Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200908


Dossier : T‑877‑19

Référence : 2020 CF 884

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2020

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

SAM COSENTINO

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Sam Cosentino [M. Cosentino], sollicite le contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, de la décision du 23 avril 2019 par laquelle le Conseil canadien de la magistrature [le CCM ou le Conseil] a rejeté la plainte que lui et trois autres personnes ont présentée contre l’honorable Peter A. Daley [le juge Daley] de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Cosentino est le seul demandeur.

[2]  Pour les motifs énoncés ci‑après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La décision du CCM est légitime et raisonnable. Le directeur exécutif du CCM a le pouvoir d’écarter des plaintes, notamment celles qui sont vexatoires ou sans fondement, celles qui sont faites dans un but inapproprié et celles qui constituent un abus de la procédure. En l’espèce, la plainte de M. Cosentino a tout de même été déférée au président du Comité sur la conduite des juges du Conseil, qui l’a examinée et a enjoint au directeur exécutif de rendre la décision. Le CCM a raisonnablement conclu que les questions visées par la plainte n’étaient pas des questions liées à la conduite d’un juge relevant de son mandat et qu’elles pouvaient être traitées au moyen du processus d’appel. Le CCM a aussi raisonnablement conclu que la plainte de M. Cosentino semblait constituer un abus de la procédure des plaintes du CCM.

I.  Contexte

[3]  M. Cosentino est membre du Barreau de l’Ontario. Dans le cadre de la présente demande, cependant, il agit à titre personnel. Il est partie à plusieurs actions portées devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario concernant des questions litigieuses d’ordre financier et successoral entre des parents et des entreprises familiales. En octobre 2017, le juge Daley, en sa qualité de juge principal régional, s’est désigné lui-même pour gérer sept de ces actions conformément à l’article 37.15 des Règles de procédure civile de l’Ontario, RRO 1990, Règl 194.

[4]  La plainte que M. Cosentino a présentée au CCM concernant le juge Daley se rapporte à la conduite et à l’issue de plusieurs requêtes et conférences de gestion de l’instance tenues au début de 2018.

A.  La requête en récusation et la décision y afférente

[5]  Après plusieurs conférences de gestion de l’instance qui portaient, entre autres, sur les modifications proposées aux actes de procédure de M. Cosentino et les dates de l’audition d’autres requêtes, M. Cosentino a suggéré au juge Daley de se récuser, sans quoi il introduirait une requête en ce sens et déposerait une plainte devant le CCM alléguant [traduction] « une partialité établie à l’égard [de M. Cosentino] et des autres demandeurs ».

[6]  M. Cosentino a ensuite introduit une requête en récusation du juge Daley à titre de juge responsable de la gestion de l’instance. Le 23 mai 2018, le juge Daley a instruit la requête et le 28 juin suivant il a rendu les motifs de la décision par laquelle il l’a rejetée (Cosentino v Dominaco Developments Inc, 2018 ONSC 4092).

[7]  Le juge Daley a noté qu’il a fait des inscriptions et rendu des ordonnances au fil de plusieurs conférences de gestion de l’instance. Il a fourni la chronologie des conférences de gestion de l’instance et de la correspondance échangée entre octobre 2017 et avril 2018, qui sont à l’origine de la requête en récusation. Le juge Daley s’est penché sur les allégations qui en ont découlé, concernant notamment : son refus d’accepter le mémoire des actes de procédure de M. Cosentino; la question de savoir si un autre juge était saisi de certaines questions subséquemment examinées par lui, et les communications de M. Cosentino et d’autres demandeurs qui n’étaient pas conformes aux dispositions applicables des Règles de procédure civile.

[8]  Le juge Daley a énoncé la jurisprudence applicable aux allégations de partialité, notamment les principes établis dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la p 394, 1976 CanLII 2, ainsi que les décisions subséquentes qui les ont appliqués. Il a souligné, aux paragraphes 46 à 51, que les allégations de partialité avancées par M. Cosentino se rapportaient au processus de gestion de l’instance.

[9]  Le juge Daley a affirmé que les actions sous-jacentes étaient [traduction] « très conflictuelles » et que les parties étaient très émotives et pleines d’animosité (para 4, 52). Il a fait remarquer que M. Cosentino avait déclaré avoir engagé un détective privé pour enquêter sur lui et qu’il avait menacé de déposer une plainte devant le CCM si sa requête en récusation n’était pas accueillie (para 63, 64).

[10]  Le juge Daley a estimé que les allégations de M. Cosentino concernant la conduite d’autres parties et son propre refus de divulguer des renseignements personnels n’étaient appuyées par aucun élément de preuve et n’avaient aucune valeur probante (para 72, 73). Il a examiné les nombreuses allégations de M. Cosentino concernant son comportement ainsi que ses allégations de partialité se rapportant aux décisions procédurales qu’il avait rendues.

[11]  Compte tenu du critère plus rigoureux pour établir la partialité ou une crainte raisonnable de partialité dans le contexte de la gestion de l’instance et compte tenu du fait que les juges chargés de la gestion de l’instance sont appelés à proposer des moyens rapides et économiques de résoudre les litiges, le juge Daley a estimé qu’une personne raisonnablement informée n’aurait pas conclu qu’il était partial ou qu’il existait une crainte raisonnable de partialité (para 86).

[12]  Le 27 août 2018, le juge Daley a rendu une décision distincte sur les dépens relatifs à la requête en récusation (Cosentino v Dominaco Developments Inc, 2018 ONSC 5075).

[13]  Le 12 février 2019, la Cour divisionnaire de l’Ontario a refusé la requête présentée par M. Cosentino en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la décision par laquelle le juge Daley avait rejeté sa requête en récusation avec dépens. Le 14 juin 2019, la Cour d’appel de l’Ontario a également refusé d’accorder l’autorisation d’appel, avec dépens contre M. Cosentino.

B.  La plainte présentée au CCM par M. Cosentino

[14]  Le 4 février 2019, M. Cosentino et trois autres plaignants (qui étaient parties aux actions) ont déposé une plainte de 955 pages devant le CCM. Dans sa plainte, M. Cosentino a exposé 34 incidents ou [traduction] « griefs », alléguant que le juge Daley :

  • lui a menti;
  • s’est comporté de manière impolie et insultante à son endroit et à l’endroit des autres plaignants;
  • s’est montré manifestement partial envers lui et les autres plaignants;
  • a agi sans respecter la règle de droit et le code de déontologie judiciaire.

[15]  L’allégation selon laquelle le juge Daley a menti se rapporte à la fixation de la date de l’audition de la requête de M. Cosentino en vue de modifier ses actes de procédure.

[16]  L’allégation de comportement impoli et insultant se rapporte à des incidents au cours desquels le juge Daley aurait élevé la voix et fait preuve de condescendance.

[17]  Les allégations de partialité renvoient à plus de trente prétendus incidents, inscriptions ou décisions; par exemple, le juge Daley aurait refusé de lire le mémoire des actes de procédure de M. Cosentino, aurait infirmé l’ordonnance d’un autre juge, n’aurait pas divulgué ses communications avec l’avocat d’un des défendeurs, aurait réprimandé M. Cosentino et d’autres demandeurs pour avoir communiqué avec son adjoint administratif, aurait fixé un calendrier inéquitable aux fins de l’instruction de la requête en récusation et aurait rendu des ordonnances déraisonnables contre M. Cosentino et d’autres demandeurs en matière de dépens.

[18]  M. Cosentino a également demandé que le CCM divulgue toutes les communications que le juge Daley a eues avec des fonctionnaires relativement à la plainte, ainsi que les communications de ses amis, parents, employés, avocats, etc.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[19]  Le 23 avril 2019, le directeur exécutif du CCM, M. Norman Sabourin [M. Sabourin], a envoyé par la poste la décision du CCM à M. Cosentino, l’informant que la plainte était classée.

[20]  M. Sabourin a noté que la plainte avait été déférée au président du Comité sur la conduite des juges du Conseil et juge en chef associé de la Cour supérieure du Québec, Robert Pidgeon [le juge en chef Pidgeon], qui a conclu que les allégations de partialité et les autres griefs ne révélaient aucune inconduite judiciaire et que les questions visées par la plainte ne relevaient donc pas du mandat du CCM.

[21]  La décision citait la Loi sur les juges, LRC 1985, c J‑1, pour ce qui est du mandat du CCM à l’égard des questions d’inconduite.

[22]  Le CCM a expliqué que les décisions rendues à l’égard d’une requête en récusation, l’évaluation de la preuve et du droit, ainsi que les conclusions de fait et de droit tirées par un juge sont des questions liées au processus décisionnel judiciaire et non à la conduite des juges. Le CCM a conclu que les plaintes de M. Cosentino devaient être examinées dans le cadre d’un processus judiciaire normal au moyen d’un appel.

[23]  Le CCM a fait remarquer que le juge est présumé avoir agi de bonne foi, sauf preuve du contraire. Il a conclu que les allégations de partialité avancées par M. Cosentino s’appuyaient [traduction] « largement sur des hypothèses et des conjectures ou, comme l’a déclaré le juge Daley, sur de simples affirmations non étayées ».

[24]  Le CCM a également noté que M. Cosentino avait cherché à obtenir des renseignements personnels sur le juge Daley en s’adressant au personnel du palais de justice et qu’il avait engagé un détective privé pour qu’il enquête sur lui. Le CCM a jugé que cette conduite soulevait de graves préoccupations quant aux motifs de la plainte et à la crédibilité de M. Cosentino.

[25]  M. Sabourin a déclaré que le juge en chef Pidgeon avait pris note des commentaires formulés par M. Cosentino à l’audience relative à la requête en récusation, y compris le fait qu’il avait menacé de présenter une plainte au CCM si le juge Daley ne se récusait pas, ainsi que de la décision du juge Daley. M. Sabourin a ajouté qu’à la lumière des commentaires intimidants et de la nature conjecturale des allégations, la plainte [traduction] « sembl[ait] avoir été faite dans un but inapproprié et constituer un abus de la procédure relative aux plaintes ».

[26]  Le CCM a conclu que les griefs de M. Cosentino concernant le comportement impoli et insultant et la partialité du juge Daley se rapportaient au processus décisionnel judiciaire, à l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire et au contrôle des débats. Le CCM a expliqué que ces griefs ne justifiaient pas d’examen additionnel étant donné qu’ils n’étaient pas visés par son mandat, ajoutant que le recours approprié consistait à interjeter appel, à condition d’y être autorisé. Il a estimé par ailleurs que les allégations de partialité étaient conjecturales et sans fondement.

[27]  Le CCM a refusé la demande de divulgation de M. Cosentino, notamment en ce qui touchait les renseignements personnels concernant ses membres et d’autres fonctionnaires, et il a noté que les renseignements étaient confidentiels ou non disponibles.

[28]  Le 13 mai 2019, dans une lettre adressée au CCM, M. Cosentino a rejeté les conclusions du CCM, exigé une décision rédigée et signée par le juge en chef Pidgeon lui-même et indiqué qu’il solliciterait un contrôle judiciaire.

[29]  Le 25 juin 2019, M. Cosentino a de nouveau écrit au CCM, affirmant que M. Sabourin n’avait pas le pouvoir de tirer les conclusions qu’il a tirées dans la décision, que le CCM avait irrégulièrement délégué ses pouvoirs et que le CCM avait manqué à son obligation d’enquêter sur sa plainte. M. Cosentino a demandé le nom de chaque membre du CCM ayant participé au dossier; il a demandé de savoir quelle conclusion avait été rendue par chacun d’eux, et il a exigé de recevoir des copies de tous les documents reçus en rapport avec la plainte ainsi que des renseignements sur toutes les communications orales et téléphoniques afférentes auxquelles le CCM et le juge Daley avaient participé.

III.  Les questions en litige

[30]  M. Cosentino soulève dix questions en litige dans le cadre de la présente demande. Il fait notamment valoir que M. Sabourin a agi sans compétence lorsqu’il a classé la plainte au nom du CCM, que le CCM a commis des erreurs de droit et tiré des conclusions de fait déraisonnables et que le CCM a omis d’enquêter sur plusieurs griefs précis.

[31]  Le rôle de la Cour n’est pas de statuer sur le bien‑fondé de la plainte comportant 34 griefs que M. Cosentino a présentée contre le juge Daley devant le CCM, mais plutôt de déterminer si la décision du CCM de rejeter cette plainte est raisonnable. Il n’y a que trois questions à trancher :

  • L’affidavit de M. Cosentino devrait‑il être radié en tout ou en partie au motif qu’il n’est pas conforme à l’article 81 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], et qu’il vise à soumettre à notre Cour des documents qui ne figuraient pas dans le dossier dont disposait le CCM?
  • La décision signée par le directeur exécutif du CCM est‑elle légitime? Autrement dit, le directeur exécutif a‑t‑il agi dans les limites de son pouvoir?
  • La décision du CCM est‑elle raisonnable?

IV.  La norme de contrôle

[32]  M. Cosentino et le défendeur soutiennent que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit tirées par le CCM sont assujetties au contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Singh c Canada (Procureur général), 2015 CF 93 aux para 32‑36 [Singh]; Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11 aux para 37‑60 [Moreau‑Bérubé]).

[33]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada fournit des directives détaillées sur ce qui constitue une décision raisonnable ainsi que sur le contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Une décision raisonnable doit encore avoir pour caractéristiques la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov aux para 99, 100).

[34]  La cour de révision doit d’abord examiner les motifs de la décision avec une attention respectueuse, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des considérations juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov aux para 85, 102, 105‑110).

[35]  Le défendeur laisse entendre que les commentaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Moreau‑Bérubé, selon lesquels les décisions du CCM appellent une grande retenue, continuent de s’appliquer, tout en reconnaissant que dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada n’a pas établi que des décideurs différents avaient droit à des degrés différents de déférence.

[36]  En l’espèce, il n’est pas nécessaire que la Cour détermine s’il est nécessaire de faire preuve d’une grande retenue à l’égard du CCM. Il ne s’agit pas d’un cas limite. Comme je l’explique plus loin, la décision du CCM est raisonnable au sens de l’arrêt Vavilov.

V.  Les observations du demandeur

[37]  M. Cosentino fait valoir que le CCM a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la partialité judiciaire n’est pas une question liée à la conduite des juges, et qu’il a manqué à son obligation d’examiner ses griefs particuliers.

[38]  M. Cosentino soutient que sa plainte de 955 pages, qui comprenait plusieurs pièces et transcriptions, fournit une preuve [traduction] « irréfutable » à l’appui de ses allégations. Il soutient que le CCM n’a pas tenu compte de cette preuve.

[39]  M. Cosentino soutient premièrement que la décision du CCM n’a pas été prise conformément à la Loi sur les juges; il est d’avis que le directeur exécutif du CCM, M. Sabourin, a rendu la décision sans pouvoir légal. M. Cosentino soutient que, même s’il est mentionné que le juge en chef Pidgeon a demandé à M. Sabourin d’envoyer une réponse, la question de savoir qui a pris la décision n’est pas claire. M. Cosentino fait remarquer que le CCM n’a pas répondu à sa demande visant à savoir quelles conclusions avaient été tirées par M. Sabourin et quelles conclusions avaient été tirées par le juge en chef Pidgeon, ni à celle visant à obtenir une décision signée par le juge en chef Pidgeon. Il soutient que l’absence de réponse du CCM étaye son argument portant que c’est M. Sabourin qui a pris la décision.

[40]  Deuxièmement, M. Cosentino affirme que le CCM a fait abstraction de son grief portant que le juge Daley a menti. Il évoque la conférence de gestion de l’instance du 26 février 2018, au cours de laquelle le juge Daley a déclaré qu’il ne pouvait pas fixer la date d’une requête dans les quatre semaines, parce qu’il n’était pas disponible durant les deux dernières semaines de mars. M. Cosentino affirme que l’audition de la requête a été fixée au 28 mars et que le juge Daley l’a instruite à cette date. M. Cosentino renvoie aussi à un échange qui s’est déroulé lors de l’audition de la requête en récusation tenue le 23 mai 2018, au cours duquel le juge Daley a nié avoir été présent le 28 mars précédent. M. Cosentino soutient que les transcriptions des conférences de gestion de l’instance fournissent la preuve de cette fausse déclaration qu’il qualifie de mensongère.

[41]  Troisièmement, M. Cosentino soutient que le CCM n’a pas tenu compte de ses griefs concernant le comportement impoli et insultant du juge Daley. Il évoque les affidavits qui ont été soumis et qui décrivent des incidents particuliers. M. Cosentino fait remarquer que les juges sont tenus d’agir avec courtoisie en application des Principes de déontologie judiciaire du CCM [les Principes de déontologie].

[42]  Quatrièmement, M. Cosentino soutient que le CCM a commis une erreur en concluant que les allégations de partialité ne se rapportaient pas à la conduite du juge. Il note que les Principes de déontologie exigent que les juges agissent avec impartialité.

[43]  Pour établir la partialité, M. Cosentino renvoie à certaines inscriptions du juge Daley ainsi qu’à certains échanges avec lui, notamment : le fait qu’il a refusé d’accepter son mémoire des actes de procédure; sa décision de prendre le contrôle d’une affaire dont était auparavant saisi un autre juge; ses communications non divulguées avec l’avocat d’un défendeur; le fait qu’il a conseillé aux parties de s’adresser à son adjoint administratif pour fixer la date des requêtes et qu’il a ensuite réprimandé M. Cosentino pour avoir agi ainsi; et sa directive portant qu’un fiduciaire testamentaire pouvait être destitué au moyen d’une requête et qu’il n’était pas nécessaire de présenter une demande à cet effet.

[44]  M. Cosentino cite également des extraits des transcriptions à l’appui d’autres allégations particulières, notamment le fait que le juge Daley a exigé qu’il établisse pourquoi sa requête était urgente et qu’il précise le délai de prescription qui s’appliquait, ce qui, selon M. Cosentino, lui a été préjudiciable, ainsi que le fait que le juge Daley lui a imposé un délai injuste pour la présentation de ses documents dans le cadre de la requête en récusation.

[45]  Cinquièmement, M. Cosentino soutient que le CCM a commis une erreur en concluant qu’il n’avait présenté que de [traduction] « simples » allégations de partialité manifeste et que celles-ci reposaient sur des conjectures. Il mentionne avoir déposé plus de 175 documents à l’appui de sa plainte pour établir la partialité manifeste.

VI.  Les observations du défendeur

[46]  Le défendeur fait valoir que l’affidavit de M. Cosentino n’est pas conforme à l’article 81 des Règles et qu’il ne tombe sous le coup d’aucune des exceptions reconnues pour faire admettre des pièces dont ne disposait pas le décideur. Il ajoute que l’affidavit devrait être radié ou écarté et que la Cour ne devrait considérer que le dossier dont disposait le CCM.

[47]  Le défendeur fait remarquer qu’aux termes des Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale [les Procédures d’examen], le directeur exécutif procède à un examen préalable des plaintes reçues. S’il estime qu’un examen additionnel est requis, le président ou le vice‑président peut examiner le dossier et décider ensuite de le classer ou de réclamer des renseignements additionnels.

[48]  Le défendeur soutient que M. Sabourin n’a pas outrepassé son pouvoir lorsqu’il a rendu la décision du CCM, ajoutant que la décision d’écarter une plainte revient au directeur exécutif. De plus, la décision d’écarter la plainte de M. Cosentino a été examinée par un membre du CCM.

[49]  Le défendeur fait valoir que la décision du CCM est raisonnable. Elle repose sur la conclusion selon laquelle les griefs relatifs à l’inconduite et à la partialité peuvent être traités dans le cadre du processus d’appel normal, c’est‑à‑dire en interjetant appel du refus du juge Daley de se récuser. Le défendeur cite l’arrêt Moreau‑Bérubé, où la Cour suprême du Canada a noté qu’une partie de l’expertise des conseils de la magistrature consiste à apprécier la distinction entre les actes contestés des juges qui peuvent être traités au moyen d’un appel et ceux qui menacent l’intégrité de la magistrature dans son ensemble. Ces derniers exigent une intervention du CCM.

[50]  Le défendeur fait valoir que tous les griefs de M. Cosentino concernent des échanges particuliers survenus dans le contexte de la gestion de l’instance par le juge Daley. Il ajoute que toutes ces questions pourraient être traitées au moyen d’un appel.

[51]  Le défendeur soutient par ailleurs que l’allégation de partialité en l’espèce ne constitue pas une inconduite judiciaire. Il fait ressortir la distinction entre la partialité qui entache le processus décisionnel et celle qui transcende l’instance ou les parties, par exemple en cas de discrimination ou de commentaires discriminatoires. La partialité dans le processus décisionnel judiciaire peut être traitée dans le cadre d’un appel dont l’issue aurait des répercussions sur les parties ou la cause particulières. La partialité qui revêt la forme de la discrimination peut faire l’objet d’une enquête pour inconduite judiciaire et aboutirait à une issue différente, qui s’appliquerait uniquement au juge en cause.

VII.  Le processus du CCM à l’égard des plaintes

[52]  Les dispositions pertinentes de la Loi sur les juges, du Règlement administratif du Conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes, DORS/2002‑371 [le Règlement administratif], et des Procédures d’examen du CCM sont reproduites à l’annexe A.

[53]  La mission du CCM, telle qu’elle est énoncée au paragraphe 60(1) de la Loi sur les juges, consiste à améliorer le fonctionnement des juridictions supérieures, ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et à favoriser l’uniformité dans l’administration de la justice devant ces tribunaux. Le paragraphe 60(2) de la Loi sur les juges prévoit que, dans le cadre de sa mission, le CCM a le pouvoir, notamment, de procéder aux enquêtes sur les juges visées à l’article 63.

[54]  La Loi sur les juges prévoit que le CCM mène les enquêtes relatives aux plaintes que lui confie le ministre de la Justice du Canada ou le procureur général (art 63(1)).

[55]  Dans d’autres cas, lorsque la plainte est présentée par une personne autre que le ministre de la Justice du Canada ou le procureur général, le CCM « peut » mener une enquête (art 63(2)).

[56]  La Loi sur les juges prévoit également, à l’alinéa 61(3)c), que le CCM peut, par règlement administratif, régir la procédure relative aux enquêtes visées à l’article 63. Le Règlement administratif est un instrument législatif contraignant.

[57]  Le CCM a également élaboré et publié des politiques et des procédures concernant les enquêtes, y compris les Procédures d’examen.

[58]  Le Règlement administratif et les Procédures d’examen établissent conjointement un processus en plusieurs étapes.

[59]  À la première étape, le directeur exécutif du CCM examine la plainte et décide si l’affaire justifie un examen. Les critères d’examen préalable sont énoncés dans les Procédures d’examen. S’il détermine qu’une affaire justifie un examen, le directeur exécutif la défère au président (ou au vice‑président) du Comité sur la conduite des juges du Conseil. Le président peut rejeter la plainte, en s’appuyant sur les mêmes critères d’examen préalable, ou réclamer des renseignements additionnels. Lorsque des renseignements additionnels sont demandés, comme les observations du juge, le président les examine.

[60]  Si la plainte va de l’avant, les étapes suivantes prévoient la création d’un comité d’examen et possiblement d’un comité d’enquête. Si un comité d’enquête est établi, il rend compte au CCM, qui adresse alors une recommandation au ministre de la Justice.

VIII.  L’affidavit de M. Cosentino et le dossier soumis aux fins de la présente demande

A.  L’affidavit de M. Cosentino

[61]  Dans son affidavit, M. Cosentino affirme qu’il agit à titre personnel. Il décrit ses allégations contre le juge Daley en renvoyant à plusieurs échanges qui se sont déroulés sur une période d’environ trois mois en 2018.

[62]  M. Cosentino affirme notamment : que le juge Daley n’a pas examiné certains arguments précis avancés dans le cadre de la requête en récusation; que la Cour divisionnaire et la Cour d’appel de l’Ontario lui ont refusé l’autorisation d’interjeter appel de la décision du juge Daley afin de protéger ce dernier (mais il note également qu’aucun motif n’a été fourni); que M. Sabourin a rendu la décision au nom du CCM sans pouvoir légal; et que le CCM a manqué à son obligation d’enquêter convenablement sur sa plainte, a omis de tenir compte de la preuve et a rejeté ses allégations de partialité au motif qu’elles étaient conjecturales malgré la preuve de 955 pages qu’il a soumise.

[63]  M. Cosentino affirme également que ses co-plaignants appuient la présente demande, mais qu’ils ont refusé d’y prendre part parce qu’ils sont d’avis que les juges excuseront l’inconduite d’un des leurs.

[64]  M. Cosentino a joint à son affidavit, à titre de pièces, l’ensemble du dossier de plainte de 955 pages ainsi que 3 000 pages supplémentaires qui ne faisaient pas partie du dossier soumis au CCM.

B.  L’exclusion de certaines parties de l’affidavit

[65]  Selon l’article 81 des Règles des Cours fédérales, les affidavits doivent se limiter aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle. Comme la Cour d’appel fédérale l’a noté dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 47 au para 18 [Quadrini], « [...] l’affidavit a pour but de présenter les faits pertinents quant au litige sans commentaires ni explications ». Les allégations formulées dans un affidavit qui sont abusives ou dépourvues de pertinence ou qui renferment des opinions, des arguments ou des conclusions de droit peuvent être radiées ou exclues (Quadrini au para 18; Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 116 au para 37).

[66]  Dans son affidavit, M. Cosentino interprète les faits, réitère les questions visées par la plainte et fait des commentaires conjecturaux, injustifiés et dépourvus de pertinence concernant le refus de la Cour divisionnaire et de la Cour d’appel de l’Ontario de lui accorder l’autorisation d’interjeter appel. Il avance également des arguments présentés comme ses croyances sur des questions évoquées dans son mémoire des faits et du droit et soulevées dans ses observations orales.

[67]  J’ai exclus de l’affidavit de M. Cosentino les affirmations qui constituent des arguments, interprètent les faits et exposent des opinions.

C.  Le dossier

[68]  En règle générale, le dossier de preuve dans une demande de contrôle judiciaire se limite à la preuve dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright)2012 CAF 22 au para 19). Il existe actuellement trois exceptions reconnues à cette règle : les renseignements généraux qui peuvent aider la cour à comprendre les questions pertinentes; la preuve qui vient combler une lacune lorsque le dossier ne contient aucune preuve sur une question; et la preuve qui concerne un manquement à l’équité procédurale entachant le processus décisionnel (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 98).

[69]  M. Cosentino a fait valoir que les documents additionnels figurant au dossier soumis à notre Cour relèvent des exceptions à la règle générale et que la Cour devrait en prendre « connaissance d’office », mais il n’a en fait identifié aucun document qui tomberait sous le coup d’une exception reconnue.

[70]  La Cour ne peut être tenue d’examiner les 3 000 pages supplémentaires à la recherche d’un élément qui pourrait relever d’une exception reconnue au principe selon lequel la Cour examine la décision en s’appuyant sur le dossier dont disposait le décideur. La Cour note que les pièces que M. Cosentino cherche à faire admettre dans le cadre de la présente demande comprennent de la correspondance postérieure à la décision du CCM, les déclarations et les défenses présentées dans plusieurs des actions sous-jacentes, que gère le juge Daley, ainsi que des documents déposés dans le cadre de ces actions. Ces documents ne sont pas pertinents au regard de la décision de la Cour de savoir si le CCM a commis une erreur en rejetant la plainte. De plus, certains des documents additionnels semblent être des doubles de documents figurant au dossier dont disposait le CCM. Le dossier dont disposait le CCM est plus que suffisant pour déterminer si sa décision est raisonnable.

[71]  Sauf quelques rares exceptions, j’ai contrôlé la décision du CCM selon la norme de la décision raisonnable en me fondant sur le dossier de 955 pages dont disposait le CCM. J’ai tenu compte des décisions rendues par la Cour divisionnaire et la Cour d’appel de l’Ontario, qui ont refusé d’accorder à M. Cosentino l’autorisation d’interjeter appel du rejet de la requête en récusation par le juge Daley (qui était postérieur à la décision du CCM), ainsi que de certaines des transcriptions des échanges entre M. Cosentino et le juge Daley (dont certaines pourraient également se trouver dans le dossier dont disposait le CCM).

IX.  La décision est raisonnable

[72]  Le CCM a raisonnablement conclu que les griefs de M. Cosentino se rapportaient au processus décisionnel judiciaire et non à la conduite du juge. Il a traité certains griefs collectivement et d’autres individuellement. Il n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a conclu que les allégations de partialité – dont un grand nombre avaient aussi été soulevées dans la requête en récusation – se rapportaient au processus décisionnel judiciaire et pouvaient faire l’objet d’un appel.

A.  Aucune délégation de pouvoir illicite

[73]  M. Sabourin n’a pas outrepassé son pouvoir en tant que directeur exécutif lorsqu’il a rendu la décision. Il avait le pouvoir de mener un examen préalable et de déterminer que la plainte de M. Cosentino ne justifiait pas d’examen additionnel.

[74]  L’article 4 des Procédures d’examen prévoit que le directeur exécutif doit réviser toute la correspondance qui soulève une plainte afin de décider si elle justifie un examen. Les critères d’examen préalable, énoncés à l’article 5, précisent les affaires qui ne justifient pas un examen, notamment les plaintes qui sont futiles, vexatoires, faites dans un but inapproprié, sont manifestement sans fondement ou constituent un abus de la procédure des plaintes.

[75]  Dans la décision Best c Canada (Procureur général), 2017 CF 1145 aux para 21‑26 [Best], la Cour s’est penchée sur un argument semblable et a conclu qu’il était loisible au CCM de déléguer l’examen préalable des plaintes à son directeur exécutif. Le juge Boswell s’est exprimé ainsi au paragraphe 22 :

[22]  En quatrième et dernier lieu, j’estime que les procédures d’examen du CCM qui attribuent dans leur version actuelle l’examen préalable des plaintes au directeur exécutif sont loin de constituer une délégation illicite ou inopportune des pouvoirs par le CCM. Une formulation fondatrice d’une autorité sous-entendue de déléguer les pouvoirs se trouve dans La Reine c Harrison, [1977] 1 RCS 238, 8 NR 47 [Harrison], dans laquelle la Cour suprême du Canada avait affirmé que : « Bien qu’il existe une règle générale d’interprétation de la loi selon laquelle une personne doit exercer personnellement le pouvoir discrétionnaire doit elle est investie (delegatus non potest delegare) elle peut être modifiée par les termes, la portée ou le but d’un programme administratif donné. Lorsque l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire est confié à un ministre du gouvernement, on peut alors supposer que les mesures nécessaires seront prises par les fonctionnaires responsables du ministère et non par le ministre lui-même.  » (paragraphe 13).

[76]  En l’espèce, M. Sabourin n’a pas écarté la plainte de M. Cosentino à la première étape. Il l’a déférée au juge en chef Pidgeon, qui l’a examinée, a tiré des conclusions et a enjoint à M. Sabourin de rendre la décision. Cette approche est conforme au paragraphe 63(3) de la Loi sur les juges, au paragraphe 2(1) du Règlement administratif et aux Procédures d’examen.

[77]  L’argument de M. Cosentino selon lequel il ne sait pas qui a tiré quelles conclusions fait abstraction du libellé clair de la décision. Au début de la décision, M. Sabourin indique : [traduction] « J’ai transmis votre lettre à l’honorable Robert Pidgeon. [...] Après avoir examiné attentivement votre plainte, le juge en chef Pidgeon m’a enjoint de vous transmettre la présente réponse » [non souligné dans l’original]. Cela indique clairement que la décision dans son ensemble est celle du juge en chef Pidgeon et du CCM.

[78]  D’autres passages précis de la décision mettent l’accent sur le point de vue du juge en chef Pidgeon. Par exemple, M. Sabourin déclare : [traduction] « Le juge en chef Pidgeon estime que votre plainte est sans fondement, qu’elle constitue un abus de la procédure des plaintes et qu’elle ne justifie pas d’examen additionnel ». Il affirme également : [traduction] « Le juge en chef Pidgeon a pris note des commentaires que vous avez formulés à l’audience et qui constituaient des menaces [...] Le juge en chef Pidgeon estime que les commentaires que vous avez faits dans le cadre de cette audience constituent une forte indication de votre opinion du rôle du Conseil et du processus de plainte ».

B.  La décision est raisonnable

[79]  La Loi sur les juges accorde au CCM le pouvoir discrétionnaire de décider d’enquêter ou non sur une plainte qui n’émane ni du ministre de la Justice du Canada ni du procureur général d’une province. Dans l’arrêt Moreau‑Bérubé, la juge Arbour s’est exprimée ainsi, au paragraphe 55 :

55  Bien que le Conseil canadien de la magistrature et les conseils provinciaux de la magistrature reçoivent de nombreuses plaintes contre les juges, il s’agit généralement de questions qui peuvent être réglées de façon satisfaisante dans le cadre du processus d’appel normal. Il est rarement arrivé qu’un juge ait fait dans l’exercice de ses fonctions des commentaires ne pouvant pas être révisés adéquatement par le processus d’appel et ayant nécessité l’intervention d’un conseil de la magistrature [...]

[80]  Une enquête disciplinaire ne doit être entreprise que lorsque la conduite d’un juge donné « menace l’intégrité de la magistrature dans son ensemble » et que « [l]e processus d’appel ne peut pas remédier au préjudice allégué » (Moreau‑Bérubé au para 58).

[81]  Dans la décision Singh, la juge Heneghan a examiné le mandat du CCM tel qu’il est énoncé au paragraphe 60(1) de la Loi sur les juges, qui consiste à améliorer le fonctionnement des juridictions supérieures, ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et à favoriser l’uniformité dans l’administration de la justice. Au paragraphe 51, la juge Heneghan a relevé les raisons pour lesquelles un juge peut être révoqué en vertu du paragraphe 65(2) de la Loi sur les juges :

[51]  À mon avis, il ressort clairement de cette disposition que le mandat du Conseil se limite à l’examen de la conduite répréhensible des juges qui nuit à leur capacité de remplir leurs fonctions. Cette disposition ne confère pas au Conseil le vaste pouvoir d’examiner les décisions des juges.

[82]  M. Cosentino conteste la conclusion du CCM selon laquelle ses griefs se rapportent au processus décisionnel judiciaire plutôt qu’à la conduite du juge Daley. Dans le cas présent, il n’est pas difficile d’établir une distinction entre les questions liées au processus décisionnel judiciaire et les questions liées à la conduite du juge. Comme l’a raisonnablement établi le CCM, tous les griefs se rapportent au processus décisionnel judiciaire.

[83]  Le CCM a souligné que certaines des questions visées par la plainte de M. Cosentino avaient déjà été examinées dans la requête en récusation ou se rapportaient à l’instance assujettie au processus de gestion de l’instance, qui portait sur l’exercice d’un pouvoir judiciaire discrétionnaire et le contrôle des débats dans la salle d’audience. Toutes ces questions relèvent manifestement du processus décisionnel judiciaire. Le CCM n’a pas pour rôle de contrôler les décisions des juges. C’est là le rôle des cours d’appel. Le CCM a raisonnablement conclu que les questions visées par la plainte n’étaient pas liées à une inconduite judiciaire et ne relevaient donc pas de son mandat.

[84]  Le CCM s’est appuyé sur les Principes de déontologie, qui prévoient que les juges doivent écouter le débat en toute impartialité, tout en le contrôlant fermement « pour maintenir un climat de dignité, d’égalité et d’ordre ». Le CCM a donné plusieurs exemples de questions liées au pouvoir discrétionnaire judiciaire dans ce contexte, notamment : le fait de questionner les parties ou les avocats au sujet de leurs arguments ou de leurs documents; le fait de demander des précisions ou des éléments à l’appui des observations; et le fait de mentionner l’existence d’éléments de preuve ou de lois à l’effet contraire. Le CCM a raisonnablement conclu que les éléments de la plainte de M. Cosentino qui concernent l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire aux fins du contrôle des débats dans la salle d’audience n’étaient pas des questions liées à la conduite du juge. Cette conclusion vise plusieurs des griefs de M. Cosentino, par exemple le fait que le juge Daley lui a demandé d’expliquer pourquoi sa requête était urgente et quel était le délai de prescription applicable, l’a réprimandé pour avoir communiqué avec son adjoint administratif et ne lui a accordé qu’une heure pour présenter ses observations relatives à la requête en récusation.

[85]  Contrairement à l’argument de M. Cosentino, selon lequel le CCM n’a pas enquêté sur son allégation voulant que le juge Daley lui ait [traduction] « menti » pour retarder l’instruction de sa requête et lui causer un préjudice en raison de l’expiration éventuelle du délai de prescription, le CCM a en fait répondu à cet argument de deux manières.

[86]  Premièrement, comme je l’ai déjà mentionné, le CCM a conclu que les questions visées par la plainte se rapportaient à des décisions rendues dans le cadre du processus judiciaire, notamment dans la requête en récusation, et qu’elles portaient sur la nécessité de contrôler les débats. Il s’agissait donc de questions liées au processus décisionnel judiciaire.

[87]  Deuxièmement, le CCM a noté que M. Cosentino avait vu un méfait là où il n’y en avait pas : [traduction] « Le juge Daley a fourni des renseignements au sujet d’un conflit allégué, mais vous avez estimé qu’il avait menti et qu’il vous avait caché des renseignements, encore une fois sans preuve à l’appui ». Le CCM a raisonnablement conclu que rien d’établissait que le juge Dayley avait [traduction] « menti ».

[88]  L’allégation de M. Cosentino est fondée sur les commentaires du juge Daley concernant sa disponibilité pour instruire une requête que M. Cosentino qualifiait d’urgente et qui devait selon lui être entendue dans les quatre semaines. La requête a été mise au rôle et instruite quatre semaines et deux jours plus tard, le 28 mars 2018. La transcription sur laquelle s’appuie M. Cosentino n’étaye pas l’allégation selon laquelle le juge Daley lui a [traduction] « menti ». Le dossier démontre que lors d’une audience de gestion de l’instance qui s’est déroulée le 26 février 2018, le juge Daley a déclaré qu’il serait à l’extérieur de la ville [traduction] « les deux dernières semaines de mars ». Il a fourni volontairement des renseignements sur sa disponibilité en réponse à la demande de M. Cosentino. L’expression [traduction] « les deux dernières semaines de mars » peut être interprétée de différentes façons, et les juges doivent assurer le suivi de plusieurs affaires. Comme l’a raisonnablement conclu le CCM, M. Cosentino voit un méfait là où il n’y en a pas. De plus, il semble avoir obtenu ce qu’il voulait : sa requête a été instruire dans les quatre semaines.

[89]  En ce qui concerne le fait que M. Cosentino s’est appuyé sur la transcription de la requête en récusation instruite le 23 mai 2018 pour faire valoir que le juge Daley avait [traduction] « menti », le dossier démontre que le juge Daley a averti M. Cosentino que ses allégations allaient trop loin. L’échange laisse également penser que le commentaire du juge Daley selon lequel un autre juge avait présidé l’audience en mars était attribuable à une certaine confusion au sujet de la requête dont il était question. La preuve n’appuie aucune autre interprétation. Comme l’a raisonnablement conclu le CCM, l’exercice par le juge Daley de son pouvoir discrétionnaire de contrôler les débats dans sa salle d’audience ne relève pas du mandat du CCM.

[90]  Le CCM n’a pas omis de tenir compte des griefs de M. Cosentino concernant le comportement impoli ou insultant du juge Daley. Le CCM a raisonnablement conclu que les griefs en question découlaient de la gestion de l’instance, notamment des décisions sur les requêtes ou de la communication entre les parties, et qu’ils se rapportaient donc au processus décisionnel judiciaire. Cette conclusion répond à l’allégation de M. Cosentino selon laquelle le juge Daley a élevé la voix et l’a réprimandé ainsi que d’autres demandeurs pour avoir communiqué avec son adjoint administratif pour fixer la date de l’audition des requêtes. Le CCM a noté que la communication entre le juge et les parties doit être conforme aux règles applicables, à moins que le juge n’impose d’autres règles dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[91]  M. Cosentino s’appuie sur les Principes de déontologie pour faire valoir que le CCM a commis une erreur en concluant que la plainte ne concernait pas l’inconduite du juge, mais il se fonde sur des passages isolés sans tenir compte de l’ensemble des principes.

[92]  D’entrée de jeu, les Principes de déontologie indiquent que « [l]es Énoncés, Principes et Commentaires se veulent de simples recommandations. L’objectif visé est, d’une part, d’aider les juges à trouver des réponses aux épineuses questions d’ordre déontologique et professionnel auxquels ils sont confrontés, et, d’autre part, d’aider le public à mieux comprendre le rôle des juges. Ils ne constituent pas un code ou une liste de comportements prohibés et ils ne doivent pas être utilisés comme tels. Ils n’énoncent pas de normes définissant l’inconduite judiciaire ».

[93]  En ce qui a trait à l’impartialité, l’énoncé de principe applicable est le suivant : « Les juges doivent être impartiaux et se montrer impartiaux dans leurs décisions et tout au long du processus décisionnel. » L’énoncé de principe mentionne l’impartialité dans la décision et tout au long du processus décisionnel, ce qui constitue en l’espèce, comme l’a estimé le CCM, des questions qui peuvent et devraient être examinées dans le cadre d’un appel.

[94]  Les Principes de déontologie n’appuient pas l’argument de M. Cosentino selon lequel le CCM a commis une erreur en concluant que ses griefs relatifs au comportement impoli ou insultant du juge Daley n’étaient pas des questions liées à la conduite du juge. Le principe pertinent est ainsi libellé : « Tout en agissant résolument et en conduisant les débats avec fermeté et célérité, les juges traitent tous ceux qui sont devant le tribunal avec courtoisie. » Ce principe exprime la nécessité d’établir un équilibre entre le contrôle des débats et la courtoisie. Un examen des transcriptions sur lesquelles M. Cosentino s’est fondé démontre que le juge Daley a dû exercer un contrôle ferme sur des questions à forte charge émotionnelle. Le CCM a raisonnablement conclu que les griefs étaient fondés sur le contrôle des débats par le juge Daley. Encore une fois, il s’agit d’une question liée au processus décisionnel judiciaire.

[95]  Le CCM a aussi raisonnablement conclu que les allégations de partialité soulevées par M. Cosentino ne se rapportaient pas à la conduite du juge. Le CCM a expliqué que les juges peuvent questionner une partie ou un avocat au sujet des arguments présentés ou des documents soumis et qu’ils peuvent demander à ce que les assertions soient étayées, et que toutes ces décisions relèvent de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire judiciaire, de sorte qu’il ne s’agit pas de questions liées à la conduite des juges.

[96]  Le CCM a noté que le juge Daley a examiné les allégations de partialité soulevées dans le cadre de la requête en récusation. Il a expliqué que si M. Cosentino était en désaccord avec la décision, le recours approprié consistait à interjeter appel. Comme je l’ai déjà mentionné, M. Cosentino a par la suite demandé l’autorisation d’interjeter appel, qui lui a été refusée par la Cour divisionnaire et par la Cour d’appel de l’Ontario.

[97]  Le dossier démontre clairement que la preuve de partialité de M. Cosentino porte sur des questions liées au processus décisionnel judiciaire. Par exemple, M. Cosentino reproche au juge Daley d’avoir assumé le contrôle d’une affaire dont un autre juge était saisi. Toutefois, ce n’est pas ce qu’indique le dossier. M. Cosentino a introduit une requête en 2015, à l’issue de laquelle un autre juge a rendu une ordonnance indiquant clairement que celle‑ci demeurera en vigueur jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance, ajoutant que si des questions [traduction] « urgentes » devaient se poser, elles [traduction] « pouvaient » être soumises à ce même juge. La décision du juge Daley statuant sur les questions litigieuses trois ans plus tard et dans le contexte de son rôle de juge chargé de la gestion l’instance relativement à sept affaires connexes est une décision judiciaire, comme l’a raisonnablement conclu le CCM.

[98]  M. Cosentino allègue également la partialité dans le contexte de la conclusion du juge Daley selon laquelle la procédure appropriée pour demander la destitution d’un fiduciaire testamentaire est la requête (la décision ne peut alors pas être portée en appel sans autorisation), plutôt que la demande. Le dossier indique que, peu importe la procédure appropriée, aucune requête ou demande n’a encore été déposée.

[99]  L’argument de M. Cosentino selon lequel les juges ne devraient pas être autorisés à instruire les requêtes en récusation les visant parce qu’ils ne pourraient pas être impartiaux est sans fondement. Toute préoccupation quant à l’impartialité d’un juge saisi d’une requête en récusation peut être examinée dans le cadre d’un appel interjeté à l’égard de la décision rendue.

[100]  Le CCM a également noté que les juges sont présumés avoir agi de bonne foi, sauf preuve du contraire. Le CCM a conclu que les allégations de partialité avancées par M. Cosentino reposaient [traduction] « largement sur des hypothèses et des conjectures ou, comme l’a déclaré le juge Daley, sur de simples affirmations non étayées ». Le CCM a élaboré son raisonnement, notant par exemple que le juge Daley avait fourni une explication concernant une erreur d’écriture, mais que M. Cosentino avait pourtant jugé qu’il y avait eu méfait, complot et obstruction, sans avancer la moindre preuve à l’appui de ses allégations.

[101]  M. Cosentino n’a pas donné suite à son argument portant que le CCM a commis une erreur en refusant de lui transmettre les documents confidentiels qu’il avait demandés, y compris des renseignements sur les membres du CCM et leurs délibérations. La Cour note que M. Cosentino n’a pas présenté de requête au titre du paragraphe 318(2) des Règles. De plus, la jurisprudence a établi que les documents de délibération du CCM sont assujettis au privilège d’intérêt public (Slansky c Canada (Procureur général), 2013 CAF 199 aux para 9, 159).

[102]  En conclusion, la décision du CCM est transparente, justifiée par les faits au dossier et par le droit, et intelligible. Elle explique le mandat législatif et le rôle du CCM, la nature des griefs de M. Cosentino et leur contexte, ainsi que la distinction entre les questions liées au processus décisionnel judiciaire et les questions liées à la conduite des juges. Après avoir examiné les plaintes et la preuve déposées à l’appui, le CCM a raisonnablement conclu que les plaintes n’étaient pas liées à la conduite du juge, qu’elles ne relevaient donc pas du mandat du CCM et que la plainte de M. Cosentino constituait un abus de la procédure des plaintes du CCM.

X.  Dépens

[103]  En règle générale, les dépens sont adjugés à la partie qui a gain de cause.

[104]  Aux termes de l’article 400 des Règles, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de décider si les dépens devraient être adjugés et d’en déterminer le montant. Les facteurs non exhaustifs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles fournissent des directives à la Cour à cet égard (African Cape (Le) c Francosteel Canada Inc., 2003 CAF 119). Les facteurs s’appliquent à toute adjudication de dépens.

[105]  Dans l’arrêt Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25, le juge Rennie a souligné que la Cour avait le pouvoir discrétionnaire d’adjuger les dépens et d’en déterminer le montant. Le juge Rennie a indiqué, au paragraphe 15, que l’adjudication d’une somme globale au titre des dépens doit être justifiée au regard des circonstances de l’affaire et des objectifs qui sous‑tendent l’adjudication des dépens. Il a expliqué, au paragraphe 19 :

[19]  Comme je l’ai mentionné, le juge qui accorde les dépens sous forme de somme globale dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, qui n’est toutefois pas absolu. Je le répète, il ne s’agit pas d’en fixer le montant de façon arbitraire. Le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec circonspection. Les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, la jurisprudence et les objectifs qui sous‑tendent l’adjudication de dépens figurent au nombre des éléments pertinents. L’efficacité dans l’administration de la justice est l’une des valeurs sous‑jacentes à l’adjudication de sommes globales, mais il faut également que les dépens soient prévisibles et cohérents afin que les avocats puissent bien conseiller leurs clients et que ceux‑ci puissent prendre des décisions éclairées quant aux risques associés aux litiges. La capacité de prévoir le montant des dépens influe à la fois sur la capacité des parties de parvenir à un règlement et sur la question de l’accès à la justice.

[106]  La Directive de procédure de la Cour datée du 30 avril 2010 prévoit que les parties doivent être prêtes à aviser la Cour si elles se sont mises d’accord quant à l’octroi ou au montant des dépens; sinon, elles doivent se préparer à présenter des observations sur les dépens avant la fin de l’audience.

[107]  Le défendeur soutient que seule une somme globale devrait être adjugée, sans indiquer le montant réclamé ni soumettre de preuve à l’appui de ce montant.

[108]  Comme le défendeur n’a pas présenté d’observations sur les dépens, j’ai examiné les facteurs pertinents énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, en particulier le fait qu’il a eu gain de cause et que, même si les questions en litige n’étaient pas complexes, le dossier était volumineux et son examen a dû exiger du temps.

[109]  Bien que je sois réticente à choisir un montant au hasard, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire et j’adjugerai au défendeur les dépens s’élevant à 3 000 $ à titre de contribution aux frais engagés pour répondre à la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier T‑877‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Le demandeur versera au défendeur des dépens de 3 000 $.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


ANNEXE A

Loi sur les juges, LRC 1985, c J‑1

Judges Act, RSC 1985, c J‑1

 

Mission du Conseil

Objects of Council

 

60 (1) Le Conseil a pour mission d’améliorer le fonctionnement des juridictions supérieures, ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et de favoriser l’uniformité dans l’administration de la justice devant ces tribunaux.

60 (1) The objects of the Council are to promote efficiency and uniformity, and to improve the quality of judicial service, in superior courts.

 

Pouvoirs

Powers of Council

 

(2) Dans le cadre de sa mission, le Conseil a le pouvoir :

(2) In furtherance of its objects, the Council may

 

a) d’organiser des conférences des juges en chef et juges en chef adjoints;

(a) establish conferences of chief justices and associate chief justices;

 

b) d’organiser des colloques en vue du perfectionnement des juges;

(b) establish seminars for the continuing education of judges;

 

c) de procéder aux enquêtes visées à l’article 63;

(c) make the inquiries and the investigation of complaints or allegations described in section 63; and

 

d) de tenir les enquêtes visées à l’article 69.

(d) make the inquiries described in section 69.

 

Réunions du Conseil

Meetings of Council

 

61 (1) Le Conseil se réunit au moins une fois par an.

61 (1) The Council shall meet at least once a year.

 

Travaux

Work of Council

 

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Conseil détermine la conduite de ses travaux.

(2) Subject to this Act, the work of the Council shall be carried on in such manner as the Council may direct.

 

Règlements administratifs

By-laws

 

(3) Le Conseil peut, par règlement administratif, régir :

(3) The Council may make by-laws

 

a) la convocation de ses réunions;

(a) respecting the calling of meetings of the Council;

 

b) le déroulement de ses réunions, la fixation du quorum, la constitution de comités, ainsi que la délégation de pouvoirs à ceux-ci;

(b) respecting the conduct of business at meetings of the Council, including the fixing of quorums for such meetings, the establishment of committees of the Council and the delegation of duties to any such committees; and

 

c) la procédure relative aux enquêtes visées à l’article 63.

(c) respecting the conduct of inquiries and investigations described in section 63.

 

Nomination du personnel

Employment of counsel and assistants

 

62 Le Conseil peut employer le personnel nécessaire à l’exécution de sa mission et engager des conseillers juridiques pour l’assister dans la tenue des enquêtes visées à l’article 63.

62 The Council may engage the services of such persons as it deems necessary for carrying out its objects and duties, and also the services of counsel to aid and assist the Council in the conduct of any inquiry or investigation described in section 63.

 

Enquêtes obligatoires

Inquiries

 

63 (1) Le Conseil mène les enquêtes que lui confie le ministre ou le procureur général d’une province sur les cas de révocation au sein d’une juridiction supérieure pour tout motif énoncé aux alinéas 65(2)a) à d).

63 (1) The Council shall, at the request of the Minister or the attorney general of a province, commence an inquiry as to whether a judge of a superior court should be removed from office for any of the reasons set out in paragraphs 65(2)(a) to (d).

 

Enquêtes facultatives

Investigations

 

(2) Le Conseil peut en outre enquêter sur toute plainte ou accusation relative à un juge d’une juridiction supérieure.

(2) The Council may investigate any complaint or allegation made in respect of a judge of a superior court.

 

Constitution d’un comité d’enquête

Inquiry Committee

 

(3) Le Conseil peut constituer un comité d’enquête formé d’un ou plusieurs de ses membres, auxquels le ministre peut adjoindre des avocats ayant été membres du barreau d’une province pendant au moins dix ans.

(3) The Council may, for the purpose of conducting an inquiry or investigation under this section, designate one or more of its members who, together with such members, if any, of the bar of a province, having at least ten years standing, as may be designated by the Minister, shall constitute an Inquiry Committee.

 

Règlement administratif du conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes, 2015, DORS/2015-203

Canadian Judicial Council Inquiries and Investigations By-laws, 2015, SOR/2015-203

Constitution du comité d’examen de la conduite judiciaire

Establishment of Judicial Conduct Review Panel

2 (1) Le président ou le vice-président du comité sur la conduite des juges constitué par le Conseil afin d’examiner les plaintes ou accusations relatives à des juges de juridiction supérieure peut, s’il décide qu’à première vue une plainte ou une accusation pourrait s’avérer suffisamment grave pour justifier la révocation d’un juge, constituer un comité d’examen de la conduite judiciaire qui sera chargé de décider s’il y a lieu de constituer un comité d’enquête en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi.

2 (1) The Chairperson or Vice-Chairperson of the Judicial Conduct Committee, established by the Council in order to consider complaints or allegations made in respect of a judge of a superior court may, if they determine that a complaint or allegation on its face might be serious enough to warrant the removal of the judge, establish a Judicial Conduct Review Panel to decide whether an Inquiry Committee should be constituted in accordance with subsection 63(3) of the Act.

Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale

Canadian Judicial Council Procedures for Dealing with Complaints made to the Canadian Judicial Council about Federally Appointed Judges

 

En vigueur le

29 juillet 2015

Effective

29 July 2015

 

2. Administration des procédures relatives aux plaintes

2. Administration of Complaints Process

2.1 Le directeur exécutif est chargé de l’administration du processus concernant les plaintes à l’égard des juges, notamment la réception de celles-ci.

2.1 The Executive Director is responsible for the administration of the judicial complaints process, including the receipt of complaints.

4. Examen préalable par le directeur exécutif

4. Early Screening by Executive Director

4.1 Le directeur exécutif doit réviser toute la correspondance adressée au Conseil qui paraît l’être dans l’intention de déposer une plainte, afin de décider si elle justifie un examen.

4.1 The Executive Director must review all correspondence to the Council that appears intended to make a complaint to determine whether it warrants consideration.

4.2 Le directeur exécutif doit aussi réviser toute autre affaire impliquant la conduite d’un juge d’une cour supérieure qui vient à son attention et paraît justifier un examen.

4.2 The Executive Director may also review any other matter involving the conduct of a superior court judge that comes to the attention of the Executive Director and appears to warrant consideration.

5. Critères d’examen préalable

5. Early Screening Criteria

Aux fins de ces procédures, les affaires suivantes ne justifient pas un examen :

For the purposes of these Procedures, the following matters do not warrant consideration

(a) les plaintes qui sont futiles, vexatoires, faites dans un but inapproprié, sont manifestement sans fondement ou constituent un abus de la procédure des plaintes.

(a) complaints that are trivial, vexatious, made for an improper purpose, are manifestly without substance or constitute an abuse of the complaint process;

(b) Les plaintes qui n’impliquent pas la conduite d’un juge; et

(b) complaints that do not involve conduct; and

(c) Toutes autres plaintes qu’il n’est pas dans l’intérêt public et la juste administration de la justice de considérer.

(c) any other complaints that are not in the public interest and the due administration of justice to consider.

6. Examen par le président

6. Screening by Chairperson

Le président doit réviser une affaire déférée par le directeur exécutif et peut, selon le cas :

The Chairperson must review a matter referred by the Executive Director and may:

a) demander toute information additionnelle du plaignant;

(a) seek additional information from the complainant;

b) demander les observations du juge et celles de son juge en chef ; ou

(b) seek the judge’s comments and those of their chief justice; or

c) rejeter la plainte s’il juge qu’elle ne justifie pas d’examen additionnel.

(c) dismiss the matter if the Chairperson considers that it does not warrant further consideration.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑877‑19

 

INTITULÉ :

SAM COSENTINO c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 août 2020

 

Jugement et motifs :

la juge KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 septembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Sam Cosentino

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Eric Peterson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.