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Date : 20050303

Dossier : T-797-04

Référence : 2005 CF 314

ENTRE :

                                                            JOYCE W. BEATTIE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                            BANDE INDIENNE DE SQUAMISH et

                          ÉVALUATEUR DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

                                                                                                                                                intimés

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE STRAYER

Introduction


[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision rendue par le conseil d'examen de la Bande indienne de Squamish à l'égard d'un avis d'évaluation que celle-ci a établi pour l'année 2003 relativement à une « maison préfabriquée » occupée par l'appelante et au terrain sur lequel cette maison se trouve, lequel est situé à la réserve Capilano, soit la réserve de la Bande, à Vancouver. Il est convenu que la décision rendue dans le présent appel s'appliquera également à l'appel relatif à l'avis d'évaluation délivré contre l'appelante pour l'année 2004.

[2]                Le conseil d'examen a été créé par le Squamish Indian Band Property By-law (règlement administratif sur l'évaluation foncière de la Bande indienne de Squamish), lequel est autorisé en vertu du paragraphe 83(3) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. L'article 55 de ce règlement administratif prévoit que les appels des décisions du conseil d'examen soient interjetés devant la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada.


[3]                Au début de l'audience, j'ai posé une question au sujet du fondement législatif de l'appel. Toutes les parties ont convenu que ce droit d'appel existait valablement en vertu du règlement administratif. L'avocat de la Bande intimée a invoqué l'arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, où la Cour suprême du Canada a statué, aux paragraphes 47 à 53, qu'un règlement de cette nature que la bande indienne a pris afin de prévoir, conformément au paragraphe 83(3) de la Loi sur les Indiens, une procédure d'appel à l'égard des évaluations, a également eu pour effet de créer valablement un droit d'appel devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Pour conclure en ce sens, la Cour suprême s'est fondée principalement sur le paragraphe 24(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, lequel énonçait que, sauf disposition contraire d'une loi fédérale, la Section de première instance avait compétence exclusive, en première instance, pour connaître des appels « interjetés devant la Cour aux termes d'une loi fédérale » . La Cour a statué que ce règlement de la bande a été pris « aux termes d'une loi fédérale » et qu'il accordait donc à la Section de première instance une compétence exclusive en première instance. Depuis l'arrêt Matsqui, le paragraphe 24(1) a été abrogé par la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires, L.C. 2002, ch. 8. Apparemment, le législateur a jugé que cette disposition n'était plus nécessaire, puisque d'autres lois fédérales ont été modifiées de façon à prévoir explicitement, dans chaque cas, un droit d'appel devant la Cour fédérale, qui succède maintenant à la Section de première instance de la Cour fédérale. Néanmoins, j'estime que le principe établi dans l'arrêt Matsqui devrait continuer à s'appliquer et que, étant donné qu'un appel porté devant la Cour fédérale est autorisé par une mesure législative subordonnée conformément à une loi fédérale, la Cour devrait être toujours investie de cette compétence. Il convient également de préciser que, par le paragraphe 183(2) de la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires, l'expression « Section de première instance de la Cour fédérale » a été remplacée par l'expression « Cour fédérale » dans tout règlement, ce qui comprend le règlement administratif d'une bande indienne (voir l'arrêt Matsqui, au paragraphe 51). Qui plus est, l'article 186 de cette même loi est ainsi libellé :

186. Toute compétence conférée par la présente loi à la Cour d'appel fédérale ou à la Cour fédérale doit être exercée relativement aux questions soulevées soit avant soit après l'entrée en vigueur de l'article 1 de la présente loi.

186. Any jurisdiction of the Federal Court of Appeal or the Federal Court created by this Act shall be exercised in respect to matters arising before or after becoming into force of section 1 of this Act.

Cette loi est entrée en vigueur le 2 juillet 2003. Je suis donc d'avis que, compte tenu de l'arrêt Matsqui, il existe encore un droit d'appel des décisions d'un conseil de révision de cette nature devant la Cour fédérale lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, ce droit était autorisé dans un règlement administratif de la Bande.


Les faits

[4]                Les parties ont soumis au conseil de révision un exposé conjoint des faits dans lequel les faits suivants ont été relatés. L'appelante est une Indienne inscrite en vertu du Traité no 11, mais elle n'est pas membre de la Bande indienne de Squamish qui occupe la réserve de Capilano. Elle habite dans une maison préfabriquée qui se trouve depuis 1986 sur le même terrain faisant partie du Capilano Mobile Park. Ce parc est exploité par une société de personnes qui détient de la Bande un permis l'autorisant à utiliser la propriété et à accorder des licences aux personnes qui occupent des maisons situées sur les terrains qui s'y trouvent. Le parc comporte des chaussées revêtues, des égouts souterrains, des services d'électricité, de téléphone, d'eau et d'éclairage des voies publiques, etc. L'appelante et son mari ont occupé la maison en question sur le même emplacement depuis au moins 2001. La maison se compose de deux caravanes rattachées ensemble et mesure au total 32 pieds par 24 pieds. Elle est reliée par des câbles et des crochets à une plate-forme cimentée sur laquelle elle repose. Elle est également reliée à un abri d'auto et une autre annexe est rattachée à la plate-forme. Il ne semble pas y avoir de dispositif d'attelage ou de roues. La remorque est reliée par des câbles souterrains aux systèmes d'alimentation en eau et en électricité ainsi qu'aux installations d'égoût. Elle est aussi reliée à une source d'approvisionnement en gaz.


[5]                L'appelante s'oppose à l'avis d'évaluation foncière de 2003 qu'elle a reçu à titre de « locataire/occupant » de la propriété. Ce document comporte une évaluation distincte du terrain et de l'immeuble et indique une évaluation totale de 143 700 $. Il a été établi conformément au Squamish Indian Band Property Assessment By-law (règlement administratif sur l'évaluation foncière de la Bande indienne de Squamish) et au Squamish Indian Band Property Taxation By-law (règlement sur les taxes foncières de la Bande indienne de Squamish), que le ministre des Affaires indiennes et du Nord a approuvés.

[6]                Devant le conseil d'examen, l'appelante a soutenu qu'aucune taxe foncière ne devrait exigée d'elle à l'égard de l'emplacement, parce qu'elle n'a aucun droit sur le terrain et ne pourrait en avoir, eu égard à différentes dispositions de la Loi sur les Indiens. Elle a invoqué le paragraphe 20(1) de cette Loi, qui prévoit qu'un Indien n'est légalement en possession d'une terre dans une réserve que si, avec l'approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande. Cette possession ne lui a pas été accordée. En vertu du paragraphe 28(1), une bande indienne ne peut signer aucun acte, bail ou autre contrat visant à permettre à une personne autre qu'un membre de cette bande d'occuper ou d'utiliser la réserve. Tel qu'il est mentionné plus haut, l'appelante n'est pas membre de la Bande en cause. De plus, elle a fait valoir qu'en vertu du paragraphe 37(1), les terres d'une réserve ne peuvent être vendues que si elles sont cédées à titre absolu à Sa Majesté; or, aucune cession de cette nature n'est survenue en l'espèce dans le cas du parc de maisons mobiles.


[7]                L'appelante a également allégué devant le conseil que la maison est un bien meuble, parce qu'elle serait considérée comme tel en vertu d'une loi provinciale, la Manufactured Home Act, R.S.B.C. 1966, ch. 280. Selon l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, les biens meubles d'un Indien situés sur une réserve sont exemptés de taxation.

[8]                En ce qui concerne le permier argument, le conseil d'examen a conclu que la Bande était autorisée par la Loi sur les Indiens à prendre un règlement administratif concernant l'évaluation des immeubles situés dans la réserve et l'imposition de taxes aux personnes qui utilisent lesdits immeubles. L'alinéa 83(1)a) de la Loi sur les Indiens autorise le conseil de bande à prendre des règlements administratifs concernant

... l'imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve, ainsi que sur les droits sur ceux-ci, et notamment sur les droits d'occupation, de possession et d'usage.

La Cour suprême du Canada a confirmé l'étendue de ce pouvoir dans Bande indienne d'Osoyoos c. Oliver, [2001] 3 R.C.S. 746, (2001), 206 D.L.R. (4th) 385, aux paragraphes 40 à 49. Le règlement administratif sur l'évaluation foncière, qui a été adopté dans l'exercice de ce pouvoir, prévoit l'imposition d'une taxe aux occupants d'un terrain, laquelle expression est définie dans ce même règlement comme toute personne qui [TRADUCTION] « occupe simplement le terrain » . Le conseil n'a pas eu de mal à conclure que l'appelante occupait le terrain en cause.


[9]                En ce qui a trait au second argument, le conseil d'examen a conclu que la maison en cause était un accessoire fixe. Après avoir appliqué les principes de common law et cité l'arrêt La Salle Recreations Ltd. c. Canadian Camdex Investments Ltd. (1969), 4 D.L.R. (3d) 549 (C.A. C.-B.), il a estimé qu'en raison de son degré de fixation de l'emplacement, la maison devrait être considérée comme un accessoire fixe et non comme un bien meuble. Le conseil était également d'avis que la Manufactured Home Act ne s'appliquait pas à cette maison qui se trouve à cet emplacement depuis 1988. Il n'a pas jugé nécessaire de décider si cette loi provinciale s'appliquait aux réserves indiennes.

[10]            L'appelante interjette appel de cette décision et reprend essentiellement les mêmes arguments, en y ajoutant toutefois une autre thèse fondée sur sa prétention selon laquelle la maison est un bien meuble. Elle a fait valoir que la maison ne peut être taxée à titre de bien immobilier à moins qu'il n'y ait « unité de titre » quant au terrain et à la maison. Or, cette unité de titre ne peut exister, étant donné qu'une cession du terrain n'emporterait pas juridiquement le transfert de la maison en l'espèce. L'appelante a invoqué à nouveau son interprétation de la Manufactured Home Act, selon laquelle la maison est considérée comme un bien meuble, de sorte qu'elle ne peut faire partie de la propriété à laquelle elle est fixée.

Analyse

[11]            Je suis d'avis que la Bande indienne a eu raison d'établir une évaluation à l'égard de l'appelante et d'exiger des taxes de celle-ci à titre de personne qui utilise ou occupe un immeuble situé sur une réserve indienne. C'est là la principale question que la Cour doit trancher.


[12]            Étant donné que la présente affaire est un appel, la norme de contrôle applicable est celle qui concerne les appels. Les principales questions en litige en l'espèce sont des questions de droit et j'estime que la norme applicable est celle de la décision correcte. Cependant, je suis convaincu que le conseil d'examen a tranché ces questions correctement.

[13]            Le présent litige porte en réalité sur la validité des mesures prises au titre de la compétence du Parlement sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens... » , qui est prévue au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1967. La propriété en question est un terrain qui se trouve sur une réserve indienne et sur lequel une maison est fixée depuis les 17 dernières années. Tel qu'il est mentionné plus haut, l'alinéa 83(1)a) de la Loi sur les Indiens autorise le conseil d'une bande à « prendre des règlements administratifs concernant... l'imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve, ainsi que sur les droits sur ceux-ci, et notamment sur les droits d'occupation, de possession et d'usage... » (non souligné dans l'original). À mon sens, cette disposition relève bel et bien de la compétence législative du Parlement sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens, puisqu'elle permet à la Bande de lever des fonds pour ses besoins en imposant des taxes à ceux qui utilisent les immeubles de la réserve.


[14]            De plus, je suis d'avis que le règlement administratif sur les taxes foncières et le règlement administratif sur l'évaluation foncière que la Bande indienne de Squamish a pris se situent à l'intérieur des limites des pouvoirs délégués au conseil de bande par la Loi sur les Indiens, étant donné que le premier règlement permet d'imposer des taxes à chaque « interest holder » (titulaire de droit), c'est-à-dire à chaque personne qui, selon le paragraphe 1(1) du second règlement, [TRADUCTION] « occupe un terrain ou les améliorations qui s'y trouvent ou possède un droit sur ceux-ci, ou les deux... » . Le paragraphe 2(1.1) du règlement administratif sur les taxes foncières prévoit que, pour l'application des deux règlements administratifs, une maison préfabriquée est assimilée à une « amélioration » . Aux alinéas (1)b) et c) du règlement administratif sur l'évaluation, le mot « occupier » (occupant) est défini comme une personne qui [TRADUCTION] « occupe simplement le terrain dont elle a la possession » . De toute évidence, l'appelante utilise ou occupe le terrain sur lequel sa maison se trouve, et ce, depuis au moins 2001. Il est difficile de concevoir que le Parlement ne peut déléguer le pouvoir de tirer des revenus de cette utilisation des immeubles d'une réserve ou qu'un conseil de bande ne peut exercer ce pouvoir.


[15]            Malgré les arguments que l'appelante invoque, son assujettissement à des taxes liées à l'utilisation et à l'occupation du terrain et de sa maison ne peut être tranché sur la base du fait que cette maison est foncièrement et restera toujours un bien meuble. Le conseil d'examen a conclu qu'en raison de son degré de fixation au terrain, la maison constitue un accessoire fixe et fait donc partie du terrain. Il est bien reconnu dans la jurisprudence que les structures rattachées à un terrain sont habituellement des accessoires fixes pendant qu'elles sont ainsi rattachées et sont imposables à titre d'éléments faisant partie du terrain, même si le propriétaire de la structure a le droit d'enlever celle-ci en tout temps, notamment lorsque l'objet de la présence de cette structure n'existe plus ou que l'arrangement autorisant cette présence prend fin (voir, par exemple, London County Council c. Wilkins, [1956] 3 All E.R. 38 (Chambre des lords); Shell Canada Ltd. c. Winnipeg (1976), 67 D.L.R. (3d) 747 (C.A. Man.); La Reine c. Robson Motor Inn, [1989] 2 C.F. 52, au paragraphe 10 (C.A.). À mon avis, le conseil d'examen a eu raison de conclure que la maison de l'appelante était un accessoire fixe dans les circonstances qui existaient au cours des années en question.


[16]            L'appelante accorde une grande importance à la loi provinciale intitulée Manufactured Home Act, notamment aux dispositions prévoyant que, lorsqu'une personne transporte une maison préfabriquée dans un parc pour maisons préfabriquées ou achète une maison préfabriquée qui n'a jamais été occupée et qui se trouve dans un parc pour maisons préfabriquées, la maison en question ne fait pas partie du terrain, à moins que son propriétaire n'y consente par écrit. Je suis loin d'être convaincu que, même à première vue, cette loi s'applique à la maison de l'appelante, indépendamment de l'emplacement de celle-ci. La version de cette loi qui était en vigueur à la date de l'évaluation et à la date de la décision du conseil d'examen était la Manufactured Home Act, R.S.B.C. 1996, ch. 280. Selon cette loi, la disposition susmentionnée établissant une distinction entre le droit de propriété afférent à la maison et celui du terrain sur lequel elle se trouve, s'appliquait uniquement aux maisons préfabriquées qui ont été transportées après le 11 septembre 1992 ou qui ont été acquises après cette date et qui n'ont été occupées qu'à compter de leur achat par le propriétaire inscrit. Dans la présente affaire, la maison a été transportée sur un terrain de la réserve en 1988 et l'appelante, qui invoque un droit de propriété distinct sur la maison, n'a pas acquis celle-ci à titre de maison qui n'avait jamais été occupée, comme l'exigeait l'article 13 de la loi de 1996. Effectivement, dans le premier mémoire qu'elle a soumis à la Cour, l'appelante a reconnu que l'article 13 ne s'appliquait pas à sa maison, souscrivant de ce fait à la conclusion du conseil d'examen. Toutefois, devant moi, elle a fait valoir en réponse que l'article 13 avait depuis été remplacé par l'article 23 de la nouvelle Manufactured Home Act, R.S.B.C. 2003, ch. 75, qui ne comporte pas l'ancienne restriction qui en limitait l'application aux maisons déplacées ou acquises après le 11 septembre 1992. Cependant, il me semble que la nouvelle disposition concerne l'avenir, puisqu'elle énonce que [TRADUCTION] « lorsqu'une personne transporte... ou achète une maison préfabriquée qui n'a jamais été occupée et qui se trouve dans un parc pour maisons préfabriquées... » , la maison ne fait partie du terrain que lorsqu'il en est convenu ainsi par écrit. Cette loi est entrée en vigueur le 8 décembre 2003, trois jours après la décision que le comité d'examen a rendue en l'espèce. Même si son application ne se limite pas à l'avenir (ce dont je doute, eu égard à l'absence de termes permettant de lui conférer un caractère rétroactif), cette loi n'aurait pu toucher la décision du conseil d'examen.


[17]            En tout état de cause, j'estime que la loi provinciale ne peut être appliquée de façon à modifier le système de taxation qu'une bande indienne a adopté dans l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article 83 de la Loi sur les Indiens. À mon sens, en autorisant le conseil à prendre des règlements administratifs concernant « l'imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve, ainsi que sur les droits sur ceux-ci, et notamment sur les droits d'occupation, de possession et d'usage... » , le Parlement exerçait sa compétence sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Étendre le pouvoir de taxation que la Bande a exercé en l'espèce de façon qu'il couvre l'imposition de taxes sur l'usage d'un terrain, y compris les accessoires fixes qui s'y trouvent, ne constitue pas un exercice déguisé du pouvoir du Parlement. Il est bien établi dans la jurisprudence que les accessoires fixes des terrains, indépendamment des droits afférents à leur aliénation ultérieure, peuvent légitimement être taxés à titre d'éléments faisant partie du terrain, tant et aussi longtemps qu'ils restent sur celui-ci.


[18]            Tel qu'il est mentionné plus haut, l'appelante a vivement insisté sur le fait qu'elle n'a aucun droit sur le terrain et que, par conséquent, aucune taxe ne peut lui être imposée à l'égard de celui-ci. Elle souligne qu'en vertu de la Loi sur les Indiens, elle n'a aucun droit légitime, parce qu'aucun ne lui a été attribué et que, comme elle n'est pas membre de la Bande indienne de Squamish, celle-ci ne pouvait lui accorder de contrat, notamment un bail, concernant l'occupation ou l'utilisation d'une partie de la réserve, puisque le paragraphe 28(1) de la Loi sur les Indiens prévoit qu'un accord de cette nature serait nul. Par conséquent, dit-elle, elle ne peut être le titulaire d'un immeuble ou de droits sur un immeuble visés par le pouvoir de taxation que le paragraphe 83(1) confère à la Bande. Je ne suis pas convaincu que le pouvoir de la Bande d'imposer des taxes sur les immeubles situés dans la réserve, ainsi que sur les droits sur ceux-ci, « notamment sur les droits d'occupation, de possession et d'usage » , comme le précise l'alinéa 83(1)a) de la Loi sur les Indiens, se limite à ceux qui découlent de baux opposables. L'appelante se trouve effectivement en possession de l'emplacement. Elle l'occupe avec l'assentiment de la Bande, qui a accordé le permis aux exploitants du Capilano Mobile Park, lesquels ont accordé à leur tour à l'appelante une licence l'autorisant à utiliser l'emplacement en question. Elle peut indéniablement exclure toutes les personnes qui n'ont pas obtenu cette autorisation du conseil de bande. Il est fort possible que la société de personnes qui exploite le Capilano Mobile Park ou le conseil de bande puisse révoquer l'autorisation que l'appelante a obtenue quant à l'utilisation de la propriété, parce qu'aucune entente lui accordant la possession ne serait opposable à l'une ou à l'autre. Cependant, tant et aussi longtemps que l'appelante occupe et utilise le terrain avec un droit apparent opposable à tous, sauf à ceux qui détiennent un titre supérieur, elle est une personne ayant un droit d'occupation, de possession ou d'usage visé au paragraphe 83(1) de la Loi sur les Indiens. Dans Sanmartino c. A.G. of B.C. (1972), W.W.R. 24, aux pages 35 et 36, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a examiné un problème assez semblable. Dans cette affaire, un non-Indien occupait deux terrains situés sur une réserve indienne. Son bail n'était pas conforme à la Loi sur les Indiens. Des taxes lui ont été imposées à titre d'occupant d'un terrain en vertu des dispositions de la loi provinciale intitulée Taxation Act. Selon cette loi, le mot « occupier » (occupant) s'entend de [TRADUCTION] « la personne ayant la possession d'un terrain... qu'elle détient en vertu... d'un bail, d'une licence, d'un contrat de vente... ou qui est simplement occupé » . La Cour a statué que l'appelant dans cette affaire était visé par la définition de l'occupant, parce qu'il occupait simplement le terrain. Elle a également conclu qu'il se trouvait en possession du terrain, malgré l'absence de bail légalement opposable. Voici comment elle s'est exprimée :

[TRADUCTION] Il est indéniable qu'une autorité compétente pourrait l'expulser en tout temps, mais tant qu'il a l'usage et la possession réels obtenus d'une personne ayant elle-même un droit de possession, il pourrait conserver cette possession et opposer son droit à tous, sauf aux personnes qui auraient le droit de le faire expulser (à la page 36).

[19]            Dans la présente affaire, il convient de souligner qu'au paragraphe 1(1) du règlement administratif sur l'évaluation foncière, le mot « occupier » (occupant) est défini comme [TRADUCTION] « une personne qui se trouve en possession d'un terrain situé dans la réserve... en vertu d'un bail, d'une licence, d'un contrat... ou qui occupe simplement le terrain... » . À mon avis, l'appelante « occupe simplement le terrain » du fait qu'elle en a la possession (possession pour laquelle elle verse une somme élevée aux exploitants du Capilano Mobile Park), sous réserve uniquement de la possibilité d'être expulsée par une personne détenant un titre de propriété supérieur.

[20]            Je suis donc d'avis que le conseil d'examen a eu raison de confirmer l'avis d'évaluation foncière.

Décision

[21]            En conséquence, l'appel sera rejeté avec dépens en faveur des intimés.

                                                                                       _ B. Strayer _                    

                                                                                      Juge suppléant                   

OTTAWA (Ontario)

Le 3 mars 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-797-04

INTITULÉ :                                                    JOYCE W. BEATTIE

c.

                                                BANDE INDIENNE DE SQUAMISH et

ÉVALUATEUR DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 24 février 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    le juge suppléant STRAYER

DATE DES MOTIFS :                                   le 3 mars 2005

COMPARUTIONS :

Joyce Beattie                                                     POUR SON PROPRE COMPTE

James P. Tate                                                    POUR L'INTIMÉE, BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

Guy Holeksa                                                     POUR L'INTIMÉ, ÉVALUATEUR DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ratcliff & Company                                           POUR L'INTIMÉE, BANDE INDIENNE DE

Vancouver (C.-B.)                                            SQUAMISH

Guy Holeksa                                                     POUR L'INTIMÉ, ÉVALUATEUR DE LA

Avocat                                                              BANDE INDIENNE DE SQUAMISH


Date : 20050303

Dossier : T-797-04

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER

ENTRE :

                                    JOYCE W. BEATTIE

                                                                                            appelante

                                                     et

                    BANDE INDIENNE DE SQUAMISH et

ÉVALUATEUR DE LA BANDE INDIENNE DE SQUAMISH

                                                                                                intimés

                                        ORDONNANCE


VU l'avis daté du 14 avril 2004 par lequel l'appelante, conformément à l'article 55 du Squamish Indian Band Property Assessment By-Law (règlement administratif sur l'évaluation foncière de la Bande indienne de Squamish), qui prévoit qu'une décision du conseil d'examen de la Bande indienne de Squamish peut être portée en appel devant la Cour fédérale, interjette appel de l'ordonnance du conseil d'examen de la Bande indienne de Squamish (appel no 2003-02) au sujet du rôle d'évaluation no 38-45-164-45-328-5-11245.240 en date du 5 décembre 2003, dont l'existence a été dissimulée à l'appelante jusqu'au 24 mars 2004, afin d'obtenir une ordonnance annulant ladite ordonnance du conseil d'examen et une déclaration portant que l'appelante ne possède aucun droit sur un immeuble pouvant faire l'objet d'une évaluation ou de taxes conformément aux pouvoirs accordés au conseil de la Bande indienne de Squamish par l'article 83 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, de même qu'une ordonnance exigeant que toutes les modifications nécessaires soient apportées au rôle d'évaluation de 2003 de la Bande indienne de Squamish afin de donner effet à cette déclaration,

LA COUR REJETTE l'appel avec dépens en faveur des intimés.

                                                                                       _ B. Strayer _                   

                                                                                      Juge suppléant                  

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

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