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Date : 21092020


Dossier : T‑1198‑19

Référence : 2020 CF 911

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2020

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

EKENS AZUBUIKE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  En 2012, le demandeur, M. Ekens Azubuike, a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée [le CPVP], dans laquelle il alléguait que l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] avait communiqué ses renseignements personnels sans son autorisation ou son consentement. Plus précisément, il a soutenu que l’ASFC avait contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21 [la LPRP], quand elle était entrée en contact avec l’Organisation internationale de police criminelle [INTERPOL] pour vérifier l’authenticité d’une décision judiciaire que M. Azubuike avait présentée à l’appui de sa demande d’asile. Le CPVP a fait enquête sur la plainte et, dans son rapport des conclusions daté du 29 avril 2015 [le rapport des conclusions ou le rapport du CPVP], il a conclu que la plainte du demandeur n’était pas fondée. Ce dernier sollicite le contrôle judiciaire du rapport des conclusions du CPVP.

[2]  Pour les motifs qui suivent, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Le contexte factuel

[3]  La plainte que le demandeur a soumise au CPVP est liée à ses longs antécédents en matière d’immigration. C’est donc dire que pour situer dans leur juste contexte sa plainte au CPVP, le rapport des conclusions du CPVP et la présente demande de contrôle judiciaire, il est utile de résumer les éléments pertinents de ces antécédents.

[4]  Le demandeur est citoyen du Nigéria. Il est arrivé au Canada en novembre 2007 et a demandé l’asile, disant craindre d’être persécuté par les autorités nigérianes en raison de son appartenance au Mouvement pour l’actualisation de l’État souverain du Biafra [le MASSOB] et de ses activités au sein de ce dernier. À l’appui de cette demande d’asile, il a produit divers documents, dont une décision de la Haute Cour de l’État d’Imo, district judiciaire d’Orlu, République fédérale du Nigéria, datée du 19 décembre 2005 [le jugement nigérian]. Le jugement nigérian indiquait que le demandeur avait été jugé in absentia, reconnu coupable de trahison pour sa participation à diverses activités en tant que membre du MASSOB et condamné à l’emprisonnement à perpétuité.

[5]  Le 26 mars 2009, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a accueilli la demande d’asile du demandeur.

[6]  Toutefois, pendant que sa demande d’asile était en instance et avant qu’elle soit tranchée, l’ASFC a voulu vérifier l’authenticité du jugement nigérian. Le 16 décembre 2010, INTERPOL a fait savoir que ce dernier était contrefait et non authentique. Le 23 février 2011, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a déposé une demande auprès de la SPR pour que la décision de 2009, par laquelle celle‑ci avait accordé l’asile au demandeur, soit annulée, car sa demande d’asile était fondée sur de fausses déclarations importantes.

[7]  Le ou vers le 3 juin 2014, la SPR a accueilli la demande du ministre et a annulé le statut de réfugié du demandeur.

[8]  Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision de la SPR d’annuler son statut de réfugié. Par une décision datée du 29 avril 2015, la Cour a rejeté la demande.

[9]  Le demandeur a ensuite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR]. Celle‑ci s’est soldée par une décision défavorable, datée du 24 février 2015, et il a été renvoyé au Nigéria le 6 octobre 2015. Il a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision d’ERAR défavorable, et la Cour a refusé d’accorder l’autorisation requise le 3 juin 2015.

[10]  Moins de deux mois plus tard, soit le 29 novembre 2015, et muni d’un document de voyage qu’il avait prétendu antérieurement avoir perdu, le demandeur est revenu au Canada sans avoir obtenu au préalable une autorisation de revenir au pays. Il a présenté par la suite une seconde demande d’ERAR qui, notamment, faisait état de sa prétention selon laquelle, après son retour au Nigéria, les autorités nigérianes l’avaient détenu et torturé. Sa seconde demande d’ERAR a été rejetée le 1er mai 2018, l’agent d’exécution de la loi l’ayant tranchée faisant état de ses doutes quant à l’authenticité de certains documents fournis par le demandeur ainsi qu’à sa crédibilité. Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la seconde décision d’ERAR défavorable, et la Cour a refusé de donner l’autorisation requise le 30 août 2018.

[11]  Les efforts faits par l’ASFC pour vérifier l’authenticité du jugement nigérian sont l’objet de la plainte que M. Azubuike a déposée le 27 septembre 2012 auprès du CPVP, plainte dans laquelle il prétendait que l’ASFC avait communiqué à son pays d’origine ses renseignements personnels, dont l’endroit où il se trouvait, et ce, sans autorisation. Le CPVP a fait enquête sur la plainte et, en avril 2015, il a produit son rapport des conclusions, qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[12]  Le rapport des conclusions du CPVP décrit la plainte du demandeur, déposée sous le régime de la LPRP, comme une allégation selon laquelle l’ASFC a communiqué de manière irrégulière ses renseignements personnels à son pays d’origine. Plus précisément, le demandeur s’est plaint que l’ASFC avait communiqué ses renseignements personnels, sans consentement, au haut‑commissariat du Canada au Ghana [le haut‑commissariat au Ghana], lequel s’est ensuite servi de ces renseignements pour entrer en contact avec INTERPOL, à Lagos, au Nigéria, et les autorités nigérianes dans le but de vérifier des renseignements relatifs à ses antécédents criminels.

[13]  Le rapport du CPVP présente ensuite un résumé des faits, lequel inclut les antécédents du demandeur en matière d’immigration qui ont amené l’ASFC à vérifier le jugement nigérian. Ce résumé présente aussi des faits, énoncés comme confirmés par le CPVP, qui se rapportent à la demande d’aide concernant la vérification de l’authenticité du jugement nigérian. Plus précisément, le 4 février 2009 un agent d’exécution de la loi de l’Unité de sécurité et des crimes de guerre de l’ASFC à Montréal, au Québec, a transmis un courriel au premier secrétaire et agent d’intégrité des mouvements migratoires [l’AIMM] au haut‑commissariat au Ghana, à Accra, pour lui demander de l’aider dans le cadre de la vérification du jugement nigérian. Le courriel de l’agent d’exécution de la loi indiquait que ni le statut ni l’emplacement de la personne demandant l’asile ne devaient être communiqués au cours de la vérification. L’agent d’exécution de la loi a fourni le nom du demandeur, le numéro de dossier du tribunal nigérian, la référence et la date du jugement, de même que le nom et les coordonnées de l’avocat du demandeur au Nigéria. En réponse, l’AIMM a indiqué qu’il serait plus facile de procéder à la vérification si on lui fournissait une copie du jugement. Ce que l’agent d’exécution de la loi a fait.

[14]  L’AIMM a ensuite écrit au commissaire de police, Section INTERPOL, Service des enquêtes criminelles de la police, à Lagos, au Nigéria, et a demandé l’aide d’INTERPOL pour vérifier l’authenticité du jugement. L’adjoint de l’AIMM a envoyé une copie du jugement à l’adresse électronique générale du Bureau central national [le BCN] d’INTERPOL, à Lagos, au Nigéria, avec une copie à l’AIMM, ainsi qu’à une adresse électronique que l’ASFC a confirmée comme étant celle d’un détective chargé de coordonner les demandes d’aide au BCN d’INTERPOL. Le 16 décembre 2010, INTERPOL a envoyé au haut‑commissariat au Ghana une lettre indiquant qu’il avait conclu que le jugement était un document contrefait et il y a joint une copie du rapport du tribunal nigérian à cet égard.

[15]  Le rapport des conclusions résume ensuite la plainte et les observations du demandeur, de même que les observations de l’ASFC.

[16]  Dans les observations qu’il a soumises au CPVP, le demandeur a affirmé que l’ASFC avait communiqué sans consentement ses renseignements personnels au haut‑commissariat au Ghana, à INTERPOL et aux autorités nigérianes. Il a en outre affirmé qu’en raison de cette communication non autorisée, les autorités nigérianes étaient entrées en contact avec son frère et son avocat au Nigéria, ou leur avaient rendu visite, pour s’informer de l’endroit où il se trouvait et pour l’appréhender, notamment une visite à son frère, dans son village d’Orlu, État d’Imo, par une personne qui disait être un agent de police travaillant pour l’ambassade du Canada au Ghana et qui voulait vérifier le jugement nigérian. Le demandeur a fourni des lettres et des messages électroniques à l’appui de sa prétention, que décrit le rapport des conclusions du CPVP. Ce document signale que le demandeur s’est également plaint directement au ministre et, dans une réponse datée du 27 avril 2012, ce dernier a souligné que les vérifications menées auprès d’INTERPOL étaient une activité courante. En outre, il ressort de la jurisprudence canadienne que lorsqu’on réunit des renseignements pour faire appliquer la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 21 [la LIPR], le fait de communiquer ces renseignements à un État étranger en vue de rendre une décision à cet égard est un « usage compatible » permissible au sens de la LPRP. Le rapport des conclusions du CPVP indique qu’au cours de l’enquête, le demandeur a fait plusieurs observations au CPVP à l’appui de ses allégations, que toutes ses observations ont été appréciées et que les éléments de preuve se rapportant à sa plainte sont décrits dans le rapport.

[17]  Quant aux observations de l’ASFC, le rapport des conclusions du CPVP indique que l’ASFC a fait valoir que la demande de vérification et la communication des renseignements avaient été faites pour faire appliquer la LIPR, en vue de déterminer le statut de réfugié, ainsi que pour préserver l’intégrité du système d’immigration. La demande de vérification a été produite en raison du fait que d’autres documents que le demandeur avait présentés à l’appui de sa demande d’asile n’étaient pas authentiques ou avaient été obtenus d’une manière frauduleuse. Dans ses observations, l’ASFC a signalé que l’agent d’exécution n’avait pas communiqué le lieu où se trouvait le demandeur ou son statut et qu’aucun autre renseignement n’avait été communiqué, à part son nom, le jugement ainsi que le nom et les coordonnées de son avocat au Nigéria. Le message entre l’agent d’exécution de la loi et l’AIMM prescrivait également de manière précise que le haut‑commissariat au Ghana ne devait pas communiquer le lieu où se trouvait l’individu concerné, ou son statut, car celui‑ci avait présenté une demande d’asile. En outre, l’ASFC a signalé que seuls l’ASFC, le haut‑commissariat au Ghana et le BCN d’INTERPOL au Nigéria avaient pris part à la vérification de l’authenticité du jugement, mais que l’État d’Imo ou les autorités nigérianes n’avaient pas participé à la demande de vérification. Au haut‑commissariat au Ghana, des agents avaient confirmé à l’ASFC que le détective qui avait reçu la demande de vérification et une copie du jugement était un employé d’INTERPOL à l’époque où la demande d’aide avait été faite. Après avoir reçu le message, le détective avait chargé son collègue de répondre à la demande de vérification. L’ASFC a en outre soutenu qu’INTERPOL n’avait pas fait de déplacements sur le terrain pour vérifier le jugement; la vérification avait plutôt été faite dans un registre central ou par téléphone. En outre, l’article 10 du Règlement d’INTERPOL sur le traitement des données interdit expressément au BCN de se servir à des fins secondaires des renseignements fournis à des fins de coopération policière internationale. Le jugement nigérian n’a pas non plus été considéré comme particulièrement sensible, car, s’il avait été authentique, il se serait agi d’un document public. Enfin, l’ASFC a soutenu que la communication de renseignements n’exigeait pas le consentement du demandeur, parce qu’elle était autorisée par la LIPR à des fins de détermination et qu’elle constituait un usage compatible aux termes de l’alinéa 8(2)a) de la LPRP.

[18]  En résumant la preuve de l’ASFC, le rapport des conclusions du CPVP a fait référence aux éléments de preuve dont disposait ce dernier, dont la preuve par affidavit de l’agent d’exécution de la loi et les réponses sous serment qu’il a données à l’interrogatoire écrit par le demandeur.

[19]  Dans la section « Application de la Loi », le rapport des conclusions du CPVP signale que, pour l’examen de la plainte, les articles 3, 7 et 8 de la LPRP ont été pertinents. L’article 3 définit ce que sont les renseignements personnels. L’alinéa 7a) indique que, à défaut du consentement de l’individu concerné, les renseignements personnels relevant d’une institution fédérale ne peuvent servir à celle‑ci qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution, de même que pour les usages qui sont compatibles avec ces fins. L’article 8 dispose que ces renseignements personnels ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément aux autres dispositions de cet article.

[20]  La section « Analyse » du rapport indique que les renseignements que communique l’ASFC en vue de vérifier l’authenticité du jugement nigérian, y compris le jugement lui‑même, sont des renseignements personnels aux termes de l’article 3 de la LPRP. La question en litige consistait à savoir si l’ASFC avait contrevenu à l’article 8 en communiquant des renseignements personnels, sans le consentement de l’individu concerné, au haut‑commissariat au Ghana, qui les avait ensuite communiqués à INTERPOL, pour lui demander de l’aider à vérifier l’authenticité du jugement.

[21]  Le rapport mentionne que l’enquête du CPVP a mené à la conclusion que la communication des renseignements personnels du demandeur dans le but de vérifier le jugement nigérian au cours du processus de demande d’asile était un usage compatible au sens de l’alinéa 8(2)a) de la LPRP. Le CPVP s’est dit convaincu que le fait de partager des renseignements avec des agents du haut‑commissariat au Ghana avait pour but précis d’obtenir de l’aide pour vérifier l’authenticité du jugement nigérian que le demandeur avait présenté dans le cadre du processus de demande d’asile. Il a été conclu dans le rapport que « les renseignements ainsi que la copie du jugement transmis au haut‑commissariat étaient nécessaires et pertinents afin de situer le contexte de la demande ». En outre, l’enquêteur du CPVP a conclu que la communication ultérieure des renseignements personnels du demandeur, par le haut‑commissariat au Ghana à INTERPOL, avait pour but précis d’obtenir de l’aide pour vérifier l’authenticité du jugement. Cette communication s’était limitée à juste titre aux renseignements dont INTERPOL avait besoin pour vérifier cette authenticité.

[22]  Le rapport des conclusions indique que l’enquête du CPVP n’a mis au jour aucune preuve qu’INTERPOL avait reçu des renseignements autres que ceux contenus dans le jugement ou que l’ASFC avait informé INTERPOL que la demande de vérification se situait dans le contexte de la demande d’asile du demandeur au Canada. Le CPVP s’est donc dit convaincu que la communication des renseignements personnels du demandeur au haut‑commissariat au Ghana et à INTERPOL était autorisée par l’alinéa 8(2)a) de la LPRP, car cette mesure était nécessaire pour atteindre l’objectif original pour lequel l’ASFC avait recueilli les renseignements : la détermination du statut de réfugié et l’application de la LIPR.

[23]  Quant à l’allégation du demandeur selon laquelle les autorités nigérianes étaient entrées en contact avec son avocat et son frère en lien avec le lieu où il se trouvait, le rapport signale que cela avait trait à l’éventuelle communication secondaire de renseignements personnels par le BCN d’INTERPOL aux autorités nigérianes. Le CPVP était habilité à examiner la communication faite par l’ASFC à INTERPOL, mais elle n’avait pas compétence sur les méthodes de traitement des renseignements personnels qu’appliquaient INTERPOL ou la force policière nigériane. En outre, l’ASFC avait soutenu qu’aucun agent du haut‑commissariat au Ghana n’était allé dans l’État d’Imo, au Nigéria, ou n’avait communiqué avec les autorités nigérianes au sujet du demandeur et qu’INTERPOL n’avait fait aucun déplacement sur le terrain pour vérifier le jugement. Le rapport signale aussi que les membres d’INTERPOL sont soumis à des limites quant à l’utilisation qu’ils font des renseignements fournis aux fins de la coopération policière internationale dans un but secondaire.

[24]  À la section « Conclusions », le CPVP a conclu qu’il était convaincu, à la suite de son enquête, que la communication des renseignements personnels du demandeur était conforme aux fins de leur collecte. La communication était donc autorisée par l’alinéa 8(2)a) de la LPRP et, de ce fait, la plainte n’était pas fondée.

[25]  Le rapport du CPVP a fait part de commentaires et de préoccupations au sujet de la manière dont la communication avait eu lieu et de la nécessité que l’ASFC établisse des procédures à cet égard. Le CPVP a profité de l’occasion pour rappeler à l’ASFC l’obligation que lui impose la LPRP, soit d’assurer la protection continue des renseignements personnels communiqués en vue d’appliquer le mandat législatif que lui confie la LIPR, en particulier dans le contexte des demandes d’aide auprès d’homologues internationaux comme INTERPOL.

Les dispositions législatives applicables

[26]  Les dispositions applicables de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21, figurent à l’annexe A jointe aux présents motifs.

Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[27]  Le demandeur n’est pas représenté par un avocat. Le mémoire des faits et du droit qu’il a déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire est long : 198 paragraphes rédigés en petits caractères et à simple interligne. La majeure partie de ses observations portent sur ses antécédents en matière d’immigration et remettent en question les décisions antérieures qui ont été rendues sur ce plan, notamment son opinion selon laquelle son statut de réfugié a été annulé à tort. Ses observations exposent également le fond de la plainte qu’il a déposée auprès du CPVP à l’égard de la communication, par l’ASFC, de ses renseignements personnels, son opinion selon laquelle la communication de ses renseignements personnels était un manquement au paragraphe 8(2) de la LPRP et ce qu’il considère comme les ramifications de cette communication. Il ne soulève pas de questions précises concernant le rapport des conclusions du CPVP qu’il est nécessaire d’examiner dans le cadre du contrôle judiciaire.

[28]  Le défendeur ne relève pas de questions litigieuses en tant que telles, mais il soutient que la norme de contrôle de la décision du CPVP est la décision raisonnable et que la Cour n’a pas à intervenir, sauf si la décision n’est pas transparente ou intelligible ou si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47; Daley c Canada (Procureur général), 2016 CF 1154 au para 31; Brian Sauvé c Canada (Procureur général), 2016 CF 401 au para 99; Alberta (Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 48‑55).

[29]  Après avoir examiné les observations des deux parties, je suis d’avis que les seules questions dont la Cour est régulièrement saisie consistent à savoir si l’enquête du CPVP a été menée d’une manière équitable sur le plan procédural et si, d’après cette enquête, la décision selon laquelle la plainte n’était pas fondée est raisonnable.

[30]  La norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43).

[31]  Il a déjà été conclu que la décision du CPVP selon laquelle la plainte n’était pas fondée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (EW c Canada (Commissariat à la protection de la vie privée), 2015 CF 1420 aux para 33‑36 [EW]; Daley c Canada (Procureur général), 2016 CF 1154 au para 31). L’application de cette norme est également conforme à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], où il a été conclu qu’il faut présumer que la décision raisonnable est la norme à appliquer chaque fois qu’une cour contrôle une décision administrative. Et bien qu’il ait été conclu dans l’arrêt Vavilov que cette présomption peut être réfutée dans les circonstances qui y sont décrites, celles‑ci ne s’appliquent pas en l’espèce.

[32]  Un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable signifie qu’une cour de révision doit décider si la décision dans son ensemble est raisonnable. Pour ce faire, elle « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov aux para 15 et 99).

Les questions préliminaires

  i.  Les mesures de réparation demandées

[33]  Dans son avis de demande, le demandeur souhaite obtenir les mesures de réparation qui suivent dans le cadre du contrôle judiciaire :

[traduction]

  • - que la Cour déclare que la décision du commissaire à la protection de la vie privée est invalide, qu’elle annule cette décision et qu’elle renvoie l’affaire au CPVP pour qu’il fasse une nouvelle enquête et établisse un nouveau rapport;

  • - que la Cour ordonne au commissaire à la protection de la vie privée de signifier comme il se doit la décision (le rapport des conclusions) au demandeur;

  • - que la Cour ordonne au commissaire à la protection de la vie privée de signifier au demandeur une copie de la recommandation transmise à l’ASFC.

[34]  Pour ce qui est de la deuxième demande de réparation, je constate que le demandeur prétend ne pas avoir reçu le rapport des conclusions du 29 avril 2015 avant que celui‑ci soit envoyé par courriel le 9 juillet 2019. En outre, en août 2019, il a déposé une requête, en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], pour demander qu’on lui communique une [TRADUCTION« copie certifiée claire et lisible du rapport contesté » concernant sa plainte contre l’ASFC, ainsi que le rapport distinct, contenant les recommandations du commissaire à la protection de la vie privée, qui découlait de la plainte. La juge chargée de la gestion de l’instance, la protonotaire Steele, a instruit la requête et rendu une ordonnance le 30 septembre 2019. Pour les motifs exposés, elle a confirmé l’opposition du commissaire à la protection de la vie privée à la demande de communication du demandeur, déposée en vertu de l’article 317 des Règles, et elle a rejeté la requête.

[35]  Une copie reproduite clairement du rapport des conclusions figure dans le dossier du demandeur. En outre, le défendeur soutient qu’avant la transmission du rapport par courriel, ce document avait déjà été envoyé à deux reprises au demandeur. À cet égard, il fait référence à l’affidavit de Ketsia Dorceus, souscrit le 23 septembre 2019, auquel est joint, en tant que pièce A, l’affidavit de Claudia Rutherford, parajuriste au service du CPVP, souscrit le 31 octobre 2017 et déposé dans le dossier de la Cour no T‑76‑15 (Ekens Azubuike c Commissaire à la protection de la vie privée du Canada). Dans son affidavit, Claudia Rutherford déclare que le CPVP a envoyé au demandeur une copie du rapport des conclusions par courrier ordinaire le 29 avril 2015, ou aux environs de cette date, et qu’une autre copie a été envoyée par livraison accélérée le 13 mai 2015. Est jointe à l’affidavit de Claudia Rutherford, en tant que pièce G, une copie du reçu de suivi de Postes Canada, qui confirme que le document a été livré le 13 mai 2015.

[36]  Je conclus que le demandeur a en sa possession le rapport des conclusions. Le paragraphe 35(2) de la LPRP exige seulement que le commissaire à la protection de la vie privée, après avoir fait enquête sur une plainte sous le régime de la Loi, rende compte au plaignant des conclusions de l’enquête. Le dossier confirme que le rapport des conclusions a été envoyé au demandeur et que celui‑ci l’a reçu. L’exigence énoncée au paragraphe 35(2) a donc été remplie. Il n’y a pas non plus de fondement légal à sa demande, formulée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, que la Cour ordonne au commissaire à la protection de la vie privée de lui [TRADUCTION« signifier comme il se doit » le rapport des conclusions. Sa demande de réparation à cet égard est donc rejetée.

[37]  Quant à la demande du demandeur pour que la Cour ordonne au commissaire à la protection de la vie privée de lui signifier une copie des recommandations transmises à l’ASFC, elle a également été réglée dans le cadre de sa requête relative à l’article 317 des Règles qui a été rejetée. Il n’est pas loisible au demandeur de remettre cette demande en cause. Par conséquent, cette demande de réparation est elle aussi rejetée. Par ailleurs, il n’est pas évident que le CPVP a réellement formulé des recommandations distinctes; le rapport signale de quelle façon l’ASFC pourrait améliorer ses procédures de partage des renseignements, mais rien n’y est dit au sujet d’une série distincte de recommandations, voire de recommandations quelconques. En outre, l’alinéa 35(1)a) de la LPRP fait référence à un rapport adressé au responsable de l’institution fédérale de qui relèvent les renseignements personnels, dans les cas où l’on conclut au bien‑fondé d’une plainte. Ce rapport doit contenir les conclusions de l’enquête « ainsi que les recommandations qu’il [le commissaire à la protection de la vie privée] juge indiquées ». Dans le cas présent, le rapport des conclusions du CPVP a conclu que la plainte du demandeur n’était pas fondée et que, de ce fait, les exigences de l’alinéa 35(1)a) en matière de communication d’un rapport ne s’appliquaient pas.

[38]  Je signale en passant que la protonotaire Steele a jugé qu’il ressortait clairement de la jurisprudence que l’article 317 des Règles n’était pas déclenché par le contrôle judiciaire d’un rapport d’enquête et des recommandations connexes (citant Oleinik c Commissaire à la protection de la vie privée (7 mai 2012), Ottawa T‑272‑12 (CF), au para 9). L’article 317 des Règles permet à toute partie de demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas, mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés. En outre, elle a fait remarquer que les documents que le demandeur souhaitait obtenir découlaient tous deux d’une enquête menée par le CPVP sous le régime de la LPRP, dont des dispositions précises empêchent le commissaire à la protection de la vie privée de les communiquer (citant Ekens Azubuike c Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, (23 mars 2015, Ottawa, T‑76‑15). Quoi qu’il en soit, à part les deux éléments dont il est question dans la requête rejetée, le demandeur ne semble pas avoir demandé qu’on lui transmette le dossier d’enquête du CPVP en vertu de l’article 317 des Règles.

  ii.  La portée du contrôle judiciaire des rapports du CPVP

[39]  Le défendeur signale que le commissaire à la protection de la vie privée est un agent du Parlement indépendant qui fait enquête sur les plaintes d’individus qui allègent que des renseignements personnels détenus par une institution fédérale ont été recueillis, utilisés ou communiqués de manière irrégulière (LPRP, art 29, 34). La compétence qu’a le commissaire à la protection de la vie privée d’instruire des plaintes est régie par l’alinéa 29(1)a) de la LPRP. Lorsqu’une enquête est terminée, le CPVP établit un rapport des conclusions et des recommandations, lesquelles n’ont pas force obligatoire (art 35). La LPRP ne confère pas au commissaire à la protection de la vie privée le pouvoir de rendre des ordonnances. Le rôle du CPVP se compare plutôt à celui d’un ombudsman.

[40]  Le défendeur soutient que l’article 41 de la LPRP indique à quel moment une décision peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour, et ce contrôle a principalement trait aux décisions dans lesquelles l’accès à des renseignements personnels a été refusé (Murdoch c Gendarmerie royale du Canada, 2005 CF 420 [Murdoch]). Cependant, dans des situations comme celles dont il est question en l’espèce, où un plaignant allègue que des renseignements personnels ont été communiqués sans autorisation, les pouvoirs de contrôle de la Cour découlent de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, qui lui confère une compétence générale pour entendre les contrôles relatifs aux décisions des offices fédéraux. Le défendeur soutient que, dans les cas où les pouvoirs de contrôle de la Cour découlent de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, les pouvoirs de réparation dont jouit la Cour sont restreints. Il ajoute qu’étant donné que le commissaire à la protection de la vie privée dispose de pouvoirs très restreints pour ce qui est de remédier à une atteinte à la vie privée sous le régime de la LPRP – soit établir des conclusions et des recommandations non exécutoires – la Cour est, elle aussi, soumise à la même limite (Murdoch, au para 19; Morneault c Canada (Procureur général), [2001] 1 CF 30 (CAF) au para 41 [Morneault]).

[41]  Le défendeur fait également valoir que le contrôle judiciaire des rapports du CPVP a une portée restreinte. Le processus d’enquête est susceptible de contrôle, mais pas les recommandations du CPVP (Oleinik c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2011 CF 1266 au para 11 [Oleinik]). Les pouvoirs de réparation dont dispose la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales permettent également à la Cour d’accorder réparation au cas où le CPVP venait à refuser illégalement de faire enquête sur une plainte ou de rendre compte de ses conclusions connexes, ou effectuait son enquête d’une manière inéquitable (Love c Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, 2014 CF 643 au para 82 [Love]). Cependant, dans la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour « ne peut donc porter [son attention] que sur les points précis dégagés par les juges Rennie et Russell dans les décisions Oleinik et Love » (EW, au para 29).

Analyse

[42]  Comme les observations du demandeur sont d’une grande portée, il est important selon moi de traiter au départ de la portée du présent contrôle judiciaire.

[43]  Premièrement, aux termes de l’article 41 de la LPRP, si le demandeur s’était vu refuser par une institution fédérale l’accès aux renseignements personnels demandés, et s’il avait porté plainte à cet égard auprès du CPVP, il aurait alors eu droit de solliciter le contrôle judiciaire de l’affaire. Si la Cour venait à conclure que le refus du responsable de l’institution fédérale n’était pas autorisé, ou si le responsable de cette institution n’avait pas de motifs raisonnables pour refuser la communication, dans ce cas, conformément aux articles 48 et 49, respectivement, la Cour serait autorisée à ordonner à ce responsable de communiquer les renseignements personnels demandés. Cependant, il s’agit là du seul pouvoir de réparation dont dispose la Cour (Keita c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 626 au para 12 [Keita]; Cumming c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CF 271 au para 25). Mais ce n’est pas le cas en l’espèce, où le demandeur n’a pas demandé la communication de ses renseignements personnels, et les articles 41, 48 et 49 ne s’appliquent pas.

[44]  Il ressort clairement aussi de la jurisprudence de la Cour que la validité des recommandations du commissaire à la protection de la vie privée n’est pas assujettie aux pouvoirs de contrôle de la Cour (Keita aux para 20‑22, faisant référence à Canada (Procureur général) c Bellemare, 2000 CanLII 16569, [2000] ACF no 2077 (CAF) aux para 11‑13; Oleinik au para 7). Dans la présente affaire, le rapport des conclusions du CPVP ne contient aucune recommandation officielle, et le demandeur ne conteste pas les préoccupations qu’exprime le CPVP, que ce dernier qualifie de conclusions.

[45]  Cependant, la Cour peut soumettre à un contrôle judiciaire une enquête et un rapport du CPVP, si cette enquête a été inéquitable sur le plan procédural ou si ce rapport comporte des « omissions majeures, des conclusions déraisonnables ou non défendables, des erreurs d’interprétation du contexte factuel et juridique ou encore des commentaires démontrant un préjugé ou un parti pris de la part de l’enquêteur [...] » (Oleinik au para 11; voir aussi EW aux para 27‑28). Dans le même ordre d’idées, dans la décision Love, le juge Russell a décrété que « les pouvoirs de réparation de la Cour dans le cadre de contrôles judiciaires fondés sur l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales sont assez larges pour couvrir les cas où le CPVP refuserait illégalement d’enquêter ou de rendre ses conclusions relativement à une plainte, ou mènerait enquête d’une manière inéquitable » (Love au para 82).

[46]  Je suis donc d’accord avec le défendeur pour dire que la présente demande de contrôle judiciaire ne porte que sur la question de savoir si l’enquête a été menée d’une manière équitable sur le plan procédural et sur le caractère raisonnable de la décision, formulée dans le rapport, que la plainte du demandeur n’était pas fondée (voir EW aux para 27‑28, 30). Le présent contrôle judiciaire ne porte pas sur les décisions en matière d’immigration et les autres questions que le demandeur a soulevées dans ses observations.

[47]  En outre, ce que le demandeur allègue en l’espèce n’est pas la retenue de renseignements personnels demandés, mais la communication, sans autorisation, de ces renseignements. Le pouvoir de la Cour découle donc de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et, advenant qu’il soit conclu que le processus suivi était inéquitable sur le plan procédural ou que les conclusions du rapport étaient déraisonnables, la seule réparation que la Cour peut accorder est le renvoi de l’affaire au CPVP pour une nouvelle décision (voir Murdoch).

L’enquête du CPVP a‑t‑elle été menée d’une manière équitable sur le plan procédural et, d’après cette enquête, la décision selon laquelle la plainte n’était pas fondée était‑elle raisonnable?

La position du demandeur

[48]  Comme il a été signalé plus tôt, les observations que le demandeur a formulées sont générales et de vaste portée. En résumé, il soutient qu’en partageant ses renseignements personnels avec INTERPOL, le haut‑commissariat au Ghana a commis un [TRADUCTION« abus de pouvoir discrétionnaire ». Et, étant donné que le haut‑commissariat au Ghana a communiqué avec le BCN d’INTERPOL au Nigéria, le Canada a consulté de manière inappropriée son pays et agent de persécution. Il veut que l’on réprouve le fait que l’ASFC a [TRADUCTION« eu recours à un agent de persécution ou un État persécuteur comme source d’information pour déterminer le statut de réfugié [...] ». Selon lui, à cause de la communication de ses renseignements personnels, les autorités nigérianes sont entrées en contact avec son frère et son avocat, et ce fait a également mené à la révocation inappropriée de son statut de réfugié ainsi qu’à son expulsion vers le Nigéria, où il a été torturé, en violation des articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et des conventions internationales. Il repasse en revue, de manière très détaillée, ses antécédents en matière d’immigration et il fait part de son opinion au sujet d’erreurs commises dans diverses décisions qui ont été rendues, dont la conclusion selon laquelle il était interdit de territoire au Canada, l’annulation de son statut de réfugié, les audiences relatives à la détention et ses ERAR. Il affirme aussi avoir été victime de diverses représailles qui, allègue‑t‑il, ont été exercées contre lui par les autorités canadiennes, dont l’ASFC, et il soutient que le ministère de la Justice est intervenu de manière inappropriée dans son dossier.

[49]  Pour ce qui est de la LPRP, il affirme qu’il y a eu manquement au paragraphe 8(2) et il repasse en revue les documents ainsi que les observations qui, soutient‑il, ont été présentés au CPVP à l’appui de sa plainte.

[50]  Pour ce qui est des erreurs de fait ou de droit qui ont pu être commises, le demandeur déclare qu’il a [TRADUCTION« par la présente confirmé qu’il contestait catégoriquement la constitutionnalité et la légalité de la collaboration entre le gouvernement du Canada en tant qu’État démocratique et les autorités du Nigéria en tant que pays d’origine du demandeur d’asile, à l’encontre des protections internationales qui sont prévues dans la Convention sur les réfugiés [...] ». Il soutient en outre que les autorités canadiennes ont [TRADUCTION« agi de manière erronée et partiale en communiquant directement [son] dossier de demande du statut de réfugié et d’asile à des agresseurs », les agents qui l’auraient persécuté. Il soutient que tout le processus qui a mené à l’annulation de son statut de réfugié n’a assuré aucune garantie en matière de procédure et ne l’a pas protégé contre le risque d’être renvoyé et ensuite torturé.

[51]  Quand il a comparu devant moi, le demandeur a réaffirmé que l’ASFC avait commis une erreur en communiquant directement ses renseignements personnels à l’entité qu’il prétendait être son agent de persécution, la police nigériane. Il a également fait valoir que le CPVP avait omis de valider cette erreur, qu’il n’avait pas pris en considération l’ensemble de sa preuve et qu’il avait fait montre de parti pris en faveur de l’ASFC.

La position du défendeur

[52]  Le défendeur signale que le demandeur ne dit essentiellement rien au sujet du rapport des conclusions du CPVP, qui fait l’objet de sa demande de contrôle judiciaire. Il axe plutôt ses observations sur son insatisfaction vis‑à‑vis des décisions antérieures en matière d’immigration et de ceux qui les ont rendues, des décisions qui ont toutes été contestées et réglées. Le défendeur soutient que les divers arguments qu’invoque le demandeur au sujet des doutes quant à sa crédibilité qui ont été soulevés devant la SPR, les nombreuses plaintes qu’il a déposées contre une multitude de décideurs, les erreurs qui auraient été commises dans l’annulation de son statut de réfugié, son expulsion antérieure au Nigéria et ses arguments génériques concernant la Charte ont peu à voir avec le bien‑fondé du processus d’enquête. Il ajoute que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que des erreurs avaient été commises dans le processus d’enquête du CPVP, ni que le rapport des conclusions du CPVP contenait des omissions importantes ou que l’enquête méritait d’être révisée (Oleinik au para 11). Par sa demande de contrôle judiciaire concernant le rapport non exécutoire du CPVP, le demandeur tente plutôt, de manière détournée et erronée, de contester à nouveau les actes et les décisions de l’ASFC (Oleinik au para 9).

Analyse

[53]  Le demandeur n’est pas d’accord avec le rapport des conclusions du CPVP, mais ses observations écrites ne traitent pas de manière claire ou convaincante de l’équité procédurale du processus d’enquête ou de la raison pour laquelle il estime que la décision du CPVP, à savoir que sa plainte n’est pas fondée, est déraisonnable. Ses observations écrites ne donnent pas à entendre que le CPVP a fait abstraction d’éléments de preuve importants ou a commis d’autres erreurs susceptibles de contrôle.

[54]  Pour ce qui est de l’équité procédurale, le demandeur formule quelques affirmations vastes et générales de partialité, mais il ne les explicite pas dans ses observations. Il soutient essentiellement que l’ASFC l’a pris injustement pour cible et que le commissaire à la protection de la vie privée a collaboré avec l’ASFC et qu’il avait un parti pris favorable à cette dernière. Il ne fait toutefois état d’aucune preuve qui satisferait au critère relatif à la partialité, soit le fait de savoir si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que le décideur était partial (Oleinik au para 15, citant Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la p 394). À mon avis, il n’a pas établi que le processus d’enquête ou l’enquête même étaient entachés de partialité ou qu’ils avaient par ailleurs été menés d’une manière inéquitable sur le plan procédural.

[55]  Dans ses observations écrites, le demandeur ne fait état d’aucune omission ou erreur de fait ou de droit importante qui donnerait à entendre que le rapport des conclusions du CPVP est déraisonnable. Quand il a comparu devant moi, le demandeur a affirmé que le CPVP n’avait pas pris en compte la totalité des éléments de preuve qu’il avait présentés et qu’il s’était trompé dans son appréciation de la preuve.

[56]  En l’absence d’un dossier certifié du tribunal, il m’est impossible de déterminer si le CPVP avait en main un grand nombre des documents qui figurent dans le dossier que le demandeur a produit dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Cela dit, le rapport des conclusions du CPVP indique que, dans son enquête, ce dernier a pris en considération la totalité des observations du demandeur, mais qu’il n’a décrit que celles qui se rapportaient à sa plainte. Je signale que les décideurs ne sont pas tenus de traiter explicitement de la moindre observation que formule une partie (Newfoundland et Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16). Il est également présumé que les décideurs ont pris en considération l’ensemble de la preuve qui leur est soumise (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53, 1998 CanLII 8667 (CF) aux para 16‑17; Placide c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1056 au para 44).

[57]  En outre, et ce fait est important, la question soumise au CPVP consistait à savoir si l’ASFC avait contrevenu à l’article 8 de la LPRP en communiquant, sans consentement, des renseignements personnels au haut‑commissariat au Ghana, lequel les avait ensuite communiqués à INTERPOL, afin de demander une aide pour vérifier l’authenticité du jugement nigérian. Le CPVP ne s’intéressait donc qu’aux éléments de preuve relatifs à la question de la communication. Plus précisément, il s’est intéressé aux éléments de preuve démontrant que des renseignements avaient été communiqués et à quelle fin.

[58]  À cet égard, le CPVP a signalé que le demandeur avait soutenu que les autorités nigérianes étaient entrées en contact avec son avocat et son frère au sujet de l’endroit où il se trouvait et qu’il avait fourni quatre documents, ensuite décrits par le CPVP, à l’appui de son allégation. Ces documents comprenaient une lettre de l’avocat du demandeur alléguant qu’une personne lui avait rendu visite à son cabinet, dans l’État d’Imo, pour vérifier le jugement nigérian, une lettre émanant censément de la force policière du Nigéria et sommant l’avocat du demandeur à prendre part à un entretien concernant le lieu où se trouvait le demandeur et alléguant que, au haut‑commissariat du Canada à Accra, un AIMM avait confirmé que le demandeur se trouvait au Canada et qu’il sollicitait l’asile politique, de même qu’un courriel du frère du demandeur, alléguant que, dans son village, dans l’État d’Imo, il avait reçu la visite d’un agent de police de Lagos, qui travaillait pour l’ambassade du Canada au Ghana et qui voulait vérifier le jugement nigérian.

[59]  Je ne suis donc pas convaincue que le CPVP a commis une erreur en ne prenant pas en compte les éléments de preuve du demandeur qui se rapportaient à la question qui lui était soumise. Le CPVP a plutôt clairement privilégié la preuve de l’ASFC, laquelle établissait que le courriel envoyé par l’AIMM au haut‑commissariat au Ghana demandait une aide pour vérifier le jugement nigérian. Le courriel ne fournissait que la référence du jugement et d’autres renseignements d’identification connexes, il nommait l’avocat du demandeur au Nigéria et il indiquait expressément qu’il ne fallait communiquer ni le statut ni l’emplacement du demandeur. Le haut‑commissariat au Ghana a ensuite demandé à INTERPOL de l’aider en lui disant si le jugement nigérian était authentique et il lui a fourni une copie de ce document. En outre, la preuve de l’ASFC était que seuls le haut‑commissariat au Ghana et le BCN d’INTERPOL avaient pris part au processus de vérification et que le BCN d’INTERPOL n’avait fait aucun déplacement sur le terrain pour vérifier le jugement. Et ni le haut‑commissariat au Ghana ni l’ASFC n’ont répondu à la lettre dans laquelle le BCN d’INTERPOL confirmait que le jugement nigérian était faux et faisait savoir qu’il aimerait recevoir toute information susceptible d’aider à appréhender et à poursuivre l’auteur du document contrefait.

[60]  Le rapport des conclusions du CPVP mentionne que, au vu des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le CPVP s’est dit convaincu qu’aucun autre document ou renseignement concernant le demandeur n’avait été transmis au haut‑commissariat au Ghana. Il s’est dit convaincu, plus précisément, que son enquête a révélé que rien ne prouvait qu’INTERPOL avait reçu des renseignements quelconques, autres que ceux contenus dans le jugement nigérian, ou que l’ASFC avait informé INTERPOL que la demande de vérification s’inscrivait dans le contexte de la demande d’asile du demandeur au Canada.

[61]  Le CPVP a déclaré qu’il était convaincu que la communication des renseignements personnels du demandeur au haut‑commissariat au Ghana et au BCN d’INTERPOL était autorisée par l’alinéa 8(2)a) de la LPRP, puisqu’il s’agissait d’une mesure nécessaire pour s’acquitter du but initial pour lequel l’ASFC recueillait les renseignements : la détermination du statut de réfugié et l’application de la LIPR. Dans un tel cas, il n’était pas obligatoire que le demandeur consente à la communication.

[62]  En bref, le CPVP a tenu compte de la preuve du demandeur selon laquelle sa présence au Canada et sa demande d’asile avaient été communiquées à son pays d’origine, mais il a préféré la preuve de l’ASFC. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve (Vavilov au para 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 61). Le CPVP a également signalé qu’il n’avait pas compétence sur les méthodes qu’appliquaient INTERPOL ou la force policière du Nigéria au sujet du traitement des renseignements personnels.

[63]  À mon avis, étant donné que la question soumise au CPVP consistait à savoir si l’ASFC avait manqué à l’article 8 de la LPRP en communiquant, sans consentement, les renseignements personnels du demandeur, les motifs du CPVP répondent de manière complète à la plainte, qui, comme celui‑ci l’a conclu de manière raisonnable, n’est pas fondée.

[64]  Le CPVP n’était pas tenu de prendre en considération les affirmations du demandeur selon lesquelles la communication était inconstitutionnelle et contraire à la Charte, ses allégations selon lesquelles, en raison de la communication, il avait été torturé après son retour au Nigéria, du fait de son affiliation politique déclarée (rejetée par la seconde décision d’ERAR), ainsi que son observation selon laquelle le Canada avait manqué à ses obligations internationales en communiquant les renseignements personnels concernant son statut de réfugié (communication que le CPVP s’est dit convaincu qu’elle n’avait pas eu lieu). Le CPVP n’était pas non plus tenu d’examiner des éléments de preuve tels que l’avis consultatif du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur les règles de confidentialité qui régissent les renseignements relatifs à l’asile, les rapports sur la situation dans le pays et d’autres documents n’ayant aucun rapport avec la décision que le CPVP était tenu de rendre. Pour rendre sa décision, ce dernier n’était pas non plus tenu ou obligé de prendre en considération des décisions non liées, voire n’importe quelle décision d’annulation de la SPR. Si ces éléments de preuve, et des éléments semblables figurant dans le dossier du demandeur, lui ont été soumis, le CPVP n’a pas commis d’erreur en omettant d’en faire mention ou de les prendre en compte, car ces éléments ne sont pas importants ou pertinents.

[65]  Je conviens avec le défendeur que la présente affaire correspond en tous points à la décision Oleinik, où le juge Rennie a écrit :

[11]  En conséquence, l’enquête du CPVP elle‑même est susceptible de contrôle judiciaire. Si le rapport comportait des omissions majeures, des conclusions déraisonnables ou non défendables, des erreurs d’interprétation du contexte factuel et juridique ou encore des commentaires démontrant un préjugé ou un parti pris de la part de l’enquêteur, la Cour pourrait intervenir. Cependant, dans la présente affaire, le rapport en soi n’est nullement contesté. Effectivement, le demandeur n’a invoqué aucune erreur qui pourrait justifier une intervention, qu’il s’agisse d’une erreur touchant le raisonnement ou les faits. De prime abord, le rapport est équilibré et exhaustif. Le demandeur n’a pas relevé la moindre omission. Il sollicite simplement un résultat différent.

[66]  Comme le demandeur n’a pas établi que l’enquête avait été menée d’une manière inéquitable sur le plan procédural et qu’elle était fondée sur des erreurs de fait ou de droit, sa demande ne peut pas être accueillie. Par ailleurs, la décision du rapport des conclusions du CPVP, à savoir que la plainte déposée par le demandeur sous le régime de la LPRP n’était pas fondée, est transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur celle‑ci (Vavilov aux para 15, 99). La décision est donc raisonnable.

[67]  En outre, le demandeur ne peut pas solliciter le contrôle judiciaire du rapport des conclusions non exécutoires du CPVP pour, essentiellement, contester les décisions en matière d’immigration défavorables qui ont été rendues antérieurement à son égard. Il ressort du dossier que le demandeur a profité de toutes les chances possibles de contester ces décisions et qu’il n’a pas eu gain de cause. La présente demande de contrôle judiciaire concernant le rapport des conclusions du CPVP est, comme il a été mentionné plus tôt, d’une portée restreinte. Elle ne peut servir à attaquer indirectement des décisions antérieures en matière d’immigration ni être utilisée comme plate‑forme pour contester la constitutionnalité du régime relatif aux réfugiés et à l’immigration.

[68]  Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée.

[69]  J’estime qu’il est toutefois important de faire remarquer, en terminant, que, dans son rapport des conclusions, le CPVP a tiré des conclusions et formulé des commentaires à propos des demandes de vérification de l’ASFC et des risques éventuels connexes pour les réfugiés, ce qui est le principe que souligne le demandeur en l’espèce.

[70]  Dans son rapport, le CPVP a fait état de la préoccupation que, au moment où la demande de vérification a été produite dans le dossier du demandeur, les demandes de cette nature n’étaient régies par aucune procédure établie de l’ASFC. Le CPVP a reconnu que, après l’envoi de la demande au haut‑commissariat au Ghana dans la présente affaire, l’ASFC avait mis en vigueur une procédure intitulée ENF13 Accès au CIPC et gestion des mandats et procédure d’INTERPOL. Cependant, il a été signalé dans le rapport que ce document de procédure portait principalement sur les demandes de vérification des antécédents criminels.

[71]  Dans son rapport, le CPVP a fait remarquer que la communication de renseignements personnels, dans le contexte des demandes d’aide adressées à des homologues internationaux, devrait se faire en fonction d’une procédure claire et exhaustive, appliquée de manière stricte. Une procédure claire en matière de communication de renseignements réduirait le plus possible les risques éventuels de préjudice auxquels s’exposent les demandeurs d’asile et leurs familles, en particulier celui que les autorités de leur pays d’origine aient connaissance du statut de l’individu concerné et du lieu où il se trouve. Le rapport indique que les commentaires qui y sont formulés ont pour but d’affermir le processus de vérification, notamment dans le contexte des demandes d’aide adressées à des homologues internationaux, tels INTERPOL.

[72]  La présente demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie, mais le CPVP a pris acte de la préoccupation générale que le demandeur a fait ressortir dans la plainte qu’il lui a soumise et CPVP en a traité dans son rapport des conclusions.

 


JUGEMENT dans le dossier T‑1198‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Le défendeur a droit à ses dépens, soit un montant forfaitaire global fixé à 1 000 $.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


Annexe A

Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21

Définitions

3 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[...]

renseignements personnels Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :

a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;

d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin;

e) [...];

f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l’institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l’expéditeur;

g) [...];

h) [...];

i) son nom lorsque celui‑ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet;

[...]

Usage des renseignements personnels

7 À défaut du consentement de l’individu concerné, les renseignements personnels relevant d’une institution fédérale ne peuvent servir à celle‑ci :

a) qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution de même que pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

b) qu’aux fins auxquelles ils peuvent lui être communiqués en vertu du paragraphe 8(2).

Communication des renseignements personnels

8(1) Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au présent article.

Cas d’autorisation

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

a) communication aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

[...]

Renseignements obtenus par le Commissaire à la protection de la vie privée

22.1 (1) Le Commissaire à la protection de la vie privée est tenu de refuser de communiquer les renseignements personnels demandés en vertu de la présente loi qui ont été créés ou obtenus par lui ou pour son compte dans le cadre de toute enquête faite par lui ou sous son autorité, ou qui ont été obtenus par lui dans le cadre d’une consultation par le Commissaire à l’information en vertu du paragraphe 36(1.1) ou de l’article 36.2 de la Loi sur l’accès à l’information.

Exception

(2) Toutefois, il ne peut s’autoriser du paragraphe (1) pour refuser de communiquer les renseignements personnels créés par lui ou pour son compte dans le cadre de toute enquête faite par lui ou sous son autorité une fois que l’enquête et toute instance afférente sont terminées.

[...]

Réception des plaintes et enquêtes

29(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à la protection de la vie privée reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :

a) déposées par des individus qui prétendent que des renseignements personnels les concernant et détenus par une institution fédérale ont été utilisés ou communiqués contrairement aux articles 7 ou 8;

[...]

Conclusions et recommandations du Commissaire à la protection de la vie privée

35(1) Dans les cas où il conclut au bien‑fondé d’une plainte portant sur des renseignements personnels, le Commissaire à la protection de la vie privée adresse au responsable de l’institution fédérale de qui relèvent les renseignements personnels un rapport où :

a) il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu’il juge indiquées;

b) il demande, s’il le juge à propos, au responsable de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.

Compte rendu au plaignant

(2) Le Commissaire à la protection de la vie privée rend compte au plaignant des conclusions de son enquête; toutefois, dans les cas prévus à l’alinéa (1)b), le Commissaire à la protection de la vie privée ne peut faire son compte rendu qu’après l’expiration du délai imparti au responsable de l’institution fédérale.

Éléments à inclure dans le compte rendu

(3) Le Commissaire à la protection de la vie privée mentionne également dans son compte rendu au plaignant, s’il y a lieu, le fait que, dans les cas prévus à l’alinéa (1)b), il n’a pas reçu d’avis dans le délai imparti ou que les mesures indiquées dans l’avis sont, selon lui, insuffisantes, inadaptées ou non susceptibles d’être prises en temps utile. Il peut en outre y inclure tous commentaires qu’il estime utiles.

Communication accordée

(4) Dans les cas où il fait suite à la demande formulée par le Commissaire à la protection de la vie privée en vertu de l’alinéa (1)b) en avisant le Commissaire qu’il donnera communication de renseignements personnels au plaignant, le responsable d’une institution fédérale est tenu de donner cette communication sur‑le‑champ.

Recours en révision

(5) Dans les cas où l’enquête portait sur un refus de communication et que, à l’issue de l’enquête, communication n’est pas donnée au plaignant, le Commissaire à la protection de la vie privée informe celui‑ci de l’existence de son droit de recours en révision devant la Cour.

Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication

41 L’individu qui s’est vu refuser communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante‑cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

[...]

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

48 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de l’individu qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication de renseignements personnels fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 49, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relèvent les renseignements d’en donner communication à l’individu; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré

49 Dans les cas où le refus de communication des renseignements personnels s’appuyait sur les articles 20 ou 21 ou sur les alinéas 22(1)b) ou c) ou 24a), la Cour, si elle conclut que le refus n’était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relèvent les renseignements d’en donner communication à l’individu qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1198‑19

 

INTITULÉ :

EKENS AZUBUIKE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE (ZOOM)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 9 Septembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :

le 21 septembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Ekens Azubuike

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Andrea Shahin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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