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Date : 20200916

Dossiers : T­724­19

T­725­19

T­726­19

T­1319­19

T­1320­19

T­1321­19

Référence : 2020 CF 898

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 16 septembre 2020

En présence de la juge responsable de la gestion de l’instance Angela Furlanetto

Dossier : T­724­19

ENTRE :

SHAUN WILLIAM ARNTSEN, MICHAEL GRANT RUDE ET MARTIN LEPINE

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T­725­19

ET ENTRE :

DAVID BONA,CLAUDE LALANCETTE ET SHERRI ELMS

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T­726­19

ET ENTRE :

CHRISTIAN MCEACHERN ET PHILLIP BROOKS

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T­1319­19

ET ENTRE :

STEPHEN BOULAY, TYSON MATTHEW BOWEN, ALISON CLARK, ALEXANDER DEELEY, BENJAMIN DOMINIE, ROGER GAUTHIER, TYLER COADY, MICHAEL BUZNY, STEPHANE CHARBONNEAU, JASON ANDERSON, ANN BASTIEN, MATTHEW BLEACH, WADE COOPE, HAROLD DICKSON, KYLE GETCHELL, IAN LANG, JORDAN LOGAN, ALI NEHME, MAXIME GABORIAULT, JUSTIN PAQUETTE, BRAD PETERS, KIRK POWELL, ISAAC PRESIDENT, ERNEST SMITH, RANDY J. SMITH, ANDREW STAFFORD, JASON LE NEVEU, DANIEL HASLIP, RICHARD FIESSEL, GARY SANGSTER, CODY KULUSKI, ADRIAN DROHOBYCKY, JIMMY LAROCQUE, LANCE COVYEOW, SALVADOR RENATO ZELADA‑QUINTANILLA, TREVOR GROHS, CHRISTOPHER CHARTIER, ROB COBB, GREG HART, EWARLD HOLLY, TRAVIS JONES, DANIEL JOUDREY, JOSEPH MOORE, BRANDON KETT, WILLIAM ALDON NICKERSON, JUSTIN NORMAN, JUDY OCHOSKI, OWEN PARKHOUSE, LANDON PERRY, THOMAS BOWDEN, CURTIS GIBSON, LEO VEMB, LEROY BOURGOIN, JEREMY LEBLANC, MARK VERALL, CONRAD KEEPING, WILLIAM PERRY, JEFFRY FLEMING, TIMOTHY MILLS, STEPHEN BARTLETT, SCOTT FIERLING, ADAM LANG, NATHAN BLAKE, CHRISTOPHER MADENSKY, GORDON MAIDMENT, MICHAEL DESMOND JOHN RYAN, TOM BRYSON, BRADLEY QUAST, JODY HARTLING, ANDREW JASON GUSHUE, ROBBIE LATREILLE, LUC CHAMPAGNE, ANTONY PETERS, DARYL INGLIS, DANIEL BOUDREAULT, JUSTIN TOBIN ET QUENTIN MULLIN

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T­1320­19

ET ENTRE :

ALLAN ALEXANDER, MARK AUCOIN, DEAN BERGSTROM, ROBERT GARY BURNS, MICHAEL KENNETH ESTEY, MARIE­CLAUDE LEMIEUX, JOSEPH DANIEL ROBERT LIZZOTTE, BRAD LOCKE, PATRICK MACDONALD, MELVYN NEVILLE, ALLEN SZABON, RANDY TITUS, GRAHAM MASON, VERNON MACKAY, STEVE WRATHALL, KEVIN DAWE, TERRENCE HURLEY, JOHN ALEXANDER WILT, PETER THORP‑LEVITT, PETER BARNES, DAVE BURTCH, JOHN JOSEPH HARDY, JEFFEREY HARRISON, ANDREW BLACKIE, BLAISE BOURGEOIS, MICHAEL THIER, MURRAY CLARKE, JAMES HOWARD MACKAY, SHELDON ERNEST ROBERTS, MICHAEL BENNETT, FREDERICK ROBERT PERRY, STEPHEN SIMMONS, THOMAS KEARNEY, MICHAEL HACKETT, WAYNE FRANK, ALAIN PELLEGROMS, DONALD WAYNE COLE, MARK DIOTTE, RICHARD ROY CAMERON, STEPHEN LIVELY, JAMES KEITH SHEPPARD, JOSPEH LOREN BOLT, YVES JOSEPH LEGERE, DARLENE ARSENAULT, JASON HOEG, DONALD FOX, MICHAEL BECH, PIERRE GENTES, THOMAS YURKIW, MARIE GODFREY, RUBY SMITH, PETER CHIASSON, MARK ROYAL, MARK STRICKLAND ET MICHAEL THIBODEAU

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T­1321­19

ET ENTRE :

WILLIAM AITKEN, BRENDA CAMPBELL, TOM GOODBODY, MICHAEL HOPPING, STEPHANE LEROUX, ANDY MOSIENKO, DAVID NYSOLA, NEIL DODSWORTH, KEVIN MORROW, JOSEPH JASIN, PAUL MORNEAULT, COLIN WILMS, JAMIE P. GRENIER, JOHN ARTHUR ARMSTRONG, CHRIS HODD, STEVEN M.D. BARTON, ALAN BROWN, TONY HILL, TRENT HOLLAHAN, GERARD MOORES, DARREN VERNVILLE, JOHN DOWNS, DINO SIMONE, ROERT MACDONALD, NORMAN HARRISON, RODERICK MACKAY, KEITH LOSIER, PHILLIP PALMER, THOMAS PATRICK HANEY, RICKIE CHAYKOWSKI, PETER OLAND, JOHN RALPH MCMILLAN, GARY JOHN REID, JASON CLAUDE FLANDERS, JODY DANIAL GILLIS, MILES WATSON, JOSEPH (ANDRÉ) VAILLANCOURT, DEAN HISCOCK, BRIAN PETER JEFFERSON, BRIAN MCGEAN, BRENT COUNTWAY, PAUL TURMEL, ERIC ST. GELAIS, ROBERT FARQUHAR, DWAYNE SPENCER, RONALD HERBERT O’CONNOR, KEVIN JOHN STEWART, MARTIN GAGNON, PERRY ANTLE, TRACY BARNSDALE, EAMONN BARRY, GRAHAM FORD, PHILLIPE JOSEPH CERE, MASON EDWARD HUDDLESTON ET CHRISTOPHER BRECKON

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse


ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Les présents motifs découlent d’une requête que le procureur général du Canada (Canada) a présentée au titre des dispositions 50.1 et 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales en vue de faire suspendre les actions en l’espèce.

[2]  Le groupe d’actions en litige représente, comme l’ont affirmé les demandeurs, des « poursuites collectives en responsabilité délictuelle » intentées par d’anciens membres des Forces armées canadiennes (FAC). Les demandeurs allèguent que, de 1992 à 2017, les FAC et le ministère de la Défense nationale (MDN) leur ont ordonné de prendre le médicament antipaludique méfloquine avant et pendant le déploiement dans les régions où le paludisme était endémique, alors que les FAC et le MDN auraient su ou auraient dû savoir que le médicament avait des effets graves et potentiellement permanents sur la santé neurologique et psychologique. Les demandeurs affirment que le Canada avait une obligation de diligence envers les membres des FAC et qu’il devait : a) faire preuve de diligence raisonnable pour assurer la sécurité et le bien­être des demandeurs; b) obtenir le consentement éclairé des demandeurs avant de les obliger à prendre de la méfloquine; c) faire preuve de prudence raisonnable dans l’utilisation, l’administration, la prescription et la distribution de la méfloquine ainsi que dans la gestion, la supervision et la surveillance de son utilisation. Les demandeurs allèguent que le Canada a fait preuve de négligence et a manqué à son obligation de diligence, que le Canada est responsable de déclarations inexactes faites avec négligence parce qu’il a omis de donner des renseignements sur les risques associés à la méfloquine, que le Canada a manqué à son obligation fiduciaire, qu’il contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) et qu’il est responsable de voies de fait et de dissimulation intentionnelle. Les demandeurs réclament une réparation sous forme de jugement déclaratoire ainsi que des dommages­intérêts généraux et majorés associés à un manquement allégué aux obligations prévues par la loi et par la common law, des dommages­intérêts pour violation de leurs droits au titre du paragraphe 24(1) de la Charte, des dommages­intérêts spéciaux et des dommages­intérêts punitifs et/ou exemplaires.

[3]  Les allégations faites au nom d’anciens membres des FAC au sujet de l’ordre qu’ils auraient reçu de prendre de la méfloquine ont d’abord été soulevées dans un recours collectif intenté contre le Canada et le fabricant de la méfloquine, Hoffmann‑La Roche Limitée (Roche), devant la Cour supérieure de l’Ontario en 2000 (Smith v Barry Armstrong and the Attorney General of Canada and Hoffmann­La Roche Limited (no du dossier de la Cour : CP­1737/00). Dans cette instance, le représentant demandeur, M. Smith, a allégué que l’obligation pour lui et d’autres membres des FAC déployés en Afrique de prendre de la méfloquine constituait des voies de fait, une négligence et un manquement à l’obligation fiduciaire. Les demandeurs réclamaient des dommages­intérêts de quatre milliards de dollars pour le préjudice allégué découlant de l’administration du médicament. La déclaration a par la suite été modifiée par l’ajout d’une allégation de violation des droits visés par la Charte. Le 17 avril 2018, le recours a été rejeté pour cause de retard, quelque 17 ans après qu’il eut été intenté.

[4]  Le 18 janvier 2019, un nouveau recours collectif projeté a été intenté devant la Cour supérieure de l’Ontario contre le Canada et Roche au nom du représentant demandeur, John Dowe (John Dowe c The Attorney General of Canada and Hoffmann‑La Roche Limited CP­18­0224­00CP) (le recours collectif envisagé de M. Dowe). Dans la déclaration introductive d’instance, le demandeur réclame, conformément au paragraphe 24(1) de la Charte, des dommages­intérêts pour négligence, manquement à l’obligation fiduciaire, voies de fait et violation des droits et libertés garantis au demandeur et aux membres du groupe prévus aux articles 7 et 12 de la Charte. Des dommages­intérêts punitifs y sont également réclamés.

[5]  L’avocat qui représente les demandeurs dans les actions dont la Cour fédérale est saisie représente aussi dorénavant les demandeurs dans le recours collectif envisagé de M. Dowe.

[6]  Après avoir pris la relève dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, l’avocat a présenté une déclaration introductive d’instance modifiée le 9 avril 2019; il a notamment ajouté une réclamation en dommages moraux pour perte de soins, de conseils et de compagnie, y compris pour homicide délictuel, en dommages­intérêts spéciaux visés à l’article 61 de la Loi sur le droit de la famille, qui découlent de l’ajout de l’épouse et des enfants de M. Dowe à titre de représentants demandeurs, ainsi que des allégations de dissimulation intentionnelle, et il a aussi ajouté des membres au groupe et étendu la portée du recours collectif.

[7]  Le 16 juillet 2019, le Canada a présenté un avis d’intention de présenter une défense dans le recours collectif envisagé de M. Dowe. Les demandeurs ont déclaré qu’ils ont l’intention de se désister du recours collectif envisagé de M. Dowe, du moins en ce qui concerne Roche, et par ailleurs de suspendre l’instance. Toutefois, à la date des présents motifs, aucun élément de preuve n’a été produit pour indiquer que le recours collectif envisagé de M. Dowe a été abandonné contre Roche ou qu’une autorisation en ce sens a été demandée. De même, il n’y a aucune preuve d’une ordonnance officielle de mise en suspens.

[8]  Les déclarations introductives d’instances dans les dossiers T‑724‑19, T‑725‑19 et T‑726‑19 ont été déposées à la Cour fédérale le 1er mai 2019 au nom de huit demandeurs. Trois déclarations additionnelles, dans les dossiers T‑1319‑19, T‑1320‑19 et T‑1321‑19, ont été déposées le 14 août 2019, et cent quatre­vingt­sept (187) demandeurs ont alors été ajoutés. Les six actions font l’objet d’une gestion d’instance en tant que groupe, mais elles ne sont pas autrement regroupées. Elles ont été intentées comme des instances collectives en responsabilité délictuelle et non comme un recours collectif. L’avocat des demandeurs a déclaré qu’il prévoit l’introduction d’autres actions mettant en cause des centaines de demandeurs additionnels envisagés, et il a précisé que les instances étaient séparées en trois groupes : a) celles qui ont trait aux anciens membres des FAC ayant servi en Somalie au cours des années 1990; b) celles qui ont trait aux anciens membres des FAC ayant servi dans des régions d’Afrique au milieu des années 1990; c) celles qui ont trait aux anciens membres des FAC ayant servi en Afghanistan. L’instance introduite désigne le Canada comme seul défendeur.

[9]  Le 26 septembre 2019, le Canada a manifesté son intention d’engager une procédure de mise en cause contre Roche à l’égard de l’instance. Roche est le fabricant et le distributeur de la méfloquine. Avant que la vente de la méfloquine sur le marché canadien ne soit approuvée, la méfloquine était accessible dans le cadre d’un essai clinique connu sous le nom d’Étude de contrôle de l’innocuité du Lariam. Au cours de la période en litige visée par la présente instance, Roche a fourni de la méfloquine au MDN et aux FAC dans le cadre de cette étude.

[10]  Dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, des allégations sont formulées contre la société Roche, en tant que codéfenderesse, pour négligence et manquement à l’obligation de diligence, et des dommages‑intérêts lui sont réclamés.

[11]  Dans la requête en l’espèce, le Canada demande la suspension des actions à la Cour fédérale pour deux motifs :

  1. Le Canada, en vertu de l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales, a manifesté son intention d’engager une procédure de mise en cause contre Roche, société sur laquelle la Cour n’a pas compétence selon le Canada.

  2. Conformément aux alinéas 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales, les actions doivent être suspendues, car il y a déjà un recours collectif envisagé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (le recours collectif envisagé de M. Dowe) qui a été introduit avant les actions en cause. Le Canada affirme qu’il y a chevauchement et que les demandeurs dans les actions à la Cour fédérale pourraient être ajoutés au recours collectif. Le Canada affirme qu’il serait dans l’intérêt de la justice de saisir la Cour supérieure de l’Ontario des allégations des demandeurs, soit dans le cadre du recours collectif déjà projeté, soit dans le cadre d’actions distinctes, puisque la Cour supérieure aurait pleine compétence sur toutes les allégations formulées.

[12]  Les demandeurs s’opposent à la demande. Pour le premier motif de suspension, fondé sur l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales, les demandeurs affirment que le Canada n’a pas démontré qu’il avait véritablement l’intention d’engager une procédure de mise en cause et qu’il n’a pas été démontré que la mise en cause ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale. Les demandeurs prétendent que le cœur de l’instance a trait à la relation entre le Canada et ses soldats, laquelle, affirment­ils, est régie par un régime législatif fédéral, et que les obligations fiduciaires et légales en cause ont comme fondements les lois fédérales. Les demandeurs s’appuient également sur le régime législatif fédéral de la Loi sur les aliments et drogues pour ce qui est de la procédure de mise en cause.

[13]  En ce qui concerne le deuxième motif de suspension, celui fondé sur les alinéas 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales, les demandeurs affirment que le recours collectif envisagé de M. Dowe ne crée pas un chevauchement et ne constitue pas une solution de rechange appropriée. Ils prétendent que les membres présumés du groupe conservent le droit de poursuivre leurs propres actions individuelles et ils affirment que les demandeurs ne veulent pas être ajoutés comme membres du recours collectif envisagé de M. Dowe.

[14]  Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la requête du Canada présentée en vertu de l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales et j’ordonnerai la suspension des actions à la Cour fédérale afin qu’elles puissent être reprises en vertu du paragraphe 50.1(2).

II.  L’article 50.1 de la Loi sur les cours fédérales

[15]  L’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales est libellé ainsi :

Suspension des procédures

 

Stay of proceedings

50.1 (1) Sur requête du procureur général du Canada, la Cour fédérale ordonne la suspension des procédures relatives à toute réclamation contre la Couronne à l’égard de laquelle cette dernière entend présenter une demande reconventionnelle ou procéder à une mise en cause pour lesquelles la Cour n’a pas compétence.

 

50.1 (1) The Federal Court shall, on application of the Attorney General of Canada, stay proceedings in any cause or matter in respect of a claim against the Crown where the Crown desires to institute a counter‑claim or third‑party proceedings in respect of which the Federal Court lacks jurisdiction.

Reprise devant un tribunal provincial

Recommence in provincial court

 

(2) Le demandeur dans l’action principale peut, après le prononcé de la suspension des procédures, reprendre celles‑ci devant le tribunal compétent institué par loi provinciale ou sous le régime de celle‑ci.

(2) If the Federal Court stays the proceedings under subsection (1), the party who instituted them may recommence the proceedings in a court constituted or established under a law of a province and otherwise having jurisdiction with respect to the subject‑matter of the proceedings.

 

Même si une partie qui cherche à invoquer l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales doit établir les éléments de cet article, une fois les éléments établis, l’article 50.1 est d’application obligatoire. L’objet de l’article 50.1 est de veiller à ce que les questions à trancher lors d’un litige contre la Couronne ne soient pas scindées entre la Cour fédérale et les tribunaux provinciaux : Bande indienne de Stoney c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2006 CAF 553, au para 25 (Bande de Stoney). Pour qu’une suspension soit accordée en vertu de l’article 50.1, le Canada doit établir : a) qu’il entend procéder à une mise en cause et b) que sa procédure de mise en cause contre Roche de relève pas de la compétence de la Cour fédérale : Dobbie c Canada (Procureur général), 2006 CF 552, au para 8 (Dobbie).

A.  L’intention d’engager la procédure de mise en cause

[16]  Afin de démontrer qu’il existe une véritable intention d’engager la procédure de mise en cause, la Cour doit examiner : 1) la preuve de l’intention de procéder à la mise en cause; 2) si les renseignements fournis au sujet de la procédure de mise en cause sont clairs, ou s’ils sont au contraire vagues et imprécis, et 3) s’il est vraisemblable que la procédure de mise en cause soit accueillie : Dobbie, précitée, au para 11.

[17]  En l’espèce, le Canada affirme qu’il engagera une procédure de mise en cause contre Roche. Il a fourni une ébauche de la procédure de mise en cause dans ses documents relatifs à la requête. L’intention déclarée d’engager une procédure de mise en cause a été communiquée avant la clôture des actes de procédure et le dépôt des déclarations en défense. La communication a été faite dans le délai prescrit et laisse supposer l’intention d’engager la procédure de mise en cause.

[18]  Dans l’ébauche de la procédure de mise en cause, le Canada formule les réclamations et les affirmations suivantes :

[TRADUCTION] 
1.  La défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada (Canada), fait les réclamations suivantes contre Hoffmann­La Roche Limitée (Roche) :

a)  contribution et indemnité pour tout montant que le Canada pourrait être tenu de payer aux demandeurs dans l’une ou plusieurs des six (6) actions suivantes : T­724­19; T­725­19; T­726­19; T­1319­19; T­1320­19; et T­1321­19, y compris les montants accordés pour les intérêts et les frais;

b)  les coûts engagés par le Canada pour la défense à l’égard des principales actions;

c)  Les coûts engagés par le Canada pour la procédure de mise en cause.

2.  Roche est une société constituée en vertu des lois du Canada. Roche exerce ses activités à Mississauga, en Ontario, en tant que fabricant et distributeur de médicaments pharmaceutiques, y compris le médicament antipaludique méfloquine. Pendant toute la période en cause, Roche a fabriqué et distribué la méfloquine, vendue sous le nom commercial de Lariam.

3.  Santé Canada a approuvé la méfloquine en janvier 1993 pour la prévention et le traitement du paludisme, et le médicament a été commercialisé au Canada en décembre 1993.

4.  En août 1990, la méfloquine était accessible à tous les Canadiens dans le cadre d’un essai clinique (appelé « l’étude de contrôle de l’innocuité ») parrainé par Roche et approuvé par Santé Canada. À l’époque, la méfloquine était déjà sur le marché au Royaume­Uni, aux États­Unis et dans de nombreux autres pays.

5.  L’étude de contrôle de l’innocuité devait permettre aux Canadiens qui se rendaient dans des régions où sévissait une forme de paludisme résistante à la chloroquine d’avoir accès à la méfloquine dans des conditions contrôlées. Dans le cadre de l’étude de contrôle de l’innocuité, des données sur l’innocuité devaient être recueillies auprès de tous les voyageurs ayant reçu de la méfloquine selon le protocole prévu, et ces données devaient être communiquées à Roche par les enquêteurs travaillant à l’étude. Roche devait faire rapport régulièrement à Santé Canada de l’état de l’essai et de tous les effets indésirables du médicament.

6.  Le ministère de la Défense nationale (MDN) a participé à l’étude de contrôle de l’innocuité de mars 1991 à février 1992. Pendant cette période, quatre­vingt­seize (96) membres des FAC ont reçu de la méfloquine dans le cadre de l’Étude.

7.  Cent quatre­vingt­quinze (195) demandeurs allèguent que, de 1992 à 2017, lorsqu’ils étaient membres des Forces armées canadiennes (FAC), les FAC et le MDN leur ont ordonné de prendre de la méfloquine avant d’être déployés dans des régions où le paludisme était endémique (par exemple la Somalie et l’Afghanistan).

8.  Tous les plaignants allèguent qu’ils ont reçu l’ordre de prendre de la méfloquine, alors que les FAC et le MDN savaient ou auraient dû savoir que la méfloquine avait des effets secondaires graves sur le plan neurologique et sur le plan psychiatrique. Les demandeurs allèguent que les FAC et le MDN étaient au courant des risques associés à la méfloquine et qu’ils leur ont délibérément caché ces risques ou ont omis de les en avertir, et qu’ils ne les ont pas soumis à un dépistage adéquat avant de leur ordonner de prendre le médicament. Les demandeurs cherchent à obtenir une série de jugements déclaratoires contre le Canada ainsi que des centaines de millions de dollars en dommages­intérêts, non seulement pour négligence, mais aussi pour déclaration inexacte faite avec négligence, pour manquement à l’obligation fiduciaire, pour voies de fait et pour violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

9.  Si les actions intentées à la Cour fédérale vont de l’avant et que le Canada doit présenter une défense, il rejettera toute responsabilité. Le Canada niera également que les demandeurs ont subi les préjudices allégués en raison de la prise de méfloquine. Le Canada exigera que les demandeurs en fassent la preuve.

10. La responsabilité éventuelle de Roche a été soulevée dans essentiellement la même instance qui a été introduite comme recours collectif envisagé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (CSJO) en janvier 2019. Le représentant demandeur dans cette affaire, qui est représenté par le même avocat que celui qui représente les demandeurs dans les actions devant la Cour fédérale, a formulé une série d’allégations de manquement à l’obligation de diligence de la part de Roche relativement au rôle de cette dernière dans l’étude de contrôle de l’innocuité au début des années 1990 et dans la distribution de la méfloquine.

11. Un tableau joint aux observations écrites du Canada, et constituant l’annexe 1, montre les similitudes entre les allégations de manquement à l’obligation de diligence formulées contre Roche devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et celles formulées contre le Canada dans les actions dont est saisie la Cour fédérale en l’espèce.

12. Si les allégations formulées contre Roche devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’avèrent fondées, et qu’un lien de causalité est établi, Roche serait partiellement ou entièrement responsable des préjudices que les demandeurs allèguent avoir subis dans les actions dont est saisie la Cour fédérale en l’espèce.

13. Par conséquent, le Canada engage la présente procédure de mise en cause contre Roche pour obtenir une contribution et une indemnité en vertu de la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario, L.R.O. 1990, c N.1, et ses modifications.

14. Le Canada propose que la mise en cause soit instruite simultanément aux principales actions à Toronto, ou immédiatement après.

[19]  Les demandeurs affirment que les détails fournis relativement à la procédure de mise en cause envisagée ne sont pas suffisants pour justifier un intérêt véritable à y donner suite. Ils se plaignent de l’absence de faits importants relatifs aux allégations qui constituent le fondement de la mise en cause, et du fait qu’il n’est en conséquence pas possible d’évaluer ce que Roche aurait fait ou la négligence alléguée.

[20]  Comme il est mentionné dans la décision Dobbie, précitée, au para 14, dans le cas d’une requête en suspension, la Cour n’a pas besoin que la procédure de mise en cause fasse état des détails de la négligence qui sont nécessaires pour respecter les règles ordinaires de la procédure écrite. Il suffit que le défendeur énonce le fondement rationnel de la procédure de mise en cause.

[21]  En l’espèce, le Canada s’appuie, à titre de fondement rationnel de la procédure de mise en cause, sur les allégations que les anciens membres des FAC ont déjà formulées eux­mêmes dans le recours collectif envisagé de M. Dowe contre Roche pour négligence et manquement à l’obligation de diligence. Comme il a été mentionné précédemment, le Canada et Roche sont les parties défenderesses désignées nommément dans le recours collectif envisagé de M. Dowe.

[22]  Comme l’a fait valoir le Canada, si les allégations formulées contre Roche s’avèrent fondées et qu’un lien de causalité est établi, Roche serait partiellement ou entièrement responsable des préjudices qu’auraient subi les demandeurs. Il est raisonnable de conclure que le Canada engagerait une procédure de mise en cause pour réclamer lui aussi une indemnité à Roche pour les mêmes causes d’action que celles alléguées. Comme le mentionne dans des termes semblables la décision Dobbie, précitée, au para 14, le fait que Roche soit déjà partie défenderesse dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, dans lequel les demandeurs formulent des allégations contre le Canada qui sont semblables à celles formulées dans les actions à la Cour fédérale, permet de justifier davantage la procédure de mise en cause envisagée.

[23]  Les demandeurs contestent également le fait que les déclarations en défense n’ont pas encore été déposées dans le cadre des actions à la Cour fédérale. Toutefois, il n’est pas nécessaire de présenter les déclarations en défense avant d’invoquer l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales : Gottfriedson c Canada (Procureur général), 2013 CF 546, au para 6.

[24]  Je suis d’accord avec le Canada; le fondement de la procédure de mise en cause envisagée est énoncé suffisamment en détail dans les documents de la requête.

[25]  En ce qui concerne la probabilité de succès de la procédure de mise en cause envisagée, comme il est mentionné dans la décision Dobbie, précitée, aux para 17 et 18, il serait inopportun, à ce stade‑ci de l’analyse, que la Cour évalue les chances raisonnables de succès de la requête, car c’est à la Cour qu’il revient de décider du bien­fondé de l’affaire. Le seuil proposé pour cette partie du critère est celui de savoir s’il est manifeste que la procédure n’a aucune chance de succès. En l’espèce, à la lumière des faits allégués, notamment des allégations semblables qui ont également été formulées par d’anciens membres des FAC dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, je ne peux conclure qu’il serait manifeste que la procédure de mise en cause n’ait aucune chance de succès.

[26]  À la lumière des documents déposés et des faits en cause, je suis d’avis que le Canada souhaite vraiment engager une procédure de mise en cause fondée sur les allégations proposées.

B.  La procédure de mise en cause projetée relève­t­elle de la compétence de la Cour?

[27]  Pour qu’une instance relève de la compétence de la Cour fédérale, elle doit satisfaire au critère en trois volets énoncé dans l’arrêt ITO‑International Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, au para 12 (le critère de l’arrêt ITO) :

1.  Il doit y avoir une attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral;

2.  Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3.  La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[28]  Pour que le premier volet du critère de l’arrêt ITO soit satisfait, il doit y avoir une loi fédérale qui confère à la Cour fédérale le pouvoir de trancher les questions en litige.

[29]  Dans la procédure de mise en cause projetée, la Couronne réclame une réparation à Roche, une tierce partie qui est le fabricant de la méfloquine. Les allégations sont de nature civile et non criminelle.

[30]  Le paragraphe 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales confère à la Cour fédérale la compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada. Le Canada ne conteste pas le fait que le premier volet du critère de l’arrêt ITO est satisfait.

[31]  Toutefois, cette attribution législative de compétence se limite aux questions qui satisfont au reste du critère de l’arrêt ITO, c’est­à­dire les causes régies par un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à leur solution, lesquelles règles de droit sont une « loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 : Dobbie, précitée, au para 22. Comme il est mentionné dans Stoney Band c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), (2005), 337 N.R. 265 (CAF), il y a chevauchement entre les deuxième et troisième volets du critère de l’arrêt ITO.

[32]  Pour que les deuxième et troisième volets du critère de l’arrêt ITO soient satisfaits, la règle de droit fédérale doit être la loi invoquée par les demandeurs; elle doit être essentielle à la solution du litige et elle doit constituer le fondement de l’attribution de compétence visée au paragraphe 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales : Kigowa c Canada (CA), [1990] 1 CF 804, au para 17; Windsor (City) c Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, aux para 66­69 (Windsor City). Pour les deuxième et troisième volets du critère de l’arrêt ITO, l’analyse est contextuelle.

[33]  Afin d’établir si une demande satisfait aux exigences du critère de l’arrêt ITO, il est impératif d’apprécier la demande pour en déterminer la nature essentielle, ou le « caractère véritable », selon une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur : Windsor City, précité, au para 26; 744185 Ontario Inc. c Canada, 2020 CAF 1, au para 31 (Air Muskoka).

[34]  Comme le résume l’arrêt Peter G. White Management Ltd. c Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2006 CAF 190, au para 58 :

[…] la Cour fédérale a compétence sur une affaire qui « de par son caractère véritable » est fondée sur une loi fédérale et, dans un tel cas, elle peut appliquer accessoirement une loi provinciale dans le cadre de la solution du litige : ITO‑International Terminal Operators, aux pages 781 et 782; à l’inverse, lorsqu’une affaire, « de par son caractère véritable », est fondée sur la common law provinciale, elle ne relève pas de la compétence fédérale, même si elle exige accessoirement que l’on tranche une question relevant du droit fédéral : Bande de Stoney, au paragraphe 57.

[35]  Si une telle analyse est appliquée à une demande de mise en cause, cette dernière doit être appréciée séparément de la réclamation principale, bien que la réclamation principale puisse aider à déterminer la nature essentielle de la demande de mise en cause : Air Muskoka, précité, au para 32.

[36]  En l’espèce, dans la demande de mise en cause, le Canada réclame une contribution et une indemnité pour les dommages­intérêts qui seraient accordés contre lui dans les actions à la Cour fédérale (paragraphe 1a)). Il réclame également une contribution et une indemnité en vertu de la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario, L.R.O. 1990, c N.1, et ses modifications (paragraphe 13).

[37]  Le Canada soutient que la procédure de mise en cause est fondée sur la common law de la négligence et qu’elle est régie par la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario. Il affirme qu’il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales, ou « une loi du Canada », qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution de la compétence à la Cour.

[38]  Les demandeurs affirment que l’argument du Canada n’est pas valable, car il repose sur le fait que la procédure de mise en cause est fondée uniquement sur la négligence et ne tient pas compte de la relation qui est au cœur des actions devant la Cour fédérale, à savoir la relation entre le Canada et ses soldats. Les demandeurs affirment que les allégations formulées sont fondées sur le droit militaire canadien et sur l’obligation fiduciaire de common law que le Canada a envers les membres des FAC, conformément au régime législatif de la Loi sur la défense nationale et de ses règlements d’application, qui sont de nature fédérale : MacKay c La Reine, [1980] 2 RCS 370, p 397.

[39]  Comme l’ont fait valoir les demandeurs, les obligations juridiques envers les membres des FAC, qu’il s’agisse des obligations d’origine législative ou des obligations de common law, sont de nature fédérale. Les demandeurs soutiennent que les membres des FAC ont reçu l’ordre de prendre de la méfloquine au titre de l’article 126 de la Loi sur la défense nationale, qui prévoit ce qui suit :

126. La transgression, délibérée et sans motif valable, de l’ordre de se soumettre à toute forme d’immunisation ou de contrôle immunitaire, à des tests sanguins ou à un traitement anti­infectieux constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement de moins de deux ans.

[40]  Dans la preuve produite par les demandeurs, ces derniers soutiennent que les FAC ont pour politique de ne pas demander de consentement écrit et éclairé lorsque des médicaments ou des vaccins préventifs sont prescrits, car cela n’est pas compatible avec les exigences opérationnelles en question.

[41]  Les demandeurs affirment en outre que les allégations formulées sont fondées sur le droit concernant les essais cliniques de médicaments pharmaceutiques visés par la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes, qui sont également de nature fédérale.

[42]  Selon les demandeurs, le MDN et les FAC n’ont pas suivi les protocoles nécessaires imposés par la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes relativement à l’Étude de contrôle de l’innocuité du Lariam, notamment en ce qui concerne la distribution du médicament et l’obtention du consentement éclairé des personnes qui prenaient le médicament.

[43]  Les demandeurs cherchent à établir un parallèle entre la présente affaire et l’affaire Canada (Procureur général) c Gofftriedson, 2014 CAF 55 (Gottfriedson), une affaire concernant l’obligation fiduciaire du Canada envers les bandes autochtones et leurs membres dans le contexte de la politique sur les pensionnats. Dans cette affaire, le Canada a déposé une procédure de mise en cause contre divers ordres religieux qui dirigeaient des pensionnats indiens et il a présenté une requête en suspension de l’action à la Cour fédérale. La Cour fédérale a rejeté la requête en suspension et a déclaré ce qui suit :

[37] Bien que les mises en cause ne signalent nullement l’obligation fiduciaire de la Couronne et l’honneur de la Couronne, l’obligation accrue imposée à la Couronne dans ses rapports avec les peuples autochtones joue un rôle central dans cette procédure. Se contenter d’affirmer que les ordres religieux ont contribué à la perte d’identité en raison de la politique des pensionnats indiens élude la question de savoir en fonction de quelles normes la conduite des ordres religieux doit être appréciée pour rechercher s’ils ont également commis une faute.

[38] Bien que nous n’ayons pas en main la défense que les ordres religieux déposeront, l’issue dépendra nécessairement en grande partie, voire exclusivement, des ententes écrites et verbales que les ordres religieux auraient violées et des mesures prises par la Couronne pour s’assurer que l’obligation accrue à laquelle elle était tenue envers les étudiants indiens externes et les bandes demanderesses avait été portée à la connaissance des organismes chargés d’exploiter les pensionnats indiens.

Au­delà de la relation sui generis qui existe entre la Couronne, les bandes demanderesses et leurs membres, la Loi sur les Indiens, et en particulier ses articles 114 et suivants, se trouvent également au cœur tant de l’action principale que des mises en cause. Ces dispositions et celles qui les ont précédées chargent le Canada de l’instruction des étudiants indiens externes. Le Canada a retenu les services des ordres religieux pour remplir cette obligation.

[…]

[43] [...] le débat portera sur la question de savoir si la Couronne a fait prendre conscience aux ordres religieux de l’obligation accrue qu’ils avaient d’instruire les étudiants indiens externes de manière à protéger leur identité. Cette conclusion sera entièrement fondée sur les ententes conclues par la Couronne et les ordres religieux sous le régime de la Loi sur les Indiens. La présumée faute contributive des ordres religieux dépend de cette conclusion.

[44]  Le Canada s’oppose à cette analogie et il invoque l’arrêt Air Muskoka à l’appui de ses arguments. Cette affaire portait sur une entreprise exploitée depuis des locaux loués situés à l’aéroport de Muskoka, lequel est situé sur des terres de la Couronne qui faisaient initialement l’objet d’une concession à bail et qui ont ensuite été cédées à la municipalité de Muskoka. La municipalité avait signé une convention d’indemnisation en vertu de laquelle elle s’engageait à indemniser la Couronne à l’égard des dommages que cette dernière pourrait subir en raison de l’incapacité de la municipalité à respecter les clauses de toute entente découlant de la cession. Dans l’action, Air Muskoka a poursuivi uniquement la Couronne pour conduite délictuelle présumée de la part de la municipalité, en soutenant que la municipalité n’avait pas géré l’aéroport de manière adéquate, qu’elle n’avait pas respecté ses obligations fiduciaires et contractuelles envers elle et qu’elle avait fait fi des droits d’Air Muskoka en sa qualité de locataire. Le Canada a procédé à une mise en cause pour obtenir une contribution et une indemnité de la municipalité en vertu de la convention d’indemnisation et de la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario, et il a présenté une requête en suspension des procédures en vertu de l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

[45]  En confirmant la décision attaquée, en vertu de laquelle la suspension avait été accordée, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires suivants au sujet de l’appréciation de la demande de mise en cause :

[57] [la demande de mise en cause] [...] semble être fondée sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle [...]. Même si le contexte factuel de la demande de mise en cause entoure l’exploitation, l’entretien et la gestion de l’aéroport par la municipalité, il ne permet pas de définir l’essence de cette demande.

[58] La demande de mise en cause est une demande de nature contractuelle ainsi qu’une demande de nature délictuelle de contribution et d’indemnité aux termes de la Loi sur le partage de la responsabilité (Ontario). Les actes dénoncés par Air Muskoka dans ses allégations de saisie­gagerie illégale, d’ingérence intentionnelle dans les rapports contractuels et de présentation erronée des faits sont tous fondés sur la responsabilité délictuelle. Dans sa demande de nature délictuelle de contribution et d’indemnité, la Couronne invoque la responsabilité délictuelle en common law et la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario en vue de solliciter la contribution de la municipalité et de lui demander une indemnité à l’égard de ces délits.

[59] Étant donné que les allégations contenues dans la demande de mise en cause sont fondées sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, comme il est indiqué dans l’arrêt Peter G. White, la question centrale est de savoir si les droits des parties relativement à la demande de mise en cause prennent naissance dans un cadre législatif détaillé et sont régis en grande partie par ce dernier, de façon suffisante pour conclure à l’attribution de la compétence à la Cour fédérale.

[60] Air Muskoka a omis de faire mention d’un tel cadre qui régit les paramètres des droits pertinents pour la demande de mise en cause. Les éléments relatifs à l’aéronautique présentés par l’appelante, à savoir le fait que le bail est un document d’aviation au sens de la Loi sur l’aéronautique, que le ministre des Transports a le pouvoir d’approuver les modifications aux installations d’avitaillement en carburant et que les activités de l’aéroport sont très fortement réglementées d’après les normes établies dans les règlements promulgués aux termes de la Loi sur l’aéronautique, ne sont pas des éléments essentiels aux allégations contenues dans la demande de mise en cause des appelants.

[46]  En l’espèce, comme dans l’affaire Dobbie, dans laquelle il était question d’une demande de mise en cause à l’égard des fabricants des agents Blanc, Orange et Pourpre, le Canada cherchait à déposer une demande de mise en cause, en l’espèce à l’égard du fabricant et du distributeur du médicament, qui aurait causé des effets néfastes sur la santé. Les allégations formulées contre Roche visent l’obtention d’une contribution et d’une indemnité pour les délits allégués commis à l’endroit du Canada et en particulier pour les dommages­intérêts réclamés en vertu de la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario en raison de la négligence alléguée. Pour trancher cette demande d’indemnité pour négligence, il faudra examiner l’obligation de diligence qu’aurait Roche envers les membres des FAC, qui sont ceux qui prennent le médicament. Comme fondement de ses allégations de négligence et de sa demande de contribution, le Canada cherche à s’appuyer sur les allégations formulées contre Roche par les membres du groupe du recours collectif envisagé de M. Dowe, lesquelles chevauchent également les allégations formulées contre le Canada dans le recours collectif envisagé de M. Dowe et dans les actions à la Cour fédérale, comme il est énoncé aux annexes 1 et 2 des documents de la requête du Canada. Dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, les membres du groupe affirment que la société Roche a manqué à son obligation de diligence pour les raisons suivantes :

a)  elle n’a pas suivi l’étude sur le Lariam;

b)  elle n’a pas obtenu le consentement éclairé de M. Dowe et des membres du groupe avant d’administrer la méfloquine;

c)  elle n’a pas obtenu le consentement de M. Dowe et des membres du groupe pour qu’ils participent à l’étude sur le Lariam;

d)  elle n’a pas avisé M. Dowe et les membres du groupe de s’abstenir de consommer de l’alcool lorsqu’ils prennent de la méfloquine;

e)  elle n’a pas informé M. Dowe et les membres du groupe des risques et des effets secondaires associés à la méfloquine;

f)  elle n’a pas administré la méfloquine à M. Dowe et aux membres du groupe de façon sécuritaire et compétente;

g)  elle n’a pas veillé à ce que le Canada se conforme à l’Étude de contrôle de l’innocuité;

h)  elle n’a pas enquêté adéquatement sur les effets secondaires associés à la méfloquine;

i)  elle a continué d’approvisionner le Canada en méfloquine alors qu’elle savait ou aurait dû savoir que l’Étude de contrôle de l’innocuité n’était pas suivie;

j)  elle n’a pas veillé à ce qu’il y ait une bonne communication entre Hoffmann et le Canada afin que Hoffmann et le Canada puissent être informés des effets secondaires subis par M. Dowe et les membres du groupe;

k)  elle a fourni à M. Dowe, aux membres du groupe et au Canada un médicament qu’elle savait, ou aurait dû savoir, ne pas convenir à un usage militaire;

l)  elle a fait des expériences sur M. Dowe et les membres du groupe sans leur consentement;

m)  elle a communiqué au Canada des renseignements inexacts ou trompeurs concernant l’efficacité de la méfloquine;

n)  elle n’a pas tenu compte des appels pour que cesse l’utilisation de la méfloquine.

[47]  Aucune de ces affirmations faites contre Roche ne tient compte d’une obligation accrue découlant de la relation entre le Canada et les membres des FAC encadrée par la Loi sur la défense nationale.

[48]  Les demandeurs n’ont d’ailleurs invoqué aucun fondement législatif tiré de la Loi sur la défense nationale qui permettrait de justifier qu’une obligation fiduciaire du Canada à l’endroit des membres des FAC soit imposée à Roche.

[49]  Comme l’a soulevé récemment le Canada, dans l’arrêt Scott v Canada (Attorney General) de la Cour d’appel de la Colombie­Britannique, 2017 BCCA 422, aux para 68­73, la Cour a refusé d’élargir le principe constitutionnel de l’« honneur de la Couronne » utilisé en droit autochtone pour qu’il serve de fondement aux réclamations d’anciens membres des FAC contre la Couronne, et elle a rejeté le concept d’obligation fiduciaire de la Couronne envers les membres des FAC dans le contexte de la demande d’avantages administratifs qui avait été présentée.

[50]  En l’espèce, aucun élément de preuve n’indique que la Loi sur la défense nationale impose des obligations à la société Roche parce qu’elle a fourni de la méfloquine au MDN ou aux membres des FAC. À mon avis, les allégations contre Roche ne sont pas fondées sur la structure législative de la Loi sur la défense nationale.

[51]  Je suis d’accord avec le Canada : je considère que la relation sui generis en cause dans la présente affaire n’est pas la même que dans l’arrêt Gottfriedson. Le parallèle peut être établi avec les affaires Air Muskoka et Dobbie, mais non avec Gottfriedson.

[52]  De plus, la source des allégations formulées contre Roche ne dépend pas du cadre législatif de la Loi sur les aliments et drogues ni de la conformité de Roche à ce cadre. Bien que la Loi sur les aliments et drogues énonce certaines exigences en ce qui a trait à l’établissement de l’innocuité et de l’efficacité des médicaments devant être commercialisés, ainsi que des exigences pour les essais cliniques des médicaments, ces dispositions ne sont pas contestées. C’est plutôt la conduite de Roche qui est mise en doute.

[53]  Je conviens avec le Canada que la question centrale est de savoir si Roche a sciemment fabriqué et fourni un médicament dangereux. Les actes reprochés sont assimilables à des actes délictueux qui résultent d’une obligation alléguée de diligence en common law découlant de la fabrication et de la distribution du médicament par Roche et du rôle de cette dernière dans l’étude sur le Lariam. La mise en cause est fondée sur des allégations de délit et non sur le droit réglementaire des médicaments.

[54]  À mon avis, la mise en cause envisagée ne relève pas de la compétence de la Cour.

[55]  Bien que ma conclusion sur l’article 50.1 soit suffisante pour me permettre de trancher la présente requête, par souci d’exhaustivité, je vais ci‑après pousser l’analyse aux alinéas 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales.

III.  Alinéas 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales

[56]  Les alinéas 50(1)a) et b) de la Loi sur les Cours fédérales sont libellés ainsi :

Suspension d’instance

Stay of proceedings authorized

 

50 (1) La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

 

50 (1) The Federal Court of Appeal or Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

 

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

 

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

[57]  La suspension visée à l’alinéa 50(1)a) n’est accordée que dans les circonstances les plus claires. La partie qui demande la suspension doit démontrer que la poursuite de l’instance visée causera un préjudice ou une injustice (non seulement des inconvénients ou des frais supplémentaires) à la partie défenderesse, et que la suspension ne créerait pas une injustice envers le demandeur : White c E.B.F. Manufacturing Limited, 2001 CFPI 713; Canada (Procureur général) c Premières nations de Cold Lake, 2015 CF 1197, au para 14 (Premières nations de Cold Lake).

[58]  Pour décider si la suspension devrait être accordée, la Cour doit établir si les faits allégués, les questions de droit soulevées et la réparation demandée sont similaires ou les mêmes dans les deux instances et s’il y a des possibilités que les deux tribunaux tirent des conclusions contradictoires. À moins qu’il y ait un risque que deux tribunaux différents rendent prochainement une décision sur la même question, la Cour devrait faire preuve d’une grande réticence à limiter le droit d’accès d’une partie en litige à la justice et à une décision d’un tribunal. La priorité ne doit pas nécessairement être accordée à la première instance par rapport à la deuxième ou vice versa. White, précitée; Premières nations de Cold Lake, précitée, au para 14.

[59]  Les demandeurs affirment que le recours collectif de M. Dowe ne fait pas double emploi avec la présente instance, car les demandeurs individuels dans les actions à la Cour fédérale ne sont pas parties au recours collectif envisagé de M. Dowe. Comme l’ont affirmé les demandeurs, l’argument fondé sur l’alinéa 50(1)a) suppose que les demandeurs dans l’instance à la Cour fédérale se joindraient au recours collectif à titre de membres du groupe. Toutefois, les membres présumés du groupe conservent toujours le droit de poursuivre leurs propres actions individuelles, et ils ne peuvent être forcés de se joindre à un recours collectif et il ne peut être présumé qu’ils le feront.

[60]  Les demandeurs soutiennent que le recours collectif envisagé de M. Dowe n’est pas une solution de rechange adéquate et qu’il s’agit d’un moyen moins souhaitable pour faire valoir les demandes des demandeurs. En l’espèce, l’avocat des demandeurs affirme que les demandeurs désignés dans les actions à la Cour fédérale ne souhaitent pas se joindre au recours collectif de M. Dowe.

[61]  J’ai examiné les allégations formulées dans le recours collectif envisagé de M. Dowe et dans l’instance en cours à la Cour fédérale. Les allégations sont semblables et se chevauchent. Si une décision était rendue dans le recours collectif envisagé de M. Dowe, il est clair que les conclusions tirées auraient une incidence sur les allégations faites dans les présentes actions, et vice versa.

[62]  Toutefois, à la lumière des documents déposés à la Cour, je ne peux conclure que l’exigence de l’alinéa 50(1)a) a été satisfaite, compte tenu particulièrement du fait qu’aucune preuve ne démontre que les demandeurs désignés dans les actions à la Cour fédérale se joindront aux membres du groupe du recours collectif envisagé de M. Dowe. La preuve indique plutôt que les demandeurs ne souhaitent pas participer au recours collectif envisagé de M. Dowe. Obliger les demandeurs à participer au recours collectif projeté serait injuste et contraire aux principes associés au droit de retrait : 1250264 Ontario Inc. v Pet Valu Canada Inc., 2013 ONCA 279, au para 41­42.

[63]  Je constate que la position du Canada, soulignée dans ses observations en réponse, n’est pas que les demandeurs devraient devoir poursuivre leurs réclamations dans le cadre du recours collectif envisagé de M. Dowe. Le Canada fait plutôt valoir que, puisqu’il y a déjà une instance à la Cour supérieure de l’Ontario contre le Canada et Roche portant sur les mêmes questions, l’intérêt de la justice exigerait (alinéa 50(1)b)) que le litige soit instruit devant cette Cour.

[64]  Je conviens qu’il serait peut­être préférable et plus efficace que toute demande autonome soit présentée devant le même tribunal que le recours collectif envisagé de M. Dowe afin d’éviter des conclusions contradictoires. J’estime cependant qu’il est prématuré de suspendre les actions devant la Cour fédérale au titre de l’alinéa 50(1)b) pour ce motif, car le recours collectif envisagé de M. Dowe n’a pas encore progressé et n’a même pas encore été autorisé.

[65]  La réparation en l’espèce est prévue à l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales et elle repose sur les questions de compétence soulevées par la demande de mise en cause. C’est sur cette base que j’accorde la réparation demandée.

IV.  Mesure subsidiaire

[66]  Dans leur requête, les demandeurs ont demandé, si une suspension est accordée au titre de l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales, d’être autorisés à modifier leurs déclarations introductives d’instance avant que les actions ne soient suspendues. Compte tenu des observations présentées, et en l’absence de détails supplémentaires sur la nature des modifications demandées, je ne vois aucune raison d’autoriser des modifications à cette étape. Par conséquent, la mesure subsidiaire demandée est rejetée.


ORDONNANCE dans les dossiers T­724­19, T­725­19,

T­726­19, T­1319­19, T­1320­19, T­1321­19

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est accueillie en partie. Les actions intentées devant la Cour fédérale dans les dossiers T­724­19, T­725­19, T­726­19, T­1319­19, T­1320­19 et T­1321­19 sont par les présentes suspendues au titre de l’article 50.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

  2. La demande d’autorisation de modifier les déclarations introductives d’instance est rejetée.

  3. Comme le Canada n’a demandé aucuns dépens pour la requête, aucune ordonnance n’est rendue concernant les dépens.

« Angela Furlanetto »

Juge responsable de la gestion de l’instance

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T­724­19, T­725­19, T­726­19, T­1319­19; T­1320­19 et T­1321­19

 

DOSSIER :

T­724­19

 

INTITULÉ :

SHAUN WILLIAM ARNTSEN ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T­725­19

 

INTITULÉ :

DAVID BONA ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T­726­19

 

INTITULÉ :

CHRISTIAN MCEACHERN ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T­1319­19

 

INTITULÉ :

STEPHEN BOULAY ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T­1320­19

 

INTITULÉ :

ALLAN ALEXANDER ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T­1321­19

 

INTITULÉ :

WILLIAM AITKEN ET AL. c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MAI 2020

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE ANGELA FURLANETTO, RESPONSABLE DE LA GESTION DE L’INSTANCE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 SEPTEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

John Kingman Phillips

Tina Yang

POUR LES DEMANDEURS

 

Joel Robichaud

Shain Widdifield

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Howie, Sacks and Henry LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

et

Waddell Phillips PC

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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