre des observations supplémentaires sur l’ensemble du rapport final.

[11]  Par ailleurs, M. Gupta a soulevé des préoccupations quant à la déclaration des enquêteurs selon laquelle leur demande de commentaires de M. Gupta sur son propre entretien n’avait pas été prise en compte. M. Gupta a affirmé qu’il avait fourni ces commentaires, mais cet élément est resté marginal dans les observations des parties dans la présente instance.

[12]  Le 19 juin 2019, M. Gupta a répondu au rapport final des enquêteurs par un document de 81 pages, qui comprenait ses commentaires ainsi que des documents à l’appui, comme une copie de l’une des déclarations susmentionnées, reconnue et approuvée par le témoin.

[13]  Le 15 août 2019, les enquêteurs ont présenté un addenda à leur rapport final et ont conclu, malgré l’examen des observations, des commentaires et des documents de M. Gupta, que le résultat de leur enquête demeurait le même. Le même jour, le directeur intérimaire, Gestion du milieu de travail et du mieux-être, à RNCan, a écrit à l’avocat de M. Gupta et l’a avisé qu’il acceptait l’addenda, tel qu’il est précisé ci-dessous.

[14]  Le 16 septembre 2019, M. Gupta a introduit la présente demande de contrôle judiciaire. Dans le cadre de la présente demande, M. Gupta a reçu le dossier certifié du tribunal, qui contenait, entre autres, les déclarations que les témoins avaient reconnues à la suite de leur entretien.

III.  La décision contestée

[15]  Comme mentionné plus haut, le 15 août 2019, le directeur intérimaire, Gestion du milieu de travail et du mieux-être à RNCan, a écrit à l’avocat de M. Gupta. Il a déclaré que, à la suite du courriel du 3 juin 2019, M. Gupta avait fait part de ses derniers commentaires à l’enquêteur, qui les avait pris en compte dans la rédaction de l’addenda du rapport final. Le directeur intérimaire a en outre précisé que, comme ils disposaient alors de l’addenda, l’employeur pensait que les questions soulevées par M. Gupta dans sa lettre du 10 mai étaient résolues et que, compte tenu de la conclusion des enquêteurs, l’employeur considérait également l’affaire comme réglée.

[16]  Ce message du 15 août 2019 du directeur intérimaire, Gestion du milieu de travail et du mieux-être, est la décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

IV.  Les arguments des parties

[17]  Selon M. Gupta, son employeur a manqué aux principes d’équité procédurale en rendant une décision fondée sur une enquête qui n’avait pas été menée conformément à la procédure convenue par les parties. Il ajoute que les questions d’équité procédurale demeurent susceptibles de contrôle sans que l’on ait à faire preuve de déférence à l’égard du décideur. La question, selon lui, est simplement de savoir si un processus juste et équitable a été suivi, compte tenu de toutes les circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 34-56).

[18]  M. Gupta ajoute que la décision même est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Il soutient que la décision est fondée sur des conclusions déraisonnables, et fait valoir que 1) la preuve n’a pas été correctement interprétée et prise en compte; 2) le mandat de l’enquête n’a pas été mené à bien, puisque les enquêteurs n’ont pas déterminé clairement l’étendue des répercussions du différend en milieu de travail, et si le demandeur aurait été promu, « n’eût été » le différend (ayant conclu qu’il est impossible de savoir quel aurait été le résultat); 3) ses observations n’ont pas été prises en considération de manière valable, étant donné qu’il est impossible de discerner, dans l’addenda, quelle importance, le cas échéant, les enquêteurs ou RNCan ont accordée à ces observations, et que les enquêteurs n’ont pas abordé certains points et éléments de preuve.

[19]  Le Procureur général du Canada [le PGC] convient que la Cour doit examiner la décision selon la norme de la décision raisonnable. En réponse aux arguments de M. Gupta, le PGC soutient que, 1) bien que le rapport final n’ait pas respecté l’article 8 du protocole de règlement, le processus d’enquête entrepris par la suite a satisfait à la fois à l’article 8 du protocole de règlement et à l’obligation d’équité procédurale à laquelle M. Gupta avait droit, et que 2) la décision de l’employeur d’accepter le rapport d’enquête était raisonnable.

[20]  De surcroît, le PGC fait valoir que la Cour n’est pas dûment saisie de la présente demande, puisque M. Gupta n’a pas épuisé les autres recours disponibles avant de demander le contrôle judiciaire. Premièrement, le PGC soutient qu’en l’espèce, les parties avaient établi, dans le protocole de règlement, une procédure pour résoudre les différends découlant du protocole ou en rapport avec celui-ci. Par conséquent, conformément à l’article 10 du protocole, si les parties n’étaient pas en mesure de régler le différend par la négociation, elles pouvaient chercher à le résoudre par la médiation, avant d’engager une procédure judiciaire. Deuxièmement, si M. Gupta n’était pas satisfait de la solution de rechange convenue dans le protocole de règlement, il aurait dû épuiser la procédure de règlement des griefs prévue à l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LC 2003, c 22, art 2) [la Loi sur les relations de travail], avant d’introduire un recours devant la Cour.

[21]  M. Gupta reconnaît que le paragraphe 208(1) de la Loi sur les relations de travail s’applique en l’espèce, et que la procédure de règlement des griefs est disponible pour contester la décision de l’employeur du 15 août 2019 d’accepter le rapport de l’enquêteur. Toutefois, il fait valoir 1) qu’il n’est plus lié par les articles 9 et 10 du protocole de règlement, en raison de la violation par RNCan de son article 8 (Cohnstaedt v University of Regina (CA SASK), [1994] SJ No 124; Cohnstaedt c Université de Regina, [1995] 3 RCS 451); 2) qu’il n’est pas lié par sa renonciation à un recours légal prévu dans le protocole de règlement; 3) que la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur les relations de travail ne peut pas traiter les questions d’équité procédurale, qui relèvent strictement de la compétence de la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire; 4) que la procédure de règlement des griefs n’ayant pas encore été engagée, il pouvait choisir de procéder au moyen d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour.

V.  Analyse

[22]  La Cour conclut que la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée, car M. Gupta n’a pas épuisé les autres voies de recours disponibles, à savoir la négociation de bonne foi prévue à l’article 10 du protocole de règlement et, en tout état de cause, la procédure de règlement des griefs prévue au paragraphe 208(1) de la Loi sur les relations de travail.

[23]  Ma conclusion ne découle pas de l’engagement pris par les parties, dans le protocole de règlement, de ne pas demander de contrôle judiciaire. Elle résulte plutôt de l’application de la doctrine de l’épuisement des recours, telle qu’elle est résumée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61 [CB Powell] (aux para 30-33) :

[30] En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, paragraphes 38 à 43; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, 2000 CSC 14, paragraphes 31 et 34; Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, 2001 CSC 44, paragraphes 14, 15, 58 et 74; Goudie c. Ottawa (Ville), [2003] 1 R.C.S. 141, 2003 CSC 14; Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, 2005 CSC 11, paragraphes 1 et 2; Okwuobi c. Commission scolaire Lester-B.-Pearson, [2005] 1 R.C.S. 257, 2005 CSC 16, paragraphes 38 et 55; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, 2005 CSC 30, paragraphe 96.

[31] La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[32] On évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 38, Aéroport international du Grand Moncton. c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2008 CAF 68, paragraphe 1; Ontario College of Art c. Ontario (Human Rights Commission) (1992), 99 D.L.R. (4th) 738 (Cour div. Ont.). De plus, ce n’est qu’à la fin du processus administratif que la cour de révision aura en mains toutes les conclusions du décideur administratif. Or, ces conclusions se caractérisent souvent par le recours à des connaissances spécialisées, par des décisions de principe légitimes et par une précieuse expérience en matière réglementaire (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 43, Delmas c. Vancouver Stock Exchange (1994), 119 D.L.R. (4th) 136 (C.S. C.‑B.) conf. par (1995), 130 D.L.R. (4th) 461 (C.A.C.‑B.), et Jafine c. College of Veterinarians (Ontario) (1991), 5 O.R. (3d) 439 (Div. gén.)). Enfin, cette façon de voir s’accorde avec le concept du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs qui, au même titre que les juges, doivent s’acquitter de certaines responsabilités décisionnelles (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 48).

[33] Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme l’illustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». Il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur cette exception, puisque les parties au présent appel ne prétendent pas qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé (voir à titre général l’ouvrage de D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (édition à feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback Publishing, 2007), pages 3:2200, 3:2300 et 3:4000, ainsi que l’ouvrage de David J. Mullan, Administrative Law (Toronto, Irwin Law, 2001), pages 485 à 494). Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle‑ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que les [sic] toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces (voir Harelkin, Okwuobi, paragraphes 38 à 55, et University of Toronto c. C.U.E.W, Local 2 (1988), 55 D.L.R. (4th) 128 (Cour div. Ont.)). Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

[24]  La Cour d’appel fédérale a confirmé l’applicabilité de la doctrine de l’épuisement des recours dans les arrêts plus récents Agnaou c Canada (Procureur général), 2019 CAF 264, et Bande indienne de Coldwater c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2014 CAF 277.

[25]  Fait particulièrement pertinent en l’espèce, la Cour a confirmé l’application de la doctrine de l’épuisement des recours lorsque la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur les relations de travail est disponible, voir Nosistel c Canada (Procureur général), 2018 CF 618 [Nosistel] aux para 50-53, où des questions d’équité procédurale dans l’examen du grief avaient été soulevées. M. Gupta n’a pas étayé son argument selon lequel la procédure de règlement des griefs ne peut pas traiter les questions d’équité procédurale, d’autant plus que la décision de mon collègue dans l’affaire Nosistel indique le contraire.

[26]  La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CB Powell, précité, confirme aussi expressément que les questions d’équité procédurale ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant à une partie d’être exemptée de la doctrine de l’épuisement des recours.

[27]  M. Gupta ne m’a pas convaincue que la doctrine de l’épuisement des recours ne s’applique pas lorsque la procédure de règlement de griefs prévue par la loi, bien que disponible, n’a pas été engagée. Rien n’indique que l’ensemble des faits en l’espèce réponde au critère des circonstances exceptionnelles, tel qu’il est résumé plus haut par la Cour d’appel fédérale dans CB Powell. Au contraire, la Cour d’appel fédérale précise que la doctrine s’applique jusqu’à ce que les recours efficaces qui sont ouverts soient épuisés. M. Gupta a reconnu que la procédure de règlement des griefs lui était ouverte et, conformément aux instructions claires de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale, elle doit être épuisée avant de pouvoir poursuivre devant notre Cour.

[28]  Compte tenu des enseignements de la Cour d’appel fédérale sur la doctrine de l’épuisement des recours, et étant donné que les deux parties admettent que la procédure de règlement des griefs prévue au paragraphe 208(1) de la Loi sur les relations de travail est ouverte à M. Gupta, je conclus que la demande de contrôle judiciaire est prématurée, et je la rejetterai sur ce fondement.


JUGEMENT dans le dossier T-1507-19

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2. Les dépens sont accordés au défendeur.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1507-19

INTITULÉ :

MUDLIDHAR GUPTA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO) (TENUE PAR zoom À PARTIR DE montréal)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 SEPTEMBRE 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE st-louis

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 6 OCTOBRE 2020

COMPARUTIONS :

Bijon Roy

POUR LE DEMANDEUR

Joel Stelpstra

Nour Rashid

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Champ & Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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