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Date : 20011130

Dossier : T-66-86B

                                                    Référence neutre : 2001 CFPI 1323

ENTRE :

                          BRUCE STARLIGHT, en son nom

    et au nom de tous les autres membres de la bande de Sarcee

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

                                                    - et -

CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)

       NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA

ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

                                                                                              intervenants

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                         

LE JUGE HUGESSEN

[1]    Il s'agit d'une requête se fondant sur la règle 369 et sollicitant différentes réparations contre le demandeur au motif qu'il a fait défaut de se conformer aux directives et aux règles de la Cour relativement à son interrogatoire préalable par la Couronne.


[2]    Même si la présente action et une action similaire (T-66-86A) étaient initialement jointes, elles ont ensuite été disjointes; malgré cette disjonction, j'ai permis qu'elles soient poursuivies conjointement jusqu'à maintenant dans l'attente de l'issue de l'appel interjeté contre la disjonction auprès de la Cour d'appel. La disjonction a été confirmée et les deux dossiers feront l'objet d'instances distinctes : 2001 CAF 339.

[3]    La Couronne a déposé le 22 octobre 2001 son avis de requête et son dossier de la requête. Après avoir obtenu une prorogation de délai, le demandeur a déposé sa réponse le 20 novembre 2001. La Couronne a déposé sa réplique le 26 novembre 2001. Dans sa réponse, le demandeur semblait indiquer avoir l'intention de présenter une requête incidente, qu'il voulait que j'examine en même temps que la présente requête, mais il n'a déposé aucune requête et aucun dossier de requête. De son côté, la Couronne a, dans sa réplique, renoncé à requérir que le demandeur soit déclaré coupable d'outrage au tribunal.


[4]                  Le 11 juillet 2001, la Cour a ordonné à la Couronne de tenir l'interrogatoire préalable du demandeur entre le 10 septembre et le 14 septembre 2001. Par conséquent, la Couronne a sollicité des copies des documents du demandeur. Par lettre d'accompagnement datée du 14 août 2001, le demandeur a affirmé fournir à la Couronne des copies des documents contenus dans son annexe I. La Couronne a allégué que plusieurs documents étaient manquants et que la plupart des documents fournis ne correspondaient pas aux numéros de document attribués. La Couronne a fait part de ces problèmes au demandeur le 30 août 2001 et, le 10 septembre 2001, elle a fourni à l'avocat du demandeur une liste détaillée des documents non produits. Il semble que l'avocate de la Couronne ait retourné les documents du demandeur le 16 novembre 2001, et l'avocat du demandeur a affirmé prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation.

[5]                 Par lettre du 26 juillet 2001, la Couronne a confirmé qu'elle tiendrait ses interrogatoires préalables au cours de la semaine du 10 au 14 septembre 2001 entre 10h et 17h à son bureau d'Edmonton. La Couronne a envoyée une lettre le 5 septembre 2001 dans laquelle elle demandait de commencer le premier jour par le déposant du demandeur dans l'action L'Hirondelle (T-66-86A) et disait être incertaine de la durée de cet interrogatoire. Elle a néanmoins demandé qu'un déposant dans cette action soit prêt et disponible dès le 12 septembre 2001. Les lettres de la Couronne sont demeurées sans réponse. En bout de ligne, l'interrogatoire du chef L'Hirondelle, la déposante du demandeur dans le dossier T-66-86A, a eu lieu les 11 et 12 septembre 2001. Dans les motifs rendus simultanément aux présents motifs, j'explique les raisons pour lesquelles cet interrogatoire était incomplet et insatisfaisant. Le 12 septembre, l'avocate de la Couronne avait l'intention de réserver son droit de tenir d'autres interrogatoires dans ce dossier et a décidé de commencer les interrogatoires préalables dans la présente action, mais personne n'a comparu ce jour-là et le lendemain.


[6]                 La Couronne a persévéré dans ses tentatives d'interroger un déposant dans la présente action. Le 4 octobre 2001, la Couronne a délivré une assignation à comparaître à Bruce Starlight (Starlight), le demandeur représentant en l'espèce, pour qu'il se présente à l'interrogatoire préalable en son nom, au nom des membres de la bande de Sarcee et au nom de cette bande. La Couronne lui a également fait parvenir une indemnité de déplacement. Starlight n'a toutefois pas comparu le 13 novembre 2001, mais M. Harley Crowchild (Crowchild) était présent à sa place. La Couronne s'est objectée mais elle a néanmoins interrogé Crowchild, sous réserve de cette objection.

[7]                 Au moyen de la présente requête, la Couronne s'est plaint de ce que le demandeur a fait défaut de se présenter à un interrogatoire préalable pendant la semaine du 10 au 14 septembre et de ce qu'il ne s'est pas conformé aux ordonnances que la Cour a rendues les 19 mars et 11 juillet 2001. La Couronne a allégué que le demandeur avait été suffisamment avisé des interrogatoires préalables puisque deux ordonnances distinctes avaient été rendues à ce sujet. Elle a affirmé que le demandeur connaissait bien ces ordonnances et qu'elle avait envoyé à l'avocat du demandeur des lettres confirmant le lieu, la date et l'ordre proposé des interrogatoires. La Couronne a également soutenu qu'elle était prête à accommoder un déposant de Starlight en tenant ses interrogatoires à Calgary les 13 et 14 septembre, mais que cette offre avait été refusée.


[8]                 Dans sa réplique, la Couronne a aussi prétendu avoir le droit d'interroger Starlight, le demandeur représentant, plutôt que Crowchild. Elle a fait valoir que l'avocat du demandeur avait effectué cette substitution unilatéralement. De plus, elle a avancé que, par sa conduite au cours des interrogatoires préalables des 13 et 14 novembre 2001, l'avocat du demandeur avait continué à délibérément retarder la procédure et à en abuser. L'avocate de la Couronne a finalement ajourné l'interrogatoire afin de solliciter des instructions de la Cour. Plus particulièrement, la Couronne s'est plaint des faits suivants :

           1.        L'avocat a refusé de permettre à son témoin de répondre à certaines questions contrairement à une ordonnance de la Cour;

2.         Lorsqu'on a fait remarquer à l'avocat que la seule exception à l'ordonnance de la Cour était la revendication d'un privilège, il a invoqué le privilège pour toutes les questions concernant les biens de la bande de Tsuu T'ina alors que le témoin avait mentionné que le peu de biens constituait une préoccupation liée au projet de loi C-31;

3.         L'avocat a soulevé de nombreuses objections à la même question, et ce, d'une façon particulièrement nuisible au déroulement de la procédure;


4.         L'avocat est intervenu de façon inappropriée pour influencer le témoin ou nuire au déroulement de la procédure;

5.         En acceptant sous réserve la majorité des engagements demandés, l'avocat a simplement tenté d'éviter les conséquences d'une ordonnance exigeant que les réponses soient données dans un délai d'un mois (31 engagements ont été demandés, 2 ont été acceptés, 10 ont été refusés et 19 ont été acceptés sous réserve).

[9]                 Enfin, la Couronne a prétendu qu'elle ne pouvait pas exercer de façon significative son droit de tenir des interrogatoires et d'obtenir des documents au préalable et qu'on nuisait à sa capacité de se préparer pour le procès et même à celle de respecter ses propres délais. Tout cela, selon elle, équivaut à un préjudice grave.


[10]            Quant à son présumé défaut de produire un déposant dans la présente action, le demandeur a invoqué l'ordonnance du 16 mars 2001, qui a fixé les interrogatoires aux semaines des 10 septembre et 12 novembre 2001, ainsi que la directive ultérieure prévoyant que la Couronne tiendrait ses interrogatoires en premier. Le demandeur a soutenu qu'en l'absence de directive à l'effet contraire, il avait le droit d'être interrogé au bureau de la Cour le plus près de l'endroit où il réside - en l'espèce, Calgary. Il a prétendu qu'il avait l'attente raisonnable que l'avocate de la Couronne tiendrait son interrogatoire préalable à Edmonton pendant toute la semaine du 10 septembre 2001 et qu'elle utiliserait ensuite la semaine du 12 novembre 2001 à Calgary pour interroger un déposant dans la présente action. À mon avis, ces arguments sont tout simplement insoutenables à la lumière du défaut de l'avocat du demandeur de répondre de quelque manière aux lettres que la Couronne lui a envoyées. C'est plus qu'un manque grossier de courtoisie entre collègues (bien que ce soit certes le cas); cela enlève toute crédibilité aux affirmations que l'avocat a faites dans ses observations écrites à la Cour. Il s'agit d'un triste état de choses.

[11]            Analyser les faits dans le cadre de la présente requête équivaut à tenter d'atteindre une cible mobile. La relation entre les parties est clairement dynamique. Les faits pertinents pour la requête changent chaque jour et tant la réponse du demandeur que la réplique de la Couronne allèguent des faits qui se sont produits depuis le dépôt de la requête. Toutefois, les parties doivent respecter des délais serrés et la Cour doit faire de son mieux pour les guider.

[12]            Premièrement, il doit ressortir de ce que j'ai déjà dit que je considère inexcusable le défaut de produire le demandeur Starlight les 13 et 14 septembre. L'avocat du demandeur savait pertinemment bien qu'il devait produire celui-ci, et il n'a pas fait le moindre effort pour informer la Couronne qu'il y avait un problème. Lorsqu'il s'est défendu en disant que Starlight était à Calgary, la frivolité de cet argument a immédiatement été démontrée par son refus de l'offre de la Couronne de tenir l'interrogatoire à Calgary.


[13]            Depuis le dépôt de la présente requête, la conduite du demandeur et de son avocat a même empiré. Aux interrogatoires fixés aux 13 et 14 novembre 2001 à Calgary, l'avocat du demandeur a décidé, uniquement de son propre chef, de produire une personne autre que le demandeur représentant alors que la Cour avait expressément refusé cette substitution plus de trois ans auparavant. Starlight était demandeur et témoin lors du premier procès; il est apparemment toujours membre du conseil de la bande et semble ne pas être en mauvaise santé. Je ne peux voir aucune bonne raison pour laquelle il ne devrait pas continuer d'être demandeur ou pour laquelle il devrait être retiré comme demandeur à cette étape si avancée.

[14]            Enfin, la transcription de l'interrogatoire de Crowchild qui m'a été fournie révèle que l'avocat du demandeur ne s'est conformé ni à l'ordonnance de la Cour ni à la règle 241. Plus particulièrement, j'avais ordonné que :

Le témoin doit répondre à toutes les questions visées par une objection, sa réponse étant fournie sous réserve de l'objection. Il ne peut refuser de répondre qu'en cas de revendication de privilège, laquelle doit faire l'objet d'une requête distincte. [2001 CFPI 1089, au paragraphe 11]

[15]            L'avocate de la Couronne a donné de nombreux exemples de cas où l'avocat du demandeur avait fait défaut de se conformer à cette ordonnance et où il avait agi de façon inappropriée. J'estime que la transcription démontre l'existence d'une tendance au manque de collaboration et à l'obstruction de la part de l'avocat du demandeur, ce qui mérite une réprimande sévère à mon avis. La répétition de cette conduite ne sera pas tolérée et j'ordonne au demandeur de remédier immédiatement à cette situation.


[16]            Comme dans l'affaire connexe, je punis la conduite du demandeur, qui est particulièrement mauvaise, en réduisant le nombre de jours qui lui avait été attribué pour qu'il interroge au préalable le représentant de la Couronne. La conduite étant bien pire que dans l'autre affaire, le nombre de jours éliminés sera de dix.

[17]            La Couronne peut, à son choix, considérer nul l'interrogatoire de Crowchild ou utiliser les réponses obtenues sans préjudice à son droit d'interroger le véritable demandeur représentant. Ce dernier doit répondre à toute assignation à comparaître, et le défaut de le faire entraînera la radiation de la déclaration et le rejet de l'action avec dépens.

[18]            Le demandeur doit donner suite, au plus tard le 14 décembre 2001, aux engagements acceptés lors de l'interrogatoire de Crowchild, y compris les engagements acceptés sous réserve.

[19]            Le demandeur doit défrayer les coûts de l'interrogatoire de Crowchild (dont les frais de transcription engagés par la Couronne) et payer sans délai les dépens de la requête, que je fixe à 2 000 $, nonobstant l'issue de l'affaire.


                                           ORDONNANCE

1.         Le demandeur doit répondre convenablement à toute assignation à comparaître, à défaut de quoi son action sera rejetée sommairement avec dépens.

2.         Le demandeur doit défrayer sans délai les coûts de l'interrogatoire de Crowchild tenu les 13 et 14 novembre 2001, dont les frais de transcription engagés par la Couronne. La Couronne peut, à son choix, utiliser les réponses fournies par Crowchild ou considérer nul l'interrogatoire.

3.         Le nombre de jours alloués pour l'interrogatoire du représentant de la Couronne par le demandeur est réduit de dix.

4.         Le demandeur doit donner suite, au plus tard le 14 décembre 2001, aux engagements acceptés lors de l'interrogatoire de Crowchild, y compris les engagements acceptés sous réserve.


5.         Le demandeur doit payer sans délai à la Couronne les dépens de la requête, que je fixe à 2 000 $, nonobstant l'issue de l'affaire.

                                                                           JAMES K. HUGESSEN                 

                                                                                                             Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 30 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-66-86B

INTITULÉ :                                           Bruce Starlight c. Sa Majesté la Reine et autres

REQUÊTE EXAMINÉE SUR LA BASE DES PRÉTENTIONS ÉCRITES SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :                                     30 novembre 2001

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR

M. Martin J. Henderson                          POUR LE DEMANDEUR Bruce Starlight

M. Philip P. Healey

M. Edward Pundyk                                 POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

M. Kenneth Purchase                              autochtones du Canada

M. Patrick Hodgkinson              POUR LA DÉFENDERESSE Couronne

Mme Kathleen Kohlman

M. Michael J. Donaldson                        POUR L'INTERVENANTE Non-Status Indian Association of Alberta

M. Jon Faulds                                        POUR L'INTERVENANTE Conseil national des autochtones du Canada (Alberta)

Mme Mary Ebert                                      POUR L'INTERVENANTE Association des femmes autochtones du Canada

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Aird & Berlis                                            POUR LE DEMANDEUR Bruce Starlight

Toronto (Ontario)


Lang Michener                           POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

Toronto (Ontario)                                    autochtones du Canada

M. Morris Rosenberg                              POUR LA DÉFENDERESSE Couronne

Sous-procureur général du Canada

Burnett Duckworth & Palmer     POUR L'INTERVENANTE Non-Status Indian

Calgary (Alberta)                                     Association of Alberta

Field Atkinson Perraton                          POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

Edmonton (Alberta)                                 autochtones du Canada (Alberta)

Eberts Symes & Crobett                         POUR L'INTERVENANTE Association des

Toronto (Ontario)                                    femmes autochtones du Canada

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