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                                                                                                                                  Date : 20010427

                                                                                                                       Dossier : IMM-2597-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 396

Entre :

                                                  MOLUKA ARTHUR KALONDA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

                                                                                                                                                           

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 25 avril 2000, statuant qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


[2]         La Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention en raison de son manque de crédibilité. La Commission est justifiée de conclure qu'un demandeur n'est pas crédible à cause d'invraisemblances dans son témoignage dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315) et ses motifs sont rédigés « en termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 à la page 201 (C.A.F.)). Dans l'arrêt Aguebor, précité, le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré, aux pages 316 et 317, que le même niveau de retenue judiciaire s'applique aux questions de crédibilité et aux questions d'invraisemblance.

[3]         Dans la présente affaire, je suis d'avis que la Commission a commis une erreur dans sa détermination des circonstances entourant l'événement du 13 août 1999. En effet, le demandeur allègue que la Commission n'aurait pas dû le pénaliser parce qu'il ignorait la raison pour laquelle les autorités avaient agi comme elles l'avaient fait. Il cite deux affaires à l'appui de cette prétention : Chen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (4 octobre 1993), A-30-91 (C.A.F.) et Kong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (27 janvier 1994), IMM-471-93 (C.F. 1re inst.). Dans l'affaire Kong, Madame le juge Reed a conclu que :

[11]          Il est important de réfléchir sur le genre de questions qui ont été posées au requérant. On lui a demandé comment la police a découvert sa participation. Manifestement, il ne pouvait pas le savoir; il pouvait faire des suppositions, comme il l'a fait. D'autres ont pu lui avoir dit ce qu'ils pensaient être arrivé. Il a raconté ce qu'on lui a dit et cela ne contenait aucune référence aux papiers d'emballage. Certainement, si on se fonde sur la preuve produite devant la Commission, l'avocat du requérant a eu raison de souligner que les questions posées à ce dernier ont porté sur des sujets dont il ne savait rien.[...]

[4]         Dans la présente affaire, en réponse aux questions de son avocat, M. Kalonda a déclaré :

                               Q.-           Donc, pourquoi sont-ils venus vous arrêter?

R.-           Bon, à l'instant, à votre question, s'il vous plaît, je pourrais imaginer. Je peux donner un avis parce que...

Q.-           Vous ne savez peut-être pas la raison, mais...

R.-           Oui.

Q.-           ...qu'est-ce que vous pensez que ça peut être?

R.-           Moi, je pense qu'ils avaient une information que moi, j'ignorais. Ils pouvaient avoir une information que moi, j'ignorais. Bon. Dans le...


Q.-           Quelle information?

R.-           Par exemple, les rapports avec Munyuampenda ou bien la lettre que j'avais reçue de Aloïs Ndamage, parce que c'était quand même curieux . . .

Q.-           Mais cette lettre, elle a été interceptée ou bien vous l'avez reçue?

R.-           Ça, je l'avais reçue au mois de juin (inaudible).

Q.-           Donc, pourquoi est-ce que les forces de l'ordre auraient été au courant de cette information?

R.-            Dans l'ordre des choses actuelles, je ne peux qu'imaginer. Je ne sais pas quel genre d'information ils avaient, mais je ne peux qu'interpréter leurs déclarations et leurs actes.

[. . .]

Q.-           Donc, quand ils sont venus vous arrêter, ils n'avaient pas ces documents? Ils les ont pris à cette occasion? C'est ça?

R.-           Oui. Ils les ont pris à cette occasion, quand ils ne m'ont pas trouvé.

Q.-           Donc, s'ils n'avaient pas ces informations avant, pourquoi auraient-ils voulu vous arrêter?

R.-           À votre question, je ne peux encore que deviner. . . .

Q.-           . . . Comment est-ce que le gouvernement a su ces informations?

R.-            Le gouvernement a ses méthodes de travail que j'ignore. Malheureusement, sur -- je peux interpréter ce que -- leurs intentions que par les actes qu'ils posent. . . .

[5]         Contrairement à la prétention du défendeur, la décision de la Commission n'était pas seulement une conclusion basée sur « le bon sens » (voir Shahamati c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (24 mars 1994), A-388-92 (C.A.F.)). Au contraire, il ressort clairement de la lecture de cet extrait que le demandeur ne faisait que des suppositions dans ses réponses aux questions de la Commission et que cette dernière en était tout à fait consciente. Le demandeur a expressément déclaré à au moins quatre reprises qu'il ne pouvait qu'imaginer les raisons pour lesquelles les autorités l'avaient arrêté le 16 août 1999. Tout son témoignage relativement à la question de savoir pourquoi les autorités s'intéressaient à lui à cette date n'était que de la conjecture de sa part. Néanmoins, la décision de la Commission se lit en partie ainsi :


En plus de ne pas croire à l'existence du mandat d'arrestation pour les raisons susmentionnées, le tribunal ne croit pas au témoignage du revendicateur lorsqu'il décrit le déroulement de la visite des militaires. Dans son témoignage oral, il a indiqué qu'on lui aurait imputé des opinions politiques suite à la saisie des documents des réunions à la maison du revendicateur. Il est invraisemblable qu'on désire l'arrêter avant d'avoir saisi les documents qui seraient, selon le témoignage du revendicateur, la raison pour laquelle on s'intéressait au revendicateur, puisqu'il a témoigné qu'auparavant les autorités ne s'intéressaient pas à lui, ni à son association. Le tribunal ne croit pas au témoignage du revendicateur. Son histoire est invraisemblable et non logique.

[6]        Il est vrai qu'à moins qu'une erreur ait un certain effet sur la décision, la Cour n'est pas obligée de l'annuler (voir Schaaf c. Canada (M.E.I.), [1984] 2 C.F. 334 à la page 342 (C.A.F.) et Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada, Inc., [1991] 3 C.F. 626 (C.A.F.)). Néanmoins, dans la présente affaire, la Commission conclut : « Le tribunal ne croit pas au témoignage du revendicateur. Son histoire est invraisemblable et non logique. » Selon moi, cette conclusion montre l'énorme impact que cette seule question a eu sur toute la crédibilité du demandeur aux yeux de la Commission. Comme dans l'affaire Kong, précitée, il est évident que la Commission a tiré des conclusions très préjudiciables de ce témoignage qui était l'essence de la revendication du demandeur. Il faut remarquer que le témoignage du demandeur quant à cet événement était pour le reste logique et non contradictoire. Je conclus donc que l'intervention de la Cour est justifiée.

[7]         Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition.

« Yvon Pinard »

J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L


                                                                                                                                  Date : 20010427

                                                                                                                       Dossier : IMM-2597-00

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2001

En présence de : Monsieur le juge Pinard

Entre :

                                                  MOLUKA ARTHUR KALONDA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 25 avril 2000, statuant que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition.

« Yvon Pinard »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L                               


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                                 IMM-2597-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Moluka Arthur Kalonda c. M.C.I.

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                               le 5 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                                                 27 avril 2001

ONT COMPARU :                                        

Micheal Crane                                       POUR LE DEMANDEUR

Amina Riaz                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR

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