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Date : 20200924


Dossier : T-1951-19

Référence : 2020 CF 930

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2020

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

KENNETH MCCARTHY

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le procureur général a déposé trois requêtes écrites relativement à la présente demande de contrôle judiciaire. La première vise à radier l’avis de demande au motif qu’il est hors délai, puisqu’il a trait à une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 juin 2019, et/ou qu’il a trait à une demande de contrôle judiciaire d’une affaire pouvant faire l’objet d’un grief au titre de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22, article 2 [LRTSPF]. La deuxième requête vise à obtenir une exonération relativement à la production au titre de l’article 318 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], et une ordonnance de confidentialité en ce qui concerne certains documents dans le dossier du tribunal. La troisième requête sollicite une ordonnance de mise sous scellés d’une pièce déposée par M. McCarthy en réponse à la première requête. M. McCarthy s’oppose aux trois requêtes.

[2]  Les requêtes ont été déposées en janvier, en février et en mars 2020, respectivement. La période de suspension de la Cour découlant de la pandémie de la COVID‑19 est entrée en vigueur avant la date de présentation des observations en réponse quant  à la troisième requête. La décision relative aux trois requêtes connexes a donc été retardée, et les parties ont récemment confirmé qu’il n’y avait pas d’autres observations à déposer. Les présents motifs portent sur les deux premières requêtes. La troisième requête sera examinée séparément, car j’invite les parties à présenter d’autres observations sur de la jurisprudence récente qui s’appliquent à cette requête.

[3]  Pour les motifs exposés ci‑après, j’accueille la requête en radiation au motif que les questions soulevées dans l’avis de demande de contrôle judiciaire peuvent faire l’objet d’un grief et que le processus prévu dans la LRTSPF doit être respecté avant qu’une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée. En conséquence, je rejette en raison de son caractère théorique la requête relative à l’article 318 des Règles et sollicitant une ordonnance de confidentialité relativement au dossier du tribunal.

[4]  Comme question préliminaire, je souligne que la réponse de M. McCarthy à chacune des requêtes du procureur général a été présentée sous la forme d’une requête sollicitant une ordonnance de radiation de la requête du procureur général. Ce n’est pas l’approche envisagée dans la partie 7 des Règles. Le moyen approprié pour répondre à une requête est de signifier un dossier de l’intimé qui s’accorde avec le paragraphe 365(2) des Règles, et non de présenter une requête en radiation de la requête : Greens At Tam O’Shanter Inc (The) c Canada, 1999 CanLII 7512 (CF) au para 8; Sandpiper Distributing Inc c Ringas, 2020 CF 366 au para 48. J’ai jugé que, dans chaque cas, les requêtes en réponse de M. McCarthy constituaient effectivement son dossier de l’intimé déposé en application de l’article 365 des Règles.

II.  Requête en radiation du procureur général

A.  Question en litige

[5]  La demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy vise à faire annuler une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datée du 7 novembre 2019. En guise de contexte, il s’agit d’une enquête déclenchée par des divulgations faites au titre de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, c 46 [LPFDAR], alléguant un conflit d’intérêts en milieu de travail et une mauvaise gestion. La décision en question, datée du 7 novembre 2019, concernait un courriel du président intitulé : [traduction« Avis d’audience prédisciplinaire » [l’avis], dans lequel le président acceptait les conclusions d’une enquête et donnait avis de la tenue d’une audience avant qu’une décision soit rendue relativement à toute mesure corrective ou disciplinaire.

[6]  La question soulevée dans la première requête du procureur général est celle de savoir si la demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy devrait être radiée, soit parce qu’elle a été présentée après le délai de 30 jours prévu pour les demandes de contrôle judiciaire, soit parce que les questions qui y sont soulevées peuvent faire l’objet d’un grief au titre de la LRTSPF.

B.  La possibilité de présenter une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire

[7]  Bien que cela ne soit pas prévu dans les Règles, la Cour a une compétence absolue pour ce qui est de radier une demande de contrôle judiciaire : Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc, 2013 CAF 250 au para 48; Forner c Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2016 CAF 35 aux para 9–10.

[8]  La Cour d’appel fédérale a été claire : en raison de la nature sommaire des demandes de contrôle judiciaire, en règle générale, la façon de soulever des objections à une demande consiste à en examiner le bien‑fondé au moment de l’audition de la demande : David Bull Laboratories (Canada) Inc c Pharmacia Inc, [1995] 1 CF 588 (CA) à la p. 600; JP Morgan, au para 48. Ce n’est que lorsqu’un avis de demande est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » qu’il devrait être radié dans le cadre d’une requête préliminaire : JP Morgan, au para 47; Forner, au para 9. Cela ne se produira qu’en présence, pour reprendre les mots évocateurs du juge Stratas, d’une demande « d’une efficacité assez radicale » ou d’un « vice fondamental » qui infirmeraient à la base la capacité de la Cour d’instruire la demande : JP Morgan, au para 47, citant Donaldson c Western Grain Storage By-Products, 2012 CAF 286 au para 6.

[9]  Afin d’évaluer si la demande de contrôle judiciaire est irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie, il faut lire l’avis de demande « de manière à saisir la véritable nature de la demande » : JP Morgan, au para 49. La cour doit faire une appréciation réaliste de sa « nature essentielle » en s’employant à en faire une lecture globale et pratique : JP Morgan, au para 50. Avant d’examiner cette question, toutefois, je dois aborder la question de savoir quels éléments de preuve je prendrai en considération dans le cadre de la requête, à la lumière du grand nombre des éléments de preuve déposés qui ne sont pas conformes à l’orientation de la Cour d’appel fédérale sur les requêtes en radiation.

C.  Éléments de preuve déposés relativement à la requête

[10]  La Cour d’appel fédérale a affirmé, très simplement, que, « [e]n règle générale, les affidavits ne sont pas recevables pour appuyer une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire » : JP Morgan, au para 51. Cette règle générale existe en raison de la nature sommaire du contrôle judiciaire, de la possibilité de retards découlant de contre‑interrogatoires et du fait que, dans les requêtes en radiation, les faits allégués dans l’avis de demande sont tenus pour avérés : JP Morgan, au para 52. Des exceptions limitées à cette règle comprennent, par exemple, les documents mentionnés et incorporés par renvoi à l’avis de demande : JP Morgan, aux para 53–57. Toutefois, le reste du contenu de l’affidavit d’un demandeur qui ajoute des renseignements ne figurant pas dans les motifs énoncés dans l’avis de demande, même s’ils sont connus du défendeur, ne devrait pas être inclus : JP Morgan, aux para 58–64.

[11]  En l’espèce, le procureur général a déposé un affidavit d’un agent supérieur de l’ASFC qui joint sept documents. Parmi ceux‑ci, les pièces E et G sont l’avis de demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy et l’avis de comparution du procureur général, qui ne peuvent manifestement pas être contestés. La pièce C constitue l’avis d’audience prédisciplinaire du 7 novembre 2019 qui est l’objet même de la demande de contrôle judiciaire. Encore une fois, il s’agit convenablement d’un document mentionné et incorporé par renvoi à l’avis de demande : JP Morgan, aux para 56–57. La pièce B est une lettre émise le 21 juin 2019 par l’agent supérieur de la divulgation interne (ASDI) à l’ASFC, qui décrit les résultats de l’enquête. Bien qu’elle soit peut‑être moins claire, j’admets qu’il s’agit aussi d’un document mentionné et incorporé par renvoi à l’avis de demande, selon lequel la décision du 7 novembre 2019 a accepté les résultats de l’enquête de l’ASDI.

[12]  Les trois autres documents joints à l’affidavit du procureur général ne sont pas mentionnés ni incorporés par renvoi à l’avis de demande. L’un d’eux (pièce A) est une lettre qui décrit les conclusions préliminaires de l’enquête de l’ASDI. Les deux autres datent d’après l’avis de l’audience prédisciplinaire et l’avis de demande, soit la décision ultime du président découlant de l’audience prédisciplinaire, datée du 9 décembre 2019 (pièce D), et un exposé du grief individuel déposé par M. McCarthy contre la décision du président datée du 9 décembre 2019 (pièce F).

[13]  En plus de ces documents, le souscripteur d’affidavit du procureur général fait des déclarations concernant la divulgation ayant donné lieu à l’enquête et le moment de cette divulgation. Bien que ces faits ne figurent pas eux‑mêmes dans l’avis de demande, ils répètent des renseignements contenus dans la lettre de l’ASDI (pièce B), et leur inclusion n’ajoute donc aucun nouveau fait.

[14]  En réponse à la requête, M. McCarthy a déposé un affidavit auquel sont jointes 37 pièces. Encore une fois, ces pièces comprennent l’avis de demande (pièce HH), l’avis d’audience prédisciplinaire qui est la décision en cause (partie de la pièce DD) et la lettre relative à l’enquête de l’ASDI (pièce N). Toutefois, les pièces renferment également une correspondance étendue entre M. McCarthy et d’autres personnes au sujet de l’enquête et des allégations sous‑jacentes, ainsi qu’un certain nombre de documents datant d’après la décision en cause et la demande de contrôle judiciaire, y compris la décision disciplinaire du 9 décembre 2019 et l’exposé du grief individuel, qui sont joints à l’affidavit du procureur général.

[15]  La pièce finale jointe à l’affidavit de M. McCarthy est une réponse de l’ASFC à une demande qu’elle a présentée au titre de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [LAI]. M. McCarthy s’appuie sur ce document pour soulever un nouvel argument, qui ne figure pas dans l’avis de demande ni dans la requête du procureur général, c’est‑à‑dire que l’ASDI n’a pas été désigné correctement comme « agent supérieur » conformément au paragraphe 10(2) de la LPFDAR. En guise de réponse, le procureur général a demandé l’autorisation de présenter un autre affidavit concernant la nomination de l’ASDI et joignant des documents liés à cette question. Dans une contre‑preuve s’opposant à la demande d’autorisation, M. McCarthy a joint une réponse à une demande distincte au titre de la LAI liée à la nomination de l’ASDI et a fait valoir que le procureur général ne devrait pas être autorisé à déposer en réponse des éléments de preuve qui n’avaient pas été fournis en réponse à cette demande présentée au titre de la LAI.

[16]  Je reprends cet élément de preuve de façon assez détaillée afin de montrer comment les parties se sont écartées des principes établis par la Cour d’appel concernant les éléments de preuve admissibles dans le cadre de requêtes en radiation d’un avis de demande. Aucune des parties n’a cité ces principes, et aucune ne s’est opposée aux éléments de preuve de l’autre, sauf pour ce qui est de l’objection de M. McCarthy fondée sur la LAI relative à la demande de présentation d’une contre‑preuve.

[17]  Même s’il n’y a pas eu d’objection, je ferai abstraction des éléments de preuve déposés qui ne respectent pas l’orientation fournie par la Cour d’appel dans l’arrêt JP Morgan. La Cour ne devrait ni encourager ni approuver un mépris de la loi en ce qui touche le caractère approprié d’éléments de preuve relatifs à une requête en radiation, même sur consentement. Les éléments de preuve déposés en l’espèce étayent bien la préoccupation au sujet du tour de passe‑passe procédurier soulevé par le juge Stratas dans l’arrêt JP Morgan. Plutôt que de se concentrer sur le bien‑fondé de la demande, un différend a été soulevé relativement au fait de savoir si certains éléments de preuve pouvaient être déposés en réponse à une nouvelle question soulevée en réponse à la requête en radiation, et une autre requête a été déposée relativement à des questions liées à la confidentialité et à la protection des renseignements personnels concernant une des pièces déposées.

[18]  Pour la même raison, je refuse d’autoriser le procureur général à déposer des éléments de preuve en réponse. Cette décision repose non pas sur les motifs évoqués par M. McCarthy au titre de la LAI, mais bien sur le fait que les éléments de preuve présentés en réponse ont trait à des éléments de preuve qui n’auraient pas dû être déposés, et que les éléments de preuve originaux et les éléments de preuve présentés en réponse n’ont aucune pertinence quant aux questions relatives à la requête. Le contrôle judiciaire porte sur une décision du président, et l’avis de demande ne soulève aucun motif en ce qui concerne la désignation de l’ASDI. Même si je reconnais le désir du procureur général de répondre au nouvel argument au sujet de la légitimité de la désignation de l’ASDI, cet argument n’est pas pertinent en ce qui concerne la requête en radiation.

[19]  Quoi qu’il en soit, je fais remarquer que je rendrais la même décision quant à la requête en radiation que je tienne ou non compte de la preuve extrinsèque, puisque les éléments de preuve n’ont pas d’incidence sur les questions relatives à la requête en radiation.

[20]  Ayant examiné ces questions procédurales, je me penche maintenant sur le bien‑fondé de la requête en radiation de l’avis de demande présentée par le procureur général.

D.  Respect des délais

[21]  Le procureur général soutient que la demande de contrôle judiciaire, même si elle concerne en surface l’avis du 7 novembre 2019 délivré par le président, constitue « essentiellement » une attaque de la décision de l’ASDI qui a été rendue en juin 2019. Selon le procureur général, l’avis de demande de décembre 2019 a donc été présenté bien au‑delà de la période de 30 jours prévue au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. À l’appui de cet argument, le procureur général signale le rôle de l’ASDI (en tant qu’« agent supérieur ») et celui du président (en tant qu’« administrateur général ») au titre de l’article 10 de la LPFDAR, affirmant que la décision à l’égard d’un acte répréhensible est rendue par le premier et non par le dernier. M. McCarthy répond que le président a pris la décision d’accepter les conclusions de l’ASDI, comme cela est exprimé dans l’avis, et que sa demande concerne cet avis. Subsidiairement, il demande que la Cour lui accorde du temps supplémentaire pour déposer l’avis de demande.

[22]  La Cour a soutenu que l’argument selon lequel une demande de contrôle judiciaire est présentée hors délai n’est pas un motif pour radier la demande. Plutôt, sauf dans des circonstances exceptionnelles, cette question devrait être examinée à l’audition de la demande : Kaquitts c Council of the Chiniki First Nation, 2019 CF 498, aux para 23–26; Coffey c Canada (Ministre de la Justice), 2004 CF 1694, aux para 10–16. À mon avis, il n’y a pas de raison de déroger à ces principes en l’espèce, et il n’y a rien d’exceptionnel au sujet des arguments du procureur général sur le respect des délais.

[23]  Cela s’avère tout particulièrement le cas en raison de l’existence d’une question contestable quant au fait de savoir si l’avis du président du 7 novembre 2019, dans lequel il accepte les conclusions de l’enquête de l’ASDI, constitue une « décision » distincte ou une « affaire » distincte des conclusions de l’enquête elle‑même : Loi sur les Cours fédérales, aux para 18.1(1)-(2). Même si le procureur général soutient que c’est l’ASDI qui rend la décision à l’égard d’actes répréhensibles, et non pas le président, l’avis lui‑même énonce que le président a seulement accepté les conclusions de l’enquêteur après avoir examiné les conclusions de l’enquête et les commentaires de M. McCarthy, et après [traduction« un examen attentif de tous les renseignements qui étaient à [sa] disposition ». Par conséquent, je conclus que l’argument de M. McCarthy selon lequel il demande un contrôle de la décision du président et non pas des conclusions de l’ASDI, et que la demande n’est donc pas hors délai, n’est pas irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli.

[24]  Par conséquent, je ne radierai pas l’avis de demande au motif que le délai n’a pas été respecté.

E.  La possibilité de présenter un grief

[25]  Le deuxième motif évoqué par le procureur général, c’est que les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire peuvent faire l’objet d’un grief au titre de la LRTSPF et que M. McCarthy a donc un recours subsidiaire adéquat qui doit être épuisé avant qu’une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée.

[26]  Comme je l’ai déjà expliqué, la décision quant à savoir si la demande de contrôle judiciaire est irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie m’oblige à évaluer la « nature essentielle » de la demande : JP Morgan, aux para 49–50. En l’espèce, la nature essentielle est révélée par la nature de la décision contestée et des motifs de la contestation soulevée dans l’avis de demande.

[27]  Dans son avis du 7 novembre 2019, le président a accepté une conclusion selon laquelle M. McCarthy s’était adonné à des actes répréhensibles en ce qui concerne son comportement en milieu de travail. Les conclusions portaient précisément sur un conflit d’intérêts relativement à un employé et des cas graves de mauvaise gestion. Les motifs de contestation de la décision concernent l’équité procédurale de l’enquête sous‑jacente et le bien‑fondé de la décision elle‑même. En ce qui concerne la question de l’équité, un certain nombre d’allégations sont soulevées, y compris les défauts allégués de fournir à M. McCarthy les détails des allégations portées contre lui, de fournir les éléments de preuve recueillis durant l’enquête et de fournir à M. McCarthy une occasion d’y répondre, d’effectuer une enquête exhaustive ou de fournir des motifs pour avoir accepté les résultats de l’enquête de l’ASDI. Pour ce qui est de la contestation à l’égard du bien‑fondé, il y aurait eu des erreurs juridiques et factuelles dans la conclusion selon laquelle les actes de M. McCarthy satisfont à la définition d’actes répréhensibles au titre de la LPFDAR ou ont enfreint le Code de valeurs et d’éthique du secteur public [Code d’éthique] et la Politique sur les conflits d’intérêts et l’après‑mandat [Politique sur les conflits d’intérêts] du Secrétariat du Conseil du Trésor.

[28]  Essentiellement, la demande de contrôle judiciaire est donc la suivante : une décision liée à l’emploi de M. McCarthy, prise par l’administrateur général du ministère où il travaillait, a été inéquitable sur le plan procédural et erronée sur le plan juridique et factuel. Dans le cadre de mon examen du droit applicable, je constate qu’il est clair que (1) ces questions peuvent faire l’objet d’un grief présenté en application des dispositions de la LRTSPF et (2) que la demande de contrôle judiciaire ne peut pas être présentée tant que ce processus de grief n’aura pas été entrepris.

[29]  Avant d’examiner ces deux questions, je m’arrête pour signaler que les observations de M. McCarthy portent sur la question de la possibilité de présenter un grief dans le contexte qui consiste à répondre à l’argument du procureur général concernant le respect des délais. Pour ce qui est de la question du respect des délais, M. McCarthy a soutenu subsidiairement que la Cour, conformément aux critères examinés dans l’affaire Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190, 167 F.T.R. 158 (CA), au paragraphe 3, doit exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder du temps supplémentaire. Un de ces critères est le fait de savoir si la demande est bien fondée. Étant donné que M. McCarthy n’a pas abordé la question de la possibilité de présenter un grief ailleurs, je considère que ses observations sur la question constituent également sa réponse à la requête en radiation relative à la question de la possibilité de présenter un grief.

(1)  La question peut faire l’objet d’un grief

[30]  Le paragraphe 208(1) de la LRTSPF est ainsi libellé :

Droit du fonctionnaire

Right of employee

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

208 (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

[31]  Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Ontario, l’article 208 fournit aux employés un [traduction« droit très large de présenter un grief » de manière telle que [traduction« presque tous les litiges liés à l’emploi peuvent faire l’objet d’un grief au titre de l’article 208 » : Bron v Canada (Attorney general), 2010 ONCA 71 aux para 14–15. Si une affaire tombe sur le coup de l’article 208, la LRTSPF prévoit un processus pour résoudre le grief. Après la présentation d’un grief au dernier palier du processus de grief, l’affaire peut être renvoyée à l’arbitrage par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral : LRTSPF, art 13, 209; Augustin c Canada (Procureur général), 2018 CF 55. Si le grief ne peut être renvoyé à l’arbitrage, la décision sur le grief au dernier palier du processus de grief est définitive et obligatoire : LRTSPF, art 214.

[32]  M. McCarthy ne conteste pas qu’il est un employé au sens de l’article 208 de la LRTSPF (une question définie à l’article 2 de la LRTSPF). Les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy concernent l’interprétation et l’application, relativement à lui‑même, des dispositions d’une loi (la LPFDAR) et d’autres directives ou instruments (le Code d’éthique et la Politique sur les conflits d’intérêts du Conseil du Trésor). Elles sont également liées à des occurrences et à des questions qui ont une incidence sur les conditions d’emploi de M. McCarthy. À première vue, et évaluant leur nature essentielle, j’estime que M. McCarthy a le droit de présenter un grief au titre de l’article 208 relativement à ces questions.

[33]  M. McCarthy reconnaît que la mesure disciplinaire subséquente qui lui a été imposée par le président peut faire l’objet d’un grief en bonne et due forme. Toutefois, il soutient que seule la Cour fédérale a le pouvoir d’examiner la décision du président d’accepter les conclusions de l’enquête et d’examiner la teneur de l’enquête de l’ASDI. Il soulève deux arguments à l’appui de cette prétention. D’abord, il fait valoir que la décision du président d’accepter les résultats de l’enquête de l’ASDI et ses arguments relatifs à l’équité procédurale durant l’enquête ne peuvent pas faire l’objet d’une décision et qu’un arbitre ne peut pas, sous le régime de la LRTSPF, accorder les ordonnances sollicitées dans le présent contrôle judiciaire. Ensuite, il soutient qu’il conteste la décision du président pour des motifs d’équité procédurale et qu’il ne conteste pas la mesure disciplinaire, de sorte qu’un contrôle judiciaire plutôt qu’un grief est indiqué. À mon avis, aucun de ces arguments n’a une chance d’être accueilli.

[34]  Les premiers arguments de M. McCarthy quant à la possibilité d’avoir recours à un arbitrage et quant aux pouvoirs d’un arbitre passent à côté de la question. La question est non pas de savoir si la décision ou l’affaire peut être renvoyée à l’arbitrage, mais bien si elle peut faire l’objet d’un grief, même si celui‑ci ne peut être renvoyé à l’arbitrage sous le régime de l’article 209 de la LRTSPF. Comme je l’ai déjà mentionné, toute affaire qui peut faire l’objet d’un grief ne peut pas être soumise à l’arbitrage : LRTSPF, art 208, 209, 214; Vaughan c Canada, 2005 CSC 11 au para 18 (se reportant à des dispositions équivalentes dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique précédente, LRC 1985, c P‑35); Renaud c Canada (Procureur général), 2013 CF 18 aux para 24–27; Bron, au para 15.

[35]  Le deuxième argument de M. McCarthy selon lequel l’équité de l’enquête sous‑jacente n’est pas quelque chose qui peut faire l’objet d’un grief au titre de l’article 208 doit également être rejeté. Rien dans le libellé de l’article 208 ne donne à penser que l’équité d’une enquête en milieu de travail est exclue de la définition générale de ce qui est sujet à grief, ce qui comprend toute application d’une loi ou d’un autre instrument, ainsi que des occurrences ou des questions ayant une incidence sur les conditions d’emploi. Effectivement, la Cour a instruit des demandes de contrôle judiciaire découlant de griefs, présentés au titre de l’article 208, dans lesquelles l’équité d’une enquête en milieu de travail a été précisément soulevée et examinée dans le processus de grief : Renaud, aux para 57–64; voir également Nosistel c Canada (Procureur général), 2018 CF 618 aux para 41–41.

[36]  Le fait que les enquêtes en l’espèce aient été tenues sous le régime de la LPFDAR n’a pas non plus d’incidence sur la possibilité qu’elles fassent l’objet d’un grief : Bron, aux para 26–33. Comme le fait ressortir le procureur général, la LPFDAR confirme que, sauf deux exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, elle n’interdit pas la présentation d’un grief individuel au titre de la LRTSPF :

Exception

Saving

51 Sous réserve des paragraphes 19.1(4) et 21.8(4), la présente loi ne porte pas atteinte :

a) au droit du fonctionnaire de présenter un grief individuel en vertu du paragraphe 208(1) ou de l’article 238.24 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral;

b) au droit du Conseil canadien des relations industrielles de procéder à l’instruction d’une plainte sous le régime de l’article 242 du Code canadien du travail.

51 Subject to subsections 19.1(4) and 21.8 (4), nothing in this Act is to be construed as prohibiting

(a) the presentation of an individual grievance under subsection 208(1) or 238.24 of the Federal Sector Labour Relations Act; or

(b) the Canada Industrial Relations Board from considering a complaint under section 242 of the Canada Labour Code.

[37]  Selon le procureur général, M. McCarthy a le droit de déposer un grief contre la décision du président d’imposer des mesures disciplinaires, et c’est ce qu’il a réellement fait. À mon avis, ce n’est pas la question pertinente, et ce, pour trois raisons. Premièrement, comme je l’ai déjà mentionné, les faits qui sont survenus après la présentation de la demande de contrôle judiciaire n’examinent pas la question de savoir si la demande, à première vue, est manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie : JP Morgan, au para 47. Deuxièmement, le fait de savoir si un grief est réellement présenté n’influence pas directement la possibilité de demander un contrôle judiciaire. La question est celle de savoir si l’affaire peut faire l’objet d’un grief : LRTSPF, para 236(2); Glowinski c Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 78 au para 13. Troisièmement, la question est non pas de savoir si l’imposition subséquente par le président de mesures disciplinaires peut faire l’objet d’un grief, mais bien si la décision que M. McCarthy cherche à contester dans le cadre du contrôle judiciaire, c’est‑à‑dire l’acceptation des résultats de l’enquête de l’ASDI, peut faire l’objet d’un grief.

[38]  Néanmoins, je suis du même avis que le procureur général en ce qui concerne la question principale, c’est‑à‑dire que les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy sont soumises aux procédures de grief figurant dans la LRTSPF. Le fait de savoir si ces questions sont soulevées dans le cadre d’un grief distinct portant sur l’avis du 7 novembre 2019 ou dans le cadre d’un grief qui porte également sur l’imposition définitive de mesures disciplinaires importe peu. Quoi qu’il en soit, les questions d’équité procédurale et les questions importantes soulevées par M. McCarthy dans la présente demande sont des questions qui peuvent faire l’objet d’un grief.

[39]  M. McCarthy se reporte à la décision Chapman c Canada (Procureur général), 2019 CF 975, et affirme que, comme dans cette affaire, il [traduction« demande l’opinion de l’honorable Cour sur les questions d’équité procédurale qu’il a soulevées ». Dans la décision Chapman, le juge Zinn a examiné des allégations d’iniquité dans une enquête effectuée au titre de la LPFDAR. Même s’il ne fait aucun doute que les questions soulevées dans la décision Chapman ressemblent à celles soulevées par M. McCarthy, rien n’indique que la question de savoir si ces questions pouvaient faire l’objet d’un grief a été soulevée devant le juge Zinn. Peut‑être que Mme Chapman n’avait pas le droit de présenter un grief, peut‑être que la question n’a tout simplement pas été évoquée. Peu importe la question de savoir pourquoi la question n’a pas été soumise à la Cour, le fait que le juge Zinn se soit penché sur le bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire de Mme Chapman n’a pas d’incidence sur la possibilité de présenter un grief quant aux questions soulevées par M. McCarthy en l’espèce ou ne soulève aucune possibilité que M. McCarthy puisse réussir à faire valoir que les questions qu’il soulève ne peuvent pas faire l’objet d’un grief.

(2)  La possibilité de présenter un grief exclut la possibilité de demander un contrôle judiciaire

[40]  Dans l’arrêt Vaughan, la Cour suprême du Canada a souligné l’importance de respecter le régime établi par le législateur pour le règlement des différends en matière de relations de travail en exerçant et en épuisant les recours offerts dans le cadre de la procédure : Vaughan, au para 39. C’est le cas même lorsqu’une affaire ne peut être soumise qu’au processus de grief et ne peut être renvoyée à l’arbitrage : Vaughan, au para 38. La Cour suprême a confirmé le principe selon lequel les tribunaux devraient généralement refuser d’intervenir dans des questions liées au secteur du travail, sauf dans le cadre limité du contrôle judiciaire de la décision du dernier palier de la procédure de grief : Vaughan, aux para 2, 26, 31, 54.

[41]  Dans le contexte des relations de travail, il s’agit d’une expression du principe élargi selon lequel, à défaut de circonstances exceptionnelles, la présentation d’une demande de contrôle judiciaire sera prématurée lorsque le processus administratif et réglementaire des arbitrages et des appels n’a pas été mené à terme : C.B. Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, aux para 4, 30–33; Nosistel, aux para 50–53. Le juge Stratas a résumé ainsi la règle au paragraphe 31 de la décision C.B. Powell :

La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[Non souligné dans l’original.]

[42]  Ce principe a été appliqué maintes fois dans le contexte précis des demandes de contrôle judiciaire présentées avant l’achèvement de la procédure de grief prévue dans la LRTSPF et dans sa loi précédente : Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Conseil du Trésor), 2002 CAF 239, aux para 2–3; Augustin, aux para 22–23; Nosistel, aux para 50–53; Glowinski, aux para 12–13; Estwick c Canada, 2004 CF 970 aux para 16–22.

[43]  Relativement à ces jurisprudences, M. McCarthy n’a soulevé aucun exemple où la Cour a examiné une demande de contrôle judiciaire quant à son bien‑fondé après avoir établi que l’affaire peut faire l’objet d’un grief au titre de la LRTSPF. Il n’a pas non plus invoqué de circonstances exceptionnelles militant en faveur de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire et que, ainsi, il y ait possibilité qu’elle soit accueillie. Plutôt, ses arguments se limitent à la question non pertinente de la désignation de l’ASDI, et aux arguments mentionnés plus haut, c’est‑à‑dire que la décision d’accepter l’enquête de l’ASDI ne peut pas faire l’objet d’un examen, que les réparations qu’il demandent ne sont pas offertes dans le cadre d’un arbitrage, et que sa contestation à l’égard de l’équité de l’enquête ne peut pas faire l’objet d’un grief, et ce, selon Chapman. Pour les motifs exposés plus haut, aucun de ces arguments ne soulève une possibilité que la demande soit accueillie.

[44]  À mon avis, compte tenu de la nature essentielle de la demande de contrôle judiciaire et de la jurisprudence qui confirme clairement que les procédures de grief offertes doivent être épuisées avant qu’une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée, il est clair que la demande de contrôle judiciaire de M. McCarthy est irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie. Par conséquent, je conclus qu’il s’agit d’une des rares circonstances décrites dans la décision David Bull et l’arrêt JP Morgan selon lesquelles une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[45]  La première requête du procureur général est donc accueillie, et l’avis de demande de contrôle judiciaire est radié. Puisque les motifs de la radiation de l’avis de demande de contrôle judiciaire concernent le fondement de la demande et non pas la manière dont elle est formulée, aucune autorisation de modification n’est accordée. Le procureur général ne demande pas les dépens de la requête, et aucuns dépens ne sont accordés.

III.  Requête du procureur général concernant l’article  318 des Règles

[46]  Dans sa deuxième requête, le procureur général demande l’exonération du respect des exigences énoncées à l’article  318 des Règles concernant la production de documents en possession du tribunal (en l’espèce, le président de l’ASFC). La requête soulève des questions liées à la confidentialité de certains documents et sollicite une ordonnance de confidentialité régissant la procédure.

[47]  À la lumière de ma décision relative à la première requête du procureur général, la deuxième requête est rejetée en raison de son caractère théorique. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1951-19

LA COUR STATUE que :

  1. La requête en radiation de l’avis de demande de contrôle judiciaire déposée le 29 janvier 2020 par le procureur général est accueillie et l’avis de demande de contrôle judiciaire est radié sans autorisation de le modifier.

  2. La requête présentée le 19 février 2020 par le procureur général en vue d’obtenir une exonération de l’obligation de fournir des documents confidentiels en vertu l’article 318 des Règles, et en vue d’obtenir une ordonnance concernant le traitement des documents confidentiels, est rejetée en raison de son caractère théorique.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1951-19

 

INTITULÉ :

KENNETH MCCARTHY c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 SEPTEMBRE 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Melynda Layton

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Caroline Engmann

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Layton Law Offices

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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