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Date : 20200928


Dossier : IMM‑2361‑19

Référence : 2020 CF 934

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2020

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

RAJVEER SINGH GILL

HARPREET KAUR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire en vue d’annuler la décision par laquelle un agent des visas [l’agent principal] a refusé la demande de visa de résident temporaire et de permis de travail ouvert pour le Canada de M. Gill au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires [le permis de travail pour le conjoint] de manière à ce qu’il puisse accompagner Mme Kaur au Canada au titre d’un permis d’étude. La demande a été refusée au motif que M. Gill n’était pas un « époux », car leur mariage avait été conclu de mauvaise foi aux termes du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, et il avait fait une présentation erronée sur des faits importants dans sa demande.

[2]  Les demandeurs font valoir que l’agent principal n’a pas respecté les principes de l’équité procédurale et que, quoi qu’il en soit, sa décision était déraisonnable. D’après les demandeurs, l’agent principal a contrevenu à l’équité procédurale parce que (1) M. Gill s’est vu refuser le recours aux services d’un interprète durant sa première entrevue; (2) l’agent des visas qui a effectué sa deuxième entrevue s’est fondé sur les conclusions précédentes de l’agent des visas, sans fournir à M. Gill la possibilité de répondre; et (3) l’agent des visas qui a effectué la deuxième entrevue n’a pas examiné les documents supplémentaires que M. Gill avait apportés à sa deuxième entrevue.

[3]  Pour les motifs exposés ci‑après, la demande sera accueillie.

II.  Faits

[4]  Les demandeurs sont citoyens de l’Inde, de l’État du Pendjab.

[5]  Le 15 janvier 2018, le père de Mme Kaur et un ami du père de M. Gill, qui a agi comme entremetteur, ont rencontré M. Gill et sa famille à leur domicile afin de discuter des perspectives que M. Gill épouse Mme Kaur. Il semblerait que le père de M. Gill ait mentionné à son ami quelque temps avant la rencontre qu’ils recherchaient une épouse pour leur seul enfant, le jeune M. Gill. L’entremetteur connaissait les deux familles.

[6]  Une semaine plus tard, M. Gill, accompagné de ses parents et de sa grand‑mère, est allé chez Mme Kaur afin de rencontrer sa famille. Quelques jours plus tard, la tante et l’oncle de M. Gill se sont rendus au domicile de Mme Kaur. L’union a été acceptée, et M. Gill et Mme Kaur se sont fiancés dans un restaurant de la ville de Kot Kapura, dans l’État du Pendjab, le 4 février 2018; ils ne se connaissaient pas avant que leurs familles se rencontrent et confirment leurs fiançailles.

[7]  Mme Kaur était enseignante dans son village et elle avait présenté quelque temps auparavant une demande afin de venir étudier au Canada. Elle a été acceptée au collège Fleming [le Fleming College], situé à Peterborough, en Ontario, le 2 décembre 2017, et elle avait demandé un visa d’étudiant afin de pouvoir venir au Canada en janvier 2018.

[8]  Les membres du couple se sont mariés le 27 mars 2018, et en avril 2018, Mme Kaur est partie pour le Canada afin de commencer ses cours au Fleming College le mois suivant.

III.  Processus d’entrevue

[9]  Le 19 juin 2018, M. Gill a demandé un permis de travail pour le conjoint pour le Canada de manière à pouvoir rejoindre son épouse. Il était prévu que M. Gill travaillerait avec le frère de Mme Kaur, qui se trouvait déjà au Canada grâce à un permis d’études. Les notes versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] révèlent que l’agent des visas ayant initialement examiné la demande de M. Gill a soulevé quelques préoccupations concernant l’authenticité de son mariage avec Mme Kaur. M. Gill a été convoqué à une entrevue.

A.  La première entrevue

[10]  Le 14 novembre 2018, M. Gill s’est présenté à l’entrevue au bureau des visas de New Delhi. L’entrevue s’est déroulée en anglais. Mme Kaur n’y a pas assisté, et M. Gill n’était pas accompagné par un interprète. Lorsque l’agent des visas [le premier agent des visas] lui a demandé s’il le comprenait, M. Gill a répondu qu’il préférerait recourir aux services d’un interprète. Selon les notes versées dans le SMGC, il semble qu’on ait fait appel à quelqu’un du bureau des visas afin d’agir comme interprète; toutefois, dans son affidavit à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Gill a affirmé qu’aucun service d’interprète ne lui a été fourni, nonobstant les notes du SMGC à l’effet contraire; aucun affidavit n’a été fourni par le premier agent des visas pour appuyer l’entrée consignée dans le SMGC selon laquelle les services d’un interprète ont bel et bien été fournis à M. Gill. Je trouve cela troublant.

[11]  D’après les notes du premier agent des visas, il est manifeste que celui‑ci avait de sérieuses réserves quant à l’authenticité du mariage, tout particulièrement en raison du caractère précipité du mariage et du moment auquel celui‑ci avait eu lieu par rapport à la délivrance du permis d’études de Mme Kaur.

[12]  Le premier agent des visas a notamment conclu que M. Gill ne connaissait pas suffisamment les antécédents et l’historique de Mme Kaur, y compris ses études et son travail avant le mariage, et qu’il ne connaissait même pas le nom du collège que Mme Kaur fréquentait au Canada. De plus, le premier agent des visas a conclu que les photographies du mariage (1) n’appuyaient pas l’affirmation de M. Gill quant au nombre de personnes qui avaient assisté au mariage; (2) donnaient l’impression d’avoir été mises en scène; et (3) n’illustraient pas une occasion joyeuse – les personnes photographiées semblaient mécontentes et fâchées alors qu’il aurait dû s’agir d’un événement très heureux.

[13]  Enfin, le premier agent des visas était d’avis que la famille de Mme Kaur ne semblait pas accorder beaucoup d’importance au mariage, car le seul frère de Mme Kaur, qui étudiait au Canada, n’y avait pas assisté, ce qui était inhabituel d’un point de vue culturel, étant donné qu’il s’agissait du premier mariage de M. Gill et de Mme Kaur. D’après M. Gill, le frère de Mme Kaur n’a pas pu se libérer pour assister au mariage à cause de ses études au Canada.

[14]  Au bout du compte, le premier agent des visas a informé M. Gill de ses préoccupations concernant l’authenticité du mariage et des conséquences de fausses déclarations au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Dans ses notes finales versées au SMGC, le premier agent des visas a inclus la mention suivante : [traduction] « D’après les renseignements dont je dispose, selon la prépondérance des probabilités, ce mariage ne semble pas authentique. Il a conclu le mariage afin d’obtenir l’admission au Canada à titre d’époux (renvoi à l’art 4 du Règlement) ».

[15]  Dans l’affidavit qu’il a déposé à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Gill a affirmé que, à la conclusion de la première entrevue, il avait exprimé son mécontentement à l’égard du processus, en raison du fait qu’il n’avait pas été avisé à l’avance de l’absence de services d’interprétation et du fait que l’entrevue s’était déroulée en anglais, même s’il avait expressément fait savoir qu’il aurait préféré les services d’un interprète.

[16]  Je devrais mentionner que la lettre de convocation à la première entrevue de M. Gill ne contenait pas la note figurant souvent dans de tels documents, à savoir qu’il incombe au demandeur de fournir un interprète.

[17]  Quoi qu’il en soit, M. Gill a été convoqué à une deuxième entrevue.

B.  La deuxième entrevue

[18]  Le 27 novembre 2018, M. Gill s’est présenté à une deuxième entrevue devant un autre agent des visas. Il était accompagné d’un interprète dont il a retenu les services à ses propres frais. M. Gill était mieux préparé pour répondre aux questions concernant l’endroit où Mme Kaur étudiait au Canada et le domaine d’étude de cette dernière. Comme lors de la première entrevue, M. Gill a expliqué comment le mariage avec Mme Kaur avait été arrangé par l’ami de son père, en tant qu’entremetteur, et il a été en mesure de fournir plus de détails au sujet de l’expérience de Mme Kaur au Canada.

[19]  Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer le caractère précipité de la cérémonie de mariage – d’après le deuxième agent des visas, seulement deux semaines après l’approbation du permis d’études de Mme Kaur – M. Gill a expliqué que sa mère était malade et qu’elle avait été admise à l’hôpital; c’est son état de santé qui a orienté la décision relative au moment des fiançailles et du mariage.

[20]  M. Gill a confirmé qu’il savait avant leurs fiançailles que Mme Kaur avait demandé un visa afin de venir au Canada en janvier et il a affirmé que Mme Kaur tenait absolument à venir au Canada, indépendamment du mariage. Peu lui importait qu’il se fiance avec une personne qui prévoyait de quitter l’Inde pour étudier au Canada, et il a en fait payé ses droits de scolarité et certaines de ses dépenses en préparation de son voyage.

[21]  Pour conclure, le deuxième agent des visas a consigné ceci au SMGC : [traduction] « Je souscris à l’évaluation précédente de l’agent » et il a répété la conclusion du premier agent des visas selon laquelle les photographies n’appuyaient pas l’affirmation de M. Gill, soit que [traduction] « tout le monde avait assisté au mariage » et que le mariage ne semblait pas être une célébration heureuse, le couple et les invités paraissant mécontents et fâchés. De plus, le deuxième agent des visas a conclu que M. Gill ne semblait pas connaître son épouse et que ce dernier avait fourni des réponses insatisfaisantes pour expliquer l’organisation du mariage.

[22]  Le deuxième agent des visas a conclu en disant ceci :

[traduction]

Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables de croire que l’arrangement, les fiançailles et le mariage étaient tributaires de l’approbation d’un permis d’études. Selon la prépondérance des probabilités, le mariage ne semble pas authentique. J’ai des préoccupations raisonnables à l’égard du fait que le client a conclu le mariage afin d’obtenir l’admission au Canada en tant qu’époux, aux termes de l’art 4 du Règlement.

[23]  Le 2 janvier 2019, une lettre relative à l’équité procédurale a été délivrée; elle informait M. Gill de préoccupations liées à l’authenticité de sa relation et de son interdiction de territoire possible au Canada pour fausses déclarations. La lettre mentionnait notamment ce qui suit :

[traduction]

Après examen de votre demande et deux entrevues, j’ai des motifs raisonnables de croire que votre relation n’est pas authentique et qu’elle visait principalement à vous permettre d’entrer au Canada. Étant donné que c’est un aspect fondamental de la raison pour laquelle vous iriez au Canada en tant que travailleur, je me préoccupe du fait que ces fausses déclarations ont entraîné une erreur dans l’application de la Loi.

[24]  En guise de réponse, M. Gill a fourni de nombreuses photographies supplémentaires des époux ensemble, ainsi que de nombreux reçus de restaurants, d’hôtels et de lieux qu’ils ont visités ensemble.

C.  La lettre de refus

[25]  Le 5 février 2019, l’agent principal a refusé la demande pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]

  • Je ne suis pas convaincu que vous avez répondu véridiquement à toutes les questions qui vous ont été posées.

  • Il a été conclu que vous êtes interdit de territoire au Canada conformément à l’alinéa 40(1)a) de la [Loi] parce que vous avez fait directement ou indirectement une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [Loi]. Conformément à l’alinéa 40(2)a), l’interdiction de territoire au Canada court pour les cinq ans suivant la date de la présente lettre ou suivant la date de l’exécution d’une mesure de renvoi précédente.

[26]  Dans les notes qu’il a consignées au SMGC, l’agent principal a mentionné qu’il avait examiné la demande, les documents à l’appui, les notes sur la demande et les renseignements recueillis à l’entrevue. Aucune mention n’a été faite des documents soumis par M. Gill suivant la délivrance de la lettre relative à l’équité procédurale.

[27]  Dans les notes qu’il a consignées dans le SMGC, l’agent principal mentionne aussi que M. Gill :

[traduction]

[...] a fourni des explications ou des renseignements insuffisants concernant l’évolution de leur relation, le mariage, le temps qu’ils ont passé ensemble après le mariage et leurs arrangements de vie actuels pour appuyer l’authenticité de leur mariage. De plus, les explications et la preuve fournie par le demandeur en ce qui concerne la communication continue entre les époux avant et après le mariage sont insuffisantes [...] À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’a pas fourni d’explications ou d’éléments de preuve suffisants pour confirmer que la relation conjugale est authentique ou qu’elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

[28]  L’agent principal a en outre souligné que, s’il avait prêté foi aux allégations de M. Gill selon lesquelles le mariage était authentique, il aurait pu se produire une erreur dans l’application de la Loi; par conséquent, l’agent principal a déclaré le demandeur interdit de territoire pour fausses déclarations.

IV.  Questions en litige

[29]  Les parties ont soulevé trois questions que je dois trancher :

  • Premièrement, les questions relatives à l’équité procédurale :

  • a) Le deuxième agent des visas s’est‑il fondé sur les conclusions du premier agent des visas sans fournir au demandeur la possibilité de répondre, contrevenant ainsi à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur?

  • b) Les questions liées à l’interprétation durant la première entrevue constituent‑elles une contravention de l’équité procédurale?

  • c) Y a‑t‑il eu contravention de l’équité procédurale parce que les agents des visas n’ont pas examiné les documents supplémentaires fournis par le demandeur et ne lui ont pas fourni la possibilité de répondre?

  • Deuxièmement, l’agent principal a‑t‑il raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas respecté les critères concernant la délivrance d’un visa de résident temporaire?

  • Troisièmement, l’agent principal a‑t‑il raisonnablement conclu que le demandeur avait fait une présentation erronée sur son mariage en disant qu’il était authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un avantage en matière d’immigration?

V.  Norme de contrôle

[30]  En ce qui a trait au bien‑fondé de la décision de l’agent principal, surtout en ce qui concerne l’authenticité du mariage et le fait de savoir s’il visait l’acquisition d’un statut sous le régime de la Loi, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 23 [Vavilov]; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 401, au para 14; Rahman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 793, au para 6; Glen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 488, au para 43).

[31]  Selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit « s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat [...] [et] décider du caractère raisonnable de la décision [...] – ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » (Vavilov, au para 83) pour établir si la décision « [est] fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Les motifs écrits du décideur doivent être interprétés de façon globale et contextuelle (Vavilov, au para 97).

[32]  En ce qui concerne les questions liées à l’équité procédurale, même si la norme de contrôle est « “particulièrement bien reflété[e] dans la norme de la décision correcte” [...], à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée ». Une cour doit simplement se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » et « si un processus juste et équitable a été suivi » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au para 54).

VI.  Dispositions applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] :

Fausses déclarations

Misrepresentation

40(1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants : a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

40(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[...]

 

. . .

Application

Application

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(2) The following provisions govern subsection (1):

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced;

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 :

Mauvaise foi

 

Bad faith

4(1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

b) n’est pas authentique.

4(1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common‑law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common‑law partnership or conjugal partnership:

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

(b) is not genuine.

VII.  Analyse

[33]  Je n’ai pas besoin d’examiner la première et la troisième question, puisque je conclus que la décision de l’agent principal était déraisonnable.

[34]  Il ne fait aucun doute que, conformément à l’article 11 de la Loi, il incombait à M. Gill de convaincre l’agent des visas, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’était pas interdit de territoire au Canada.

[35]  M. Gill soutient que l’agent principal a simplement affirmé dans sa décision que la preuve était [traduction] « insuffisante »; pourtant, il n’a pas expliqué à quels éléments de preuve il faisait allusion. De plus, M. Gill affirme que l’agent principal a conclu que son mariage n’était pas authentique sans mentionner les facteurs examinés pour parvenir à cette conclusion ni pourquoi les éléments de preuve ont été jugés insuffisants. Par conséquent, M. Gill soutient que la décision présente des lacunes sur les plans de l’intelligibilité, de la transparence et de la justification.

[36]  M. Gill fait aussi valoir que la décision de rejeter sa demande est également déraisonnable, parce que l’agent principal a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents, en particulier les réponses fournies durant la deuxième entrevue ainsi que les documents produits en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. M. Gill soutient qu’aucun de ces renseignements n’a été abordé dans les motifs de la décision, même s’ils contredisaient les conclusions de l’agent principal, et que l’agent principal n’a pas non plus expliqué comment l’ensemble des éléments de preuve que M. Gill avait présentés étaient [traduction] « lacunaires » d’une façon ou d’une autre.

[37]  Je suis d’accord avec M. Gill.

[38]  Je dois d’abord dire que, en plus de la note inexpliquée consignée au SMGC dans le contexte de la première entrevue qui concerne le recours aux services d’un interprète pour M. Gill, je juge aussi troublant que le dossier certifié du tribunal ne contienne ni les documents que M. Gill a apportés à sa deuxième entrevue ni ceux qui ont été fournis au bureau des visas à New Delhi en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, des documents qui m’ont été présentés par l’intermédiaire de l’affidavit de M. Gill. Le ministre n’a pas abordé cette question dans ses observations et n’a pas contesté de tels éléments de preuve, lesquels sont inclus dans le dossier de demande de M. Gill, mais pas dans le dossier certifié du tribunal.

[39]  Sans aucun doute, il faut présumer que le décideur a soupesé et considéré toute la preuve qui lui a été présentée, à moins que l’on fasse la preuve du contraire (Boulos c Canada (Alliance de la fonction publique), 2012 CAF 193, [2012] ACF no 832 (QL), au para 11, citant Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] ACF no 598 (QL), au para 1). Le défaut de faire référence à un élément de preuve donné ne justifiera pas, en général, une conclusion selon laquelle le décideur a pris la décision sans tenir compte de la preuve.

[40]  Toutefois, un décideur doit à tout le moins traiter des éléments de preuve pertinents qui contredisent directement ses conclusions. Comme je l’ai affirmé dans la décision Sbayti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1296, au paragraphe 60, lorsqu’« il y a une question fondamentale au cœur de l’affaire, il convient de renvoyer à tout document crédible qui concerne directement l’affaire ». La cour peut inférer qu’un décideur a tiré la conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait du fait qu’il n’a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui se rapportaient à la conclusion et qui suggéraient une issue différente (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF), [1998] ACF no 1425 (QL), au para 15; Begum c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 409, [2018] 1 RCF 3, au para 81).

[41]  En l’espèce, après avoir [traduction] « examiné la demande, les documents à l’appui, les notes sur la demande et les renseignements recueillis à l’entrevue », l’agent principal a conclu que M. Gill avait fourni [traduction] « des explications ou des renseignements insuffisants concernant l’évolution de leur relation, le mariage, le temps qu’ils ont passé ensemble après le mariage et leurs arrangements de vie actuels pour appuyer l’authenticité de leur mariage ».

[42]  Je reconnais qu’il n’était pas nécessaire que l’agent principal répète les explications exposées par les agents des visas précédents dans les notes que ces derniers avaient consignées au SMGC; cependant, partant de l’idée que l’agent principal s’est fondé sur ces notes précédentes pour parvenir à ses conclusions, j’estime que les motifs exprimés dans ces notes étaient lacunaires et qu’ils n’ont pas examiné des éléments de preuve clairs qui pouvaient contredire les conclusions.

[43]  Le fait que M. Gill se soit vu accorder deux entrevues complique un peu les choses. Mettons pour le moment de côté la question de l’équité procédurale qui est soulevée à l’égard des services d’interprétation durant la première entrevue; s’il avait été décidé de refuser la demande de M. Gill à la suite de la première entrevue, cette décision aurait bien pu être raisonnable. M. Gill a affirmé qu’il n’était pas préparé pour cette première entrevue, ce que le caractère inadéquat de ses réponses laisse entrevoir clairement.

[44]  M. Gill ne connaissait pas le nom de l’école que Mme Kaur fréquentait ni la nature des cours qu’elle suivait. Il a aussi affirmé que Mme Kaur ne travaillait pas avant leur mariage, alors que, en réalité, elle avait bel et bien travaillé en Inde, comme enseignante. Il n’a pas non plus pu fournir de détails au sujet des études précédentes de Mme Kaur. Le premier agent des visas a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour soutenir la prétention selon laquelle de 100 à 120 personnes avaient assisté au mariage, que les photographies du mariage fournies par M. Gill ne reflétaient pas ce qui aurait dû être une occasion très heureuse et qu’il était inhabituel, du point de vue culturel, que le frère de Mme Kaur ne se rende pas en Inde pour assister au mariage.

[45]  Au final, le premier agent des visas a conclu que M. Gill n’avait pas produit une preuve documentaire suffisante pour le convaincre qu’il y avait eu une communication continue et soutenue importante entre M. Gill et Mme Kaur et que, selon la prépondérance des probabilités, le mariage ne semblait pas être authentique.

[46]  En raison de ce qui semblerait être une préoccupation concernant le caractère adéquat des services d’interprétation durant sa première entrevue, M. Gill s’est vu offrir une deuxième entrevue. Il a apporté des documents supplémentaires pour répondre aux préoccupations exprimées par le premier agent des visas, en plus d’amener son propre interprète. D’après ses réponses, il est clair que M. Gill était mieux préparé pour répondre aux questions liées à l’historique, aux études et aux antécédents de travail de Mme Kaur, ainsi qu’à sa vie depuis son arrivée au Canada.

[47]  La question préliminaire du deuxième agent des visas a permis à M. Gill d’expliquer que, durant sa première entrevue, le premier agent des visas avait parlé en anglais et qu’il estimait qu’il n’avait peut‑être pas été bien compris. Le deuxième agent des visas s’est fait un devoir de mentionner précisément dans ses notes que M. Gill avait répondu à une question avant que l’interprète ne livre son interprétation de la question, ce qui a amené le deuxième agent des visas à conclure que M. Gill [traduction] « avait clairement compris la question en anglais ». Je ne sais pas pourquoi ce commentaire du deuxième agent des visas serait même pertinent, car il se peut très bien que les compétences linguistiques de M. Gill en anglais ne soient que limitées.

[48]  Quoi qu’il en soit, les questions du deuxième agent des visas ont porté principalement sur les raisons et le moment du mariage, les personnes présentes au mariage ainsi que les expériences et les conditions de vie de Mme Kaur au Canada.

[49]  Le cœur de la préoccupation a ensuite été évoqué : vu le moment où les événements se sont déroulés, la demande de visa d’études de Mme Kaur ayant été faite en janvier, les fiançailles ayant été célébrées en février, le permis d’études de Mme Kaur ayant supposément été délivré le 15 mars et le mariage ayant eu lieu le 27 mars, le deuxième agent des visas a affirmé de façon directe à M. Gill qu’il semblait que le mariage dépendait de l’obtention par Mme Kaur de son permis d’études.

[50]  M. Gill a nié ce que le deuxième agent des visas laissait entendre et expliqué que Mme Kaur tenait absolument à étudier au Canada bien avant les fiançailles. De fait, la preuve comprend la lettre d’acceptation que Mme Kaur a reçue du Fleming College; cette lettre est datée du 2 décembre 2017, soit près d’un mois et demi avant que M. Gill et Mme Kaur se rencontrent pour la première fois. Aucun des agents des visas n’a fait mention de cette lettre dans les notes qu’ils ont consignées au SMGC.

[51]  M. Gill a aussi expliqué que, après avoir découvert les projets d’études au Canada de Mme Kaur, il n’avait pas de problèmes avec le fait d’épouser une femme qui prévoyait étudier à l’étranger durant les deux premières années de leur mariage. Pour ce qui est de la précipitation avec laquelle les événements se sont produits, M. Gill a expliqué au deuxième agent des visas que le mariage était nécessaire, parce que sa mère avait des problèmes de santé et n’allait pas bien, et que, de fait, il avait soumis des éléments de preuve médicaux attestant de l’hospitalisation de cette dernière.

[52]  Au bout du compte, le deuxième agent a consigné les notes suivantes au SMGC :

[traduction]

Je souscris à l’évaluation de l’agent précédent. – Le client affirme que tout le monde a assisté au mariage; toutefois, la documentation montre autre chose. Le mariage ne semblait pas être une célébration heureuse, car le couple et les invités semblaient mécontents ou fâchés. – Le client ne semble pas connaître son épouse. – Réponse insatisfaisante concernant l’arrangement du mariage. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables de croire que l’arrangement, les fiançailles et le mariage étaient tributaires de l’approbation d’un permis d’études. Selon la prépondérance des probabilités, le mariage ne semble pas authentique. J’ai des préoccupations raisonnables à l’égard du fait que le client a conclu le mariage afin d’obtenir l’admission au Canada à titre d’époux conformément à l’art 4 du Règlement.

[Non souligné dans l’original.]

[53]  Mettons de côté la conclusion selon laquelle les photographies du mariage n’appuyaient pas l’affirmation de M. Gill voulant que plus d’une centaine de personnes avaient assisté au mariage ou que c’était une occasion heureuse (des préoccupations que le deuxième agent des visas n’a pas mentionnées durant l’entrevue afin de permettre à M. Gill d’en parler); je ne vois pas d’après les notes du SMGC comment le deuxième agent des visas est arrivé à la conclusion que M. Gill [traduction] « ne semble pas connaître son épouse ».

[54]  Je reconnais qu’une telle conclusion puisse avoir été raisonnable après la première entrevue (écartons l’idée qu’il s’agissait d’un mariage arrangé en premier lieu), mais durant la deuxième entrevue, les réponses aux questions semblaient beaucoup plus complètes. Le deuxième agent des visas n’a pas relevé que M. Gill avait donné des réponses superficielles, évasives, incomplètes ou inexactes quant à cette question; en réalité, il n’a pas mentionné pourquoi il a conclu que M. Gill ne connaissait pas Mme Kaur.

[55]  Fait encore plus important, le deuxième agent des visas n’a pas examiné ou soulevé avec M. Gill les documents supplémentaires que ce dernier avait apportés pour soutenir son affirmation à l’égard de l’authenticité de la relation et de la communication continue entre lui et Mme Kaur à la lumière des préoccupations dont l’agent lui avait fait part quant à cette question à la fin de la première entrevue.

[56]  Ce qui me pose la plus grande difficulté, c’est la conclusion du deuxième agent des visas selon laquelle M. Gill avait fourni une « réponse insatisfaisante concernant l’arrangement du mariage ».

[57]  D’abord, M. Gill a présenté des éléments de preuve concernant la mauvaise santé de sa mère et affirmé que, puisqu’il est enfant unique, il était important pour sa mère de le voir se marier. Les éléments de preuve à l’égard de la mauvaise santé de la mère appuyaient directement l’affirmation de M. Gill quant à la précipitation avec laquelle le mariage a été arrangé. Cet élément de preuve n’a aucunement été abordé par le deuxième agent des visas, et j’estime qu’il aurait dû l’être.

[58]  Ensuite, la préoccupation du deuxième agent des visas concernant l’arrangement du mariage repose sur le moment du mariage par rapport à la délivrance du permis d’études de Mme Kaur. Même si les fiançailles ont été célébrées le 4 février 2018, le permis d’études lui a été délivré, d’après le deuxième agent des visas, le 15 mars 2018; et comme le mariage a eu lieu le 27 mars 2018, le moment du mariage permettait en soi d’affirmer raisonnablement que le mariage dépendait de la délivrance du permis d’études.

[59]  Cependant, un problème mine cette affirmation.

[60]  L’examen des documents révèle que, selon le permis d’études de Mme Kaur, la date de délivrance réelle est le 25 avril 2018, et non pas le 15 mars 2018, soit près d’un mois après le mariage. Le deuxième agent des visas a désigné le 15 mars 2018 comme la date de délivrance du permis d’études, alors que, en réalité, il s’agissait de la date du commencement de la période de validité du visa de Mme Kaur qui avait été inséré dans son passeport, lequel était valide du 15 mars 2018 au 30 novembre 2019.

[61]  Même si cela n’est pas clair, il se peut très bien que la période de validité du visa de Mme Kaur ait été déterminée conformément à des lignes directrices internes et aux périodes d’études. Toutefois, puisqu’il était indiqué sur le permis d’études de Mme Kaur que la date de délivrance était le 25 avril 2018, la prétention selon laquelle le mariage célébré le 27 mars 2018 dépendait de l’obtention d’un permis d’études valide pour Mme Kaur, sans autre explication quant à la divergence entre les dates de validité concernant la délivrance du permis d’études, ne peut donc plus être étayée et constitue donc un motif déraisonnable pour rejeter la demande de M. Gill.

[62]  Selon le ministre, la séquence des événements et la précipitation avec laquelle le mariage a été organisé correspondent à un comportement qui ne peut s’expliquer logiquement que s’il est considéré dans le contexte de l’immigration. Je ne suis pas de cet avis.

[63]  Si le deuxième agent des visas et l’agent principal avaient traité de façon adéquate l’incohérence concernant la date de délivrance du permis d’études de Mme Kaur et les documents fournis par M. Gill qui contredisaient leurs conclusions, y compris ceux produits durant la deuxième entrevue et en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, il se peut très bien que les explications fournies par M. Gill pour dissiper les préoccupations des agents des visas aient été jugées raisonnables. Cependant, ils ne l’ont pas fait.

[64]  Le ministre soutient en outre que le fait que Mme Kaur n’ait pas participé à la procédure relative à l’immigration en dit long quant à l’authenticité du mariage. À première vue, je dois avouer qu’il semble plutôt étrange que Mme Kaur n’ait fourni aucun élément de preuve à l’appui de l’authenticité de son mariage. Personne ne se serait nécessairement attendu à ce que de tels éléments de preuve soient présentés avant la première entrevue; par contre, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que Mme Kaur fournisse à tout le moins une lettre de soutien avant la deuxième entrevue, et ce, encore plus après la délivrance de la lettre relative à l’équité procédurale, dans laquelle le bureau des visas de New Delhi avait expressément fait ressortir ses préoccupations concernant le mariage.

[65]  L’avocat de M. Gill explique que les demandeurs se sont représentés eux‑mêmes tout au long du processus et que ce qui peut sembler évident pour un avocat et la Cour peut ne pas l’être autant pour des demandeurs ordinaires. Quoi qu’il en soit, la question du manque d’éléments de preuve à l’appui fournis par Mme Kaur n’a pas été soulevée par l’un des agents des visas comme étant une source de préoccupation, et tout compte fait, je ne vois donc pas pourquoi je devrais y accorder de l’importance à ce stade‑ci.

[66]  Fait encore plus important, le manque d’explication quant à la façon dont l’agent des visas est parvenu à une conclusion selon laquelle le mariage n’était pas authentique tient à l’insuffisance de l’analyse dans la décision finale. La décision ne permet pas d’établir quels facteurs ont été pris en considération pour conclure que le mariage n’était pas authentique, ce qui est inacceptable en cette ère post‑Vavilov.

[67]  Je prends acte du contexte, soit celui d’un agent des visas à l’étranger traitant une demande présentée par un ressortissant étranger pour un visa temporaire au Canada, et du fait que l’agent des visas ne peut, dans ce contexte, se prêter à un raisonnement plus complet. Malgré mes efforts, je ne peux tout simplement pas « relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » (Vavilov, au para 97). La décision sur cette question n’a pas tenu compte des éléments de preuve et était tout simplement inintelligible (Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 176; Singh Dhatt c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 556; Likhi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 171).

VIII.  Conclusion

[68]  Par conséquent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.

 


JUGEMENT dans l’affaire IMM‑2361‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2361‑19

 

INTITULÉ :

RAJVEER SINGH GILL ET HARPREET KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE MONTRÉAL (QUÉBEC) ET Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 AOÛT 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 SEPTEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Matthew Jeffery

POUR LES DEMANDEURS

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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