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Date : 19980903


Dossier : IMM-1537-97


Entre


JIAN FAN, HUI JIAN ZHONG

et PING DING,


demandeurs,


- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur




MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés à l'audience tenue à Toronto

(Ontario) le mercredi 19 août 1998)


Le juge HUGESSEN


[1]      Il est indéniable que le recours en instance vise la « décision » d'un agent des visas, au sens du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale1.

[2]      Les demandeurs avaient adopté un enfant en Chine conformément à la loi chinoise et cette adoption est reconnue par la loi ontarienne, en Ontario. Ils ont ensuite demandé à parrainer l'immigration de l'enfant au Canada; leur demande a été rejetée en mai 1996. Près d'un an après, ils ont introduit le recours en instance sans en avoir obtenu au préalable la prorogation du délai. Les demandeurs concluent en l'espèce à jugement déclaratoire portant que l'article du Règlement sur l'immigration de 19782 où figure la définition du terme « adopté » est inconstitutionnel. C'était par application de cette définition que l'agent des visas a rejeté la demande dont il était saisi. Il y a lieu de noter que le recours en instance conclut à « jugement déclaratoire » portant que les demandeurs ont droit à ce que leur offre de parrainage soit réévaluée abstraction faite de la définition du terme « adopté » .

[3]      À mon avis, les termes « in respect of » figurant dans le texte anglais du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale ont un sens très large, et certainement assez large pour embrasser le recours en instance. Celui-ci est par conséquent prescrit.

[4]      À supposer que je me sois trompé sur ce point et que le recours en instance ne vise pas la décision d'un agent des visas, ce ne serait pas non plus un recours au sens du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration3 au sujet d'une « demande qui ... est faite [à l'agent des visas] » ; et s'il n'est pas un recours de ce genre, il ne bénéficie pas de la dispense d'autorisation prévue au paragraphe (2) de l'article 82.1, mais est subordonné à l'autorisation préalable en application du paragraphe 82.1(1). Or aucune autorisation n'a été obtenue en l'espèce.

[5]      Quel que soit le vice de procédure dont il est entaché, ce recours est encore dénué de fondement. Les demandeurs soutiennent essentiellement que la définition du terme « adopté » figurant à l'article 2 du Règlement empiète sur la compétence exclusive des provinces pour légiférer en matière d'adoption. Il n'en est rien. Cette réglementation ne concerne pas l'adoption, mais l'immigration. Elle relève indubitablement de la compétence fédérale par application de l'article 91, sujet 25 « La naturalisation et les aubains » , de la Loi constitutionnelle de 1867.

[6]      Il est tout aussi indubitable que le pouvoir que les provinces tiennent de l'article 95 de la Loi constitutionnelle4 pour légiférer en matière d'immigration est, aux termes mêmes de cette disposition, primé par le pouvoir fédéral en la matière. Quoi qu'il en soit, je ne connais aucune loi ontarienne qui régisse le cas des enfants adoptifs dans le contexte de l'immigration. Il ressort à l'évidence que la loi ontarienne sur l'adoption n'a rien à voir avec l'immigration.

[7]      La législation fédérale régit l'admission des étrangers au Canada. Elle définit qui peut ou ne peut pas être admis dans le pays et, à cette fin, la langue employée est la langue courante et bon nombre de termes qui y figurent sont définis. La définition du terme « adopté » à l'article 2 du Règlement ne modifie pas le statut civil de la personne qui tombe dans son champ d'application. L'enfant des demandeurs n'en est pas moins leur enfant du fait qu'il ne satisfait pas à la définition du terme « adopté » dans le Règlement. Il n'est tout simplement pas admissible au Canada en cette qualité. Cette réglementation n'a rien à voir avec les questions d'adoption.

[8]      L'arrêt Hildebrand and Doerksen5 de la Cour d'appel du Manitoba, qu'invoquent les demandeurs, ne leur est d'aucun secours. Cette décision portait sur un décret fédéral visant à exempter certains mennonites du Manitoba de l'application de la loi provinciale en matière d'éducation, ce qui n'a absolument aucun rapport avec l'affaire en instance. La définition d' « adopté » figurant au Règlement n'influe en rien, je le répète, sur l'application de la législation provinciale. Si le fils adoptif des demandeurs vient au Canada, ou même s'il n'y vient pas, il jouira, sous le régime de la loi provinciale, de tous les droits propres à un enfant adoptif. Il n'aura cependant pas le droit d'immigrer au Canada en cette qualité.

[9]      Par ces motifs, les demandeurs seront déboutés de leur recours. Si leur avocat a des conclusions à soumettre au sujet d'une question à certifier, je les examinerai.

[10]      (après examen de la question proposée) L'avocat des demandeurs m'a demandé de certifier la question de fond comme étant de portée générale, savoir si j'ai eu raison de conclure que la définition du terme « adopté » figurant au Règlement n'empiète pas sur la compétence législative provinciale. Cette demande se heurte au fait que par les motifs que je viens de prononcer, j'ai conclu que le recours était prescrit et devait être rejeté de ce fait. Selon la loi, je ne dois certifier qu'une question qui soit déterminante à l'égard des points litigieux. Puisque le recours est prescrit, la question proposée ne serait pas déterminante et la Cour d'appel serait seulement invitée à donner un avis incident sur mon propre avis incident. Ce ne serait pas là une bonne pratique.

[11]      L'avocat des demandeurs a aussi suggéré que je proroge le délai de recours. J'estime cependant qu'étant donné ma conclusion au fond sur la question de constitutionnalité, il n'y a aucune justification à proroger ce délai en cet état de la cause. J'estime que cette demande n'est pas défendable. En conséquence je ne certifierai pas la question proposée.


Signé : James K. Hugessen

________________________________

Juge



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :               IMM-1537-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jian Fan, Hui Jian Zhong et Ping Ding

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      19 août 1998


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HUGESSEN


LE :                      3 septembre 1998



ONT COMPARU :


M. Rocco Galati                  pour les demandeurs

M. Kevin Lunney                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Rocco Galati                  pour les demandeurs

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      R.S.C. 1985 c. F-7

18.1 (1) ...
(2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow.
18.1 (1) ...
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

2      SOR/78-172

3

82.1 (1) ...
(2) Subsection (1) does not apply with respect to a decision of a visa officer on an application under section 9, 10 or 77 or to any other matter arising thereunder with respect to an application to a visa officer
82.1 (1) ...
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux décisions prises par l'agent des visas dans le cadre des articles 9, 10 ou 77 ni aux questions soulevées par toute demande qui lui est faite dans ce cadre.

4     
95. Dans chaque province, la législature pourra faire des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration dans cette province; et il est par la présente déclaré que le parlement du Canada pourra de temps à autre faire des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration dans toutes les provinces ou dans aucune d'elles en particulier; et toute loi de la législature d'une province relative à l'agriculture ou à l'immigration n'y aura d'effet qu'aussi longtemps et que tant qu'elle ne sera incompatible avec aucune des lois du parlement du Canada.

5      Regina v. Hildebrand and Doeksen (1919), 31 C.C.C. 418 (C.A. Man.)

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