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Date : 20050630

Dossier : T-1026-05

Référence : 2005 CF 920

ENTRE :

LE CHEF VICTOR BUFFALO, en son propre nom et au nom de LA BANDE INDIENNE DE SAMSON, également connue sous le nom de NATION CRIE DE SAMSON, et LA BANDE INDIENNE DE SAMSON, également connue sous le nom de NATION CRIE DE SAMSON

                                                                                                                              demandeurs

                                                                       et

                               DARREL REGAN BRUNO et DARWIN SOOSAY

                                                                       et

LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE ÉLECTORALE

DE LA NATION CRIE DE SAMSON

                                                                                                                                défendeurs

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                Les demandeurs ont déposé une requête en jugement interlocutoire en vue de faire interdire la tenue d'élections pour les douze membres du conseil de bande de la Nation crie de Samson, qui devait avoir lieu le 23 juin 2005, jusqu'à l'issue de la demande de contrôle judiciaire déposée le 14 juin 2005. Des élections pour le conseil de bande de la Nation crie de Samson, composé de douze membres, ont eu lieu le 19 mai 2005, conformément à la Samson Cree Nation Election Law (la Loi électorale) du 8 mars 1993, révisée le 27 septembre 2004.

[2]                Une audience par téléconférence a été tenue d'urgence à Ottawa le mardi 21 juin 2005; la Cour a alors ordonné que les élections prévues pour le 23 juin 2005 soient suspendues jusqu'à l'issue de la demande de contrôle judiciaire. La Cour s'est dite convaincue qu'il existe une question sérieuse à juger, qu'il y a un risque de préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de la suspension des élections. La Cour a précisé que ses motifs seraient délivrés ultérieurement.

[3]                Les circonstances de cette demande de contrôle judiciaire sont les suivantes. Des élections ont eu lieu le 19 mai 2005, à la suite de quoi les douze membres du conseil de bande de la Nation crie de Samson ont été élus.

[4]                Suite aux élections, un certain nombre d'appels ont été interjetés dans le délai prescrit, dont deux ont été examinés par la Commission d'appel en matière électorale de la Nation crie de Samson (la Commission d'appel) lors d'une séance tenue le 8 juin 2005.


[5]                Un comité dûment constitué de la Commission d'appel a entendu les appels, l'un déposé par Darrel Regan Bruno, alléguant que l'agent électoral avait commis une erreur en autorisant des membres de la bande à voter après la clôture des bureaux de vote à 18 h le 19 mai 2005, le jour du scrutin. Les faits relatifs à cette contravention présumée au code électoral sont les suivants : la Loi électorale précise clairement que les bureaux de vote doivent fermer à 18 h le jour du scrutin. Or, il semble que juste avant la fermeture des bureaux de vote à 18 h, une longue file de membres attendaient toujours leur tour pour entrer afin de déposer leur bulletin de vote. Juste avant l'heure de fermeture à 18 h, l'agent électoral responsable du scrutin aurait donné pour directive aux responsables de la sécurité d'escorter vers le gymnase tous ceux qui n'avaient pas encore voté et de verrouiller les portes du hall d'entrée du bureau à 18 h. Environ 300 électeurs dans la file ont ainsi eu la possibilité de voter après l'heure de clôture officielle du scrutin à 18 h.

[6]                La Commission d'appel a jugé que la décision du surveillant électoral outrepassait son pouvoir discrétionnaire et que la décision de donner aux électeurs qui tenaient la file avant 18 h la possibilité de voter après la clôture du scrutin excédait ses compétences. La Commission d'appel a également conclu que les pouvoirs du surveillant électoral sont strictement définis aux articles 16 et 17 de la Loi électorale. Ces dispositions sont libellées comme suit :

[TRADUCTION]

16. Le surveillant électoral est reconnu comme la personne autorisée à veiller à l'entière administration et au processus de l'élection. Le surveillant électoral s'acquitte notamment des responsabilités suivantes :

a)              planifier et préparer l'élection;

b)              assigner des tâches et donner des directives à ses assistants;


c)              assurer une surveillance, présenter des rapports d'avancement et rester en contact au besoin avec le conseil de la Nation crie de Samson et les membres intéressés de la Nation crie de Samson;

d)              obtenir les renseignements et documents requis de l'administration tribale de la Nation crie de Samson;

e)              dresser une liste des électeurs de Samson et d'autres listes pour les afficher comme il se doit;

f)               connaître toutes les dispositions de la Loi électorale.

17. Les assistants du surveillant électoral aident le surveillant électoral dans toutes ses fonctions; dans l'éventualité où le surveillant électoral refuse ou est incapable de remplir ou d'exécuter ses fonctions, l'un de ses assistants assume ces fonctions à sa place.

[7]         La Commission d'appel a conclu, compte tenu des nombreux électeurs ayant été autorisés à voter après 18 h, que le vote de ces derniers avait très certainement affecté le résultat des élections des conseillers de la bande. Elle a décidé que l'ensemble du processus électoral devait être annulé et qu'il fallait organiser de nouvelles élections pour les douze conseillers de la bande, lesquelles devaient avoir lieu le jeudi 23 juin 2005.

[8]         Le deuxième appel entendu par la Commission d'appel a été déposé par le défendeur Darwin Soosay. Ce dernier contestait l'admissibilité de deux membres de la bande élus au poste de conseiller, à savoir Lester B. Nepoose et Larron Northwest, au motif que ces deux candidats contrevenaient à l'article 4 de la Loi électorale. Cette disposition précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

4. Un membre de la Nation crie de Samson n'est pas admissible à la charge de chef ou de membre du conseil de la Nation crie de Samson :

a) s'il est reconnu coupable d'un acte criminel après la date d'entrée en vigueur de la présente disposition;


b) si son casier judiciaire fait état d'un acte criminel à la date d'entrée en vigueur de la présente disposition :

(i) à moins que ce membre n'ait obtenu un pardon au cours d'une cérémonie culturelle et traditionnelle crie conduite par un ancien de la Nation crie de Samson qui a été reconnu à cette fin par le chef et le conseil,

(ii) ou à moins que ce membre n'ait obtenu un pardon par le biais du système de justice;

c) s'il a été reconnu coupable, à l'égard d'une élection, de s'être livré à la corruption, d'avoir accepté ou offert un pot-de-vin, d'avoir faire preuve de malhonnêteté ou de s'être autrement livré à des agissements répréhensibles.

[9]         La Commission d'appel a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

La plainte de M. Darwin Soosay est accueillie et la Commission ordonne la tenue de nouvelles élections dans les deux semaines de la présente déclaration.

[10]       Les demandeurs font valoir qu'il existe une question sérieuse à juger puisque, selon eux, l'agent électoral responsable du scrutin n'a pas transgressé le code électoral. Les demandeurs soutiennent également qu'aucun des demandeurs n'a été invité à comparaître devant la Commission d'appel et qu'en conséquence, ils ont été privés de toute occasion de se faire entendre, en contravention des principes de justice naturelle. En outre, ils soutiennent qu'en ordonnant la tenue de nouvelles élections dans les 14 jours, la Commission d'appel a omis de tenir compte de l'article 8 du code électoral, qui prévoit qu'une assemblée de mise en candidature doit avoir lieu au moins 14 jours suivant la vacance d'un poste au conseil de bande de la Nation crie de Samson.


[11]       La Cour est convaincue qu'il existe une question sérieuse à juger, en ce qui concerne la légitimité de la décision de la Commission d'appel et son pouvoir de décider que le surveillant électoral n'avait pas le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour diriger le processus électoral comme il le souhaitait. Annuler l'élection de l'ensemble du conseil de bande aurait en effet pour conséquence de priver la Nation crie de Samson de sa capacité à se gouverner elle-même et à gérer ses affaires jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire.

[12]       La Cour est également convaincue que la décision contrevient aux principes de justice naturelle, jugeant que les deux candidats élus et exclus n'ont pas eu l'occasion de réfuter les allégations portées contre eux.

[13]       La Cour est en outre convaincue qu'il est dans l'intérêt de la Nation crie de Samson d'accueillir le recours et que le statu quo doit être maintenu jusqu'à ce que la Cour se prononce sur la demande de contrôle judiciaire contestant la validité des décisions de la Commission d'appel.

[14]       La requête visant à faire surseoir aux élections prévues pour le 23 juin 2005 a été accueillie le 21 juin 2005.


[15]       LA COUR ORDONNE QUE la tenue de nouvelles élections pour les conseillers de bande soit interdite jusqu'à ce que la Cour se prononce sur la demande de contrôle judiciaire;

Que les conseillers de bande élus le 19 mai 2005 continuent à assumer leurs fonctions et à administrer les affaires quotidiennes de la Nation crie de Samson, exception faite de la tenue d'un référendum auprès de l'ensemble de la bande, condition imposée par le juge Teitelbaum dans son jugement à l'égard de la Nation crie de Samson et du gouvernement du Canada;

Que le chef et le conseil de bande poursuivent toutes les autres négociations faisant suite à l'ordonnance du juge Teitelbaum, à l'exception de celles qui concernent la tenue d'un référendum.

DE PLUS, LA COUR ORDONNE QUE le dossier de la demande soit signifié et déposé au plus tard le 22 juillet 2005;

Que le dossier de la défense soit signifié et déposé au plus tard le 26 août 2005;

Que le contre-interrogatoire des auteurs d'affidavit, le cas échéant, soit achevé le 9 septembre 2005.


Si des questions sont soulevées ou divulguées suite au contre-interrogatoire des auteurs d'affidavit, les demandeurs seront autorisés à signifier et à déposer un dossier de demande modifié au plus tard le 16 septembre 2005.

Au besoin, les défendeurs pourront déposer un dossier de défense modifié au plus tard le 23 septembre 2005.

La demande de contrôle judiciaire sera instruite péremptoirement à Edmonton (Alberta), le 6 octobre 2005 à 9 h 30 en matinée.

                                                                                                              « Paul U.C. Rouleau »                 

                                                                                                                                         Juge                                  

Ottawa (Ontario)

Le 30 juin 2005

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                  T-1026-05

INTITULÉ :                                 LE CHEF VICTOR BUFFALO, en son propre nom et au nom de LA BANDE INDIENNE DE SAMSON, également connue sous le nom de NATION CRIE DE SAMSON, et LA BANDE INDIENNE DE SAMSON, également connue sous le nom de NATION CRIE DE SAMSON

c.

DARREL REGAN BRUNO et DARWIN SOOSAY

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO) (PAR TÉLÉCONFÉRENCE)

DATE DE L'AUDIENCE :         LE 21 JUIN 2005

MOTIFS :                                    LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :               LE 30 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Edward H. Molstad                       POUR LES DEMANDEURS

Nathan J. Whitling

Terence P. Glancy                          POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws, LLP                     POUR LES DEMANDEURS

Royal, McCrum,                            POUR LES DÉFENDEURS

Duckett & Glancy

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