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Date : 20050517

Dossier : IMM-8851-04

Référence : 2005 CF 679

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

AMIT BORATE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                De la même manière qu'un tribunal spécialisé ne doit pas examiner les faits hors de leur contexte, strictement dans la hâte de signaler les contradictions relevées avec un « zèle microscopique » , la partie présente à l'audience de contrôle judiciaire ne doit pas s'appliquer à décortiquer chacune des phrases des motifs de la décision d'un tribunal spécialisé. Il s'agit là d'exercices futiles.

            Ensemble, les détails relevés dans un exposé des faits tissent une version des faits. Individuellement, décortiqués, ils ne prennent jamais vie. Néanmoins, de la même manière que le navire a besoin d'une ancre pour mouiller, le revendicateur a besoin d'un point d'ancrage pour corroborer la logique inhérente de son exposé des faits, quelles que soient les différences observées dans la situation qui règne au pays, les personnages, l'encyclopédie de référence et le dictionnaire de termes.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                La présente demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés [1] (la LIPR) vise la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé, en date du 4 octobre 2004, de reconnaître au demandeur la qualité de « réfugié » au sens de l'article 96 et également celle de « personne à protéger » au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR.

CONTEXTE

[3]                Citoyen indien, le demandeur, M. Amit Borate, prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait des opinions politiques qu'on lui impute.

[4]                Lesfaits allégués se résument comme suit : M. Borate vivait et travaillait à Mumbai. Le 28 août 2003, il a été arrêté et torturé par la police qui était à la recherche de son ex-colocataire et collègue de travail, Feroz Khan, qu'elle accusait d'être militant et d'avoir participé à un attentat à la bombe survenu à Mumbai le 25 août 2003.

[5]                M. Borate a été remis en liberté le 7 septembre 2003 avec l'aide d'un leader local et après paiement d'un pot-de-vin. On lui a alors demandé de signaler toute information concernant M. Khan.

[6]                Dix ou douze jours plus tard, M. Khan a communiqué avec M. Borate pour lui demander de l'argent.

[7]                Craignant que la police ne l'apprenne, son oncle l'a envoyé habiter chez un ami. Avec l'aide d'un passeur, M. Borate a quitté l'Inde le 1er octobre 2003. Il a demandé l'asile le 22 octobre 2003.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[8]                La Commission a jugé que la version des faits de M. Borate n'était pas crédible et elle a relevé plusieurs incohérences qui l'ont menée à cette conclusion. La Commission a également estimé que M. Borate n'avait pas démontré qu'il n'avait pu être protégé par l'État indien.

QUESTION EN LITIGE

[9]                Était-il manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur n'était pas crédible?

ANALYSE

[10]            La Cour souligne que la Commission a conclu, dans ses propres mots, que M. Borate n'avait pas prouvé que l'Inde n'était pas en mesure de le protéger. M. Borate ne conteste pas cette conclusion et, par conséquent, la demande peut être rejetée sur cette seule question. Néanmoins, la Cour poursuivra avec l'analyse des conclusions de la Commission quant à la crédibilité du demandeur.

[11]            Lorsque la crédibilité est en jeu, la décision de la Commission doit être manifestement déraisonnable pour que la Cour la modifie (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[2], Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4]).

[12]            La Commission a estimé que les éléments mentionnés ci-dessous minaient la crédibilité de M. Borate.

[13]            Premièrement, la lettre de l'ancien employeur indique seulement que M. Borate a travaillé pour l'entreprise de ce dernier, mais il n'est pas mentionné que M. Khan y a travaillé. Cependant, aux dires de M. Borate, la police était venue sur les lieux pour chercher M. Khan parce qu'il était soupçonné d'avoir participé à l'attentat à la bombe.

[14]            Deuxièmement, M. Borate a produit un article de journal concernant l'attentat à la bombe, mais cet article ne parlait pas de Feroz Khan, même si un mandat avait été apparemment lancé contre lui. De plus, M. Borate a dit qu'il pensait avoir vu le nom de Feroz Khan dans un journal mais il n'a pas fourni l'article en question à la Commission.

[15]            Troisièmement, M. Borate a donné comme adresse du domicile où il est censé avoir habité avec M. Khan : Trangit Camp SN Mumbai. Toutefois, le seul document produit sur lequel son adresse apparaît est sa carte d'électeur, datée de 1999, qui indique une adresse différente. Il n'avait pas de preuve qu'il avait déjà habité à Trangit Camp. Il a perdu son permis de conduire et, malgré la tenue d'élections depuis 1999, il n'a pas obtenu de nouvelle carte d'électeur pour lui permettre d'aller voter dans la circonscription où il doit être réinscrit.

[16]            Quatrièmement, M. Borate n'a fourni aucun document de voyage, sous prétexte qu'ils avaient tous été remis au passeur.

[17]            Finalement, pour les motifs précédents, la Commission n'a accordé aucune valeur probante aux deux certificats médicaux et à l'affidavit de l'oncle puisqu'elle n'a pas cru la version des faits de M. Borate.

[18]            La Commission, en tant que juge des faits, qui est un organisme spécialisé dans l'appréciation de la crédibilité et de la vraisemblance des faits invoqués par les demandeurs d'asile, a tenu compte de tous les éléments de preuve et de toutes les explications fournies par M. Borate et elle a jugé que sa version des faits manquait de crédibilité. La Cour ne trouve aucune erreur manifestement déraisonnable dans le raisonnement et les conclusions de la Commission.

CONCLUSION

[19]            Pour ces motifs, la Cour répond par la négative à la question en litige. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n'est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

                                                                                                                        Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-8851-04

INTITULÉ :                                                            AMIT BORATE

                                                                                c.

                                                                                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L=AUDIENCE :                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L=AUDIENCE :                                   LE 10 MAI 2005

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                             LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                                           LE 17 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Andrea C. Snizynski                                                  POUR LE DEMANDEUR

Diane Lemery                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Andrea C. Snizynski                                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-ministre de la Justice et

Sous-procureur général du Canada



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] (1993) 160 N.R. 315 (C.A.F.), 1993 A.C.F. no 732 (QL).

[3] (2000) 11 Imm. L.R. (3d) 233 (C.F. 1re inst.), [2000] A.C.F. no 2001 (QL).

[4] (1999) 173 F.T.R. 280 (C.F. 1re inst.), [1999] A.C.F. no 1283 (QL).

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