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Date : 20060315

Dossier : T-212-05

Référence : 2006 CF 339

Toronto (Ontario), le 15 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

1395047 ONTARIO INC.,

exerçant son activité sous la dénomination de (s/n)

FPTV - FESTIVAL PORTUGUESE TELEVISION,

et FRANK ALVAREZ

demandeurs

et

1548951 ONTARIO LIMITED, s/n O BOLA SPORTS BAR;

O AVIAO BAR & GRILL INC., s/n O AVIAO RESTAURANT;

827704 ONTARIO LIMITED, s/n WHITE ROSE BAR

et WHITE ROSE BAR AND CAFÉ LIMITED;

PASQUALE D'ALESSIO, s/n WHITE ROSE BAR;

1205250 ONTARIO INC., s/n NEW CASA ABRIL

RESTAURANT & CATERING;

CASA EUROPA SPORTS BAR INC.;

et SPORTING CLUB IDEAL OF BRAMPTON

défendeurs

(Ontario)

et

3975592 CANADA INC., s/n RESTAURANT BEIRA MAR

défenderesse

(Québec)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LES REQUÊTES

[1]                Je suis saisi de deux requêtes. Dans l'une, la défenderesse 1205250 Ontario Inc., exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril Restaurant and Catering (1205250), demande une ordonnance prorogeant le délai que la protonotaire Milczynski, par ordonnance en date du 12 septembre 2005 (l'ordonnance du 12 septembre), lui a fixé pour déposer sa défense.

[2]                Dans la seconde requête, 1395047 Ontario Inc., exerçant son activité sous la dénomination de FPTV - Festival Portuguese Televisia, et Frank Alvarez (ci-après collectivement désignés FPTV) demandent une ordonnance accordant un jugement contre 1205250 conformément à l'ordonnance du 12 septembre ou, subsidiairement, radiant la défense de 1205250 pour inexécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'injonction interlocutoire prononcée par le juge Campbell le 14 février 2005 (l'injonction).

[3]                Dans le cadre de la seconde requête, FPTV demande aussi à la Cour d'ordonner à M. Janvario Barros et à 1205250 de comparaître devant la Cour, à la date et à l'heure que celle-ci fixera, pour entendre la preuve de l'outrage au tribunal dont FPTV les accuse.

LE CONTEXTE

[4]                FPTV affirme détenir, en vertu d'un accord avec Sport T.V. Portugal S.A. ayant pris effet le 27 août 2004, tous les droits de diffusion et le droit d'auteur afférents aux saisons 2004-2005 et 2005-2006 du Championnat portugais de football de première division, aussi appelé Superliga.

[5]                Les demandeurs ont intenté la présente action en déposant une déclaration le ou vers le 7 février 2005.

[6]                Les demandeurs ont d'abord sollicité une injonction interlocutoire, que leur a accordée le juge Campbell le 14 février 2005. Cette injonction interdisait à l'entreprise exerçant son activité au 475 de l'avenue Oakwood sous la dénomination de New Casa Abril de présenter un quelconque match de la Superliga de 2004-2005 ou de 2005-2006 sans l'autorisation écrite des demandeurs. L'injonction porte qu'elle s'applique à toute personne liée à New Casa Abril, y compris à toute personne ayant connaissance de ladite injonction.

[7]                L'injonction a été signifiée à personne à New Casa Abril, au 475 de l'avenue Oakwood, le 21 février 2005.

[8]                Des employés de FPTV qui ont enquêté sur l'entreprise exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril ont déclaré qu'elle avait présenté plusieurs fois des matches de la Superliga à sa clientèle sans le consentement des demandeurs.

[9]                1205250 a retenu les services d'un avocat et a consenti à une ordonnance modifiant l'intitulé de la présente cause de manière à l'y inscrire sous cette dénomination, consentement par lequel elle s'engageait à signifier et déposer sa défense dans les 40 jours suivant la date de l'ordonnance du 12 septembre.

[10]            Or, malgré ce consentement, 1205250 n'a pas déposé sa défense dans le délai de 40 jours, et le greffe de la Cour a rejeté la défense qu'elle a en fin de compte essayé de déposer.

[11]            Dans le cadre de l'ordonnance du 12 septembre, 1205250 a aussi confirmé qu'elle était liée par l'injonction.

[12]            L'avocat de 1205250 a consenti à l'ordonnance du 12 septembre le 9 septembre 2005. Un agent de FPTV a visité les locaux de New Casa Abril le 10 septembre 2005, et y a constaté que cet établissement présentait un match de la Superliga, en violation de l'ordonnance du 12 septembre et de l'injonction.

[13]            Des agents de FPTV ont visité les locaux de 1205250 à plusieurs autres reprises après qu'eut été prononcée l'ordonnance du 12 septembre, et y ont observé que 1205250 continuait à présenter les matches de la Superliga à sa clientèle au moyen d'un système illégal de télédiffusion par satellite.

           

LA PROROGATION DU DÉLAI IMPARTI À 1205250 POUR DÉPOSER SA DÉFENSE

[14]            1205250 demande, sous le régime de l'article 8 des Règles de la Cour fédérale (1998), la prorogation du délai lui étant imparti pour déposer sa défense.

[15]            L'article 8 dispose expressément que la requête visant la prorogation d'un délai peut être présentée avant ou après l'expiration de celui-ci.

[16]            Le délai, en l'occurrence, a été fixé par la protonotaire Milscynski dans son ordonnance du 12 septembre.

[17]            Selon la jurisprudence - voir par exemple Canada (P.G.) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F.) -, le demandeur, afin d'obtenir une prorogation de délai, doit démontrer :

a)                   qu'il n'a pas cessé d'avoir l'intention de poursuivre la demande;

b)                   qu'il y a des chances que la demande soit accueillie;

c)                   que le retard ne cause aucun préjudice au défendeur;

d)                   qu'il existe une explication raisonnable au retard.

[18]            L'arrêt Grewal c. Canada (M.E.I.) [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R. 106 (C.A.F), ajoute à ce sujet que la question fondamentale dans une demande de prorogation de délai est la nécessité que justice soit rendue entre les parties, de sorte qu'il faut tenir compte des raisons du retard et du point de savoir si la cause est défendable.

[19]            Dans un cas tel que le présent, où le délai est fixé par une ordonnance péremptoire, le seuil de la justification du retard est très élevé; le demandeur doit démontrer de manière convaincante qu'il n'a pas eu l'intention de passer outre à l'ordonnance et que l'inexécution de celle-ci est attribuable à des circonstances extrinsèques. Voir Sarasin Consultadoria E. Services LDA c. Roox's Inc., 2003 Carswell Nat 2577, 2003 CF 1010.

[20]            Dans la présente instance, la preuve par affidavit déposée par 1205250 montre que le dossier comportait une note selon laquelle il fallait signifier et déposer la défense au plus tard le 25 octobre 2005 pour que soient remplies les conditions de l'ordonnance du 12 septembre.

[21]            Le 24 octobre 2005, la défense a été signifiée à l'avocat de FPTV, et un exemplaire en a été remis, avec un affidavit de signification, à un huissier pour dépôt à la Cour.

[22]            Le 27 octobre 2005, l'avocat de 1205250 a appris que la Cour avait refusé le dépôt de la défense.

[23]            1205250 a expliqué son retard en alléguant que [TRADUCTION] « le défaut de dépôt de la défense [était] attribuable à une erreur administrative » de son avocat.

[24]            Donc, la preuve produite devant moi tend à établir qu'il y a eu intention soutenue de poursuivre la défense et que l'acte de défense a été signifié dans le délai fixé par l'ordonnance du 12 septembre, mais qu'il n'a pas été déposé auprès de la Cour à temps pour que le délai soit respecté. Rien ne donne à penser que le retard cause un préjudice à FPTV ni que la défense n'ait aucune chance d'être accueillie.

[25]            Vu ces faits, j'estime que 1205250 a rempli les conditions auxquelles la jurisprudence subordonne la prorogation de délai et lui ordonnerai de déposer sa défense dans les cinq jours suivant la date de la présente ordonnance.

LA REQUÊTE DE FPTV

[26]            Comme j'estime juste de permettre à 1205250 de déposer sa défense, je ne pense pas qu'il convienne d'accorder à FPTV le jugement qu'elle demande en application de l'ordonnance du 12 septembre ni de radier la défense pour inexécution de cette ordonnance et de l'injonction prononcée par le juge Campbell.

[27]            J'examinerai maintenant la question de l'outrage au tribunal.

[28]            Sous le régime de l'article 467 des Règles de la Cour fédérale (1998), la Cour peut rendre une ordonnance de justifier si elle est d'avis qu'il existe une preuve prima facie d'un refus délibéré d'exécuter une ordonnance rendue par elle. Voir R. c. Perry [1982] 2 CF 519. 41 N.R. 249 (C.A.).

[29]            Selon la décision Mennes c. Canada (Service correctionnel),2001 Carswell Nat 1230, 2001 CFPI 571, la requête en justification exige la production d'éléments de preuve tendant à établir l'existence d'une ordonnance judiciaire, la connaissance par le défendeur de cette ordonnance et une violation délibérée de ladite ordonnance.

[30]            Dans la présente espèce, M. Barros, de 1205250, déclare ce qui suit dans son affidavit : [TRADUCTION] « J'ignorais l'existence de l'ordonnance de Monsieur le juge Campbell en date du 14 février 2005 jusqu'à ce que je retienne les services de Me Binavince pour représenter 1205250. »

[31]            1205250 a retenu les services de Me Binavince pour les besoins de la requête portée devant la protonotaire Milczynski le 12 septembre 2005. 1205250 a consenti, le 9 septembre 2005, à cette requête, selon laquelle elle était liée par [TRADUCTION] « les dispositions de l'injonction interlocutoire prononcée au nom de la Cour par le juge D.R. Campbell le 14 février 2005 » .

[32]            Par conséquent, comme l'affirme FPTV, M. Barros et 1205250 ont dû prendre connaissance de l'injonction au plus tard le 9 septembre 2005, date où ils ont retenu les services de Me Binavince.

[33]            Selon les affidavits de M. Bon Falcone et de M. et Mme Aires Whytton Da Silva, déposés par FPTV dans le cadre de la présente requête, M. Barros et 1205250 auraient refusé de se conformer à l'injonction après que M. Barnes et FPTV eurent appris son existence. Il me semble donc évident que FPTV a produit la preuve prima facie à laquelle l'article 467 subordonne la tenue d'une audience de justification.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Le délai fixé à 1205250 pour déposer sa défense est prorogé. Celle-ci devra être déposée dans les cinq jours suivant la date de la présente ordonnance.

2.          M. Janvario Barros et 1205250 Ontario Inc., exerçant leur activité sous la dénomination de New Casa Abril Restaurant and Catering, comparaîtront devant un juge de notre Cour le lundi 29 mai 2006 à Toronto, pendant la période des requêtes générales. Ils devront être prêts à y entendre la preuve de l'outrage au tribunal qui leur est reproché au motif que, en violation de l'ordonnance du juge Campbell en date du 14 février 2005 et de l'ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 12 septembre 2005, ils auraient continué à présenter les matches de la Superliga de 2004-2005 et de 2005-2006 dans les locaux de New Casa Abril, situés au 475 de l'avenue Oakwood, à Toronto (Ontario) M6E 2WA, ainsi que le soutient FPTV dans les pièces déposées avec la présente requête; ils devront être prêts aussi, le cas échéant, à y présenter leur défense.

3.          Aucuns dépens ne sont adjugés.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-212-05

INTITULÉ :                                        1395047 ONTARIO INC., s/n FPTV - FESTIVAL PORTUGUESE TELEVISION, et FRANK ALVAREZ

demandeurs

et

1548951 ONTARIO LIMITED, s/n O BOLA SPORTS BAR, ET AL.

défendeurs (Ontario)

et

3975592 CANADA INC., s/n RESTAURANT BEIRA           MAR

défenderesse (Québec)

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 13 MARS 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 15 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Kevin W. Fisher                                                POUR LES DEMANDEURS

Julian Binavince                                                 POUR LES DÉFENDEURS

                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kevin W. Fisher                                                POUR LES DEMANDEURS

Basman Smith LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Julian Binavince                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Ricketts, Harris LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

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