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Date : 20201002


Dossier : T‑174‑19

Référence : 2020 CF 949

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2020

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

JAMES GREY

demandeur

et

PREMIÈRE NATION NO 459 DE WHITEFISH LAKE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre d’appel des élections [l’arbitre], relativement à un appel [l’appel] interjeté par le demandeur, James Ian Bennett Grey, concernant l’élection d’Albert J. Thunder comme chef de la Première Nation no 459 de Whitefish Lake [PNWL] aux élections générales de la PNWL tenues le 13 avril 2018 [les élections]. L’arbitre a rejeté l’appel et confirmé l’élection d’Albert Thunder comme chef de la PNWL.

Contexte factuel

[2] Le 9 mars 2019, M. Garry Laboucan, du cabinet d’avocats Ackroyd LLP, a envoyé une lettre à monsieur Drew Jarisz, de Taylor Janis LLP, pour confirmer que la PNWL avait retenu ses services pour agir à titre d’arbitre d’appel pour les élections qui auraient lieu le 13 avril 2018. La lettre indique que le travail de M. Jarisz serait d’assurer la supervision et de veiller à ce que tout appel à l’égard de l’élection se fasse conformément au Règlement sur les élections coutumières de la Première Nation no 459 de Whitefish Lake [Règlement sur les élections de la PNWL]. En outre, une copie de la résolution du conseil de bande du 8 mars 2018 confirmant la nomination est annexée à la lettre. La résolution du conseil de bande stipule que le chef et le conseil de l’époque ont nommé Drew Jarisz comme arbitre d’appel pour assurer la supervision et veiller à ce que tout appel découlant de l’élection générale, des élections partielles ou du scrutin de ballottage soit mené conformément au Règlement sur les élections de la PNWL et aux règles de justice naturelle. La même résolution du conseil de bande nommait M. Lorne Ternes au poste de fonctionnaire électoral pour l’élection à venir.

[3] L’élection s’est tenue en vue d’élire des candidats à quatre postes de conseillers de bande et un candidat au poste de chef. Le demandeur s’est présenté sans succès à l’élection à titre de conseiller. Albert Thunder a été élu chef avec 254 voix, gagnant par une marge de 70 voix contre Jesse Grey, le chef sortant, qui s’est classé quatrième aux élections avec 184 voix. Bien que le demandeur n’ait pas cherché à se faire élire chef, il a interjeté appel des résultats de l’élection d’Albert Thunder, comme le permet l’article 16.2 du Règlement sur les élections de la PNWL.

[4] Le demandeur a déposé un avis d’appel contestant l’élection d’Albert Thunder pour trois motifs :

- Un candidat qui s’est présenté aux élections, Jesse Grey, était inhabile à se présenter et a fourni des renseignements faux ou a omis de fournir des renseignements pertinents quant à sa candidature. Plus précisément, Jesse Grey a été déclaré coupable d’un acte criminel à la date de sa nomination et n’a pas reçu de réhabilitation admissible;

- Un candidat, Jesse Grey, était coupable de pratiques électorales frauduleuses (telles que définies dans le Règlement sur les élections de la PNWL) ou avait bénéficié d’une pratique électorale frauduleuse et y avait consenti. Plus précisément, il aurait payé les frais de déplacement de Cindy ou de George Grey à la condition qu’ils déclarent avoir voté pour Jesse Grey;

- Un autre événement, circonstances ou action qui a eu une incidence directe inappropriée sur la conduite et le résultat de l’élection, à savoir la violation du secret du scrutin. Plus précisément, George Grey a violé le secret du scrutin en montrant une photo de son bulletin de vote à Jesse Grey.

[5] Pour les motifs exposés dans sa décision, l’arbitre a rejeté l’appel et a maintenu l’élection d’Albert Thunder à titre de chef.

[6] Le demandeur a déposé un avis de demande le 23 janvier 2019, commençant ainsi la présente demande de contrôle judiciaire contestant la décision de l’arbitre. Le principal fondement de la demande de contrôle judiciaire est l’affirmation du demandeur selon laquelle l’appel relatif à l’élection était entaché d’un manque d’indépendance et d’impartialité et d’une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre. Le demandeur affirme qu’il n’avait aucune connaissance des circonstances à l’origine de ces allégations avant l’audition de l’appel.

Décision de l’arbitre

[7] Une audience sur l’appel relatif à l’élection a eu lieu le 8 mai 2018. Le demandeur et la PNWL ont présenté des éléments de preuve par l’entremise de témoins et d’observations orales. Jesse Grey a présenté des observations pour son propre compte. Au nom du demandeur, Elise Laboucan a présenté des observations au sujet de la déclaration de culpabilité antérieure alléguée de Jesse Grey, et George et Cindy Grey ont présenté des observations au sujet de l’achat de votes allégué et de la révélation du bulletin de vote de George Grey.

[8] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle George Grey a violé le secret de son bulletin de vote en en montrant volontairement une photo à Jesse Grey après que George Grey eut voté, l’arbitre a conclu qu’aucun argument ni preuve n’avait été avancé selon lequel cette violation du secret alléguée avait eu une incidence sur le résultat de l’élection, et a rejeté le motif d’appel en vertu des articles 16.17.1 et 16.17.2 du Règlement sur les élections de la PNWL.

[9] L’arbitre a également conclu que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que Jesse Grey n’était pas admissible à se présenter comme chef à l’élection. L’arbitre a relevé les éléments de preuve dont il disposait sur la question, soit une déclaration solennelle de Jesse Grey selon laquelle il n’avait jamais été réhabilité pour un acte criminel, une vérification de casier judiciaire non certifiée datée du 30 janvier 2018 indiquant qu’il n’avait pas de casier judiciaire (vérification que l’arbitre a jugée valide), une vérification des empreintes digitales datée du 10 mars 2014 (que l’arbitre a également jugée valide) et les témoignages de vive voix de Jesse Grey et d’Elise Laboucan. Selon le témoignage d’Elise Laboucan, elle croyait que Jesse Grey avait été reconnu coupable de viol parce que, il y a des décennies, la famille de la victime alléguée en avait parlé à sa famille et que cette information avait par la suite été transmise à Mme Laboucan par sa mère. L’arbitre a conclu que le témoignage de Mme Laboucan était du ouï‑dire et n’était pas fiable. Il a conclu que la preuve démontrait de façon écrasante qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire que Jesse Grey n’était pas admissible à participer à l’élection en raison d’une condamnation antérieure pour un acte criminel. L’arbitre a rejeté ce motif d’appel en vertu de l’article 16.17.1 du Règlement sur les élections de la PNWL.

[10] En ce qui concerne l’allégation de pratiques électorales frauduleuses, l’arbitre a décrit le témoignage de George Grey (qui est le cousin de Jesse Grey) et de son épouse, Cindy Grey, ainsi que la version des événements de Jesse Grey, qui différait considérablement de celle de George et Cindy Grey. L’arbitre a souligné que Jesse Grey a admis avoir donné un sandwich et 200 $ à George Grey et 150 $ à Roberta Grey lorsqu’ils sont venus chez lui après les élections, et que George Grey a demandé de l’aide et a dit qu’il avait faim. De plus, selon le témoignage de Jesse Grey, cet argent était destiné aux déplacements et à la nourriture, et n’a pas été donné en échange de votes. L’arbitre a souligné que George Grey avait modifié certains aspects de son témoignage en contre‑interrogatoire et que son animosité envers Jesse Grey était [traduction] « palpable à l’audience ». George Grey a témoigné que Jesse Grey, dans son rôle précédent de chef, et le conseil de l’époque lui avaient promis une maison où vivre, ce qui ne s’est pas concrétisé. George Grey a blâmé Jesse Grey, ancien chef, pour cela, ainsi que pour les violeurs, les toxicomanes et les tueurs qui vivent dans la réserve. Il a également déclaré qu’il venait témoigner à l’audience parce qu’on ne lui avait pas donné de maison et parce que Jesse Grey l’avait accusé d’être un menteur. Roberta Grey n’a pas témoigné. En fin de compte, l’arbitre a préféré le témoignage de Jesse Grey. L’arbitre a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Jesse Grey avait offert de l’argent en échange de votes. L’arbitre a rejeté ce motif d’appel en vertu de l’article 16.17.1 du Règlement sur les élections de la PNWL.

[11] L’arbitre a conclu, subsidiairement, que si M. Jesse Grey avait bien offert de l’argent en échange de votes, alors, selon la preuve dont il disposait, il pouvait tout au plus raisonnablement conclure qu’il y avait eu deux votes contestés, ce qui était inférieur au nombre de voix ayant permis de remporter la victoire. Il maintiendrait donc les résultats de l’élection en vertu de l’article 16.17.2 du Règlement sur les élections de la PNWL.

Dispositions législatives

[12] Les articles pertinents du Règlement sur les élections de la PNWL figurent à l’annexe A des présents motifs.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[13] À mon avis, les questions soulevées par les parties peuvent être formulées comme suit :

  1. Existe‑t‑il une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre?

  2. Y a‑t‑il des erreurs sujettes à révision qui découlent de l’évaluation de la preuve et de l’analyse menées par l’arbitre?

[14] Quant à la norme de contrôle, le demandeur soutient que la norme de contrôle applicable à l’égard des questions de partialité et de manque d’indépendance, qui ont trait à l’équité procédurale, est celle de la décision correcte (Temate c Canada (Procureur général), 2018 CF 1004 au para 18). Subsidiairement, si aucune norme de contrôle ne s’applique, alors la question est de savoir si la procédure était équitable compte tenu de l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CFCP]). De plus, cette question liée à l’examen au fond fait intervenir le critère de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]). La défenderesse s’appuie sur l’arrêt CFCP pour ce qui est de la première question à trancher et soutient que la norme de contrôle applicable quant à l’appréciation de la preuve est celle du caractère raisonnable.

[15] À mon avis, il est clair que la norme de contrôle applicable quant aux questions d’équité procédurale, qui englobent les questions de partialité, est celle de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Johnny c Bande indienne d’Adams Lake, 2017 CAF 146 au para 19; Nadeau c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 203 au para 11 [Nadeau]; Hill c Oneida Nation of the Thames Band Council, 2014 CF 796 au para 45). En outre, comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5 [Oleynik CAF] au para 39, faisant référence à sa décision dans l’arrêt CFCP, au para 54, le contrôle judiciaire applicable en matière d’équité procédurale est « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte ». Aucune déférence n’est accordée au décideur sous‑jacent sur les questions d’équité procédurale (Del Vecchio c Canada (Procureur général), 2018 CAF 168 au para 4).

[16] La norme de contrôle par ailleurs applicable en l’espèce est vraisemblablement la norme de la décision raisonnable (CFCP, au para 8; Vavilov, aux para 16 et 17). Au moment d’évaluer le caractère raisonnable, la cour doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99).

Question en litige no 1 : Existe‑t‑il une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre?

[17] Le demandeur fait valoir trois circonstances qui donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité, soit les communications ex parte et le manque d’indépendance de l’arbitre vis‑à‑vis d’Ackroyd LLP, le cabinet d’avocats représentant la PNWL, la relation matrimoniale entre l’arbitre et une membre du cabinet d’Ackroyd LLP, et le fait que la PNWL a préalablement retenu les services de l’arbitre.

i. Communications ex parte et manque d’indépendance

Position du demandeur

[18] Ackroyd LLP est conseiller juridique de la PNWL. Le demandeur soutient qu’Ackroyd LLP a eu de nombreuses communications avec l’arbitre à son insu ou sans qu’il y ait participé. Ces communications donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité puisqu’elles laissent entendre qu’une partie, la PNWL, est favorisée ou entretient une certaine relation avec le décideur, l’arbitre.

[19] De plus, il y a eu un échec total à maintenir un quelconque degré de séparation entre l’arbitre et Ackroyd LLP. Le demandeur soutient qu’Ackroyd LLP avait déjà retenu les services de l’arbitre au nom de la PNWL dans un autre dossier et qu’il avait travaillé activement avec lui dans ce dossier. Ackroyd LLP était alors [traduction] « la partie » qui semble avoir nommé l’arbitre relativement à l’appel en matière d’élections, ce qui va à l’encontre de la jurisprudence selon laquelle une partie ne devrait pas être tenue de plaider sa cause devant un tribunal dont les membres ont été nommés par une partie adverse.

Position de la défenderesse

[20] La défenderesse soutient qu’il y a une exception à l’exigence d’indépendance lorsque la loi habilitante permet un chevauchement des fonctions (Ocean Port Hotel Ltd c Colombie‑Britannique (directeur général, Direction de la réglementation des alcools et des permis), 2001 CSC 52 [Ocean Port] au para 42). Dans la mesure où le chevauchement est autorisé, il ne sera généralement pas visé par le principe de la crainte raisonnable de partialité (Brosseau c Alberta (Securities Commission), [1989] 1 RCS 301 aux p. 310 et 311). Dans le cas qui nous occupe, l’article 7.1 du Règlement sur les élections de la PNWL autorise la PNWL à nommer un arbitre d’appel des élections, même si la PNWL sera appelée à répondre à un appel. De plus, dans la mesure où les communications ex parte relevées par le demandeur n’étaient pas expressément autorisées par le Règlement sur les élections de la PNWL, elles étaient de nature administrative et, dans les circonstances, étaient nécessaires compte tenu des contraintes institutionnelles. Les communications n’ont pas porté sur les questions qui avaient une incidence sur le fond de l’affaire et n’ont pas donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

Analyse

[21] Le critère le plus largement accepté pour déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité est celui qu’a énoncé le juge Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394 :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

(voir également Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux para 20 et 21 [Yukon])

[22] La question de la partialité est donc inextricablement liée au besoin d’impartialité. Les décideurs doivent aborder chaque cas avec impartialité et ouverture d’esprit (Yukon, au para 22) et rendre une décision indépendante (Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30 au para 22 [Cojocaru]). L’impartialité et l’indépendance sont également évaluées au moyen du critère de la crainte raisonnable de partialité.

[23] Il y a une forte présomption d’impartialité qui n’est pas facilement réfutable et « le critère servant à déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité exige une réelle probabilité de partialité et que les commentaires formulés par le juge pendant un procès ne soient pas considérés isolément : voir Arsenault‑Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, [1999] 3 R.C.S. 851, par. 2; S. (R.D.) au para 134, le juge Cory » (Yukon, au para 25). En outre :

[26] Par conséquent, l’analyse de la question de savoir si le comportement du décideur suscite une crainte raisonnable de partialité est intrinsèquement contextuelle et fonction des faits, et le fardeau d’établir la partialité qui incombe à la partie qui en allègue l’existence est donc élevé : voir Wewaykum, par. 77; S. (R.D.), par. 114, le juge Cory. Comme le juge Cory l’a fait observer dans S. (R.D.) :

... les allégations de crainte de partialité ne seront généralement pas admises à moins que la conduite reprochée, interprétée selon son contexte, ne crée véritablement l’impression qu’une décision a été prise sur la foi d’un préjugé ou de généralisations. Voici le principe primordial qui se dégage de cette jurisprudence : les commentaires ou la conduite reprochés ne doivent pas être examinés isolément, mais bien selon le contexte des circonstances et [eu égard] à l’ensemble de la procédure. [Je souligne; par. 141.]

(Yukon, au para 26)

[24] Le seuil pour conclure à une crainte raisonnable de partialité est élevé, et le fardeau de la preuve pour la partie qui cherche à établir une crainte raisonnable est proportionnellement élevé (Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5 au para 57; Yukon, aux para 25 et 26).

[25] Le demandeur prétend avoir une crainte raisonnable de partialité fondée sur son affirmation selon laquelle les avocats d’Ackroyd LLP ont eu [TRADUCTION] « de nombreuses communications » avec l’arbitre à l’insu du demandeur et qu’Ackroyd LLP [traduction] « semble avoir beaucoup travaillé » avec l’arbitre dans l’exercice de ses fonctions pendant la période précédant l’appel. À l’appui de cette position, le demandeur souligne les communications suivantes :

  1. 10 juin 2017 – courriel d’Anita Thompson, d’Ackroyd LLP, à Drew Jarisz concernant un vote référendaire sur le règlement des avantages agricoles de la PNWL. Le courriel indique qu’Ackroyd LLP retient les services de M. Jarisz à titre de sous‑agent de ratification adjoint pour le vote de ratification de la PNWL qui aura lieu les 14 et 15 juin 2017, énonce ses responsabilités et précise qu’il recevra un honoraire fixe de 3 500 $ et le remboursement de ses frais de déplacement;
  2. 9 mars 2018 – lettre de Garry Laboucan, d’Ackroyd LLP, à Drew Jarisz au sujet de l’élection à la PNWL. La présente vise à confirmer que M. Jarisz [traduction] « a été retenu par la Première Nation de WhitefishLake pour agir à titre d’arbitre d’appel » en prévision de son élection prévue le 13 avril 2018 et que M. Jarisz doit assurer la supervision et veiller à ce que tout appel à l’égard de l’élection soit mené conformément au Règlement sur les élections de la PNWL. À la lettre est annexée une copie de la résolution du conseil de bande nommant M. Jarisz à titre d’arbitre et nommant Lorne Ternes au poste de fonctionnaire électoral;
  3. 17 avril 2018 – courriel de Lorne Ternes à Drew Jarisz, à la gestionnaire de la bande (Mabel Noskey), à loria@whitefishadmin.ca, à Yvonne Noskey et à Garry Laboucan au sujet de l’appel. Il est indiqué que le courriel s’accompagne d’une trousse PDF (comprenant l’avis d’appel) que le fonctionnaire électoral a postée ce matin‑là à l’arbitre, à la gestionnaire de la bande, aux candidats au poste de chef et au demandeur pour les informer que le demandeur avait interjeté appel de l’élection d’Albert Thunder. Le courriel indique également qu’après la fin de la période d’appel, le fonctionnaire électoral demanderait à quelqu’un, peut‑être Yvonne Noskey, de l’afficher. Le fonctionnaire électoral demande également à Mabel Nokey et à Lori si l’arbitre pourrait remettre le montant des frais d’appel à Yvonne Noskey pour qu’elle le remette à la PNWL et si le fonctionnaire électoral peut remettre le dossier d’élection à l’arbitre jeudi;
  4. 17 avril 2018 – courriel de Drew Jarisz à Lorne Ternes, à la gestionnaire de la bande, à loria@whitefishadmin.ca, à Yvonne Noskey et à Garry Laboucan, en réponse au courriel susmentionné du fonctionnaire électoral et confirmant que la livraison du dossier électoral jeudi serait acceptable. L’arbitre demande également au fonctionnaire électoral où il a proposé d’afficher l’avis d’appel et, à cet égard, si Yvonne/Lorne/Garry pouvait répondre en énumérant les lieux publics importants dans la réserve;
  5. 17 avril 2018 – courriel de Lorne Ternes à Drew Jarisz, avec copie conforme à la gestionnaire de bande, à loria@whitefishadmin.ca, à Yvonne Noskey et à Garry Laboucan, en réponse au courriel susmentionné et indiquant que la PNWL exige habituellement l’affichage au bureau de la bande, au bureau de santé, à l’école et à deux dépanneurs identifiés;
  6. 18 avril 2018 – courriel de Drew Jarisz à la gestionnaire de la bande, à loria@whitefishadmin.ca et à Garry Laboucan, avec copie conforme à Lorne Ternes et Yvonne Noskey, concernant l’appel. Le courriel indique que M. Jarisz, à titre d’arbitre, aimerait fixer la première date d’audition de l’appel au 30 avril, entendre tous autres appels les jours consécutifs suivants et prévoir une journée pour traiter chaque appel. Il demande si la PNWL a un problème avec les dates proposées et déclare que, par souci d’équité et de transparence, les audiences seraient ouvertes aux membres de la PNWL. Pour ce qui est du lieu, l’arbitre a déclaré qu’il ne savait pas combien de personnes seraient présentes ni où il conviendrait de tenir l’audience dans la réserve ou à proximité. Comme il savait que Garry et Mabel avaient coordonné des événements semblables par le passé, il demande s’ils pourraient proposer un lieu convenable pour l’audition de l’appel. L’arbitre souligne que l’audience devrait être enregistrée et que les témoins devraient être assermentés. Il affirme ne pas savoir comment la PNWL avait traité cette question dans le passé, mais qu’à son avis, un sténographe judiciaire pourrait le faire. Il indique à Garry Laboucan qu’il a compris qu’Ackroyd LLP coordonnerait cela une fois les dates d’audience confirmées. Il informe également Mabel Nosley, la gestionnaire de la bande, qu’une fois que le nombre d’appels et le lieu auraient été confirmés, l’arbitre lui remettrait un avis d’audience qui devrait être posté à tous les candidats et affiché dans les lieux publics de la réserve, y compris au bureau de la bande, au bureau de santé, à l’école et aux deux dépanneurs au plus tard le 21 avril 2018;
  7. 18 avril 2018 – courriel de Drew Jarisz à Albert Thunder, avec copie à Lorne Ternes, à Garry Laboucan et à la gestionnaire de la bande. Le courriel répond aux questions posées à l’arbitre par Albert Thunder au sujet de l’appel. Il indique que les motifs de l’appel sont énoncés au para 16(1) du Règlement sur les élections de la PNWL. L’arbitre fait remarquer que, puisque son rôle est celui d’un arbitre indépendant, au‑delà de cette explication, et en dehors d’une audience, il ne pouvait pas discuter de l’interprétation précise d’une disposition du Règlement avec une personne susceptible d’être touchée par une décision que l’arbitre rendrait. Toutefois, l’arbitre a envoyé une copie conforme du courriel à Garry Laboucan, indiquant qu’en tant qu’avocat de la PNWL, M. Laboucan serait mieux placé pour discuter de la question;
  8. 19 avril 2018 – courriel de Lorne Ternes à Angeline Thunder, Lorne Ternes, Drew Jarisz et Garry Laboucan. Le fonctionnaire électoral demande à Angeline Thunder d’imprimer et d’afficher l’avis d’appel joint au courriel aux endroits indiqués dans les courriels précédents et prie Garry Laboucan de s’assurer également qu’on donnerait suite à sa demande;
  9. 19 avril 2018 – courriel de Drew Jarisz à Lorne Ternes répondant à ce qui précède et demandant de confirmer si l’avis d’appel a été affiché et s’il a été envoyé par la poste à tous les candidats, comme l’exige l’article 16.6 du Règlement sur les élections de la PNWL. Le courriel de réponse du fonctionnaire électoral, envoyé à la même date avec copie conforme à Angeline Thunder, Garry Laboucan et Lorne Ternes, indique qu’Yvonne Noskey était en route pour Whitefish pour afficher l’avis d’appel et qu’elle enverrait des photos par courriel au fonctionnaire électoral. Et que la veille, le fonctionnaire électoral avait posté l’avis à tous les candidats, à la gestionnaire de la bande et à l’arbitre;
  10. 20 avril 2018 – courriel de Drew Jarisz à Yvonne Noskey, Garry Laboucan, loria@whitefishadmin.ca et la gestionnaire de la bande, auquel était joint l’avis d’audience sur l’appel du demandeur, soulignant que l’avis devait être envoyé aux candidats et être affiché aux endroits précédemment indiqués au plus tard à 17 h le samedi 21 avril 2018. L’arbitre déclare qu’il comprend qu’Yvonne Noskey s’occuperait de l’affichage et que Mabel, la gestionnaire de la bande, pourrait l’aider. Il demande qu’on lui confirme par courriel l’affichage de l’avis d’appel et qu’on lui envoie une photo de confirmation dès que possible. Il demande également à Garry Laboucan de confirmer que cela sera fait et de communiquer avec l’arbitre s’il y a des problèmes;
  11. 7 mai 2018 – lettre de John Kudrinko, d’Ackroyd LLP, à l’arbitre signalant qu’Ackroyd LLP est l’avocat de la PNWL en ce qui concerne l’appel du demandeur et fournissant les observations écrites de la PNWL.

[26] Je tiens d’abord à souligner que la lettre du 9 mars 2018 de Garry Laboucan, d’Ackroyd LLP, à Drew Jarisz au sujet de la nomination de M. Jarisz à titre d’arbitre pour l’élection à venir n’est pas considérée comme une communication ex parte entre une partie et un décideur. La lettre précise que l’arbitre est retenu par la PNWL pour agir à titre d’arbitre d’appel. La nomination par la PNWL est attestée par la résolution du conseil de bande jointe à la lettre. De plus, l’article 7.1 du Règlement sur les élections de la PNWL autorise expressément le conseil de la PNWL à nommer un arbitre d’appel en matière d’élection, ce qui doit se faire au moyen d’une résolution du conseil de bande :

[traduction]

7.1 Nomination

Au moins trente‑cinq jours avant la date choisie comme jour des élections, le conseil, par résolution en la forme prescrite, fixe la date des élections et nomme un fonctionnaire électoral et un arbitre d’appel des élections pour mener les élections conformément au présent règlement.

[27] Ainsi, le Règlement sur les élections de la PNWL autorise le conseil de la PNWL à nommer un arbitre d’appel des élections par résolution du conseil de bande, et ce processus a été suivi dans le cas qui nous occupe.

[28] Dans la mesure où le demandeur affirme que le processus de nomination manquait d’indépendance et était inéquitable sur le plan de la procédure parce que le conseil de la PNWL a nommé l’arbitre et que, en l’espèce, la PNWL a également été appelée à répondre à l’appel, je constate que le demandeur n’a pas contesté la validité de l’article 7.1 au motif qu’il est injuste sur le plan de la procédure. En outre, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il est bien établi que, en l’absence de contraintes constitutionnelles, le degré d’indépendance requis d’un décideur ou d’un tribunal gouvernemental particulier est déterminé par sa loi d’habilitation. Et, comme pour tout principe de justice naturelle, le degré d’indépendance exigé des membres d’un tribunal peut être écarté au moyen de termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire : « Il n’est pas loisible à un tribunal judiciaire d’appliquer une règle de common law alors qu’il est en présence d’une directive législative claire. Les tribunaux judiciaires siégeant en révision de décisions administratives doivent se reporter à l’intention du législateur pour apprécier le degré d’indépendance requis du tribunal administratif en cause » (Ocean Port, aux para 19-21). Ce principe s’applique également dans le contexte de la prise de décisions administratives, comme les règlements électoraux des Premières Nations (Sturgeon Lake Cree Nation c. Hamelin, 2018 CAF 131 aux para 52 à 55).

[29] Par conséquent, comme l’article 7.1 du Règlement sur les élections de la PNWL permet au conseil de la PNWL de nommer un arbitre d’appel, la nomination de l’arbitre par le chef et le conseil de la PNWL dans la présente affaire ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Le simple fait que l’avis de nomination a été transmis à l’arbitre par le conseiller juridique de la PNWL n’y donne pas lieu non plus. De plus, comme nous le verrons plus loin, la lettre de nomination ne traite pas du fond de l’appel du demandeur. En effet, il a été envoyé avant même la tenue des élections et, par conséquent, avant que tout appel découlant des élections ne puisse être interjeté.

[30] Le reste des communications susmentionnées porte principalement sur les aspects pratiques de l’administration de l’appel. Il s’agissait plus précisément de donner avis de l’appel, afficher l’appel, fixer une date d’audience de l’appel, déterminer un lieu approprié pour la tenue de l’audience et communiquer cette information aux membres de la PNWL.

[31] Les parties s’appuient sur une jurisprudence différente pour déterminer si les communications ex parte concernant les aspects administratifs ou procéduraux de l’appel donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[32] Le demandeur invoque l’arrêt Setlur c Canada, [2000] 193 FTR 104 (CAF). Dans l’arrêt Setlur, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de la présidente de la Commission de la fonction publique du Canada. Je ferai remarquer que, pour en arriver à sa conclusion, la Cour d’appel fédérale a tenu compte non seulement des communications ex parte, mais aussi du traitement inégal de la présidente à l’égard des demandes d’enregistrement d’audience, et du fait que l’avocat de Revenu Canada a convenu, compte tenu des circonstances, que la présidente aurait dû se récuser, mais qu’elle n’a pas pris en compte ces observations.

[33] Les communications ex parte suivantes étaient en cause dans Setlur. Premièrement, la présidente a engagé une conversation téléphonique avec Mme Fox, conseillère en ressources humaines qui représentait alors Revenu Canada, afin de coordonner le report des dates d’audience. Au cours de cette conversation, Mme Fox a soulevé des préoccupations qu’elle et le président du Comité de sélection, M. Tkaczk, avaient au sujet [traduction] « du ton de l’audience, de la façon dont les allégations de l’appelant étaient présentées et des attaques contre [l’intégrité du président du Comité de sélection] ». La présidente s’est engagée à soulever ces préoccupations à la reprise de l’audience, ce qu’elle a fait. À ce moment‑là, Mme Fox n’a pas parlé de ses préoccupations, et le conseil de l’appelant a dit qu’il se serait attendu à ce que Mme Fox ait discuté directement avec lui de ses préoccupations au sujet de la procédure. Par la suite, M. Jaworski, avocat du ministère de la Justice, a écrit à la présidente pour l’informer que Revenu Canada avait retenu ses services et pour demander l’enregistrement de l’audience et un ajournement. Le conseil de l’appelant, qui a reçu copie de la lettre, a répondu qu’il s’opposait à la demande d’enregistrement au motif que l’appelant avait déjà fait la même demande et qu’elle avait été refusée. La présidente a ensuite écrit à M. Jaworski pour l’informer que des copies des enregistrements seraient fournies aux deux parties et qu’elle entendrait les observations sur l’ajournement lorsque l’audience se poursuivrait. Après l’audience, la présidente a fourni les enregistrements et accordé l’ajournement, après quoi le conseil de l’appelant a fait observer que la présidente devrait se récuser.

[34] Par la suite, la présidente a reçu un message vocal du chef d’équipe du Service des ressources humaines de Revenu Canada demandant des conseils sur l’obligation pour le président du comité de sélection de comparaître devant le comité en raison d’un horaire conflictuel.

[35] Lors de l’audience de récusation, le conseil de l’appelant a fait valoir qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité en raison du traitement différent accordé aux parties au sujet de la divulgation des enregistrements et de l’attitude prétendument négative de la présidente à l’égard de l’appelant après l’appel téléphonique avec Mme Fox. L’avocat de Revenu Canada a convenu que le contact entre le ministère du Revenu et la présidente n’aurait pas dû avoir lieu et qu’une perception de partialité est née des contacts de la présidente avec Mme Fox et le chef d’équipe. La présidente a refusé de se récuser.

[36] La Cour d’appel fédérale a souligné que, durant l’appel de Mme Fox, la présidente a conseillé à Mme Fox de consulter le personnel de direction des ressources humaines au sujet de toute réserve qu’elle pourrait avoir au sujet de la procédure. De plus, la preuve a révélé que le conseil de l’appelant n’a pas été informé de l’appel par le chef d’équipe, mais par la présidente. On n’a pas non plus expliqué pourquoi la présidente avait personnellement communiqué avec les parties au sujet de questions de procédure plutôt qu’avec le greffe, ni pourquoi elle avait fait des appels distincts plutôt qu’une conférence téléphonique avec les deux parties en même temps.

[37] La Cour d’appel fédérale a également conclu que la présidente avait refusé la demande d’enregistrement de l’appelant sans lui donner l’occasion de présenter des observations et que la présidente n’avait pas pris en compte la position de M. Jaworski au moment de rendre sa décision. La Cour a conclu qu’après un examen complet et équitable des événements, la crainte de partialité de l’appelant à l’égard du président était raisonnable.

[38] Le demandeur s’appuie également sur l’arrêt Hunt c. The Owners, Strata Plan LMS 2556, 2018 BCCA 159. Dans l’affaire Hunt, il y a eu quatre communications ex parte. La première a eu lieu entre l’avocat de Strata et l’arbitre que Strata avait proposé, M. Borowicz, exprimant le point de vue de Strata selon lequel il devrait y avoir un tribunal de trois personnes et que son avocat devrait insister sur ce point auprès du candidat de Strata. Une deuxième communication avait consisté en une discussion privée entre l’avocat de Strata et le président de l’arbitrage, M. Sanderson, et avait porté sur la position de Strata sur le règlement et sur le fait que l’avocat de Strata avait fait savoir à M. Sanderson que les propriétaires d’autres unités de l’immeuble appuyaient la position de Strata contre les Hunts, au point d’être disposés à défrayer les coûts de l’arbitrage. La troisième communication était une discussion privée entre l’avocat de Strata et Elaine Cormack, l’arbitre nommée par les Hunts, où elle aurait laissé entendre que l’arbitrage ne devrait pas aller beaucoup plus loin en raison des commentaires de médiation formulés par l’avocat de Strata au président de l’arbitrage, M. Sanderson. La dernière communication a été un appel téléphonique entre l’avocat de Strata et M. Borowicz.

[39] La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a analysé chacune des communications ex parte. Elle a rejeté la description que Strata en avait faites comme étant purement procédurales. Elle a fait remarquer que, bien que certaines questions de procédure soient de nature purement administrative, comme l’heure du début d’une audience, d’autres porteront sur des questions plus importantes, comme le droit à l’interrogatoire préalable et la portée de ce dernier. Dans l’affaire dont elle était saisie, la Cour a conclu que les communications ex parte avaient abordé la question importante du nombre d’arbitres, des perspectives de médiation, y compris ce que serait la proposition de médiation de Strata, et l’implication selon laquelle le reste des propriétaires de logements contribueraient aux coûts de l’arbitrage, ce qui laissait entendre que la position de Hunt était déraisonnable. La Cour a conclu qu’il ne s’agissait pas de questions sans importance.

[40] Elle a également conclu que la première communication ne pouvait avoir d’autre but que de tenter d’influencer M. Borowicz, en tant que personne nommée par Strata, et que d’autres communications indiquaient que la relation officieuse entre M. Borowicz et l’avocat de Strata était continue. La Cour n’a eu aucune difficulté à conclure que ces communications étaient inappropriées et a soulevé une crainte raisonnable de partialité.

[41] Le demandeur s’appuie également sur la décision Ceibien c Canada (Procureur général), 2005 CF 167, qui a trait au contrôle judiciaire d’une décision rendue par le président du comité d’appel de la Commission de la fonction publique rejetant la plainte du demandeur au sujet d’un processus de dotation. Dans ce cas‑là, le président et le représentant du Ministère ont eu des discussions ex parte pendant l’audience, lorsque M. Ciebien était à l’extérieur de la salle, au cours desquelles le président a offert des conseils au représentant du Ministère sur la présentation de ses arguments. La Cour a conclu que ces échanges pouvaient amener un observateur à conclure que les procédures n’étaient pas menées de façon impartiale. La Cour s’est également inquiétée du traitement que le président a réservé à M. Ciebien pendant l’audience. La Cour a conclu que le ton de la procédure et la discussion ex parte amèneraient un observateur objectif à conclure que M. Ceibien n’a pas eu droit à une audience équitable et, par conséquent, qu’une crainte raisonnable de partialité avait été établie.

[42] Les défendeurs se reportent à la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue, après l’affaire Setlur, dans l’affaire GRK Fasteners c Leland Industries, 2006 CAF 118 [GRK Fasteners]. Dans cette affaire, lors d’une conférence téléphonique entre le personnel de recherche du tribunal et les participants, une partie aux procédures, Leland, a offert de préciser la catégorie de marchandises visées par leur plainte de dommage et a par la suite envoyé sa liste au tribunal, avec trois lettres d’accompagnement expliquant comment la liste devait être lue. Quatre jours plus tard, le Tribunal a distribué la liste à toutes les parties.

[43] Les demandeurs dans GRK Fasteners ont affirmé qu’ils n’ont appris l’existence des trois lettres d’accompagnement qu’après la publication des conclusions et des motifs du tribunal. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’allégation de la demanderesse selon laquelle, en acceptant les lettres d’accompagnement, le tribunal avait involontairement permis à Leland de définir le régime applicable aux marchandises concernées et à la demande d’exclusion, sans l’apport de tous les participants. La Cour d’appel fédérale a conclu que les demandeurs avaient mal interprété les communications de Leland et que le Tribunal n’avait pas manqué à son obligation d’équité procédurale en recevant les communications ex parte. Le contenu de toutes les lettres de Leland a été transmis en temps opportun à tous les participants, y compris aux demandeurs. Rien dans cet avis ne permettait de préjuger, ainsi que la demanderesse le faisait valoir, de la décision éventuelle du Tribunal sur le fond de l’affaire, sur les marchandises auxquelles s’appliquerait cette décision ou sur les marchandises qui bénéficieraient d’une exclusion. La Cour d’appel fédérale n’a conclu à aucun manquement à l’équité procédurale dans la façon dont le Tribunal a procédé.

[44] À mon avis, la jurisprudence ci‑dessus démontre que le contenu, le contexte et le caractère des communications ex parte contestées doivent être pris en compte au moment d’évaluer si elles donnent lieu ou non à une crainte raisonnable de partialité. Cela est conforme à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Yukon, selon laquelle l’analyse de la question de savoir si le comportement du décideur suscite une crainte raisonnable de partialité est intrinsèquement contextuelle et fonction des faits, et que le fardeau d’établir la partialité qui incombe à la partie qui en allègue l’existence est donc élevé (Yukon, au para 26).

[45] Dans la présente affaire, les communications étaient principalement entre le fonctionnaire électoral et l’arbitre. Elles faisaient également intervenir la gestionnaire de la bande de la PNWL et d’autres membres du personnel administratif de la PNWL, ainsi que Garry Laboucan d’Ackroyd LLP, qui semble avoir été l’avocat actuel de la PNWL avant l’élection contestée. Comme il a été mentionné précédemment, les communications portaient principalement sur les aspects pratiques de l’administration de l’appel, en particulier sur l’émission et l’affichage de l’avis d’appel, la détermination d’une date d’audition de l’appel et d’un lieu approprié pour l’audience ainsi que la communication de cette information aux membres de la PNWL.

[46] De plus, compte tenu de la nature de leurs rôles, tels que prescrits par le Règlement sur les élections de la PNWL, le fonctionnaire électoral et l’arbitre communiqueraient nécessairement entre eux. À cet égard, l’article 16.2 du Règlement sur les élections de la PNWL traite des avis d’appel et des fonctions du fonctionnaire électoral et de l’arbitre :

[traduction]

16.6 L’avis d’appel est transmis par le fonctionnaire électoral à tous les candidats, et affiché dans les lieux publics de la réserve et dans d’autres lieux publics choisis par l’arbitre d’appel.

[47] Conformément à l’article 16.8 du Règlement sur les élections de la PNWL, le fonctionnaire électoral est également tenu de préparer un dossier électoral dans le format prescrit et de le remettre à l’arbitre d’appel des élections.

[48] L’article 16.9 du Règlement sur les élections de la PNWL exige que l’arbitre d’appel des élections fixe la date d’audition d’un appel dans les trois jours suivant la réception du dossier électoral. L’article 16.11 exige que l’avis d’audition de l’appel relatif aux élections soit affiché dans des lieux publics dans les réserves et dans d’autres lieux publics que l’arbitre désigne et qu’il soit envoyé par la poste ou livré à l’appelant et à tous les candidats.

[49] À mon avis, les communications décrites ci‑dessus ont trait à la mise en œuvre des exigences procédurales du Règlement sur les élections de la PNWL. En fait, il incombait à l’arbitre de veiller à ce que les appels soient traités conformément aux exigences du Règlement.

[50] Il ne s’agit pas d’une situation comme celle de l’affaire Setlur, où les communications ex parte entre le décideur et un représentant d’une partie ont soulevé des préoccupations de fond au sujet de l’instruction de l’instance. La situation n’est pas non plus semblable à celle de l’affaire Hunt, où les communications ex parte entre l’avocat d’une partie et les arbitres n’étaient pas purement procédurales, mais avaient plutôt révélé des renseignements importants eu égard à la conduite et l’issue de l’arbitrage. La présente affaire est également différente de l’affaire Ciebien, dans laquelle le décideur a donné des conseils à un représentant d’une partie au cours d’une audience lorsque l’autre partie était hors de la salle et le traitement de l’autre partie par le décideur a soulevé des préoccupations. Les communications ex parte contestées portaient plutôt presque exclusivement sur les aspects pratiques de l’administration de l’appel. Aucune observation n’a été communiquée ni aucun renseignement concernant le fond de l’appel n’a été échangé, sauf l’avis d’appel que le demandeur lui‑même a présenté et qui devait être distribué aux autres parties au processus d’appel en vertu du Règlement sur les élections de la PNWL.

[51] De plus, la PNWL n’a pas de greffe ou d’entité distincte et neutre semblable par lequel les communications administratives relatives à l’appel pourraient être canalisées. De plus, dans la pratique, le personnel administratif de la PNWL et le fonctionnaire électoral connaissaient les meilleurs endroits pour afficher des avis d’appel ainsi que les endroits disponibles et appropriés pour tenir une audience sur un appel. Il s’agissait de connaissances de portée locale que ne possédait pas l’arbitre, comme en témoignent ses communications visant à obtenir des observations à cet égard, mais dont il avait besoin pour s’acquitter de ses fonctions.

[52] En ce qui concerne Garry Laboucan, je conviens qu’il aurait certainement été préférable que l’arbitre n’ait pas également envoyé une copie des courriels en question à l’avocat de la PNWL et demandé à M. Laboucan de l’aider à s’assurer que les exigences procédurales en question seraient respectées. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, les communications et l’aide demandée n’ont aucunement touché le fond de l’appel. De plus, au cours de la présente audience, l’avocat de la défenderesse a fait savoir que Garry Laboucan est l’avocat général de la défenderesse. Dans le contexte de son rôle en tant que tel, son inclusion dans les communications reflète uniquement les efforts de l’arbitre et du fonctionnaire électoral pour s’assurer que les exigences des procédures administratives du Règlement sur les élections décrites ci‑dessus ont bien été mises en œuvre. Il convient également de noter que M. Laboucan n’a pas agi au nom de la PNWL lorsqu’il a répondu en tant que partie à l’appel, un autre avocat d’Ackroyd s.r.l., John Kudrinko, l’ayant fait.

[53] En résumé, le demandeur n’a pas contesté la validité de l’article 7.1 du Règlement sur les élections de la PNWL, concernant la nomination d’un arbitre par le conseil de la PNWL, ni la conduite de l’arbitre dans la mise en œuvre des exigences du Règlement sur les élections de la PNWL. De plus, les communications ex parte en question entre l’arbitre et le fonctionnaire électoral ainsi qu’avec le personnel administratif de la PNWL avaient pour seul but de régler les aspects pratiques de l’administration de l’appel et d’assurer autrement le respect des exigences du Règlement sur les élections de la PNWL ayant trait à l’appel. Garry Laboucan, avocat général de la PNWL, a participé à ces premières communications dans le même but. Les communications contestées étaient de nature purement procédurale et n’abordaient pas le fond ou l’objet de l’appel.

[54] Dans l’ensemble, compte tenu du contexte et du caractère des communications contestées, je ne suis pas convaincue qu’elles soulèvent le spectre de l’impartialité ou qu’elles répondent au critère nécessaire pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[55] Enfin, en ce qui concerne les arguments du demandeur fondés sur l’opinion selon laquelle Ackroyd LLP a comparu devant l’arbitre en tant que « partie » adverse dans l’appel, ils ne sont pas fondés. Le dossier établit que l’arbitre a été nommé conformément à une résolution du conseil de bande de la PNWL, comme l’exigeait le Règlement sur les élections de la PNWL. Ackroyd LLP n’a jamais été partie à l’appel, son rôle s’étant limité à celui d’avocat de la PNWL.

ii. Relation conjugale

Position du demandeur

[56] Le demandeur fait référence à des éléments de preuve provenant des médias sociaux que lui et son avocat ont trouvés après que l’appel ait été tranché et qui indiquent que l’arbitre est marié à une associée chez Ackroyd LLP. Le demandeur soutient que, puisque l’arbitre a un lien personnel avec le cabinet d’avocats représentant la PNWL, un observateur raisonnable conclurait que l’arbitre a un parti pris en faveur du cabinet de son épouse. Il soutient en outre que la relation personnelle entre le décideur et l’une des parties a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[57] Le demandeur fait valoir que, bien que la jurisprudence indique clairement qu’une crainte de partialité dépend du contexte, en l’espèce, il y a des circonstances uniques qui appuient la conclusion selon laquelle cette relation familiale particulière soulève une crainte raisonnable de partialité. Il s’agit du fait que l’arbitre n’a pas été choisi au hasard ou sur une liste, mais plutôt qu’[traduction] « il a été délibérément choisi comme décideur par un avocat d’Ackroyd » et qu’Ackroyd LLP a ensuite comparu devant l’arbitre dans une procédure contradictoire [traduction] « en tant que l’une des parties ». De plus, l’arbitre n’a pas été choisi en raison d’une expertise particulière dans le domaine, et de nombreux avocats auraient pu satisfaire aux critères de qualification applicables.

[58] À la lumière de ces allégations, le demandeur soutient qu’il est difficile de conclure que l’arbitre a été choisi pour une raison autre que sa relation avec une avocate d’Ackroyd LLP, son épouse, ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.

Position de la défenderesse

[59] La défenderesse souligne que la preuve du demandeur établit qu’il n’y avait pas de relation conjugale au moment de l’audience. M. Jarisz s’est marié en novembre 2018, et l’appel a été entendu le 8 mai 2018. La présomption d’impartialité n’a pas été réfutée. De plus, la jurisprudence concernant l’impartialité des époux a évolué depuis les affaires des années 1960 et 1970 sur lesquelles le demandeur s’appuie. La défenderesse cite la décision Newfoundland (Treasury Board) v Newfoundland Association of Public Employees, 184 Nfld & PEIR 237 aux para 24 et 25 [Newfoundland (Treasury Board)], selon laquelle une relation matrimoniale ne devrait pas empêcher un époux de siéger à un conseil d’administration de façon impartiale simplement parce que son épouse avait déjà fourni des conseils juridiques à l’une des parties sur des questions différentes. La défenderesse soutient que cela est particulièrement pertinent dans la présente affaire, car la conjointe de l’arbitre n’a pas participé à l’appel électoral, mais a plutôt déjà conseillé la PNWL concernant le vote de ratification concernant l’un de ses avantages liés au règlement agricole.

[60] Enfin, la défenderesse soutient que l’affirmation du demandeur selon laquelle l’arbitre a été choisi par Ackroyd LLP en raison de la relation conjugale n’est pas appuyée par la preuve. Le demandeur ne fournit pas non plus de preuve quant à l’expérience de l’arbitre. Les affirmations non fondées du demandeur quant à la sélection de l’arbitre ne peuvent pas soutenir une allégation de partialité en raison de « la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente, et du fait qu’un simple soupçon ne suffit pas: il faut que soit démontrée une réelle probabilité de partialité ». (Territoires du Nord‑Ouest c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CAF 162 au para 39).

Analyse

[61] Le demandeur s’appuie sur quatre décisions pour étayer son opinion selon laquelle une relation personnelle donnera lieu à une crainte raisonnable de partialité. La première est l’arrêt Ladies of the Sacred Heart of Jesus v Armstrong Point Association, [1961] 29 DLR (2d) 373 (MBCA) [Sacred Heart]. Dans cette affaire, la Cour d’appel du Manitoba a annulé une décision d’un conseil municipal fondée sur une crainte raisonnable de partialité parce qu’un membre du conseil était marié à une dirigeante de l’Armstrong Point Association et que le membre du conseil et son épouse détenaient ensemble une propriété située près de la zone en cause.

[62] Le demandeur s’appuie également sur l’arrêt Bailey c Barbour, 2012 ONCA 325 [Bailey], dans lequel, en raison d’une crainte raisonnable de partialité, la Cour d’appel de l’Ontario a annulé la décision du juge de première instance en raison du lien [traduction] « profond et actuel et à plusieurs niveaux » de l’épouse du juge de première instance en tant qu’agente immobilière avec la propriété en litige, ce qui comprenait le fait que l’on s’attendait à ce que l’un des clients de l’épouse soit témoin au procès et que ce client avait des liens étroits avec la propriété en litige.

[63] Le demandeur s’appuie en outre sur les arrêts Re Greene and Borins, [1985] 18 DLR (4th) 260 [Re Greene] et Moll v Fisher, [1979] O.J. no 4113 [Moll]. Dans l’affaire Greene, la Cour supérieure de l’Ontario a conclu qu’un conseiller municipal était en conflit d’intérêts, au sens de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux, parce qu’il a voté sur des propositions d’aménagement à un endroit situé près de propriétés appartenant à son père et à d’autres membres de sa famille et qu’il n’a pas divulgué son intérêt pécuniaire direct ou indirect dans la propriété en cause. Dans l’arrêt Moll, la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que deux conseillers scolaires avaient enfreint les dispositions sur les conflits d’intérêts de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux en votant sur des questions de convention collective parce que leurs conjoints étaient des enseignants employés par le conseil scolaire. La Cour a conclu qu’il serait contraire à l’intérêt public de permettre à un élu de négocier au nom du public lorsque ses intérêts économiques privés étaient en jeu.

[64] À mon avis, les arrêts Re Green et Moll ne sont pas pertinents à l’affaire dont je suis saisie. Ils concernent le non‑respect des dispositions législatives sur les conflits d’intérêts. Dans la présente affaire, le demandeur ne mentionne aucune loi applicable sur les conflits d’intérêts, et le Règlement sur les élections de la PNWL ne contient pas de dispositions sur les conflits d’intérêts qui entraîneraient la disqualification de l’arbitre en raison de cette relation conjugale. Le demandeur n’affirme pas non plus que la conjointe de l’arbitre a un intérêt pécuniaire dans l’issue de l’appel des élections, comme c’était le cas dans les affaires Sacred Heart et Bailey.

[65] Les faits de la présente affaire ressemblent davantage à ceux de l’affaire Newfoundland (Treasury Board). Dans ce cas‑là, la personne nommée par l’employeur au conseil d’arbitrage, un avocat, était mariée à une avocate du ministère provincial de la Justice. Le conjoint de l’avocate du ministère de la Justice avait déjà fourni des conseils juridiques à l’organisme réputé être l’employeur aux fins du litige. La question en litige était de savoir si la relation conjugale disqualifierait la personne nommée par l’employeur au conseil d’arbitrage, au motif qu’une telle relation créait une crainte raisonnable de partialité. Selon la preuve, la conjointe de la personne nommée avait été désignée, au moins à un moment donné, pour fournir des conseils juridiques à l’organisme. Toutefois, rien n’indique que la conjointe de la personne nommée ait donné des conseils à l’employeur sur des questions liées au grief. La Cour suprême de Terre‑Neuve a statué qu’une relation conjugale entre avocats, en soi, n’établit pas automatiquement l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part d’un décideur et que les faits de cette affaire n’appuyaient pas une telle conclusion.

[66] Cette approche est conforme à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Wewaykum. Dans cette affaire, la Cour suprême a rejeté l’idée de l’exclusion automatique d’un juge de cette Cour, le juge Binnie, en raison d’une présumée crainte raisonnable de partialité. Cette allégation de partialité était fondée sur la participation du juge Binnie à l’affaire faisant l’objet de l’appel en sa qualité de sous‑ministre délégué fédéral de la Justice, quinze ans auparavant. La Cour suprême a conclu que ce qui était pertinent pour déterminer s’il existait une crainte raisonnable de partialité était la nature et l’étendue du rôle du juge Binnie. La preuve dans l’arrêt Wewaykum indiquait que la relation avocat‑client se limitait à un rôle de supervision et d’administration (paragraphe 82). La Cour suprême a conclu que le critère de la crainte raisonnable de partialité n’avait pas été respecté.

[67] La Cour suprême a également déclaré que l’idée selon laquelle « justice doit paraître être rendue » ne peut être dissociée de la norme de la crainte raisonnable de partialité (paragraphe 67). Elle a aussi déclaré ce qui suit :

[71] Un arrêt plus récent de la Cour d’appel d’Angleterre semble indiquer que l’élargissement de l’application de la règle de l’inhabilité automatique à d’autres situations que celles mettant en jeu des intérêts pécuniaires restera vraisemblablement exceptionnel (Locabail (U.K.), précité). Malgré cet élargissement, la règle de l’inhabilité automatique ne s’applique pas dans les cas où le décideur a, d’une certaine façon, participé au litige ou été en contact avec les avocats aux premiers stades de l’affaire, comme il est allégué en l’espèce.

[72] Peu importe la situation en Grande‑Bretagne, la notion d’inhabilité automatique prend une couleur différente au Canada, compte tenu de notre insistance sur le fait que l’inhabilité doit reposer sur la partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité, critères qui, comme nous l’avons dit, requièrent l’examen de l’état d’esprit du juge, soit au regard des faits soit à travers les yeux de la personne raisonnable […]

[Non souligné dans l’original]

[68] De plus, la Cour suprême a conclu que le critère d’une crainte raisonnable de partialité renvoie à une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux – par opposition au critère d’une « personne de nature scrupuleuse et tatillonne » (au para 76, citant la décision Committee for Justice and Liberty, à la p. 35) – compte tenu de la forte présomption d’impartialité judiciaire. Et que l’analyse dépend énormément des faits propres à chaque affaire (au para 77).

[69] À mon avis, à la lumière de cette jurisprudence, on ne peut pas conclure qu’il existe une crainte raisonnable de partialité simplement parce qu’il existait une relation personnelle entre le décideur, l’arbitre, et une avocate d’Ackroyd LLP.

[70] En l’espèce, la question de savoir si l’arbitre et son épouse étaient effectivement mariés à la date de l’audience n’est pas particulièrement pertinente s’ils entretenaient une relation sérieuse à ce moment‑là. Toutefois, je ne dispose d’aucune preuve à cet égard. Et, même s’il est raisonnable de supposer qu’ils entretenaient une relation sérieuse, rien n’indique que la conjointe de l’arbitre avait un intérêt financier direct ou indirect dans l’issue de l’appel. En fait, la preuve du demandeur indique qu’Ackroyd LLP était conseiller juridique de la PNWL avant les élections et l’appel en question. Par conséquent, la relation avocat‑client existait avant les événements à l’origine de la présente demande, et il n’y a pas de preuve ni de fondement permettant de conclure que la poursuite de la relation avocat‑client dépendait de quelque façon que ce soit de l’issue de la décision de l’arbitre dans le cadre de l’appel.

[71] Bien que l’épouse de l’arbitre soit membre du cabinet Ackroyd LLP, rien n’indique non plus qu’elle ait participé à l’appel en question. De plus, et de toute façon, en tant que membre de la profession juridique, elle serait vraisemblablement tenue par l’éthique de ne pas divulguer l’appel ou d’en discuter avec son époux, et rien n’indique qu’elle a manqué à cette obligation.

[72] À mon avis, en gardant à l’esprit qu’il doit y avoir une probabilité réelle d’une crainte raisonnable de partialité et que des conjectures ne suffisent pas pour répondre au critère, le simple fait que l’épouse de l’arbitre est membre du cabinet Ackroyd LLP est insuffisant, en soi, pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre en faveur du cabinet de son épouse.

[73] Comme il a été mentionné précédemment, rien n’indique que la conjointe de l’arbitre a participé à l’appel ou qu’elle bénéficierait financièrement de l’issue de l’appel, que ce soit directement ou indirectement. De plus, dans le monde d’aujourd’hui, où de nombreuses familles sont composées de deux professionnels qui travaillent, le simple fait du mariage ne suffit pas à établir une crainte raisonnable de partialité ou à surmonter la forte présomption d’impartialité de l’arbitre.

[74] Enfin, l’affirmation du demandeur selon laquelle l’arbitre [traduction] « a été délibérément choisi comme décideur par un avocat d’Ackroyd » et qu’Ackroyd LLP a ensuite comparu devant l’arbitre dans une procédure contradictoire [traduction] « en tant que l’une des parties »est démentie par le dossier, qui établit que l’arbitre a été nommé par résolution du conseil de bande de la PNWL. De plus, Ackroyd LLP n’était pas partie à l’appel. Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant pourquoi M. Jarisz a été choisi comme arbitre par la PNWL. À mon avis, l’affirmation du demandeur selon laquelle l’arbitre a été choisi uniquement en raison de sa relation conjugale, ce qui donnerait lieu à une crainte raisonnable de partialité, est entièrement hypothétique. Elle ne satisfait pas au seuil élevé permettant d’établir une crainte raisonnable de partialité.

iii. Mandat antérieur de l’arbitre

Position du demandeur

[75] Le demandeur soutient que le fait que la PNWL ait antérieurement retenu les services de l’arbitre soulève une crainte raisonnable de partialité. De plus, ce point de vue est appuyé par l’arrêt Ahumada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 97 aux paragraphes 57 à 61 [Ahumada], dans lequel la Cour d’appel fédérale conclut qu’il existe une crainte raisonnable de partialité lorsque le décideur a une relation d’affaires ou d’emploi avec l’une des parties. Le demandeur fait également référence à Rothesay Residents Assn Inc v Rothesay Heritage Preservation and Review Board, 2006 NBCA 61 [Rothesay] au paragraphe 20, à l’appui de son opinion selon laquelle il existe une crainte raisonnable de partialité dans des circonstances où le décideur est ou était auparavant l’avocat ou le client de l’une des parties. La raison d’être de cette règle est qu’un décideur dont les services ont été retenus antérieurement par l’une des parties pourrait être conscient de la façon dont son ancien client pourrait voir les décisions prises.

[76] En plus de soulever ces principes de common law, le demandeur soutient que l’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL constitue un obstacle absolu à la nomination d’un avocat dont les services ont déjà été retenus par la PNWL. Le mandat antérieur de l’arbitre est établi par le courriel susmentionné du 10 juin 2017 d’Anita Thompson, d’Ackroyd LLP, à Drew Jarisz, l’arbitre dans son affaire, qui avisait qu’Ackroyd LLP avait retenu les services de M. Jarisz à titre de sous‑agent de ratification adjoint pour le vote référendaire sur le règlement relatif aux avantages agricoles de la PNWL, qui devait se tenir les 14 et 15 juin 2017. Par conséquent, le demandeur soutient que l’arbitre n’était pas admissible à agir à titre d’arbitre d’appel et que sa nomination contrevenait à l’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL.

[77] Le demandeur soutient également que, dans son rôle précédent de sous‑agent de ratification adjoint pour le vote de ratification de la PNWL, M. Jarisz aurait travaillé avec le chef et le conseil en place, y compris M. Jesse Grey, qui était le chef à ce moment‑là. Selon le demandeur, une personne raisonnable conclurait qu’en raison de leur relation antérieure, l’arbitre favoriserait le témoignage de M. Jesse Grey au moment d’évaluer l’allégation de pratiques électorales corrompues et d’achat de votes pendant l’instruction de l’appel.

Position de la défenderesse

[78] La défenderesse fait valoir que l’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL devrait être interprété comme interdisant à quiconque a déjà été retenu pour fournir des services juridiques ou décisionnels à la PNWL d’être nommé arbitre. La défenderesse rejette l’interprétation du demandeur, qui empêcherait la nomination de toute personne ayant fourni des services administratifs à la PNWL. De plus, une relation de loyauté était en cause dans Rothesay. Par conséquent, l’arrêt Rothesay et les affaires connexes sont distincts, car, en l’espèce, l’emploi précédent comportait un rôle administratif caractérisé par l’impartialité . Le poste de sous‑agent de ratification adjoint exige l’impartialité en ce qui concerne le résultat du vote de ratification. Ce n’est pas un poste impliquant la loyauté envers un chef ou un conseiller. En contre‑interrogatoire, le demandeur a admis qu’il s’attendrait à ce que l’agent de ratification et le sous‑agent adjoint soient impartiaux.

[79] La défenderesse soutient également que l’hypothèse du demandeur selon laquelle, en raison de son mandat antérieur, l’arbitre aurait tendance à préférer le témoignage de M. Jesse Grey n’est pas étayée par la preuve. La lettre dans laquelle Drew Jarisz est retenu comme sous‑agent de ratification adjoint identifie les deux conseillers, Hughie Tallman et Darren Auger, qui seraient présents au bureau de scrutin d’Edmonton, où M. Jarsiz a été affecté pendant le vote. En contre‑interrogatoire, le demandeur a admis qu’il n’avait aucune raison de croire que l’arbitre avait déjà rencontré Jessy Grey.

Analyse

[80] L’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL prévoit ce qui suit :

[traduction]

7.6 Qualifications de l’arbitre d’appel des élections

L’arbitre d’appel des élections est un juge à la retraite ou un avocat qui n’est pas ou n’a pas été embauché par la Première Nation ou tout membre de la Première Nation, sauf à titre d’arbitre d’appel des élections.

[81] À mon avis, le libellé de l’article 7.6 est clair et sans ambiguïté. Il stipule qu’une personne dont les services ont déjà été retenus par la PNWL ne peut pas être nommée arbitre d’appel des élections. De plus, le Règlement sur les élections de la PNWL ne nuance pas cette limitation en faisant une distinction entre les postes impliquant la loyauté et les postes impliquant l’impartialité. La lettre du 10 juin 2017 d’Ackroyd LLP à M. Jarisz indique clairement qu’Ackroyd LLP « conserve » M. Jarsiz comme sous‑agent de ratification adjoint. La défenderesse ne laisse pas entendre que les services n’ont pas été retenus en son nom. La défenderesse ne mentionne pas non plus de cas ou de principe d’interprétation législative à l’appui de sa distinction entre la loyauté et l’impartialité, sauf au moment de comparaître devant moi, quand elle laisse entendre que son interprétation quant à ce que l’article 7.6 visait à éviter était intentionnelle, à savoir qu’un avocat dont le mandat précédent avait donné lieu à une obligation de loyauté à l’égard de la PNWL ne devrait pas être nommé à titre d’arbitre.

[82] Par conséquent, il semble que la PNWL ait enfreint l’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL lorsqu’elle a nommé M. Jarisz à titre d’arbitre.

[83] Toutefois, le demandeur ne conteste pas la nomination de M. Jarisz à titre d’arbitre par la PNWL, comme il l’indique clairement dans son avis de demande modifié. Il soutient plutôt que le mandat précédent de l’arbitre soulève une crainte raisonnable de partialité quant à sa décision en appel.

[84] À mon avis, l’article 7.6 visait très probablement à éviter précisément cette situation, soit une allégation de partialité appréhendée de la part d’un arbitre. Toutefois, dans les présentes circonstances, la question demeure de savoir si une personne informée, examinant la question de manière réaliste et pratique, et après mûre réflexion, penserait qu’il est plus probable qu’autrement que l’arbitre, consciemment ou inconsciemment, ne rendrait pas une décision équitable. À mon avis, le simple fait que la nomination de M. Jarisz par la PNWL ait enfreint l’article 7.6 ne répond pas à cette question.

[85] Les observations du demandeur quant à la partialité sont, à mon avis, hypothétiques. Il affirme qu’étant donné que M. Jarisz avait déjà été embauché comme sous‑agent de ratification adjoint pour le vote référendaire sur le règlement relatif aux avantages agricoles de la PNWL, l’arbitre aurait travaillé avec le chef en poste, Jesse Grey, et le conseil. Par conséquent, toute personne raisonnable informée des faits conclurait que l’arbitre aurait pu favoriser Jesse Grey en raison de son mandat antérieur [traduction] « et de son travail avec Jesse Grey ».

[86] La seule preuve documentaire concernant la nature du rôle antérieur de M. Jarisz est la lettre de mandat d’Ackroyd LLP. La lettre indique que le bureau de scrutin de M. Jarisz serait situé à Edmonton‑Ouest, précise l’identité et les coordonnées du fonctionnaire électoral et indique qu’il est très important que M. Jarisz communique avec le fonctionnaire électoral s’il a des questions. La lettre identifie le greffier du scrutin, désigne les conseillers de la PNWL Hughie Tallman et Darren Auger comme étant les conseillers qui seraient présents au bureau de scrutin et souligne que, conformément aux lignes directrices sur le vote, M. Jarisz devrait demander à un des conseillers d’agir comme témoin quand il compterait les votes et signer la certification. Pour cela, M. Jarzis recevrait 3500 $, plus le remboursement des frais de déplacement raisonnables. Lors du contre‑interrogatoire sur son affidavit, le demandeur a déclaré qu’il ne connaissait pas bien le rôle de sous‑agent de ratification adjoint, excepté le fait qu’il était censé travailler avec l’agent de ratification. D’après la lettre de mandat, il semble raisonnable de déduire que le rôle de M. Jarisz consistait en une nomination d’un jour, aux termes de laquelle il devrait compter les votes référendaires de façon impartiale, en la présence de conseillers en tant que témoins, ainsi que consigner et certifier son décompte.

[87] La lettre de mandat n’établit pas que M. Jarisz a travaillé avec Jesse Grey ou qu’il a eu des contacts avec Jesse Grey, et il n’y a pas d’autre preuve documentaire ou autre à l’appui de l’affirmation du demandeur selon laquelle M. Jarisz et Jesse Grey ont travaillé ensemble. Lors du contre‑interrogatoire, on a prié le demandeur d’indiquer s’il savait si Jesse Grey avait une relation avec M. Jarisz avant l’appel. Le demandeur a indiqué qu’il ne le savait pas. Lorsqu’on lui a demandé si Jesse Grey avait déjà rencontré M. Jarisz, le demandeur a dit qu’il ne pouvait pas répondre à cette question, c’est‑à‑dire qu’il ne le savait pas.

[88] Compte tenu de la nature du mandat, établi par l’entremise d’Ackroyd LLP, ainsi que du rôle circonscrit, limité et impartial que M. Jarisz a joué à titre de sous‑agent de ratification adjoint, et en l’absence de tout élément de preuve à l’appui de l’affirmation du demandeur selon laquelle M. Jarisz et Jesse Grey avaient déjà travaillé ensemble, je ne suis pas convaincue qu’une personne raisonnable informée de ces faits conclurait que l’arbitre aurait pu favoriser le témoignage de M. Grey concernant l’allégation d’achat de votes.

[89] De plus, une relation d’emploi antérieure ne donne pas automatiquement lieu à une crainte raisonnable de partialité (voir, par exemple, Nadeau c Canada (Procureur général), 2018 CAF 203 au para 14). En ce qui concerne le fait que le demandeur s’est fondé sur Ahumada, la préoccupation était qu’un agent d’appel en congé temporaire de la direction générale de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] qui conseille le ministre sur la question de savoir si une intervention est appropriée dans un cas donné, et représente le ministre lorsque ce dernier intervient, a joué un rôle temporaire à titre de membre d’une formation de la Section du statut de réfugié (SSR) chargée de trancher les demandes d’asile. La Cour a souligné qu’elle « pourrait très bien se préoccuper de la façon dont ses collègues pourraient vraisemblablement percevoir ses décisions en qualité de membre de la SSR et de l’effet éventuel de ses décisions sur ses perspectives de carrière ou ses possibilités d’avancement à son retour à CIC ». La Cour a soutenu que les employés se trouvaient dans une situation de vulnérabilité suffisante pour qu’une personne raisonnable puisse penser que leurs décisions risquent d’être influencées par des considérations externes liées à leur statut d’employé.

[90] Selon moi, le cas qui nous intéresse est différent de l’affaire Ahumada. En l’espèce, le mandat antérieur de l’arbitre au nom de la PNWL était une nomination d’un jour à titre de sous‑agent de ratification adjoint. Par conséquent, la préoccupation qui existait dans l’affaire Ahumada ne s’applique pas en l’espèce. L’arbitre n’est pas un employé du chef et du conseil de la PNWL et ne serait donc pas influencé de la même façon par ce que le chef et le conseil de WFLN pourraient penser de ses décisions en tant qu’employé revenant à leur emploi.

[91] Le demandeur s’appuie également sur Rothesay pour appuyer la thèse selon laquelle une relation avocat‑client antérieure soulève le spectre d’une crainte raisonnable de partialité. Cependant, dans le cas présent, la lettre de mandat antérieure du 10 juin 2017 nommait M. Jarisz comme sous‑agent de ratification adjoint aux fins de la ratification du règlement relatif aux avantages agricoles de la PNWL. Les services de M. Jarisz ont été retenus par l’avocat de la PNWL, et il n’a pas été nommé à titre d’avocat pour fournir des services à la PNWL. Par conséquent, aucune relation avocat‑client antérieure entre M. Jarisz et la PNWL n’a été établie.

[92] À mon avis, le fait que la PNWL ait retenu les services de M. Jarisz pour une journée à titre de sous‑agent de ratification adjoint ne suffit pas pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[93] En conclusion, compte tenu du contexte et à la lumière du dossier, ni les communications ex parte, ni la relation conjugale, ni le mandat antérieur ne donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité dans les faits en l’espèce. Comme ces trois allégations ne donnent pas lieu, individuellement, à une crainte raisonnable de partialité, je ne peux pas accepter l’opinion du demandeur selon laquelle, prises ensemble, elles répondraient au critère.

Question en litige no 2 : Y a‑t‑il des erreurs sujettes à révision qui découlent de l’évaluation de la preuve et de l’analyse menées par l’arbitre?

[94] Bien que le demandeur présente également des observations alléguant des erreurs de la part de l’arbitre relativement à sa décision et à son appréciation de la preuve, l’article 16.20 du Règlement sur les élections de la PNWL interdit clairement les contestations pour ce motif et limite les contestations judiciaires aux questions d’équité procédurale. Par conséquent, à mon avis, il n’est pas loisible au demandeur de contester la décision de l’arbitre sur le fond.

[95] Quoi qu’il en soit, lors de sa comparution devant moi, l’avocat du demandeur m’a fait savoir que ces arguments avaient été présentés de façon anticipée. Comme la défenderesse n’avait pas présenté les arguments prévus, le demandeur ne poursuivait plus cette question.

Dépens

[96] Le demandeur soutient qu’il s’agit d’un cas pour lequel il convient d’accorder des dépens avocat‑client ou, subsidiairement, une indemnité forfaitaire sur une échelle plus élevée. Il soutient de plus que lorsqu’une Première Nation paie les frais juridiques d’une partie, il est convient que les frais juridiques de l’autre partie soient payés par la Première Nation. Le demandeur fait également remarquer que la Cour a fait preuve de sensibilité à l’égard du déséquilibre de pouvoir entre un demandeur et sa Première Nation, qui dispose de plus de ressources, et qu’il peut y avoir un intérêt public à indemniser les membres d’une Première Nation lorsqu’ils intentent des poursuites pour régler des questions importantes. Enfin, compte tenu de la motivation qui l’a poussé à présenter cette demande de contrôle judiciaire, il devrait se voir adjuger des dépens quelle que soit l’issue de la cause.

[97] La défenderesse fait valoir qu’il n’y a aucun fondement pour l’adjudication de dépens avocat‑client et aucun fondement pour l’adjudication de dépens, quelle que soit l’issue de la cause.

[98] Je suis du même avis que la défenderesse.

[99] Bien que les parties aient offert de présenter d’autres observations sur les dépens après que ma décision a été rendue, à mon avis, cela n’est pas nécessaire. La présente demande de contrôle judiciaire fondée sur une allégation de partialité n’aurait pas été présentée si la PNWL n’avait pas nommé l’arbitre en violation de l’article 7.6 du Règlement sur les élections de la PNWL. Cela dit, les allégations de partialité du demandeur étaient faibles et en grande partie hypothétiques. À mon avis, le demandeur ne soulève pas non plus une question d’intérêt public. Dans ces circonstances, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire en vertu de la règle 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et j’ai déterminé qu’il n’y aura pas d’adjudication de dépens.


JUGEMENT dans le dossier DOSSIER T‑174‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


ANNEXE A

Les dispositions les plus pertinentes du Règlement sur les élections coutumières de la Première Nation no 459 de Whitefish Lake sont reprises ci‑dessous.

[traduction]

2. DÉFINITIONS

2.6 « Pratiques électorales frauduleuses » signifie :

2.6.1 tenter d’offrir ou offrir de l’argent ou une autre contrepartie valable en échange du vote d’un électeur; ou falsifier une déclaration de décompte des voix, un résultat de vote ou une déclaration de résultat d’élection, ou

2.6.2 menacer de frapper de conséquences négatives, de contraindre ou d’intimider un électeur ou un fonctionnaire électoral dans le but d’influencer le vote d’un électeur, un décompte des voix, un résultat de vote ou une déclaration de résultat d’élection, ou

2.6.3 falsifier des documents ou fournir des renseignements faux ou trompeurs dans le but d’influencer le vote d’un électeur, un décompte des voix, un résultat de vote ou une déclaration de résultat d’élection.

7. NOMINATION DU FONCTIONNAIRE ÉLECTORAL ET DE L’ARBITRE D’APPEL DES ÉLECTIONS

7.1 Nomination

Au moins trente‑cinq (35) jours avant la date choisie comme jour de l’élection, le conseil, par résolution en la forme prescrite, fixe la date de l’élection et nomme un fonctionnaire électoral et un arbitre d’appel des élections pour mener les élections conformément au présent règlement.

7.6 Qualifications de l’arbitre d’appel des élections

L’arbitre d’appel des élections est un juge à la retraite ou un avocat qui n’est pas ou n’a pas été embauché par la Première Nation ou tout membre de la Première Nation, sauf à titre d’arbitre d’appel des élections.

8. NOMINATIONS

8.4 Personnes admissibles à être nommées

Pour être admissible à être nommée, une personne :

8.4.5 ne doit pas avoir été condamnée pour un acte criminel à la date de sa nomination, et

8.4.6 ne pas avoir bénéficié d’une réhabilitation pour les actes criminels suivants :

8.4.6.1 meurtre;

8.4.6.2 tentative de meurtre;

8.4.6.3 agression sexuelle, lorsque le bureau des procureurs de la Couronne procède par mise en accusation;

8.4.6.4 agression sexuelle armée;

8.4.6.5 agression sexuelle grave avec ou sans arme à feu.

8.5 Tout électeur qui n’est pas admissible en vertu de l’article 21.4 n’est pas admissible à une nomination.

11 ÉLECTIONS

11.18 Vote secret

Sous réserve des articles 11.20 et 11.24, le vote dans toutes les élections, les élections partielles et les élections de ballottage se fait par scrutin secret.

16 APPELS EN MATIÈRE D’ÉLECTIONS

16.1 Motifs d’appel en matière d’élections

Dans les cinq (5) jours consécutifs suivant le jour de l’élection ou la date à laquelle le candidat est élu par acclamation en vertu de l’article 10, tout électeur qui a voté à l’élection peut en appeler des résultats d’une élection, d’une élection partielle, d’une élection de ballottage ou d’une élection par acclamation si, selon le cas, pour des motifs raisonnables et probables, il croit :

16.1.1 que le fonctionnaire électoral a commis une erreur dans l’interprétation ou l’application du Règlement qui a eu une incidence importante et directe sur le résultat de l’élection, de l’élection partielle ou de l’élection de ballottage, selon le cas;

16.1.2 qu’un candidat qui s’est présenté à l’élection, l’élection partielle ou l’élection de ballottage, selon le cas, était inhabile à se présenter et a fourni des renseignements faux ou n’a pas fourni de renseignements pertinents quant à la validité de sa candidature;

16.1.3 qu’une personne qui a voté à l’élection, à l’élection partielle ou à l’élection de ballottage, selon le cas, n’était pas admissible à voter et a fourni de faux renseignements ou a omis de divulguer des renseignements pertinents quant à son droit de vote;

16.1.4 qu’un candidat a été reconnu coupable d’une manœuvre électorale frauduleuse ou a consenti à une telle manœuvre et en a tiré profit;

16.1.5 qu’il y a eu falsification d’un rapport électoral ou toute autre mesure prise par le fonctionnaire électoral ou le greffier du scrutin qui a eu une incidence importante sur le résultat;

16.1.6 que toute autre circonstance, tout autre événement ou toute autre action s’est présenté et a eu une incidence inappropriée et directe sur la conduite et le résultat de l’élection.

16.2 Avis d’appel

L’appelant doit transmettre au fonctionnaire électoral un avis d’appel écrit et signé où sont exposés les motifs d’appel, et il y joint, pour remise au fonctionnaire électoral, un dépôt en argent ou un chèque certifié de cinq cents dollars (500 $) payable à l’ordre de la Première Nation. L’avis d’appel doit préciser :

16.2.1 les résultats de l’élection qui font l’objet d’un appel et le nom du ou des candidats concernés;

16.2.2 les motifs de l’appel, y compris un renvoi aux articles pertinents du présent règlement;

16.2.3 les faits importants sur lesquels l’appelant s’appuie;

16.2.4 le nom de tous les témoins que l’appelant entend convoquer, ou une déclaration selon laquelle l’appelant n’a pas l’intention de convoquer des témoins, et

16.2.5 une liste de documents ou de dossiers sur lesquels l’appelant a l’intention de se fonder ou une déclaration selon laquelle l’appelant n’a pas l’intention de se fonder sur des documents ou des dossiers.

16.5 La personne qui dépose un avis d’appel ne peut pas présenter un témoin ou utiliser un document qui n’a pas été divulgué dans l’avis d’appel.

16.6 L’avis d’appel est transmis par le fonctionnaire électoral à tous les candidats, et affiché dans les lieux publics de la réserve et dans d’autres lieux publics choisis par l’arbitre d’appel.

16.9 Pouvoirs de l’arbitre d’appel des élections

Dans les trois (3) jours suivant la réception du dossier d’élection, l’arbitre d’appel des élections fixe la date de l’audition de l’appel des élections.

16.11 L’avis d’audience sur l’appel des élections est affiché dans des lieux publics dans les réserves et dans d’autres lieux publics désignés par l’arbitre d’appel des élections et transmis à l’appelant et à tous les candidats par la poste ou par messager.

16.13 L’appelant, ou d’autres électeurs, ou leurs représentants, ont le droit de présenter des observations verbales ou écrites à l’arbitre d’appel des élections et peuvent faire l’objet d’un contre‑interrogatoire par les parties ou l’arbitre.

16.14 Pouvoirs de l’arbitre d’appel des élections

L’arbitre d’appel des élections dispose des pouvoirs suivants :

16.14.1 déterminer l’heure, le lieu et la date de l’instruction de l’appel;

16.14.2 déterminer si l’instruction de l’appel sera publique et, le cas échéant, les membres qui peuvent y assister;

16.14.3 trancher les questions de droit et les points soulevés durant l’instruction de l’appel;

16.14.4 statuer sur toute objection soulevée durant l’instruction de l’appel;

16.14.5 ordonner la production de documents essentiels et pertinents quant à l’appel;

16.14.6 déterminer la procédure à suivre relativement à l’équité et à l’égalité entre les parties à l’audience;

16.14.7 établir le mode d’admission de la preuve;

16.14.8 l’arbitre n’est pas lié par les règles de preuve et il a le pouvoir de décider de l’admissibilité, de la pertinence et de la valeur de tout élément de preuve.

16.17 Décision de l’arbitre d’appel

Dans les cinq (5) jours suivant la clôture de l’audience, l’arbitre d’appel des élections statue sans délai de l’une ou l’autre des manières suivantes :

16.17.1 il rejette l’appel au motif que la preuve présentée n’établit pas les fondements nécessaires à l’appel;

16.17.2 il reconnaît le bien‑fondé des motifs d’appel, sans toutefois invalider le résultat de l’élection, si l’infraction n’a pas influé sur ce résultat de façon importante;

16.17.3 il fait droit à l’appel et convoque une nouvelle élection ou un scrutin de ballottage.

16.20 Contrôle judiciaire

Aucun jugement, ordonnance, directive ou décision de l’arbitre d’appel des élections concernant la procédure ne peut être contesté ou révisé devant un tribunal judiciaire, que ce soit au moyen d’une demande de contrôle judiciaire ou autrement, et il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire, notamment par voie d’injonction, de jugement déclaratoire, de prohibition ou de quo warranto, visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’arbitre des appels, ou une décision de celui‑ci.

16.21 Nonobstant l’article 16,20, les décisions, ordonnances, directives et jugements déclaratoires de l’arbitre des appels et les instances portées devant lui peuvent être contestés ou révisés au moyen d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada, mais uniquement au motif que l’arbitre des appels a commis une erreur de droit ou n’a pas respecté un principe de justice naturelle.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑174‑19

 

INTITULÉ :

JAMES GREY c. PREMIÈRE NATION NO 459 DE WHITEFISH LAKE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE SUR ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 SEPTEMBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 OCTOBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Evan C. Duffy

 

Pour le demandeur

 

John Kudrinko et Eric Pentland

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour le demandeur

 

Ackroyd LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

Pour la défenderesse

 

 

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