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Date : 20040122

Dossier : IMM-4262-02

Référence : 2004 CF 94

Toronto (Ontario), le 22 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                    CARLOS MASSANJI MIGUEL

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                Le demandeur est un citoyen de l'Angola âgé de vingt et un ans, membre de la tribu Bakongo. Il conteste la décision en date du 29 juillet 2002 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a rejeté sa deuxième demande du statut de réfugié.


[2]                Dans une décision datée du 17 août 1999, un autre tribunal avait rejeté la première demande du statut de réfugié du demandeur, qui était fondée sur sa crainte d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son origine ethnique. Le demandeur a fui l'Angola quelques mois après son dix-huitième anniversaire. Le tribunal n'a pas jugé le demandeur crédible, et il est arrivé à la conclusion que le demandeur n'avait pas prouvé son appartenance à la tribu Bakongo.

[3]                Après le rejet de sa première demande, le demandeur a fait un bref séjour aux États-Unis avant de revenir au Canada pour y présenter une deuxième demande.

[4]                La seule question qui se pose dans la présente affaire est celle de savoir si le tribunal a commis une erreur de droit en omettant d'aborder le sujet de la prétendue crainte du demandeur d'être enrôlé de force (conscrit) par l'armée angolaise s'il devait retourner dans son pays.

[5]                Dans le FRP relatif à sa deuxième demande, le demandeur a énoncé ce qui suit :

Je suis toujours en risque à cause de mon association à ma famille, parce que je suis un Bakongo qui est membre d'un parti d'opposition en temps de guerre civile. Aussi, j'ai toujours évité le service militaire, puisque je suis contre les abus de droits de l'homme du régime. Je pourrais être forcé de faire le service militaire et l'armée envoi [sic] normalement les Bakongos au front pour être tué [sic].

[6]                Dans sa décision, le tribunal a abordé des questions touchant l'interprétation, les demandes présentées par les soeurs du demandeur et l'appartenance de celui-ci à un parti d'opposition. Le tribunal est parvenu à des conclusions défavorables au demandeur sur ces points.

[7]                Pour ce qui est des autres questions, le tribunal a écrit ce qui suit :


En ce qui concerne l'aspect de la revendication fondée sur l'ethnicité Bakongos, le Tribunal ne peut conclure qu'il existe une possibilité sérieuse de persécution pour le revendicateur, du seul fait de son ethnicité. Selon la documentation déposée sous A-2, les Bakongos ont été victimes d'un massacre en 1993, mais de tels incidents ne se sont pas reproduits. On mentionne qu'ils peuvent servir de bouc-émissaire dans certaines situations et faire l'objet d'extorsion. La même documentation fait aussi état d'une possible association du point de vue de l'état [sic] avec l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), groupe rebelle d'opposition au régime en place, mais que ceci n'est pas automatique. Il n'y a pas non plus de preuve qu'il existe une persécution systématique des Bakongos. Ainsi, en raison du fait que la preuve des activités politiques du revendicateur n'est pas crédible, rien dans la preuve ne permet de conclure que le gouvernement actuel associerait le revendicateur à l'UNITA. (Je souligne)

[8]                L'avocate du défendeur ne conteste pas l'énoncé de droit formulé par l'avocat du demandeur, selon lequel le tribunal était tenu d'aborder toutes les questions importantes qui ont été soulevées par le demandeur, y compris sa crainte d'être enrôlé.

[9]                Elle soutient que c'est l'origine ethnique du demandeur qui explique sa crainte du service militaire et non pas le fait qu'il soit un objecteur de conscience. Elle souligne que le tribunal s'est penché sur la question de l'origine ethnique du demandeur et qu'il a conclu, en se fondant sur la preuve documentaire, que le simple fait de prouver qu'il appartenait à la tribu Bakongo n'était pas suffisant pour démontrer que le demandeur craignait avec raison d'être persécuté. L'avocat du demandeur n'a pas contesté cette assertion.

[10]            L'avocate du défendeur a fait valoir que la preuve documentaire ne démontrait pas que les membres de la tribu Bakongo étaient la cible d'une campagne d'enrôlement forcé du gouvernement, et qu'elle n'appuyait pas l'allégation du demandeur selon laquelle les membres de sa tribu étaient envoyés aux premières lignes.

[11]            Elle a ajouté que le demandeur n'avait pas témoigné au sujet de cette question, et que l'avocat du demandeur n'avait pas approfondi celle-ci, même s'il l'avait brièvement évoquée devant le tribunal.

[12]            Elle a attiré mon attention sur un extrait de la transcription (page 547) dans lequel le demandeur répondait à une question concernant le traitement qui, à son avis, lui serait réservé s'il devait retourner en Angola, compte tenu de son appartenance à la tribu Bakongo. Le demandeur n'avait pas mentionné le service militaire dans sa réponse.

[13]            L'avocat du demandeur a affirmé que l'avocate de la partie adverse essayait de récrire les motifs du tribunal, et que l'appartenance du demandeur à la tribu Bakongo n'était pas à l'origine de sa crainte du service militaire. Le service militaire est obligatoire pour tout le monde. Le demandeur a refusé de faire son service militaire en raison des abus commis par l'armée angolaise. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les membres de la tribu Bakongo sont envoyés aux premières lignes, l'avocat du demandeur a affirmé que le tribunal n'a pas du tout abordé cet aspect de l'affaire.

[14]            J'admets également l'argument de l'avocat du demandeur selon lequel le FRP de celui-ci faisait clairement ressortir la question en litige et que, afin de faciliter le travail du tribunal, on n'y avait abordé que les questions à l'égard desquelles le tribunal avait exprimé un intérêt.

[15]            Il a reconnu que, strictement parlant, il n'aurait pas dû mentionner dans son mémoire que la demande du demandeur était une revendication sur place, mais il a affirmé que ceci n'avait aucune incidence sur son argumentation. J'en conviens, et je ne tiendrai compte que des arguments qu'il a présentés au tribunal et qu'on retrouve à la page 569 de la transcription.

[16]            En somme, l'avocat du demandeur conclut que le tribunal a omis d'aborder la question de la crainte du service militaire éprouvée par son client.

[17]            Je ne suis pas disposé à accepter l'argument de l'avocate du défendeur selon lequel la présente affaire ressemble à l'affaire Nthoubanza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1848, dans laquelle le juge Denault a dit qu'un tribunal n'était pas tenu d'aborder chacune des questions de fait ni d'analyser tous les éléments de preuve l'un après l'autre.

[18]            Le demandeur a soulevé la question de sa crainte du service militaire. Selon le Guide du HCNUR, la nécessité d'accomplir le service militaire peut être la seule raison invoquée à l'appui d'une demande du statut de réfugié dans les cas où elle est liée à des motifs prévus dans la Convention. Le tribunal était tenu d'aborder cette question mais il a omis de le faire.


                                        ORDONNANCE

                                                     

LA COUR ORDONNE que :

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal est annulée, et la demande du demandeur est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il procède à un nouvel examen. Aucune question n'a été proposée aux fins de certification.

      « François Lemieux »     

      Juge                   

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       IMM-4262-02

STYLE OF CAUSE:         CARLOS MASSANJI MIGUEL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 20 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :    LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :     LE 22 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Raoul Boulakia                   POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul Boulakia                    POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

                                                     

Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040122

Dossier : IMM-4262-02

ENTRE :

CARLOS MASSANJI MIGUEL

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                      

                                                           


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