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                                                                 Date : 20011102

                                                  Dossier : IMM-5860-00

                                      Référence neutre : 2001 CFPI 1196

OTTAWA (ONTARIO), le 2 NOVEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                XUE BI YE

                                                             demanderesse

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  • [1]                 La demanderesse est une revendicatrice du statut de réfugié provenant de la localité rurale de Long Gui, dans la ville de Guangzhou (province de Guangdong), en République populaire de Chine. Elle sollicite le contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue par la Section du statut de réfugié (SSR) le 23 octobre 2000.
  

  • [2]                 Elle a témoigné qu'en 1999, elle est devenue enceinte de son second enfant et a été contrainte de se cacher des autorités étant donné que sa grossesse n'était pas approuvée par le gouvernement chinois et qu'elle allait à l'encontre des lois relatives à la planification des naissances. Elle n'avait pas obtenu de permission du Bureau de planification des naissances (BPN).
  • [3]                 Elle affirme que, le 12 octobre 1999, elle a été découverte par les autorités du BPN et a été forcée de se faire avorter. La demanderesse soutient que, par suite de cet avortement, elle a perdu une grande quantité de sang et qu'elle était trop faible pour subir une stérilisation. La demanderesse affirme qu'après qu'elle eut obtenu son congé de l'hôpital, elle et son mari se sont cachés pour éviter tous les deux d'être stérilisés contre leur gré. Le BPN a avisé sa famille qu'elle devait se présenter au BPN pour y être stérilisée. Une assignation a par la suite été délivrée à son domicile par les autorités. C'est à ce moment-là que la demanderesse a compris qu'elle ne pouvait plus vivre en sécurité en Chine.
  
  • [4]                 Le 10 février 2000, la demanderesse est arrivée à Vancouver en provenance de Macau et de Taïwan. Elle a revendiqué le statut de réfugié le même jour en affirmant qu'elle craignait avec raison d'être persécutée en Chine en raison de la politique chinoise en matière de planification des naissances. La demanderesse a laissé derrière elle son mari, sa fille, sa mère, son père, sa soeur et deux frères qui vivent toujours à Guangzhou, dans la province de Guangdong, en République populaire de Chine.

  • [5]                 La décision défavorable de la SSR était fondée sur la conclusion que la revendicatrice n'était pas un témoin crédible ou digne de foi en ce qui concerne les présumés incidents de persécution antérieure.
  • [6]                 La demanderesse soulève deux questions :

            a)         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les événements relatés par la demanderesse pouvaient se produire tout en estimant qu'il était peu probable qu'ils se soient effectivement produits et en concluant de ce fait que le témoignage était peu plausible?

            b)         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu'il était possible mais improbable que la demanderesse ait été persécutée en raison du fait qu'elle n'avait pas attendu quatre ans avant d'avoir un autre enfant?

  • [7]                 En ce qui concerne les conclusions tirées par un tribunal spécialisé en matière de crédibilité, il ne fait plus de doute que le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Pour reprendre les propos du juge Décary dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1993), 160 N.R. 315, pages 316 et 317, au paragraphe 4 : « [...] Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire » .

  • [8]                 Dans le jugement Razm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1999) 164 F.T.R. 140, page 141, au paragraphe 2, le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) a déclaré qu'il était maintenant de jurisprudence constante que la SSR a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage et que, lorsque les motifs de la décision au sujet de la crédibilité sont énoncés en des termes clairs et explicites, notre Cour n'interviendra que dans des circonstances exceptionnelles.
  • [9]                 C'est à la demanderesse qu'il incombe de démontrer que la Section du statut de réfugié ne pouvait raisonnablement tirer les inférences qu'elle a tirées.
  
  • [10]            Sur la première question, la demanderesse soutient essentiellement que la SSR a commis une erreur en affirmant que, comme il ressort des documents provenant du pays en question qu'un avortement forcé est rare dans un cas comme celui de la demanderesse, il s'ensuit nécessairement qu'il est peu plausible que les événements relatés se soient effectivement produits. Après avoir examiné tous les éléments de preuve documentaire, la SSR a conclu que le témoignage de la demanderesse au sujet de son avortement forcé et des menaces de stérilisation dont elle avait fait l'objet dans une région rurale de la Chine en 1999 n'était probablement pas véridique. La SSR a effectivement reconnu dans sa décision motivée que de tels événements étaient possibles dans des régions rurales de Chine en 1999 mais qu'ils étaient peu probables et, partant, peu plausibles. Je suis d'avis qu'il était raisonnablement loisible à la SSR de tirer une telle conclusion.

  • [11]            Sur la seconde question, la demanderesse a reconnu que les familles étaient autorisées à avoir deux enfants dans son patelin. Il doit cependant y avoir un écart de quatre ans entre les naissances. Après avoir examiné la preuve documentaire, la SSR a conclu qu'il était improbable que les fonctionnaires de la planification familiale infligent des sanctions aussi sévères -- l'obligation de se faire avorter et les menaces de stérilisation -- alors que la police aurait permis à la demanderesse d'avoir un second enfant si elle acceptait d'attendre quelques années de plus, en particulier lorsque des millions d'autres Chinois sont autorisés à avoir deux enfants sans s'exposer à de telles sanctions. La SSR a conclu que de telles sanctions étaient peu plausibles et elle a tiré une autre inférence défavorable au sujet de la crédibilité de la revendicatrice. Je conclus qu'il était raisonnablement loisible à la SSR de tirer cette conclusion au sujet du manque de vraisemblance et de tirer une inférence négative au sujet de la crédibilité de la demanderesse.
  • [12]            Je conclus que la demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que les inférences tirées par la SSR n'étaient pas raisonnables. J'estime que les conclusions de la SSR ne sont entachées d'aucune erreur qui justifierait l'intervention de la Cour.
  
  • [13]            Pour les motifs précités, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  • [14]            Malgré l'occasion qui leur a été donnée de le faire, les parties ne m'ont pas demandé de certifier qu'il existe une question grave de portée générale au sens de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je ne me propose donc pas de certifier l'existence d'une question grave de portée générale.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR :

1.                    REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

   

                                                                                                                              « Edmond P. Blanchard »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                     IMM-5860-00

INTITULÉ :                               Xue Bi Ye c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :     22 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLANCHARD

EN DATE DU :                        2 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Me Carla Strudy                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Me Neeta Logsetty                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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