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                                                                                                                                 Date : 20010510

                                                                                                                           Dossier : T-1868-97

                                                                                                   Référence neutre : 2001 CFPI 459

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 10e JOUR DE MAI 2001

PRÉSENT : ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

Entre:

                                                            MARTIN BEAUDRY

                                                                             et

                                                     JEAN-MARCEL RAYMOND

                                                                                                                                       Demandeurs

                                                                            ET

                                                    JEAN-JACQUES GOLDMAN,

                                SONY MUSIC ENTERTAINMENT (CANADA) INC.,

                                                                 CÉLINE DION,

                                                               RENÉ ANGÉLIL

                                                                             et

                                                                    BEN KAYE

                                                                                                    Défendeurs conjoints et solidaires

                                                                            ET

SOCIÉTÉ DU DROIT DE REPRODUCTION DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE AU CANADA (SODRAC) INC.,

SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE AU CANADA (SOCAN),

LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE


                                                                            et

LA SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MÉCANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ÉDITEURS (SACEM/SDRM)

                                                                                                                                  Mises en cause

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]         La Cour est saisie d'une requête des demandeurs pour faire trancher les objections soulevées par les défendeurs lors de l'interrogatoire au préalable de ces derniers.

[2]         Le contexte du présent dossier est connu des parties et de la Cour puisqu'une requête de même nature, de la part des défendeurs cette fois-là, fut tranchée le 19 janvier 2001 (la décision de janvier 2001).

Remarques générales

[3]         Avant d'aborder les questions particulières posées à chacun des défendeurs , il y a lieu, afin d'en faciliter la disposition, de procéder à établir certaines remarques générales.


[4]         Ces remarques visent à cadrer le litige par suite de la décision de janvier 2001 mais également par rapport à la décision de la Cour datée du 29 mars 1999 par laquelle la Cour ordonnait la scission entre la question de la violation potentielle du droit d'auteur et la question du quantum des dommages (ci-après le renvoi).

[5]         À cet égard, il y a lieu de constater premièrement que les défendeurs s'en remettent beaucoup à la décision de janvier 2001 ainsi qu'à celle sur le renvoi pour soutenir que bon nombre de questions posées par les demandeurs sont non pertinentes ou inadmissibles.

[6]         Quant à la décision de janvier 2001, la Cour disposait alors d'une série d'objections soulevées lors de l'interrogatoire au préalable des demandeurs. Dans le cadre de cette décision, plus précisément aux paragraphes 12 à 15, la Cour a été amenée à identifier des éléments qu'elle considérait pertinents au litige entre les parties. La Cour a alors tout au plus identifié ce qu'elle considérait pertinent pour les fins de disposer de la requête dont elle était alors saisie. La liste établie ne peut toutefois être prise comme une liste exhaustive des éléments pertinents pour l'ensemble des interrogatoires au préalable. Cette décision de janvier 2001 ne peut donc a priori servir aux défendeurs afin de refuser de répondre à certaines questions au motif que les éléments de réponse recherchés sont hors la liste établie.

[7]         Quant à la décision sur le renvoi, cette dernière n'a pas pour but ou mission d'écarter de la question de violation du droit d'auteur des aspects du litige qui, bien que pouvant servir à l'aspect dommages, peuvent néanmoins présenter suffisamment de pertinence quant à l'aspect violation pour être autorisés à ce stade-ci.

[8]         Quant à la pertinence d'une question au stade des interrogatoires au préalable, sans retrancher aucunement à ce qui fut mentionné à la décision de janvier 2001, voici ce que la Cour avait édicté dans l'arrêt Sydney Steel Corp. c. Omisalj (Le), (1992) 2 C.F. 193, à la page 197:

                               [...] [L]e critère relatif au bien-fondé d'une question posée dans le cadre d'un interrogatoire préalable est moins rigoureux que le critère relatif à l'admissibilité de la preuve au procès, et [...] le critère qu'il convient d'appliquer est de savoir si les renseignements sollicités par une question peuvent être pertinents aux points qui, au stade de l'interrogatoire préalable, sont litigieux dans les actes de procédure déposés par les parties.

[9]         C'est essentiellement ce qu'exige la règle 240 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles).

[10]       Dans une décision antérieure, Reading & Bates Construction Co. et autre c. Baker Energy Resources Corp. et autre, (1988) 24 C.P.R. (3d) 66, à la page 70, le juge McNair de cette Cour avait énoncé le principe suivant au sujet de la production de documents, lequel principe s'applique aussi, pour autant que je sache, à une question posée dans le cadre d'un interrogatoire préalable:

La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant: il doit s'agir d'un document dont on peut raisonnablement supposer qu'il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de le lancer dans une enquête qui pourra produire l'un ou l'autre de ces effets.


[11]       Ces propos de la Cour dans Reading & Bates s'appliquent ici aux diverses ententes que les demandeurs recherchent auprès des défendeurs puisque ceux-ci sont nombreux et que leurs droits, pouvoirs et obligations aux termes de ces ententes à l'égard de l'oeuvre attaquée sont d'intérêt pour les demandeurs dans leur détermination de la participation de chacun des défendeurs dans la violation alléguée de leur oeuvre. Partant, les ententes peuvent aider les demandeurs à avancer leur cause.

[12]       Il est également intéressant de noter que c'est le caractère confidentiel qui essentiellement semble retenir les défendeurs quant à la production de ces ententes. Il semble en effet, pour bon nombre des aspects que ces ententes pourraient toucher, que les défendeurs ont permis aux demandeurs de poser une foule de questions. Toutefois, lorsqu'est venu le temps de produire sur engagement ces ententes, les barrières se sont élevées. Cette dynamique laisse croire à la Cour que ces ententes sont à ce stade-ci pertinentes mais que c'est leur caractère confidentiel qui soulève problème.

[13]       Cet aspect de confidentialité ne pouvait aux yeux de la Cour constituer un élément fondamental de la décision sur le renvoi et ne peut maintenant prévenir en soi la production des ententes.

[14]       La confidentialité de tout document pertinent se gère par le biais de la règle 152. Ainsi, en les présentes, toute entente dont la production sera ordonnée devra l'être par le respect strict des dispositions de la règle 152(2).

[15]       Enfin, toute question dont les demandeurs se sont dits prêts à ne pas débattre dans le cadre de la présente requête ne sera donc point touchée ici. Il y a donc lieu maintenant d'aborder les questions particulières posées à chaque défendeur individuellement.


Sony Music Entertainment (Canada) Inc.

[16]       Pour cette défenderesse, les demandeurs ont interrogé M. Vito Luprano.

[17]       Bien qu'il soit un des vice-présidents seniors de Sony, M. Luprano l'est dans le secteur "Artist and Repertory". La preuve au dossier révèle dans son ensemble que c'est en fonction de ces fonctions et connaissances que les procureurs des demandeurs ont insisté pour interroger ce dernier plutôt que le représentant que Sony voulait initialement mettre de l'avant, soit Me Ian J. Mackay, responsable chez Sony des affaires commerciales et juridiques. Bien que les demandeurs avaient des motifs pertinents pour ainsi procéder, ils savaient néanmoins que M. Luprano ne pouvait être vu comme le représentant de Sony pleinement informé de tous les aspects pertinents de la défense.

[18]       Quant à la première question posée à M. Luprano, il ne m'apparaît pas que cette question soit pertinente; elle n'aura donc pas à être répondue.

[19]       Quant à la question numéro 2, elle tombe sous le coup du privilège client-avocat. Elle n'aura donc pas à être répondue.

[20]       Quant à la question numéro 3, le choix de M. Luprano fait qu'il n'est pas le bon témoin pour répondre à cette question. Cette question n'aura donc pas à être répondue.

[21]       Il en est de même pour la question numéro 4.

[22]       La question 7, qui recherche la production d'une entente, m'apparaît pertinente vu le cadre du litige tel que circonscrit précédemment. De plus, elle peut être produite par le biais de M. Luprano. Elle devra donc être produite ainsi dans les quinze (15) jours suivant le respect de la règle 152 par le procureur des demandeurs.

[23]       Quant aux questions 12 et 13, le choix de M. Luprano fait qu'il n'est pas le bon témoin pour répondre aux dites questions. De plus et surtout, ces questions se rapportent au fait de savoir si les défendeurs auraient cherché à mitiger leur infraction potentielle. Ces questions portent donc sur l'aspect dommages qui fait l'objet du renvoi. Ces questions n'auront donc pas à être répondues.

[24]       Quant à la question 14, il m'appert qu'elle fait carrément appel à une expertise. Partant, cette question n'aura pas à être répondue.


[25]       Vu les conclusions précédentes, il n'y a pas lieu d'ordonner la poursuite de l'interrogatoire de M. Luprano. Si les demandeurs entendent poursuivre l'interrogatoire de Sony, ils devront le faire via un autre représentant que Sony désignera cette fois. Vu les règles 3 et 53, vu qu'une ouverture en ce sens fut invoquée par le procureur de Sony lors de l'interrogatoire de M. Luprano (voir page 40 de l'interrogatoire de ce dernier), la Cour considère qu'il est juste et équitable ici d'ordonner que toute poursuite de l'interrogatoire de Sony devra s'effectuer dans les quarante (40) jours de la date de la présente ordonnance par l'interrogatoire d'un représentant désigné de Sony et dans le respect de la règle 90; le tout à une date et un lieu précis à être déterminés par entente entre les parties.

René Angélil

[26]       L'entente recherchée par la seule question en litige quant à ce témoin m'apparaît pertinente quant à sa nature ainsi que par le fait qu'elle pourrait permettre aux demandeurs de confirmer plusieurs des informations qu'ils ont pu obtenir par le biais des questions déjà posées. Le témoin étant le gérant de la défenderesse Dion, il est à même de produire ladite entente. Elle devra donc être produite dans les quinze (15) jours suivant le respect de la règle 152 par le procureur des demandeurs.

[27]       Quant à la poursuite de l'interrogatoire de ce témoin - de même que pour les défendeurs Kaye et Goldman - elle devra s'effectuer dans les quarante (40) jours de la date de la présente ordonnance à une date et un lieu précis à être déterminés par entente entre les parties, et ce, à moins que dans le même délai les parties s'entendent pour procéder par interrogatoire écrit. Si interrogatoire oral il y a, la règle 90 devra être respectée.

Jean-Jacques Goldman


[28]       Puisque quant à ce témoin la question numéro 1 est comprise par la question numéro 2, il y a lieu de s'attarder à cette dernière question. Cette question numéro 2, qui consiste à produire la copie d'une entente écrite, si écrit il y a, est pertinente vu les remarques générales élaborées précédemment. Elle devra donc être produite dans les quinze (15) jours suivant le respect de la règle 152 par le procureur des demandeurs.

[29]       Il en va de même mutatis mutandis pour l'entente visée par la question 3.

[30]       Quant à la question numéro 4, elle procède d'une mauvaise lecture du paragraphe 51 de la défense produite par ce témoin. Elle n'aura donc pas à être répondue.

[31]       Quant aux questions 7 et 8, les prémisses recherchées par ces questions ont pu être vérifiées par des questions spécifiques. Elles n'ont pas à être répondues davantage suivant le cadre général ici présenté.

[32]       La question 9 n'a pas à être répondue par ce témoin. Il est évident qu'elle fait appel à des connaissances que le témoin ne possède pas.

Ben Kaye

[33]       Quant à la question numéro 1, la pièce pertinente parle par elle-même. Cette question n'aura pas à être répondue.

[34]       Quant à la question 3, puisque l'entente y visée sera produite en vertu des motifs qui précèdent, elle n'aura pas sous cette question à être produite une deuxième fois.

[35]       La question 4, telle que formulée, est déficiente à l'égard de l'information recherchée (point 4c), page 16, représentations écrites des demandeurs). Elle n'aura donc pas à être répondue.

[36]       Quant aux questions 6 et 7 (et indépendamment s'il y a une objection à l'égard de la question 6), elles visent des documents pertinents, d'autant plus que les déclarations à l'égard de la SACEM ont été produites. Elles devront donc être répondues.

[37]       La question 10 se rapporte ultimement aux dommages. Le renvoi fait que cette question n'a pas à recevoir réponse. Il en est de même pour les questions 11 et 13 à 15.

[38]       Quant à la question 12, c'est par des questions spécifiques que les demandeurs ont pu vérifier la prémisse de cette question. Elle n'aura pas à être répondue davantage.

[39]       D'autre part, l'échéance du 18 avril 2001 prévue à l'ordonnance du 5 mars 2001 dans le présent dossier quant à la demande d'une conférence préparatoire est reportée au 20 juillet 2001.

[40]       Les frais sur la présente requête sont à suivre vu le succès partagé sur cette dernière.

Richard Morneau   

                                          protonotaire


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-1868-97


MARTIN BEAUDRY et JEAN-MARCEL RAYMOND

                                                                                                                                          Demandeurs

ET

JEAN-JACQUES GOLDMAN,

SONY MUSIC ENTERTAINMENT (CANADA) INC.,

CÉLINE DION, RENÉ ANGÉLIL et BEN KAYE

                                                                                                             Défendeurs conjoints et solidaires

ET

SOCIÉTÉ DU DROIT DE REPRODUCTION DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE AU CANADA (SODRAC) INC.,

SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE AU CANADA (SOCAN),

LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE et

LA SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MÉCANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ÉDITEURS (SACEM/SDRM)

                                                                                                                                       Mises en cause

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 11 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 10 mai 2001

ONT COMPARU:


Me Éric P. Goyette

pour les demandeurs

Me Paul-André Martel

pour les défendeurs Goldman, Dion, Angélil et Kaye


Me David E. Platts


pour la défenderesse Sony Music Entertainment (Canada) Inc.


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Tamaro, Goyette

Montréal (Québec)

pour les demandeurs

Dunton Rainville

Montréal (Québec)

pour les défendeurs Goldman, Dion, Angélil et Kaye

McCarthy Tétrault

Montréal (Québec)

pour la défenderesse Sony Music Entertainment (Canada) Inc.

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