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Date : 20200928


Dossier : IMM‑5875‑19

Référence : 2020 CF 935

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2020

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

ANKUSH KUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Monsieur Ankush Kumar demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté sa demande de permis de travail. M. Kumar sollicite une ordonnance visant l’annulation de la décision et le renvoi de l’affaire en vue d’un nouvel examen. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II.  Faits et décision faisant l’objet du contrôle

[2]  Dhanju Group Inc. (DGI) a offert d’embaucher M. Kumar en tant que cuisinier dans un restaurant indien à Edmonton. M. Kumar est un étranger et un citoyen de l’Inde. Avant que M. Kumar puisse travailler au Canada, DGI et lui étaient tenus de satisfaire aux conditions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. DGI a satisfait à une des conditions en obtenant une étude d’impact sur le marché du travail (l’EIMT) qui indiquait que le fait d’embaucher un travailleur étranger temporaire aurait un effet positif ou neutre sur le marché du travail canadien. Une autre des conditions était que M. Kumar obtienne un permis de travail, mais sa demande a été rejetée.

[3]  L’agent a rejeté la demande de permis de travail de M. Kumar au motif que ce dernier n’avait pas démontré qu’il serait en mesure d’exercer adéquatement l’emploi. L’agent a invité M. Kumar à présenter une nouvelle demande. Les motifs de l’agent figurent dans les notes consignées au Système mondial de gestion des cas (le SMGC) :

[traduction]

Le demandeur présente une demande de permis de travail au titre de l’article 203 du RIPR. L’EIMT est confirmée, elle est valide et elle indique le nom du demandeur. Le demandeur a présenté une offre d’emploi publiée par Dhanju Group Inc. relativement à un poste de cuisinier pour un an. [EIMT] Exigences : Un diplôme d’études secondaires est habituellement exigé. / Un programme d’apprentissage de trois ans pour cuisiniers, un cours de niveau collégial ou autre en cuisine, ou plusieurs années d’expérience comme cuisinier en restauration sont exigés. Le demandeur a présenté peu de lettres de recommandation. Je souligne que ces lettres contiennent des erreurs de grammaire et de forme. Le demandeur n’a pas fourni de certificats d’études. Aucun élément de preuve n’a été présenté quant au niveau de compétence du demandeur en anglais. Le dossier a été étudié. Au vu des documents présentés par le demandeur, je ne suis pas convaincu que celui‑ci satisfait aux exigences de l’[EIMT]. La demande est rejetée au titre de l’alinéa 200(3)a) du RIPR.

[4]  M. Kumar conteste la décision sous‑jacente au motif que (1) l’agent a manqué à l’obligation d’équité procédurale et que (2) l’agent a conclu de manière déraisonnable que M. Kumar n’avait pas démontré qu’il serait en mesure d’exercer adéquatement l’emploi. En premier lieu, M. Kumar soutient qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas été en mesure de présenter l’intégralité de sa cause. Il affirme que l’agent aurait dû lui offrir la possibilité de dissiper les préoccupations selon lesquelles les documents présentés à l’appui de sa demande étaient insuffisants. Il soutient que les exigences de l’emploi étaient ambiguës et que le processus de demande en ligne l’avait amené à croire que son dossier était complet et qu’il avait fourni tous les documents requis. En second lieu, M. Kumar soutient que l’agent n’avait pas de motif raisonnable de croire qu’il ne serait pas en mesure d’exercer l’emploi visé. Les documents présentés à l’appui de sa demande comprenaient un curriculum vitæ (le CV), qui indiquait que M. Kumar satisfaisait aux exigences relatives à la langue et aux études, ainsi que des lettres de recommandation liées aux fonctions de cuisinier en restauration qu’il exerce depuis 2013. Selon M. Kumar, l’agent n’a pas expliqué pourquoi il mettait en doute l’authenticité des documents justificatifs ni pourquoi il jugeait que ces documents ne suffisaient pas à démontrer la capacité de M. Kumar à exercer l’emploi.

III.  Questions en litige et norme de contrôle applicable

[5]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale?

  2. La décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail était‑elle raisonnable?

[6]  La norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question en litige est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17, 23‑25 [Vavilov]; Sun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1548 au para 15 [Sun]. Un tribunal qui procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes : Vavilov, au para 99. C’est à M. Kumar qu’il incombe de démontrer que la décision de l’agent est déraisonnable.

[7]  La norme présumée de la décision raisonnable ne s’applique pas aux questions touchant l’équité procédurale : Vavilov, aux para 23, 77. Les observations des parties quant à la norme de contrôle qui s’applique aux questions touchant l’équité procédurale peuvent être résumées de la manière qui suit. M. Kumar soutient que l’obligation d’équité procédurale exigeait de l’agent qu’il lui offre une occasion valable de présenter sa position et qu’il procède à un examen complet et équitable de sa demande : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 30 [Baker]. M. Kumar fait valoir que l’arrêt Vavilov n’a en rien changé la norme de contrôle qui s’applique aux questions relatives à l’équité procédurale, lesquelles demeurent susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[8]  Le défendeur affirme que l’obligation d’équité procédurale est souple et tributaire du contexte : Vavilov, au para 11. Le défendeur s’appuie sur le jugement Wardak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 582, au para 25 (citant Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadien Pacifique]), selon lequel l’analyse relative à la norme de contrôle n’est pas nécessaire pour établir si le droit du demandeur à l’équité procédurale a été respecté. La question fondamentale est celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter, et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre.

[9]  À mon avis, les positions des parties quant à la norme de contrôle qui s’applique à la question relative à l’équité procédurale ne sont pas très différentes. Bien que les exigences de l’équité procédurale soient souples et tributaires du contexte, une fois qu’elles ont été définies, la cour de révision doit décider si la décision sous‑jacente respectait les exigences. Dans de nombreuses décisions rendues récemment, la Cour a établi que la norme reflétait celle de la décision correcte : Mannings c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 823 au para 43; Pardo Quitian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 846 au para 18; Vyshnevskyy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 881 au para 18. La question principale est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Canadien Pacifique, au para 54; Baker, aux para 837‑841.

[10]  Il n’est pas contesté que l’agent n’a pas offert à M. Kumar l’occasion de dissiper les préoccupations quant au caractère insuffisant des documents justificatifs. La question est de savoir si l’agent était tenu d’offrir à M. Kumar l’occasion de le faire eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce.

IV.  Question préliminaire : Objection à la preuve présentée dans le nouvel affidavit de M. Kumar

[11]  Dans le cadre de la présente instance, M. Kumar a présenté un affidavit visant à corriger un certain nombre des conclusions défavorables de l’agent. D’abord, les motifs de l’agent faisaient mention d’erreurs de grammaire et de forme dans les lettres de recommandation fournies par les anciens employeurs de M. Kumar. Dans son affidavit, celui‑ci explique que l’anglais n’était pas la langue maternelle de ses employeurs. Ensuite, M. Kumar soutient que l’agent a écarté son expérience professionnelle sur le fondement d’une mauvaise compréhension des descriptions de travail qui sont courantes dans l’industrie pour les cuisiniers qui exercent dans des cuisines commerciales. Ainsi, l’affidavit définit les termes utilisés dans les documents présentés à l’appui de la demande de permis de travail de M. Kumar (comme Commis 1 et Commis 3), et il comprend une pièce jointe décrivant les rôles et responsabilités associés à chacun de ces postes.

[12]  Le défendeur conteste l’admissibilité de certains éléments de l’affidavit de M. Kumar en s’appuyant sur le principe général selon lequel un dossier de preuve soumis à la cour de révision se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19 [Access Copyright]. Le défendeur est d’avis que la preuve contenue dans l’affidavit de M. Kumar, qui n’avait pas été présentée à l’agent, est inadmissible et n’est visée par aucune exception au principe général.

[13]  M. Kumar soutient qu’une telle preuve est admissible puisqu’elle est visée par l’exception reconnue selon laquelle une cour chargée de contrôler une décision en vue d’apprécier des questions d’équité procédurale peut admettre des éléments de preuve liés à des vices de procédure qui ne peuvent être décelés dans le dossier de preuve : Access Copyright, au para 20. Il affirme qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale du fait que l’agent aurait dû demander des explications s’il ne comprenait pas les termes utilisés dans l’industrie relativement à l’emploi en question.

[14]  Une cour de révision doit garder à l’esprit que son rôle ne consiste pas à tirer des conclusions de fait ni à rendre une nouvelle décision quant au fond de l’affaire dont était saisi le tribunal administratif. Le principe général selon lequel le dossier de preuve admissible dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait le tribunal administratif reconnaît les rôles distincts du tribunal administratif et de la cour de révision, et les exceptions à ce principe général doivent être compatibles avec ces rôles : Access Copyright, au para 20. J’estime que l’affidavit de M. Kumar est visé par une exception reconnue au principe général et qu’il est admissible dans la mesure où il appuie son argument relatif à l’équité procédurale. Cependant, il ne revient pas à la Cour de décider si M. Kumar satisfait aux exigences de l’emploi en question. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de la preuve dont l’agent ne disposait pas pour décider si la décision sur le fond rendue par celui‑ci était raisonnable.

V.  Analyse

A.  L’agent n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale

[15]  M. Kumar explique qu’il a dû présenter sa demande de permis de travail au moyen d’un processus de demande en ligne. Il affirme qu’il a présenté [traduction] « chacun des documents » requis énoncés dans la liste de vérification du processus de demande en ligne et qu’il croyait que sa demande était complète. Plus précisément, M. Kumar a téléversé un CV et des lettres de recommandation comme il était indiqué dans la liste de vérification. Toutefois, M. Kumar soutient qu’il ne lui a jamais été demandé, au cours du processus de demande en ligne, de fournir une preuve de sa scolarité (comme une copie de son diplôme d’études secondaires ou un relevé de notes) ou une preuve de son niveau de compétence en anglais à l’oral et à l’écrit. M. Kumar soutient avoir été privé de son droit à l’équité procédurale du fait que l’agent a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas fourni des documents qui n’étaient pas indiqués dans la liste de vérification en ligne (preuve de scolarité et preuve de sa maîtrise de l’anglais) et qu’avant de rejeter sa demande, l’agent ne lui a pas donné l’occasion de fournir ces documents supplémentaires. M. Kumar affirme que le processus en ligne ne permet à un demandeur que de téléverser uniquement les documents demandés.

[16]  En outre, M. Kumar fait valoir qu’étant donné la nature ambiguë des exigences de l’emploi, l’obligation d’équité procédurale voulait que l’agent lui offre l’occasion de dissiper les préoccupations : Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 484 au para 49 [Li]. Dans le cadre de sa demande, M. Kumar a fourni un CV qui dressait la liste de ses études. Ce CV indiquait en outre qu’il avait obtenu une note de 6 au test de compétence de l’IELTS (le système international de tests de la langue anglaise) et qu’il était capable de parler l’anglais. M. Kumar affirme que l’EIMT n’exigeait pas de résultats scolaires précis ni un niveau de compétence particulier en anglais. Tout comme le demandeur dans l’affaire Li, M. Kumar soutient que compte tenu de la preuve présentée à l’agent ainsi que des directives limitées quant aux études, à la langue et aux exigences de l’emploi visé, l’agent aurait dû lui donner l’occasion de dissiper les préoccupations.

[17]  Le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu manquement à l’obligation d’équité procédurale et que l’agent n’était pas tenu d’informer M. Kumar de ses préoccupations liées directement aux conditions énoncées dans la LIPR ou le RIPR, ou découlant de ceux‑ci : Anenih c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 718 au para 16 [Anenih]. Aux termes de l’alinéa 200(3)a) du RIPR, le permis de travail ne peut être délivré si « l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé ». Le défendeur fait valoir qu’il incombait à M. Kumar de fournir suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il satisfaisait aux exigences de l’emploi.

[18]  Pour les raisons exposées ci‑dessous, je suis d’avis que l’agent n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale. Plus précisément, je ne suis pas convaincue que l’agent était tenu d’offrir à M. Kumar l’occasion de dissiper les préoccupations concernant ses documents justificatifs eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire.

[19]  Si un demandeur de permis de travail peut s’attendre à bénéficier de l’équité procédurale, le degré d’équité procédurale auquel il a droit se situe à l’extrémité inférieure du spectre : Anenih, au para 15; Kindie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 850 au para 5. Le défendeur affirme avec raison qu’un agent n’est pas tenu de faire connaître au demandeur ses doutes se rapportant aux conditions énoncées dans la LIPR ou le RIPR : Anenih, au para 16; voir aussi Ayyalasomayajula c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 248 au para 18. La preuve qu’un demandeur est capable d’exercer l’emploi visé est une condition énoncée à l’alinéa 200(3)a) du RIPR.

[20]  En l’espèce, l’agent a conclu ce qui suit : [traduction] « Le demandeur n’a pas fourni de certificats d’études. Aucun élément de preuve n’a été présenté quant au niveau de compétence du demandeur en anglais. […] je ne suis pas convaincu que [le demandeur] satisfait aux exigences de l’[EIMT]. » Il était indiqué dans l’EIMT que des compétences en anglais à l’oral et à l’écrit étaient requises, de même qu’un diplôme d’études secondaires. Il incombait à M. Kumar de démontrer qu’il satisfaisait aux exigences énoncées dans l’EIMT.

[21]  En outre, même si la liste de vérification en ligne ne faisait pas précisément mention de documents comme des diplômes, des relevés de notes ou des certificats de compétence en anglais, elle comportait un champ où téléverser des documents démontrant que M. Kumar satisfaisait aux exigences de l’emploi offert. Cependant, M. Kumar n’a téléversé aucun document correspondant parce qu’il a cru à tort que l’exigence ne s’appliquait qu’aux professions réglementées en raison de la note explicative suivante :

[traduction]

Si la profession envisagée au Canada est réglementée, fournissez la preuve que l’organisme provincial, territorial ou professionnel responsable vous a accordé le permis d’exercer ou l’accréditation.

[22]  Plutôt que de fournir des documents démontrant sa capacité à exercer l’emploi (notamment des documents démontrant qu’il satisfaisait aux exigences liées aux études et à la langue), M. Kumar a téléversé une lettre de son avocat, laquelle indiquait que M. Kumar n’était [traduction] « pas tenu de fournir la preuve qu’il satisfai[sait] aux exigences de l’emploi offert » puisque l’emploi de cuisinier n’était pas lié à une profession réglementée. Dans la lettre, l’avocat invitait le destinataire à communiquer avec lui pour toute question ou préoccupation.

[23]  Bien que la profession de cuisinier ne soit pas une profession réglementée nécessitant un permis d’exercice ou une accréditation, M. Kumar était tout de même tenu de démontrer qu’il satisfaisait aux exigences de l’emploi, comme il a été mentionné précédemment. À mon avis, le défaut de M. Kumar de fournir les documents requis n’est pas attribuable à des renseignements trompeurs dans la liste de vérification en ligne ni à une contrainte technique qui l’aurait empêché de fournir d’autres documents que ceux requis. En fait, le formulaire de demande en ligne indiquait que la demande de M. Kumar était incomplète jusqu’à ce qu’il téléverse un document, la lettre de son avocat, dans le champ intitulé [traduction] « preuve que vous répondez aux exigences de l’emploi offert (requis) ».

[24]  De plus, je ne suis pas convaincue que, comme dans l’affaire Li, l’agent était tenu de donner à M. Kumar l’occasion de dissiper les préoccupations quant au caractère insuffisant des documents justificatifs fournis. À mon avis, l’affaire Li est différente puisque M. Li avait fourni des dossiers scolaires indiquant qu’il avait obtenu les notes de passage en anglais pour démontrer qu’il satisfaisait aux exigences quant au niveau de compétence en anglais à l’oral et à l’écrit. Le juge O’Keefe a déclaré que l’agent n’avait pas étayé sa conclusion selon laquelle M. Li ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la langue et que rien ne donnait à penser que les notes et les dossiers scolaires de M. Li ne pouvaient pas être utilisés pour établir ses compétences en anglais. En revanche, M. Kumar n’a fourni aucun document pour étayer les déclarations faites dans son CV relativement à ses études et à son niveau de compétence en anglais. Comme le caractère adéquat des éléments de preuve présentés est aussi visé par la seconde question en litige, j’aborderai ce point plus en détail ci‑dessous.

[25]  Par conséquent, l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale en n’informant pas M. Kumar des préoccupations liées aux éléments de preuve concernant les exigences de l’emploi et en ne lui donnant pas l’occasion de dissiper ces préoccupations.

B.  La décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail était raisonnable

[26]  M. Kumar soutient que la décision de l’agent est déraisonnable puisqu’il n’existait aucun motif raisonnable de conclure qu’il serait incapable d’exercer l’emploi de cuisinier. M. Kumar affirme qu’il satisfait aux exigences du poste comme l’indiquent ses lettres de recommandation et son CV, lequel fait état de ses antécédents professionnels pour la période de 2013 à 2019. Selon M. Kumar, les déclarations contenues dans son CV doivent être présumées vraies à moins qu’elles ne soient contredites. Il affirme que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve ou qu’il a commis une erreur dans son appréciation de ceux‑ci, puisqu’aucun élément de preuve ne contredisait les déclarations contenues dans son CV. De plus, M. Kumar soutient que l’agent a déraisonnablement fait une fixation sur des [traduction] « erreurs de grammaire et de forme » contenues dans les lettres de recommandation et qu’il a conclu à tort que M. Kumar avait fourni [traduction] « peu de lettres de recommandation » alors qu’en fait, les trois lettres couvraient toute la période visée par ses antécédents professionnels.

[27]  Les agents sont tenus d’effectuer une évaluation indépendante de la capacité d’un demandeur de permis de travail à exercer l’emploi pour lequel le permis est demandé : Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1283 au para 7. À mon avis, il ressort clairement des motifs de l’agent que le problème principal relativement à la demande de permis de travail de M. Kumar était le manque d’éléments de preuve permettant d’établir qu’il satisfaisait aux exigences de l’EIMT. M. Kumar a présenté sa demande de permis de travail en s’appuyant sur une EIMT qui contenait une exigence concernant les études (c.‑à‑d. un diplôme d’études secondaires) et une exigence concernant la langue (c.‑à‑d. des compétences en anglais à l’oral et à l’écrit). Cependant, comme l’a souligné l’agent, M. Kumar n’a fourni aucun élément de preuve démontrant son niveau de compétence en anglais ni la réussite de ses études secondaires.

[28]  Je reconnais que le CV de M. Kumar indique ce qui suit :

  Il a obtenu un diplôme d’études secondaires (12e année réussie à l’établissement d’enseignement H.P.O.B.S.E., à Dharamshala), un diplôme de l’établissement d’enseignement Optech Computer Education à la suite d’un programme d’études d’un an en informatique et un diplôme de l’institut CIHM Chandigarh à la suite d’un programme d’études d’un an en production alimentaire.

  Il parle l’anglais et il a obtenu une note globale de 6,0 au test de compétence de l’IELTS.

  Il a occupé des postes de cuisinier à différents niveaux de 2013 à 2019.

[29]  Outre son CV, M. Kumar a fourni des lettres de recommandation de chacun de ses employeurs, ainsi qu’une lettre de l’hôtel Country Inn & Suites disant qu’il avait étudié au Chandigarh Institute of Hotel Management & Catering Technology et qu’il avait suivi une [traduction] « formation de l’industrie en production d’aliments et de boissons » à l’hôtel durant la période de juin à novembre 2013. M. Kumar soutient que ces lettres constituaient des éléments de preuve quant à ses études et à ses compétences en anglais, et que les déclarations de l’agent selon lesquelles [traduction] « [l]e demandeur n’a pas fourni de certificats d’études » et « [a]ucun élément de preuve n’a été présenté quant au niveau de compétence du demandeur en anglais » sont fausses. Toutefois, ces documents ne démontrent pas que M. Kumar avait un niveau de compétence suffisant en anglais ni qu’il avait réussi ses études secondaires. J’estime que la présentation d’un diplôme d’études secondaires et d’un certificat officiel de l’IELTS aurait permis de dissiper les préoccupations de l’agent; cependant, ces documents ne lui ont pas été présentés. Il était raisonnable pour l’agent d’exiger des documents justificatifs afin de confirmer que M. Kumar avait bel et bien les compétences nécessaires, plus particulièrement puisque les fonctions du poste de cuisinier comprenaient la supervision des aides de cuisine et des activités de la cuisine.

[30]  Dans le contexte des demandes de permis de travail, la Cour a jugé qu’il est raisonnable pour un agent de s’attendre à ce qu’un demandeur fournisse d’autres éléments de preuve qu’une demande et une lettre d’accompagnement présentées en anglais pour vérifier sa capacité de parler et d’écrire en anglais, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que ces compétences linguistiques sont nécessaires afin d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé, comme le prévoit l’alinéa 200(3)a) du RIPR : Sun, au para 34; Virk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 150. De même, en l’espèce, il était raisonnable pour l’agent d’exiger une confirmation du diplôme d’études secondaires et des compétences en anglais dont faisait état le CV de M. Kumar. Le défaut de celui‑ci de fournir des éléments de preuve de façon à satisfaire à ces exigences particulières énoncées dans l’EIMT constituait un motif suffisant de rejeter sa demande de permis de travail.

[31]  Je reconnais que l’agent n’explique pas en quoi les erreurs de grammaire et de forme contenues dans les lettres des anciens employeurs de M. Kumar sont pertinentes au regard de la demande de permis de travail de celui‑ci, mais je suis d’avis que ce point n’est pas suffisamment capital ou important pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[32]  Comme il a été mentionné précédemment, le CV de M. Kumar indiquait qu’il avait obtenu [traduction] « un diplôme de l’institut CIHM Chandigarh à la suite d’un programme d’études d’un an en production alimentaire », et M. Kumar a présenté un certain nombre de lettres de recommandation d’anciens employeurs pour lesquels il avait travaillé comme cuisinier depuis 2013. Il soutient que le CV et les lettres de recommandation auraient dû suffire à prouver la réalisation d’un [traduction] « programme d’apprentissage de trois ans pour cuisiniers, [d’]un cours de niveau collégial ou autre en cuisine ou [de] plusieurs années d’expérience générale comme cuisinier en restauration » comme il est mentionné dans les motifs de l’agent, d’autant plus que la description de la Classification nationale des professions (CNP) pour un cuisinier indique seulement que ces qualifications peuvent être exigées. Cependant, les motifs de l’agent n’indiquent pas clairement que celui‑ci jugeait insuffisantes les qualifications de M. Kumar en tant que cuisiner, et le manque d’éléments de preuve démontrant la réussite des études secondaires de M. Kumar et son niveau de compétence en anglais suffisait à justifier la conclusion de l’agent selon laquelle M. Kumar n’avait pas satisfait aux exigences de l’EIMT.

[33]  La décision de l’agent est justifiée à la lumière des faits de l’espèce, et les motifs de l’agent sont cohérents : Vavilov, au para 105. Je juge donc que la décision de l’agent est raisonnable.

VI.  Conclusion

[34]  Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire. L’agent n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale et il a raisonnablement conclu que M. Kumar n’avait pas satisfait aux exigences de l’EIMT.

[35]  Les observations des parties ne soulèvent aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5875‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5875‑19

 

INTITULÉ :

ANKUSH KUMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 juin 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 septembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Tarenjeet K. Virdee

 

POUR LE DEMANDEUR

Camille Audain

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VLG Lawyers

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

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