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Date : 20040407

Dossier : T-1020-03

Référence : 2004 CF 541

Calgary (Alberta), le 7 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                         H & R TRANSPORT LTD.

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                                               GORDON SHAW

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par l'arbitre William D. Peterson c.r. (l'arbitre) datée du 27 novembre 2002 et du 20 mai 2003. Dans la décision de novembre 2002, l'arbitre a accordé une indemnité tenant lieu de préavis et une indemnité de départ au défendeur, M. Gordon Shaw. Dans une autre décision datée du 20 mai 2003, l'arbitre a chiffré le montant à payer. Ces décisions ont été prises lors d'un appel contre le rejet, par un agent d'enquête, d'une plainte déposée par M. Shaw conformément aux articles 230 et 235 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code). La demanderesse sollicite une ordonnance emportant annulation de la décision de l'arbitre.

CONTEXTE

[2]                Le défendeur, M. Gordon Shaw, a été à l'emploi de la demanderesse, H & R Transport Ltd., pendant environ cinq ans et demi comme carrossier et peintre de voitures.

[3]                Dans une lettre datée du 23 novembre 2001, Stephen Evans, directeur du service de gestion des risques et de la sécurité chez H & R Transport, a avisé M. Shaw qu'il serait mis à pied à compter de la fin de la journée de travail, soit le 23 novembre 2001. À la fin de la lettre, il était mentionné : [traduction] « la mise à pied sera pour une période maximale de trois mois; cependant, nous allons continuer de surveiller le volume de travail de l'atelier de carrosserie et vous recevrez un rappel au travail s'il appert que nous avons besoin d'un peintre à plein temps avant cette date » . Apparemment, M. Shaw n'a reçu aucun préavis de la mise à pied.

[4]                H & R a également préparé un relevé d'emploi pour M. Shaw, daté du 23 novembre 2001, dans lequel il était indiqué comme motif de départ, qu'il s'agissait d'une [traduction] « pénurie de travail » et que la [traduction] « date prévue de rappel » était [traduction] « inconnue » .

[5]                À la demande du défendeur, H & R lui a remis une lettre de références. M. Shaw a accepté un emploi temporaire dans un atelier de carrosserie environ deux semaines après avoir reçu la lettre de la demanderesse l'avisant de sa mise à pied. La demanderesse et le défendeur n'ont eu aucun autre contact avant la fin du mois de janvier 2002, quand M. Evans a téléphoné à M. Shaw.

[6]                La demanderesse et le défendeur ne s'entendent pas sur le contenu de la conversation qui a eu lieu entre M. Evans et M. Shaw. M. Shaw a affirmé, devant l'arbitre, que M. Evans ne s'était renseigné sur la question de savoir si M. Shaw avait trouvé un emploi ou des possibilités d'emploi. Selon M. Shaw, M. Evans ne l'a pas rappelé au travail. M. Evans a déclaré qu'il s'était enquis des intentions du défendeur et que M. Shaw lui avait répondu qu'il aimait son emploi actuel, qu'il ne voulait pas être rappelé plus tôt et qu'il [traduction] « attendrait » la fin de la période de trois mois. M. Evans a reconnu que la conversation téléphonique du mois de janvier avait pu engendrer une certaine confusion concernant la question de savoir qui allait prendre l'initiative du retour au travail de M. Shaw et la date exacte de ce retour. M. Evans a dit qu'il croyait que M. Shaw se présenterait au travail le 25 février 2002, même si cette date n'avait pas été mentionnée.

[7]                La demanderesse n'a plus contacté M. Shaw ni le 25 février 2002 ni avant cette date et, par conséquent, ce dernier a jugé qu'il avait été licencié par H & R à compter de cette date. Un autre employeur lui a alors offert un emploi permanent à plein temps, emploi qu'il a accepté.

[8]                Le 27 février 2002, M. Evans a téléphoné à M. Shaw pour lui demander les raisons pour lesquelles il n'était pas retourné travailler. Dans l'affidavit déposé en l'espèce, M. Shaw affirme avoir été étonné de cet appel et avoir demandé de prendre le temps d'y penser.

[9]                Le 28 février 2002, la demanderesse a envoyé un avis de rappel à M. Shaw dans lequel elle disait en partie : [traduction] « [...] la période de mise à pied de trois mois a pris fin et la présente lettre constitue un avis de rappel » . Au début du mois de mars 2002, M. Shaw et M. Evans se sont rencontrés afin de discuter de la possibilité du retour au travail de M. Shaw chez H & R. La rencontre s'est soldée par l'affirmation de M. Shaw à M. Evans qu'il ne travaillerait plus pour la demanderesse.

[10]            Vers la fin de février 2002, M. Shaw a déposé une plainte auprès de Développement des Ressources humaines Canada (DRHC), conformément à la partie III du Code. Dans sa plainte, M. Shaw a demandé une indemnité tenant lieu de préavis et une indemnité de départ de H & R Transport.

[11]            Dans une lettre datée du 27 mai 2002, un agent d'enquête de DRHC a conclu que la plainte de M. Shaw n'était pas fondée au motif qu'il avait démissionné et que, puisqu'il avait quitté son emploi, il n'avait pas droit à l'indemnité tenant lieu de préavis et à l'indemnité de départ. L'agent d'enquête a mentionné deux lettres de H & R, datées du 28 février 2002 et du 4 mars 2002, qui établissaient le rappel au travail de M. Shaw. M. Shaw a interjeté appel de cette décision devant l'arbitre.


La décision de l'arbitre

[12]            Dans une décision datée du 27 novembre 2002, l'arbitre a conclu que M. Shaw avait droit à une indemnité tenant lieu de préavis et à une indemnité de départ en conformité avec les articles 230 et 235 du Code, au motif que H & R n'avait pas rappelé M. Shaw au travail dans les trois mois de sa mise à pied et que M. Shaw était donc justifié de penser qu'il avait été licencié. L'arbitre a également conclu que M. Shaw n'avait pas démissionné comme l'alléguait H & R.

[13]            L'arbitre a conclu que H & R avait l'obligation d'envoyer un avis de rappel [traduction] « clair et non ambigu » pendant la période de trois mois, à défaut de quoi la demanderesse était réputée avoir licencié M. Shaw qui aurait droit à une indemnité tenant lieu de préavis et à une indemnité de départ en vertu des articles 230 et 235 du Code. L'arbitre a rejeté l'argument de l'employeur selon lequel il incombait à M. Shaw de se présenter au travail le premier jour ouvrable à la fin de la période de trois mois, c'est-à-dire le 25 février 2002, en se fondant sur l'hypothèse de son rappel au travail sans même un avis officiel de rappel, écrit ou verbal. L'arbitre a conclu que la conversation téléphonique entre M. Shaw et M. Evans de la fin du mois de janvier 2002 ne pouvait constituer un avis de rappel qui obligeait M. Shaw à retourner au travail le 25 février 2002. L'arbitre a conclu [traduction] « qu'au mieux » , cette conversation avisait M. Shaw qu'il pouvait être rappelé au travail à cette date ou avant celle-ci. L'arbitre a décidé que les événements qui avaient eu lieu après le 27 février 2002 n'étaient pas pertinents relativement au litige dont il était saisi.


[14]            L'arbitre a également conservé sa compétence au cas où les parties n'arriveraient pas à s'entendre sur l'indemnité tenant lieu de préavis et l'indemnité de départ auxquelles M. Shaw avait droit. Ultérieurement, le 20 mai 2003, l'arbitre a décidé que M. Shaw avait droit à 3 360 $ moins les retenues obligatoires, ainsi qu'aux dépens de 300 $, conformément aux articles 230 et 235 du Code. La somme de 3 360 $ comprenait l'indemnité tenant lieu de préavis de 1 680 $ et l'indemnité de départ de 1 680 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]            1. La présente demande de contrôle judiciaire est-elle prescrite?

2. Quelle est la norme de contrôle applicable en l'espèce?

3. La décision de l'arbitre était-elle déraisonnable?

POSITIONS DES PARTIES ET ANALYSE

Demande de contrôle judiciaire hors délai, prolongation accordée


[16]            La demanderesse, H & R Transport, a déposé l'avis de demande de contrôle judiciaire le 19 juin 2003. Le défendeur soutient que la demande est prescrite puisqu'une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les trente jours qui suivent la première communication de la décision ou de l'ordonnance visée par le contrôle à la partie concernée : paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Le défendeur soutient que le délai de 30 jours a commencé au moment où l'arbitre a communiqué sa décision du 27 novembre 2002 à la demanderesse pour la première fois.

[17]            La demanderesse prétend que la période de 30 jours n'a commencé que lorsque l'arbitre a eu fini d'exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées en vertu de l'article 251.12 du Code, c'est-à-dire lorsqu'il a fixé le montant à payer dans sa décision du 30 mai 2003. La demanderesse soutient que l'arbitre a conservé sa compétence et que la décision n'a été finale que lorsque le montant de l'indemnité a été précisé. La demanderesse se fonde sur l'ordonnance rendue par le juge Kelen dans H & R Transport Ltd. c. Baldrey (19 octobre 2001) (Dossier no 01-T-45) (C.F. 1re inst.) (non publié), dans laquelle le juge a dit que le délai de prescription visé au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne commençait à courir qu'au moment où l'arbitre avait rendu sa décision finale, ce qui mettait fin à l'arbitrage concernant la réparation appropriée.

[18]            Si la Cour décide que le délai de prescription a commencé au moment de la communication de la décision du 27 novembre 2002, la demanderesse sollicite une prolongation du délai afin de présenter sa demande de contrôle judiciaire, conformément à l'article 369 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. H & R Transport soutient qu'elle peut défendre l'annulation de la décision de l'arbitre et qu'apparemment, le défendeur n'a subi aucun préjudice par suite du délai.

[19]            Je ne suis pas d'accord avec la demanderesse lorsqu'elle soutient que l'approche adoptée par le juge Kelen s'applique en l'espèce. Il appert de son ordonnance qu'un arbitre avait, compte tenu des circonstances en cause, repoussé toute [traduction] « décision concernant les réparations » et qu'il avait conservé sa compétence au cas où les parties ne pourraient pas s'entendre. Dans ces circonstances, il aurait certes été prématuré de déposer une demande de contrôle judiciaire puisque le décideur administratif n'avait pas encore ordonné une réparation. Cependant, en l'espèce, la seule question qu'il fallait trancher était le montant à payer si les parties ne pouvaient s'entendre. La réparation, savoir le droit de M. Shaw à une indemnité tenant lieu de préavis et à une indemnité de départ, avait été décidée par l'arbitre le 27 novembre 2002 et par conséquent, c'est de cette décision dont la demanderesse devait demander le contrôle judiciaire dans les 30 jours de réception de la décision. Dans ce type de situation, la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre par l'une des parties n'aurait eu vraisemblablement aucune répercussion sur la décision subséquente de l'arbitre quant au montant à payer.

[20]            Malgré cette conclusion, je suis convaincu qu'il y a lieu de prolonger le délai prescrit relatif à la présente demande de contrôle judiciaire eu égard aux facteurs décrits dans la décision de principe, Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.).


[21]            La demanderesse a démontré qu'elle avait des arguments valables et qu'elle avait décidé d'attendre que l'arbitre rende sa décision supplémentaire avant de demander le contrôle judiciaire à cause de l'ordonnance du juge Kelen dans Baldrey, précité. Je suis d'avis que cette décision ne s'applique pas en l'espèce, mais il s'agit néanmoins d'une explication raisonnable du délai. En outre, le défendeur n'a fait mention d'aucun préjudice qui lui aurait été causé par suite du délai. À mon avis, la décision sur laquelle le défendeur s'est fondé, savoir McKeown c. Banque royale du Canada, [2001] 3 C.F. 139 (1re inst.) se distingue de la présente affaire puisque dans McKeown le demandeur n'avait pas expliqué le délai alors qu'en l'espèce, la demanderesse a fourni une explication raisonnable.

Norme de contrôle

[22]            La demanderesse soutient que la norme appropriée est celle de la décision correcte pour ce qui concerne l'interprétation du droit et de la décision raisonnable simpliciter pour ce qui touche les conclusions de fait tirées par l'arbitre. Par contre, le défendeur fait valoir que la norme appropriée est la décision raisonnable simpliciter ou manifestement déraisonnable. Selon moi, la norme de contrôle applicable relativement à la question de savoir si l'arbitre a commis une erreur en décidant que M. Shaw était réputé avoir été licencié au sens du Code est celle de la décision raisonnable simpliciter.


[23]            L'approche pragmatique et fonctionnelle exige que la Cour examine quatre facteurs en établissant la norme de contrôle appropriée lorsqu'il s'agit d'une décision administrative : (1) l'objet de la loi et de la disposition particulière; (2) la nature de la question -- question de fait, de droit ou mixte de droit et de fait; (3) l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur le point en litige; (4) la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel. Voir : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Comme l'a dit la Cour suprême du Canada au paragraphe 26 de l'arrêt Pushpanathan, précité, la détermination de la norme de contrôle que la cour de justice doit appliquer est centrée sur celle de savoir si le législateur voulait assujettir la décision administrative en cause à l'examen judiciaire.

[24]            Premièrement, la partie III du Code a pour objet de protéger les travailleurs et de créer une certitude au sein du marché du travail en établissant des normes de travail minimales ainsi qu'une procédure permettant le règlement efficace des conflits de travail découlant de ses dispositions : Dynamex Canada Inc. c. Mamona (2003), 305 N.R. 295 (C.A.F.) au paragraphe 35, appel devant la C.S.C. rejeté le 4 mars 2004, Bulletin C.S.C. 2004, page 354.


[25]            Les dispositions en cause dans le présent contrôle judiciaire, savoir les articles 230 et 235 du Code ainsi que l'article 30 du Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., ch. 986 (le Règlement) ont pour objet de permettre que soit tranchée la question de savoir si un travailleur a droit à une indemnité tenant lieu de préavis ou à une indemnité de départ et, le cas échéant, le montant de l'indemnité. Le défendeur insiste pour dire que le paragraphe 30(1), qui décrit en détail les circonstances dans lesquelles une mise à pied doit être exclue des dispositions du Code relatives au licenciement réputé, laisse à penser que cette disposition n'a pas pour objet de [traduction] « saper » l'expertise d'un arbitre, mais qu'elle exige plutôt que la description précise des situations exclues soit interprétée conformément aux principes d'interprétation des lois, tâche pour laquelle la Cour est davantage qualifiée.

[26]            Je ne suis pas d'accord avec le défendeur et j'estime que le paragraphe 30(1) du Règlement engage la compétence de l'arbitre dans l'interprétation de sa loi habilitante et que cette disposition exige également de l'arbitre qu'il interprète les faits sous-jacents en cause dans un litige sur les indemnités minimales du travail. Ce facteur indique que la Cour doit faire preuve d'une certaine retenue judiciaire.

[27]            Deuxièmement, la question en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si M. Shaw a été mis à pied pour une période de trois mois ou moins, conformément aux paramètres de l'alinéa 30(1)c) du Règlement. En répondant à la question, le tribunal est amené à décider si M. Shaw était « réputé » licencié et s'il a droit à une indemnité tenant lieu de préavis ou de départ. À mon avis, le problème soulève à la fois des questions mixtes de droit et de fait. L'arbitre devait tirer des conclusions de fait, c'est-à-dire qu'il devait tirer des conclusions alors que les parties ne s'entendaient pas sur les faits concernant ce qui s'était passé entre elles. Par la suite, l'arbitre devait appliquer ces conclusions aux dispositions de la loi, savoir le paragraphe 30(1) du Règlement. J'attire l'attention sur l'arrêt Dynamex, précité, dans lequel la Cour d'appel fédérale a dit, au paragraphe 45, que lorsqu'un arbitre a pris une décision en vertu du Code et que cette décision vise une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle applicable à la décision est celle de la décision raisonnable simpliciter. Encore une fois, il faut faire preuve de retenue.


[28]            Troisièmement, le Code ne mentionne pas les qualités qui sont exigées d'un arbitre. Le ministre désigne en qualité d'arbitre une personne que le ministre juge qualifiée pour exercer ces fonctions : paragraphe 251.12(1) du Code. Dans Dynamex, précité, la Cour d'appel fédérale a affirmé qu'on pouvait prendre pour acquis qu'habituellement, les arbitres avaient une expertise plus vaste que la Cour en matière de normes du travail. Dans Dynamex, précité, au paragraphe 39, la Cour a poursuivi cette question et elle a dit : « Cela suppose que leurs décisions doivent être traitées avec respect en ce qui concerne les recours et les droits des employés prévus à la partie III du Code canadien du travail, même lorsqu'une telle décision implique une question d'interprétation de la loi qui confère des pouvoirs à l'arbitre » .

[29]            Je suis d'accord avec cet énoncé d'ordre général. En outre, la question en litige dans le présent contrôle judiciaire est semblable à l'exemple décrit dans Dynamex, précité, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un arbitre qui interprète une question qui relève de sa loi habilitante : celle de savoir si un travailleur a droit à une indemnité tenant lieu de préavis ou de départ à cause d'un licenciement réputé allégué. La question en litige n'en est pas une d'interprétation [traduction] « plus large » du droit, y compris d'application des principes de common law comme dans Dynamex, précité.


[30]            La question en cause en l'espèce est une question de fait et de droit qui engage résolument l'expertise du décideur administratif en cause. Il faut comprendre que les arbitres qui sont nommés en vertu du Code ont autant, sinon plus de connaissances que les tribunaux relativement à la question visée par le présent contrôle, savoir l'application du régime législatif et réglementaire à certaines conclusions de fait concernant les circonstances de la mise à pied de M. Shaw afin de décider si M. Shaw était réputé avoir été licencié et s'il avait droit à une indemnité tenant lieu de préavis et à une indemnité de départ. Ce facteur permet donc de dire qu'il faut faire preuve d'une certaine retenue à l'égard de la décision de l'arbitre.

[31]            Enfin, les paragraphes 251.12(6) et 251.12(7) du Code étant des clauses privatives très claires, cela est signe que la Cour doit faire preuve de beaucoup de retenue :


251.12 (6) Les ordonnances de l'arbitre sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

251.12 (6) The referee's order is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

251.12 (7) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire -- notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto -- visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre du présent article.

251.12 (7) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain a referee in any proceedings of the referee under this section.


Ainsi, comme je l'ai dit dès le début, j'estime que la norme de contrôle appropriée en l'espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter.

Décision raisonnable de l'arbitre


[32]            Les articles 230 et 235 du Code établissent les circonstances dans lesquelles un employé a le droit de toucher une indemnité tenant lieu de préavis et une indemnité de départ lorsqu'il est licencié. Ces dispositions prévoient qu'une mise à pied est assimilée à un licenciement sous réserve de la réglementation. Le paragraphe 30(1) du Règlement prévoit les circonstances dans lesquelles une mise à pied n'est pas assimilée à un licenciement aux fins notamment des articles 230 et 235 du Code. Les alinéas 30(1)c) et d) du Règlement sont pertinents en l'instance. Les voici :


30. (1) Pour l'application des sections IX, X et XI de la Loi et sous réserve du paragraphe (2), la mise à pied d'un employé n'est pas assimilée au licenciement par l'employeur lorsque :

...

30. (1) For the purposes of Divisions IX, X and XI of the Act and subject to subsection (2), a lay-off of an employee shall not be deemed to be a termination of the employee's employment by his employer where

...

c) la durée de la mise à pied est de trois mois ou moins;

(c) the term of the lay-off is three months or less;

d) la durée de la mise à pied est de plus de trois mois et que l'employeur

(d) the term of the lay-off is more than three months and the employer

(i) avertit l'employé, par écrit, au moment de la mise à pied ou avant, qu'il sera rappelé au travail à une date déterminée ou dans un délai déterminé, cette date et ce délai ne devant pas dépasser six mois à compter de la date de la mise à pied, et

(i) notifies the employee in writing at or before the time of the lay-off that he will be recalled to work on a fixed date or within a fixed period neither of which shall be more than six months from the date of the lay-off, and

(ii) rappelle l'employé à son travail conformément au sous-alinéa (i);

...

(ii) recalls the employee to his employment in accordance with subparagraph (i);

...


[33]            L'argument de la demanderesse concernant l'interprétation de l'alinéa 30(1)c) du Règlement et l'application de cette disposition aux faits en cause ne me convainc pas que la décision de l'arbitre selon laquelle M. Shaw avait été réputé licencié était déraisonnable. J'en arrive à cette conclusion en ayant tenu compte de l'interprétation qu'il convient de donner au paragraphe 30(1) du Règlement et de la correspondance entre les parties.


[34]            Dans la lettre du 23 novembre 2001, la demanderesse a avisé M. Shaw de la mise à pied temporaire en ces termes : [traduction] « la mise à pied sera pour une période maximale de trois mois; cependant, nous allons continuer de surveiller le volume de travail de l'atelier de carrosserie et vous recevrez un rappel au travail s'il appert que nous avons besoin d'un peintre à plein temps avant cette date » . À mon avis, cette lettre fait état de l'opinion de l'employeur selon laquelle la mise à pied de M. Shaw ne durerait pas plus que trois mois et que si H & R Transport avait besoin des services de M. Shaw avant la fin des trois mois, elle entrerait en contact avec lui pour l'aviser de la date du rappel. La lettre ne mentionne pas précisément la date du 25 février 2002.

[35]            Toutefois, d'autres preuves au dossier contredisent cette opinion : le relevé d'emploi préparé à H & R et concernant M. Shaw qui mentionnait que la date prévue du rappel était [traduction] « inconnue » ; la conclusion de fait de l'arbitre voulant que M. Evans, mandataire de la demanderesse, n'avait pas avisé M. Shaw, pendant la conversation de fin janvier 2002, qu'il était attendu au travail le 25 février 2002, mais ne lui avait demandé que s'il travaillait. L'arbitre a également mentionné, dans ses motifs, que M. Evans avait tout bonnement reconnu qu'il croyait que la conversation avait soulevé une certaine confusion concernant [traduction] « qui appellerait le demandeur concernant son retour au travail et, le cas échéant, à quel moment » .

[36]            Ces messages contradictoires que contient la preuve m'amènent à conclure que la décision de l'arbitre selon laquelle l'employeur, H & R Transport, n'a pas clairement et sans ambiguïté indiqué au défendeur qu'il allait être rappelé au travail le 25 février 2002 n'était pas déraisonnable.

[37]            Je conviens, avec la demanderesse, que l'alinéa 30(1)c) du Règlement n'exige pas un avis exprès de la date de rappel. Toutefois, à mon avis, cela n'est vrai que si un employé est clairement informé, au moment de la mise à pied, que telle mise à pied durera au maximum trois mois et si aucune autre communication ou action de l'employeur ne vient contredire cette affirmation. Cela donne un sens à la différence des termes entre les alinéas 30(1)c) et l'alinéa 30(1)d). Le sens grammatical et ordinaire de la phrase « le terme de la mise à pied est de trois mois ou moins » de l'alinéa 30(1)c) indique, à mon avis, que « le terme » doit être défini par l'employeur pour l'employé. Les motifs de l'arbitre sont succincts et ne mentionnent pas le paragraphe 30(1) du Règlement, mais je ne crois pas qu'il n'ait pas bien appliqué le droit en prenant une décision sur la question de savoir si la mise à pied de M. Shaw devait être assimilée à un licenciement par opposition à une démission de sa part. J'ai lu la décision qui disait que dans les circonstances en cause, alors que M. Shaw avait reçu des messages contradictoires concernant la date de retour au travail, il appartenait à l'employeur de préciser à quel moment la mise à pied prenait fin. L'employeur ne peut invoquer l'exception de l'alinéa 30(1)c) pour éviter de verser une indemnité de départ quand il y a eu ambiguïté concernant ses intentions, comme cela s'est produit en l'espèce.


[38]            La décision de l'arbitre Charlong c. Johnson Moving & Storage Ltd., [2002] C.L.A.D. no 372 (Réf.)(QL), sur laquelle se fonde la demanderesse, dit que l'alinéa 30(1)c) du Règlement n'exige pas un avis officiel de rappel pendant la période de trois mois lorsque le terme de la mise à pied a été fixé à un maximum de trois mois, contrairement à l'alinéa 30(1)c) qui vise les mises à pied de plus de six mois. Comme je l'ai déjà dit, je suis d'accord avec cette interprétation de l'alinéa 30(1)c).

[39]            Les faits de la décision Charlong, précitée, se distingue des faits en l'espèce. Dans cette affaire, l'arbitre a conclu que l'employé ne voulait plus travailler pour l'employeur et que, quand l'employeur avait indiqué, sur le relevé d'emploi, que l'employé avait été mis à pied, il s'agissait d'une gentillesse de sa part, pour éviter de dire que l'employé avait abandonné son poste. L'arbitre a conclu qu'il n'y avait pas eu de mise à pied. Dans la présente affaire, il y a réellement eu une mise à pied et c'est l'employeur qui l'a voulue, ce n'est pas M. Shaw. L'arbitre a donc raisonnablement conclu que l'employeur avait l'obligation de préciser clairement à l'employé à quel moment la mise à pied prenait fin.

[40]            La demanderesse a également soutenu que l'arbitre avait commis une erreur en omettant d'examiner la preuve de communications entre H & R et M. Shaw après le 27 février 2002. Selon moi, l'arbitre n'a pas commis d'erreur à cet égard puisqu'il est clair qu'il a examiné la preuve concernant la correspondance entre les parties après le 27 février 2002 et il n'a pas refusé de l'admettre. Toutefois, il n'a pas jugé que cette preuve était pertinente pour décider si la mise à pied de M. Shaw était assimilée à un licenciement. L'arbitre a entendu le témoignage de M. Shaw et de M. Evans. Il a apprécié la preuve et il a décidé ce qui était pertinent. Il s'agit clairement d'un domaine qui relève de son expertise. Je ne saurais dire qu'une telle conclusion est déraisonnable ni qu'elle est contraire aux principes de justice naturelle.

[41]            Par conséquent, la demande est rejetée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Le défendeur a droit aux dépens.

                                                                                                                          _ Richard G. Mosley _             

                                                                                                                                                      Juge                            

Traduction déclarée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1020-03

INTITULÉ :                                                        H & R TRANSPORT LTD.

c.

GORDON SHAW

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE 5 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                       LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                      LE 7 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

William J. Armstrong, c.r.                                      POUR LA DEMANDERESSE

Tammy L. Praskach                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laird Armstrong                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)

Davidson & Williams LLP                                     POUR LE DÉFENDEUR

Lethbridge (Alberta)


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