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Date : 20021016

Dossier : T-1451-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1076

Ottawa (Ontario), le 16e jour d'octobre 2002

En présence de :         L'HONORABLE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

                                                                 ÉRIC VERREAULT

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant à faire casser une décision d'un tribunal disciplinaire dans un pénitencier.

LES FAITS


[2]                 Éric Verreault, détenu à l'Établissement Cowansville, est fouillé le 30 avril 2001 par un agent du Service correctionnel du Canada (ci après "SCC"). L'agent du SCC découvre un sachet d'urine caché dans le pantalon du demandeur. Les deux objets sont saisis. Un bordereau est complété et Éric Verreault se voit accusé d'avoir contrevenu à l'article 40j) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, S.C. 1992, ch. 20 (ci-après la "Loi").

[3]                 Le président du tribunal disciplinaire de Cowansville, après audience décide que le demandeur est coupable de l'infraction et lui impose une amende de 40 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]                 Les questions en litige sont les suivantes:

1.         La décision du président est-elle manifestement déraisonnable?

2.         Le président a-t-il erré en droit en omettant d'analyser si la question avait été réglée de façon informelle en vertu de l'article 41 de la Loi?

[5]                 Cette demande de contrôle judiciaire est refusée pour les raisons qui suivent.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[6]                 Le demandeur reconnaît que la fouille est légale et qu'on a retrouvé sur lui dans son pantalon, un sachet contenant de l'urine.

[7]                 Ce qu'il reproche au président du tribunal, c'est d'avoir considéré que l'urine saisie était interdit a contrario de l'article 12 de la directive 090 du Commissaire.


[8]                 Le demandeur soutient aussi qu'il y a un bris dans la chaîne de possession des objets saisis parce qu'on ne lui a pas remis une copie du bordereau de saisie et de ce fait, il ne peut être certain que ce sont ses objets ou les mêmes objets qu'il avait sur lui qui ont été saisis.

[9]                 De plus, Éric Verreault plaide que l'article 41(1) de la Loi n'a pas été suivi et que le président aurait dû s'enquérir si l'agent saisissant avait pris toutes les mesures afin de régler la question de façon informelle.

ANALYSE

[10]            Question 1: La décision du président est-elle manifestement déraisonnable?

Une partie de la décision du président mérite d'être citée concernant ses remarques sur les effets personnels prévu à l'article 12 de la directive 090 du Commissaire:

[...] c'est les événements qui ont été amenés en preuve et la Cour concernant l'objet en question, la Cour, le procureur a remis là, la directive du Commissaire 090, je l'avais indiqué, oui, o.k., et c'est à l'intérieur de cette directive qu'on peut voir la politique générale, veuillez à ce que les autorisations d'effets personnels consenties aux détenus soient équitables, uniformes, administrés efficacement les effets personnels des détenus de manière à assurer la sécurité des personnes de l'établissement. Alors, il y a une responsabilité à l'article 9 qui est prévue dans cette directive, chaque détenu doit accepter par écrit la responsabilité de la bonne garde, de l'utilisation raisonnable, etc. de ses effets personnels; et l'article 11, les effets personnels autorisés, le directeur doit établir en consultation avec la liste des effets personnels qui sont autorisés à avoir et cette liste à l'article 12, on y énumère la liste des effets personnels qui sont autorisés. Alors, quand on regarde cette liste-là, il faut en conclure là que à contrario, si les objets qui ont été l'objet de la saisie ne sont pas sur la liste, c'est qu'ils ne sont pas autorisés, c'est un raisonnement qui a l'avantage d'être simple, qui a l'avantage d'être clair parce que étant dans un pénitencier si le Service correctionnel (inaudible) prend la peine d'énumérer de façon précise les objets qui sont autorisés, il faut nécessairement en conclure à contrario que ce qui est pas sur la liste n'est pas autorisé d'autant plus qu'il est assez clair que l'objet qui a été saisi c'est une fabrication artisanale qui a pour but, pour objectif de contourner un peu le système quant à la prise d'urine. [je souligne]


[11]            Le demandeur s'attaque à cette décision la qualifiant de manifestement déraisonnable car le président a interprété a contrario l'article 12 de la directive 090 du Commissaire.

[12]            Cependant, en analysant cette directive, je remarque l'élément suivant à l'article 2:

2. Administrer efficacement les effets personnels des détenus de manière à assurer la sécurité des personnes et de l'établissement. [je souligne]

[13]            Les articles 9 et 35 de la directive prévoient ce qui suit:

9. Chaque détenu doit accepter, par écrit, la responsabilité de la bonne garde et de l'utilisation raisonnable de ses effets personnels conservés dans sa cellule. De plus chaque détenu doit s'assurer que les relevés de ses effets personnels sont à jour en signalant tout changement à l'agent compétent, y compris les objets d'art et d'artisanat achevés qu'il conserve pour son usage personnel.

[...]

35. Toutes les fouilles des cellules et tous les plans de fouille doivent comporter la vérification des effets personnels contenus dans la cellule du détenu par rapport au relevé de ses effets personnels, à son permis d'artisanat et aux exigences de la présente directive. [je souligne]


[14]            En milieu carcéral et pour des raisons de sécurité, les fouilles sont permises et l'échantillonnage de prélèvement d'urine peut être exigé (articles 54 et 55 de la Loi et l'article 71 du Règlement). Ici, les objets saisis sont le pantalon, le sachet avec l'urine, à l'intérieur du pantalon du détenu comme l'indique le rapport de l'infraction du détenu et l'avis d'accusation. La photo à la page 8 dans le dossier du défendeur montre très bien le pantalon saisi ainsi que le sachet à l'intérieur du pantalon. Éric Verreault a reçu son pantalon deux semaines après l'incident du 30 avril 2001 et il prétend maintenant qu'il ne peut être certain que l'objet qu'on y voit à l'intérieur de son pantalon sur la photo est bien l'objet qu'il avait en sa possession lors de la saisie.

[15]            Il m'est impossible de souscrire à ce raisonnement car je comprendrais mal que l'agent soit dans l'obligation de lui remettre et son pantalon et son sachet avec son urine.

[16]            Quant à l'interprétation a contrario de l'article 12 de la directive 090 du Commissaire, celle-ci importe peu ici, car la conclusion à laquelle en est arrivé le président, soit une « fabrication artisanale qui a pour but, pour objectif de contourner un peu le système quant à la prise d'urine » n'est pas déraisonnable quant à moi. Qu'il s'agisse d'un objet personnel interdit ou d'une modification à des effets personnels, le président a interprété une directive qui est à l'intérieur de sa jurisdiction.

[17]            Le procureur du demandeur fait valoir la cause Laflamme c. Canada (Procureur général) (1998), 154 F.T.R. 178, [1998] A.C.F. no 1029 (C.F. 1re instance) (QL) où le juge Pinard a accueilli une demande pour un contrôle judiciaire. Les faits de cette cause ne sont pas du tout semblables à ceux qui nous sont soumis ici, car dans la cause Laflamme, supra, il s'agissait d'ampoules volées qui avaient été retrouvées chez le détenu. La preuve documentaire était imprécise à cause d'une défectuosité mécanique et de plus, l'enregistrement de l'audition était inaudible. Le détenu avait toujours nié avoir été en possession de ces objets volés.

[18]            En l'espèce, le demandeur admet que la fouille est légale et qu'on a retrouvé sur lui à l'intérieur de son pantalon un sachet d'urine. De plus, la preuve documentaire est complétée par la photo déposée du pantalon et du sachet d'urine.

[19]            Question 2: Le président a-t-il erré en droit en omettant d'analyser si la question avait été réglée de façon informelle en vertu de l'article 41 de la Loi?

Éric Verreault veut faire casser la décision du président car ce dernier n'a pas respecté les dispositions de l'article 41(1) de la Loi en ne faisant pas de pré-enquête pour savoir si l'agent avait pris des dispositions pour tenter de régler la question de façon informelle. L'article 41(1) prévoit:


41. (1) L'agent qui croit, pour des motifs raisonnables, qu'un détenu commet ou a commis une infraction disciplinaire doit, si les circonstances le permettent, prendre toutes les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle. [je souligne]

41. (1) Where a staff member believes on reasonable grounds that an inmate has committed or is committing a disciplinary offence, the staff member shall take all reasonable steps to resolve the matter informally, where possible. [emphasis added]


[20]            La preuve ne me permet pas ici de savoir si le président s'est informé pour savoir si des mesures avaient été prises afin de régler la question de façon informelle car la cassette du procès n'est pas disponible.


[21]            Séance tenante, j'ai informé les procureurs des parties que je venais de rendre une décision (Laplante c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 896), où je considérais dans le même sens que le juge Campbell dans l'arrêt Schimmens c. Canada (Procureur général) (1998), 157 F.T.R. 118, [1998] A.C.F. no 1486, (C.F. 1re instance) (QL), que le président du tribunal devait vérifier si l'agent saisissant était en présence de circonstances lui permettant de prendre des mesures utiles pour un règlement informel.

[22]            Dans la cause Laplante, les deux procureurs en plaidoirie m'avaient confirmé qu'il n'y avait eu aucune tentative de régler la question de façon informelle. Cependant, dans la cause Laplante, le détenu s'obstinait à demeurer en isolement alors qu'ici, il s'agit d'une saisie légale d'un pantalon à l'intérieur duquel on a retrouvé un sachet d'urine.

[23]            J'ai demandé au procureur du demandeur quelles auraient été les mesures utiles que l'agent aurait pu prendre afin de régler la question de façon informelle. Les réponses que j'ai obtenues sont à l'effet qu'on aurait pu sensibiliser le détenu ou lui poser des questions sur son comportement. Il m'est impossible de suivre ce raisonnement.

[24]            Je suis satisfait que les circonstances de cette cause ne permettaient pas à l'agent saisissant de prendre des mesures utiles pour régler la question de façon informelle. En effet, comme l'a souligné le président du tribunal disciplinaire, le sachet en question et l'urine avaient pour but de contourner le système quant à la prise d'urine. L'agent saisissant n'avait pas à sensibiliser ou poser des questions au détenu sur son comportement car je considère que les faits et gestes du détenu n'avaient qu'un seul but, soit celui de déjouer l'échantillonnage d'urine.

  

[25]            Pour tous ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée, le tout sans frais.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée, le tout sans frais.

________________________

Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-1451-01

INTITULÉ :             

ÉRIC VERRAULT

                                                                                                 demandeur

                                                         et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                  défendeur

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              17 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

EN DATE DU :         16 octobre 2002

  

COMPARUTIONS :

Me Daniel Royer                                                  POUR LE DEMANDEUR

Me Éric Lafrenière                                                POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Daniel Royer

Labelle, Boudrault, Côté & Associés                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg


Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                               POUR LE DÉFENDEUR

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