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              Date: 20010227

     Dossier: T-607-99

    Référence: 2001 CFPI 121

ENTRE :

NICHOLAS BONAMY

   demandeur

et

LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE

DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

     défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION

[1]             Nicholas Bonamy (ci-après le demandeur), un détenu fédéral, demande à cette cour d'examiner, conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, une décision par laquelle la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (ci-après la Section d'appel) a rejeté, le 9 mars 1999, l'appel qu'il avait interjeté contre une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles (ci-après la Commission) en date du 14 juillet 1998, lui refusant la semi-liberté. Sur consentement des parties, il est statué par écrit sur cette demande de contrôle judiciaire.


LES FAITS

[2]         Le demandeur purge actuellement une peine globale de neuf ans par suite des déclarations de culpabilité suivantes : (1) vol d'une somme de 900 000 $ qui était dans un compte bancaire, commis le 15 février 1996; (2) vol et emploi d'un document contrefait, commis le 10 décembre 1997; (3) six infractions distinctes se rapportant à la violation d'un droit d'auteur et à une fraude, commises le 6 février 1998.

[3]         Le 15 août 1998, le demandeur est devenu admissible à la semi-liberté et, le 15 février 1999, il est devenu admissible à la libération conditionnelle totale.

[4]             Lorsqu'il a initialement fait l'objet d'une déclaration de culpabilité en Alberta, le demandeur résidait à Victoria (Colombie-Britannique). Il a demandé à être placé dans un pénitencier situé près de la collectivité à laquelle il appartenait, à Victoria, conformément aux articles 28 et 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (ci-après la Loi).

[5]         Le 7 mars 1996, le bureau du district de Victoria de Service correctionnel Canada (ci-après le SCC) a demandé une évaluation communautaire à la suite de la demande que M. Bonamy avait faite en vue d'être placé dans un pénitencier situé près de la collectivité à laquelle il appartenait, à Victoria. La demande a été refusée.


[6]         Le 30 mai 1996, M. Bonamy a reçu une copie d'un rapport intitulé : [TRADUCTION] « Information statistique sur la récidive » préparé par la Commission. Selon ce rapport, le risque de récidive que présentait le demandeur était très faible.

[7]         Au mois de juillet 1997, M. Bonamy a demandé la semi-liberté. La demande renfermait un plan préliminaire de libération, une note y étant jointe disant qu'un plan plus définitif, avec des références relatives à la réputation de M. Bonamy, serait soumis à la Commission avant l'audience de libération conditionnelle. Le demandeur déclare que ces documents ont été fournis à la Commission le 28 avril 1995. Toutefois, ils n'ont pas été fournis au SCC, qui n'a pas eu la possibilité de les apprécier.

[8]         La Commission a informé le demandeur, par une lettre en date du 2 octobre 1997, qu'une audience relative à la question de la semi-liberté aurait lieu au mois de février 1998 et que la question de la libération conditionnelle totale serait également examinée à ce moment-là. Cette audience a été ajournée à la demande de M. Bonamy.

[9]         Le 12 janvier 1998, le demandeur a signé un formulaire d'échange d'information, dans lequel il était reconnu que de l'information avait été échangée au moins quinze jours avant l'audience.


[10]       Comme il en a été fait mention, l'audience de libération conditionnelle a été annulée et reportée à plusieurs reprises à cause d'une suite de malentendus et d'erreurs administratives. Une audience a finalement été tenue le 14 juillet 1998. La Commission a rejeté la demande de semi-liberté, notamment pour le motif que M. Bonamy avait fait l'objet de graves déclarations de culpabilité pour fraude; que rien ne montrait qu'il s'était inscrit à des programmes ou à des séances de counselling ou qu'il avait achevé avec succès pareils programmes et pareilles séances et que l'équipe de gestion du cas ne souscrivait pas à la mise en liberté sous condition, sous quelque forme que ce soit. La décision est résumée dans le passage suivant, à la page 3 :

[TRADUCTION]

La Commission a conclu que vous ne comprenez absolument pas ce qui vous amène à avoir un comportement trompeur, de sorte qu'il serait impossible de gérer les facteurs de risque. La Commission a donc conclu que le risque que vous présentez ne peut pas être géré dans la collectivité et la semi-liberté est refusée.

[11]       Le demandeur a interjeté appel contre cette décision auprès de la Section d'appel conformément à l'article 147 de la Loi.

[12]       Le 9 mars 1999, la Section d'appel a confirmé la décision de la Commission. Elle a conclu que la Commission avait appliqué de la façon appropriée les critères prélibératoires aux faits de l'affaire, que la décision était fondée en droit et en vertu des politiques de la Commission et qu'elle était conforme aux règles de justice fondamentale.

LES POINTS LITIGIEUX

[13]       Le demandeur invoque les articles 7, 8 et 15 de la Charte mais, selon moi, les motifs invoqués portent également sur la question de la violation de la loi. Selon le demandeur :


a)             la Commission n'a pas tenu compte de toute l'information pertinente disponible, en violation de l'alinéa 101b) de la Loi;

b)             la Commission n'a pas réglé le cas de la façon la moins restrictive possible, compte tenu de la protection de la société, en violation de l'alinéa 101d) de la Loi;

c)             la Commission n'a pas donné au demandeur les motifs de la décision ainsi que tous les autres renseignements pertinents de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, en violation de l'alinéa 101f) de la Loi;

d)             la Commission a violé les droits reconnus à l'article 9 de la Charte lorsqu'elle a refusé la semi-liberté, le demandeur ayant démontré qu'il ne commettrait pas de récidive et qu'il ne présenterait pas un risque inacceptable pour la société avant l'expiration de sa peine. Sur ce point, le demandeur soutient en outre que sa mise en liberté contribuerait à la protection de la société en favorisant sa réinsertion;

e)             la Commission a violé les droits reconnus à l'article 15 de la Charte en refusant d'apprécier la réputation du demandeur et de traiter le demandeur de la même façon que les autres détenus en liberté conditionnelle, alors qu'ils satisfaisaient tous au même critère, énoncé à l'article 102 de la Loi.

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[14]       La Loi est ainsi libellée :



Purpose of conditional release

100. The purpose of conditional release is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by means of decisions on the timing and conditions of release that will best facilitate the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens.

Objet

100. La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.


101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.

Criteria for granting parole

102. The Board or a provincial parole board may grant parole to an offender if, in its opinion,

(a) the offender will not, by reoffending, present an undue risk to society before the expiration according to law of the sentence the offender is serving; and

(b) the release of the offender will contribute to the protection of society by facilitating the reintegration of the offender into society as a law-abiding citizen.

1992, c. 20, s. 102; 1995, c. 42, s. 27(F).

141(1) Disclosure to offender

141. (1) At least fifteen days before the day set for the review of the case of an offender, the Board shall provide or cause to be provided to the offender, in writing, in whichever of the two official languages of Canada is requested by the offender, the information that is to be considered in the review of the case or a summary of that information.

Appeal to Appeal Division

147(1) An offender may appeal a decision of the Board to the Appeal Division on the ground that the Board, in making its decision,

(a) failed to observe a principle of fundamental justice;

(b) made an error of law;

(c) breached or failed to apply a policy adopted pursuant to subsection 151(2);

(d) based its decision on erroneous or incomplete information; or

(e) acted without jurisdiction or beyond its jurisdiction, or failed to exercise its jurisdiction.

...

147(4) Decision on appeal

(4) The Appeal Division, on the completion of a review of a decision appealed from, may

(a) affirm the decision;

(b) affirm the decision but order a further review of the case by the Board on a date earlier than the date otherwise provided for the next review;

(c) order a new review of the case by the Board and order the continuation of the decision pending the review; or

(d) reverse, cancel or vary the decision.

[emphasis mine]

101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent_:

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l'échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d'une part, et par la communication de leurs directives d'orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu'au public, d'autre part;

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

e) elles s'inspirent des directives d'orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en oeuvre de ces directives;

f) de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

Critères

102. La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d'avis qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle-cien favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

1992, ch. 20, art. 102; 1995, ch. 42, art. 27(F).

Communication de l'information

141(1) Délai de communication

141. (1) Au moins quinze jours avant la date fixée pour l'examen de son cas, la Commission fait parvenir au délinquant, dans la langue officielle de son choix, les documents contenant l'information pertinente, ou un résumé de celle-ci.

Droit d'appel

147. (1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d'appel pour l'un ou plusieurs des motifs suivants_:

a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;

b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;

c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;

d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;

e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l'exercer.

                                             [...]

147(4) Décision

(4) Au terme de la révision, la Section d'appel peut rendre l'une des décisions suivantes_:

a) confirmer la décision visée par l'appel;

b) confirmer la décision visée par l'appel, mais ordonner un réexamen du cas avant la date normalement prévue pour le prochain examen;

c) ordonner un réexamen du cas et ordonner que la décision reste en vigueur malgré la tenue du nouvel examen;

d) infirmer ou modifier la décision visée par l'appel.

[Je souligne.]


[15]       Le Guide des politiques de la Commission nationale des libérations conditionnelles prévoit ce qui suit :



12 - Appeals

The role of the Appeal Division is to ensure that the law and the Board policies are respected, and that the rules of fundamental justice are adhered to and that the Board's decisions are based upon relevant and reliable information.

The Appeal Division reviews the decision-making process to confirm that it was fair and that the procedural safeguards were respected.

The Appeal Division has jurisdiction to reassess the issue of risk to reoffend and to substitute its discretion for that of the original decision makers, but only where it finds that the decision was unfounded and unsupported by the information available at the time

the decision was made.

12 - Appels

Le rôle de la Section d'appel est de veiller à ce que la loi, les politiques de la Commission et les règles de justice fondamentale soient respectées et à ce que les décisions de la Commission soient fondées sur des renseignements pertinents et fiables.

La Section d'appel examine le processus décisionnel afin de s'assurer qu'il a été équitable et que les garanties procédurales ont été respectées.

La Section d'appel a compétence pour réévaluer la question du risque de récidive et substituer son jugement à celui des commissaires qui ont étudié le cas. Cependant, elle exerce cette compétence seulement si elle conclut que la décision est sans fondement et qu'elle n'a pas été appuyée par de l'information disponible au moment où la décision a été prise.


ANALYSE

a)             Omission de tenir compte de toute l'information applicable

[16]       Le demandeur allègue que la Section d'appel n'a pas tenu compte de toute l'information pertinente disponible, à savoir le plan de libération et les références relatives à la réputation qui avaient été soumis, en violation de l'alinéa 101b) de la Loi.

[17]       Le défendeur affirme qu'[TRADUCTION] « il n'est pas nécessaire dans tous les cas que la Commission tienne compte du plan de libération d'un détenu qui demande la semi-liberté » parce que, conformément à l'article 102 de la Loi, qui traite de l'octroi de la libération conditionnelle, la Commission avait conclu qu'il n'y avait aucune façon de gérer le risque que M. Bonamy présentait dans la collectivité. Comme l'avocat du défendeur l'a dit dans ses observations écrites, l'examen du plan de libération dépend d'une décision selon laquelle il est possible de gérer le risque que présente le détenu dans la collectivité. L'avocat cite le chapitre 2.1 du Guide des politiques de la Commission.


[18]       Dans la décision Knapp c. Canada (Procureur général) et autre (1997), 138 F.T.R. 201 (1re inst.), conf. (1998), 229 N.R. 22, le juge Noël (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

[33] Le requérant ajoute qu'il aurait dû faire l'objet d'une évaluation communautaire. L'alinéa 132(1)d) de la Loi énonce un autre facteur pertinent quant à l'enquête concernant le risque de récidive, soit « l'existence de programmes de surveillance de nature à protéger suffisamment le public contre le risque que présenterait le délinquant jusqu'à l'expiration légale de sa peine » . Selon le requérant, la Commission ne pouvait rendre une décision aux termes de cet alinéa sans d'abord lui demander de se soumettre à une évaluation communautaire. Cependant, la Section d'appel a conclu que les évaluations communautaires ne sont faites que lorsque des programmes de surveillance permettant de gérer le risque sont en place. En réalité, elle a statué qu'aucun programme de cette nature n'était en vigueur.

[34]L'économie de la Loi donne à penser que la décision d'ordonner ou de ne pas ordonner une évaluation communautaire relève d'un pouvoir discrétionnaire. L'équipe de gestion du cas a conclu à l'absence de ressources permettant de surveiller de façon satisfaisante le requérant à l'intérieur de la collectivité, compte tenu de ses besoins particuliers. La Commission d'appel a souscrit à cette opinion, statuant ainsi qu'une évaluation communautaire ne convenait pas. Aucun élément de la preuve ne permet de dire qu'en arrivant à cette conclusion, la Commission s'est fondée sur un principe erroné ou sur des facteurs inappropriés ou non pertinents.

[Je souligne.]

[19]       Dans la réponse qu'elle a donnée à M. Bonamy, la Section d'appel a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans votre cas, compte tenu des conclusions auxquelles sont arrivés les membres au sujet de l'importance du risque, nous concluons que l'évaluation communautaire visant à vérifier votre plan de libération n'aurait pas aidé la Commission dans sa décision.

[20]       À mon avis, la Commission possède le pouvoir discrétionnaire, en s'acquittant de l'obligation qui lui incombe, de tenir compte de toute l'information disponible, y compris celle qu'elle a obtenue du délinquant. Cette information doit être pertinente. Je suis d'accord avec l'avocat du défendeur pour dire qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, la Commission n'avait pas à tenir compte du plan de libération et des références relatives à la réputation du demandeur.


[21]       Sur le plan de l'interprétation et des impératifs de la loi, un principe primordial applicable à l'octroi de la libération conditionnelle se rapporte au risque inacceptable que le délinquant présente pour la société. La Commission a conclu que le demandeur ne pouvait pas gérer son risque dans la collectivité. Une fois que cette décision était prise, le plan de libération n'était plus pertinent puisqu'il traitait des modalités de mise en oeuvre de la mise en liberté. Ces remarques s'appliquent également à l'argument du demandeur selon lequel le SCC aurait dû effectuer une évaluation communautaire.

b) Le règlement du cas le moins restrictif possible

[22]       Le demandeur allègue qu'étant donné qu'il présente un faible risque de récidive, la Section d'appel n'a pas réglé le cas de la façon la moins restrictive possible, compte tenu de la protection de la société, en violation de l'alinéa 101d) de la Loi. Il étaye cette allégation en mettant l'accent sur le score positif qu'il a obtenu selon l'outil statistique connu sous le nom d' « Information statistique sur la récidive » (ISR) et sur le fait qu'il n'a pas été déclaré coupable d'infractions violentes.

[23]       Le défendeur soutient que l'ISR n'est que l'un des facteurs que la Commission est tenue d'examiner en effectuant une évaluation du risque. Il est soutenu que cet outil est fondé sur des facteurs statistiques existant au début de l'incarcération du détenu et ne fournit pas de renseignements au sujet du comportement du détenu au cours de son incarcération. De plus, le défendeur affirme que les tribunaux ont en général hésité à modifier les conclusions de fait tirées par la Commission si elles ne sont pas manifestement déraisonnables.


[24]       Dans la décision Hay c. Commission nationale des libérations conditionnelles et autres (1991), 48 F.T.R. 165 (1re inst.), voici ce qu'a dit le juge Dubé au paragraphe 12 : « Il incombe à la Commission de déterminer si la mise en liberté totale ou graduelle du requérant, avec ou sans surveillance, constitue un risque pour la société. » Je souscris à cette remarque; je ne puis rien constater à l'appui de l'allégation selon laquelle la Section d'appel a commis une erreur en concluant, après avoir tenu compte de la preuve dans son ensemble, que la Commission avait réglé le cas de la façon la moins restrictive possible.

c) Omission d'échanger de l'information

[25]       Le demandeur allègue en outre que la Commission n'a pas échangé tous les documents concernant l'information pertinente, ou un résumé de celle-ci, comme elle était tenue de le faire en vertu du paragraphe 141(1) de la Loi. Il étaye cette allégation en affirmant qu'au cours de l'audience, la Commission a fait certaines remarques erronées.

[26]       Le défendeur soutient que, dans sa décision, la Section d'appel a reconnu que la Commission s'était trompée en disant que le nom figurant sur le certificat de naissance du demandeur et celui qui était inscrit sur son permis de conduire étaient différents. De fait, voici ce que la Section d'appel a dit à la page 4 de sa décision :

[TRADUCTION]

Nous reconnaissons que le rapport de la GRC n'a pas été porté à votre connaissance, mais nous concluons que, conformément aux politiques, vous avez été mis au courant de son contenu. Par conséquent, tous les renseignements versés au dossier dont la Commission disposait au moment de l'audience ont été échangés. Il est malheureux que la Commission ait par erreur invoqué un renseignement erroné, mais à notre avis, vous n'avez subi aucun préjudice injustifiable susceptible d'amener cette dernière à modifier l'évaluation globale du risque.


[27]       Le demandeur n'a pas réussi à me convaincre que la Commission s'était fondée sur ce renseignement qu'elle n'avait pas porté à sa connaissance, de sorte que la chose a eu pour effet d'influer sur la décision dans son ensemble. Madame le juge Reed a examiné une situation similaire dans la décision Teed c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1990] A.C.F. no 260 (1re inst.); elle a conclu ce qui suit :

Rien ne permet de conclure qu'en l'espèce la Commission se soit fondée sur ces allusions et que cela ait joué un rôle important dans sa décision. Il ressort à l'évidence du dossier que la Commission savait que le requérant n'avait été condamné que pour des voies de fait. Il est également évident que la décision de la Commission était fondée sur son appréciation générale des traits de personnalité et du comportement du requérant, ainsi que sur des évaluations qui indiquaient qu'il devait subir d'autres traitements avant d'être remis en liberté. Comme il a été précisé, les tribunaux respectent les décisions des commissions lorsque ces décisions relèvent du champ de compétence particulier de ces commissions. En l'espèce, il m'est impossible de conclure que la Commission a fondé sa décision sur une appréciation erronée des faits, qu'elle a rendu une décision abusive ou arbitraire ou qu'elle n'a pas tenu compte des faits qui lui avaient été soumis. [Je souligne.]

d) L'article 9 de la Charte et l'évaluation du risque

[28]       Le demandeur soutient également que la Section d'appel a violé les droits reconnus à l'article 9 de la Charte, parce que la Commission n'a pas été évalué le risque qu'il présentait d'une façon appropriée. Le demandeur purge une peine par suite de plusieurs déclarations de culpabilité et il n'est absolument pas détenu arbitrairement. En outre, « [l]a mise en liberté sous condition augmente plutôt qu'elle ne diminue la liberté dont le détenu a le droit de jouir » comme l'a dit le juge Mahoney, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Dempsey c. Canada (1987), 80 N.R. 159, à la page 160.

[29]       Je statue que le refus de la Section d'appel d'accorder la semi-liberté n'équivaut pas à une détention ou à un emprisonnement arbitraires.


e) L'article 15 de la Charte

[30]       Le demandeur allègue également que la Section d'appel a violé les droits reconnus à l'article 15 de la Charte en agissant d'une façon discriminatoire à son endroit, en ce sens qu'il aurait dû obtenir la semi-liberté parce qu'il a purgé sa peine dans un centre de détention provisoire et qu'il est traité d'une façon plus sévère que les autres individus qui sont détenus dans les pénitenciers. Je conclus que l'article 15 ne s'applique pas en l'espèce. La Cour suprême du Canada a depuis longtemps établi ce qui suit dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143 :

[L]a discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont rarement.

[31]       Plus récemment, dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, page 529, la Cour suprême a fait les remarques suivantes au sujet des droits protégés par l'article 15 de la Charte :

[L]e par. 15(1) a pour objet d'empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l'imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l'existence d'une société où tous sont reconnus par la loi comme des êtres humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération.

[32]             Récemment, le juge Linden, au nom de la Cour d'appel fédérale, a conclu, dans l'arrêt Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2000] 2 C.F. 117, page 194, que l'état de détenu ne constitue pas un motif analogue de discrimination en vertu de l'article 15 :


En l'espèce, j'estime que l'état de prisonnier ne constitue pas un motif analogue aux fins de l'article 15 de la Charte et je conclurais donc qu'il n'y a pas eu contravention à cet article.

[33]       Cela étant, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse fondée sur l'article 15.

DISPOSITIF

[34]       À ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

             « François Lemieux »             

JUGE

OTTAWA (ONTARIO),

LE 27 FÉVRIER 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER : T-607-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : Nicholas Bonamy c. Le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Lemieux en date du 27 février 2001

ARGUMENTATION ÉCRITE :

Nicholas Bonamy POUR LE DEMANDEUR

Rodney Yamanouchi POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nicholas Bonamy POUR LE DEMANDEUR

Prince Albert (Saskatchewan)

Morris Rosenberg                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

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