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Date : 20010626

Dossier : IMM-2254-01

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 703

Entre :

                                                  RICHARDSON N. SAYUNO

                                                                                                                                        demandeur

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]                 Le demandeur (né le 6 novembre 1976) est entré au Canada avec ses parents et sa soeur en mars 1994, à l'âge de dix-huit ans. Ses parents sont séparés depuis 1995 environ. Le demandeur fait l'objet d'une mesure d'expulsion, signée le 14 juin 2000, en vertu du paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration. La présente requête vise à obtenir une ordonnance qui surseoirait à l'exécution de la mesure d'expulsion ou de renvoi du demandeur en attendant l'issue de sa demande d'autorisation d'instituer une demande de contrôle judiciaire, ce qui est normalement une bonne idée. La requête du demandeur s'appuie sur l'habituel critère à trois volets.


[2]                 Le paragraphe 32(2) de la Loi prévoit donc que :

S'il conclut que l'intéressé est un résident permanent se trouvant dans l'une des situations visées au paragraphe 27(1), l'arbitre, sous réserve des paragraphes (2.1) et 32.1(2), prend une mesure d'expulsion contre lui.

Selon la personne siégeant à la Section d'appel de l'immigration, le demandeur a fait l'objet d'une mesure d'expulsion en raison de son passé criminel. Elle a énoncé :

La légalité de la mesure d'expulsion [...] n'a pas été contestée et la mesure est valide en droit.

« En conséquence, a-t-elle écrit, l'appelant en appelle à la compétence discrétionnaire de la Section d'appel et fait valoir que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il ne devrait pas être renvoyé du Canada. »

[3]    Les conclusions suivantes de la Section d'appel dans la présente affaire sont pertinentes :

Arrivé au Canada il y a six ans, l'appelant a aujourd'hui un casier judiciaire chargé. Bon nombre des actes criminels dont il s'est rendu coupable impliquent l'usage de la violence, dont six condamnations pour voies de fait, lésions corporelles et agression armée. L'appelant a obtenu le droit de s'établir au Canada avec ses parents et sa soeur en mars 1994 à l'âge de 18 ans. Il a été condamné pour la première fois à peine 15 mois plus tard. Il a été condamné le 11 juillet 1995 pour lésions corporelles, le 21 novembre 1995 pour méfait à l'égard d'un bien de moins de 5 000 $ et pour voies de fait le 25 janvier 1996. En février 1999, il a été reconnu coupable sous de multiples chefs d'accusation : agression armée, voies de fait (deux chefs) et omission de se conformer à une condition d'une promesse. Puis, tout juste six mois plus tard, il a été une fois de plus condamné pour agression de même que, sous deux chefs, pour omission de se conformer à une condition d'un engagement.


J'estime qu'il s'agit là d'actes graves et il faut les considérer comme autant de facteurs nettement défavorables. L'appelant a commencé à se livrer à des actes criminels peu après son arrivée au Canada, alors qu'il n'était encore qu'un jeune adulte, et son comportement criminel a culminé avec les récentes condamnations du mois d'août 1999. Ces actes impliquent l'usage de la violence, dont une agression à l'aide d'un couteau. Il s'agit également d'actes prémédités, comme celui d'apporter un couteau à l'endroit où l'appelant envisageait d'affronter l'ancien copain de son amie, un fait qu'il a admis à l'époque de l'incident et pour lequel il a plaidé coupable.Moins d'un an plus tard, il a été condamné pour voies de fait après avoir réagi à une vague injure en usant de la violence physique. Au cours de l'année 1997, il a dû s'engager à ne pas troubler l'ordre public après avoir été accusé d'avoir proféré des menaces. Une autre fois, en 1999, il est allé à la recherche de sa victime sur le lieu de travail de celle-ci. La victime, qui ne le connaissait pas, était le superviseur de sa femme. Celle-ci avait dit à l'appelant que son superviseur ne lui avait pas permis de s'inscrire à un programme de formation et l'appelant est allé le trouver. Il l'a alors empoigné, l'a plaqué contre un mur en lui pressant un bras sur la gorge jusqu'à ce que d'autres membres du personnel réussissent à le dégager. Il s'agit là d'une conduite qui, à mes yeux, dépasse et de loin la simple « immaturité » ou la « frustration conjugale » qui devrait atténuer la gravité des actes criminels de l'appelant, de l'avis de son conseil. À mes yeux, cette conduite ne s'observe pas seulement au cours d'un incident unique ou à l'occasion d'un seul événement déclenchant. Il ne s'agit pas seulement, à mes yeux, de simples réactions spontanées devant une menace ou une provocation. Les actes de l'appelant ont exigé, en ce qui concerne plusieurs de ses condamnations, l'intention et la décision de passer à l'acte. J'estime également que l'appelant ne s'en tient pas, quant aux choix de ses victimes, aux personnes qui l'ont pris à partie ou qui l'ont provoqué. L'appelant et la personne qu'il a frappée d'un coup de couteau ne se connaissaient pas. Le superviseur ne connaissait pas son agresseur. J'estime qu'il s'agit là de circonstances nettement défavorables à l'appelant.

J'estime également qu'un certain nombre des condamnations de l'appelant pour voies de fait, dont sa condamnation pour agression armée, ont un lien avec la relation tumultueuse que l'appelant entretient avec sa femme, Jackie Abraham Sayuno, qu'il a épousée au cours de la semaine qui a précédé l'audition du présent appel. Pourtant, je constate également, à la lecture du rapport du Dr Fred Shane, rapport sur lequel je reviendrai plus loin, que, le 15 décembre 2000, l'appelant a affirmé qu'il envisageait d'épouser un jour la mère de ses enfants, Jackie Sayuno, mais qu'ils n'avaient alors pas de projet concret à cet égard. Ils se sont toutefois mariés au milieu de janvier 2001, à peine un mois plus tard. Une telle célébration se planifie longtemps à l'avance. J'estime que ce mariage a été contracté à la veille de l'audition du présent appel, suivant la prépondérance des probabilités, dans le but de convaincre la Section d'appel de la stabilité et de l'importance de cette relation.

Or, il s'agit là d'une union instable, et ce, depuis le début, en 1997. Les parents de Mme Sayuno s'opposaient à cette relation. Mme Sayuno avait 16 ans à l'époque et l'appelant, près de 21 ans. Mme Sayuno est tombée enceinte environ trois mois après leur première rencontre. Depuis le tout début, leurs relations ont évolué en dents de scie et on ne compte plus les disputes, les ruptures et les épisodes de violence tant physique que verbale. Les ruptures ont alterné avec les périodes de vie commune. Par exemple, l'appelant et Mme Sayuno ont vécu séparés en juin 1998 et en juillet 1999. On leur a remis de la documentation sur la violence conjugale et l'appelant a suivi un cours sur le sujet durant l'été 2000. À mon avis, la preuve révèle, suivant la prépondérance des probabilités, que les parties attisent toutes deux les flammes de la discorde conjugale, bien que seul l'appelant se livre à de la violence physique. Il s'agit là, à mon avis, d'une relation fondamentalement perturbée et c'est précisément ce dysfonctionnement qui explique la naissance de leur deuxième enfant, en novembre 2000. Comme les deux parties n'ont rien fait pour changer ni pour solliciter de l'aide, j'estime que le fait que l'appelant a continué d'entretenir cette relation joue contre lui.

.


[4]                 Que le ministre soit obligé d'exécuter les mesures d'expulsion avec diligence et promptitude, est une règle de droit bien connue qui ne connaît que quelques exceptions, exceptions auxquelles la situation du demandeur ne semble pas justifier le recours. Quand le demandeur est arrivé au Canada, il avait déjà un comportement criminel et violent dont le Canada n'a pas besoin. Malgré les déclarations du demandeur, la Cour estime que les avocats qui ont comparu pour cette affaire à la Section d'appel n'ont pas fait de recommandations mutuelles comme celles qui sont décrites au paragraphe 75 ou encore au paragraphe 83 de l'affidavit du demandeur, daté du 19 juin 2001. La preuve d'un mal irréparable n'a pas, non plus, été faite devant la Cour. La prépondérance des inconvénients favorise le ministre. Tenant compte du meilleur intérêt des enfants du demandeur, la Cour estime qu'il serait préférable pour eux que leur père soit, de façon prolongée, absent de leurs vies en raison de son comportement criminel récurrent. La Cour souscrit aux arguments de l'avocat du ministre présentés à l'audience et les entérine. La Cour estime de plus que la Section d'appel de l'immigration n'a commis aucune erreur susceptible de révision.

[5]                 La demande est donc rejetée et la mesure d'expulsion, en date du 14 juin 2000, est confirmée.

« F.C. Muldoon »

Juge

Winnipeg (Manitoba)

Le 26 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        IMM-2254-01

INTITULÉ :                                                     Richardson N. Sayuno c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 25 juin 2001

                                                                                                                                                           

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :

LE 26 JUIN 2001

                                                                                                                                                           

COMPARUTIONS :

Mark Kantor                                                        pour le demandeur

Jessica Cogan                                                                                                            pour le défendeur          

Ministère de la Justice

301 - 310, Broadway

Winnipeg (Man.) R3C 0S6                                                                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gindin, Wolson, Simmonds                                 pour le demandeur

1200 - 363, Broadway

Winnipeg (Man.) R3C 3N9                                                                      

Morris Rosenberg                                                                                                    pour le défendeur          

Sous-procureur général du Canada                                                           


Date : 20010625

Dossier : IMM-2254-01

Winnipeg (Manitoba), le 25 juin 2001

En présence de monsieur le juge Muldoon

Entre :

                               RICHARDSON N. SAYUNO

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

Vu la demande présentée par le demandeur afin d'obtenir une ordonnance pour :

a)          que soit accordé un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont fait l'objet le demandeur, en attendant l'issue de sa demande d'autorisation d'instituer une demande de contrôle judiciaire.

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée, et la demande est par les présentes

rejetée.

« F.C. MULDOON »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.

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