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Date : 20000510

Dossier : IMM-550-99

ENTRE :

BAHMAN ZEINALI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT

[1]         Il s'agit d'une demande de mandamus, déposée le 8 février 1999, dans laquelle le demandeur cherche à obtenir que sa demande de résidence permanente au Canada soit transférée du Haut-commissariat du Canada à Londres à l'ambassade canadienne en Syrie, et qu'une décision soit rendue en ce qui concerne cette demande.

Les faits


[2]         Le 28 octobre 1996, le Haut-commissariat du Canada à Londres a reçu du demandeur une demande de résidence permanente au Canada de même qu'une traite bancaire de 3 250 $CAN datée du 17 mai 1996. En réponse à la question 7 de la demande, sous la rubrique portant sur la profession qu'il entendait exercer au Canada, le demandeur a écrit qu'il voulait faire des affaires, et il a déclaré que le plus haut niveau de scolarité qu'il a atteint était une maîtrise en génie mécanique.

[3]         Comme le demandeur a mentionné que la profession qu'il entendait exercer au Canada était celle d'homme d'affaires, le Haut-commissariat du Canada à Londres à conclu qu'il souhaitait être apprécié dans le cadre de l'une des catégories d'immigration ayant trait aux affaires et non en tant qu'immigrant indépendant[1]. Le 31 octobre 1996, le Haut-commissariat du Canada a envoyé une lettre au demandeur pour l'informer qu'il avait reçu une traite bancaire de 3 250 $CAN, mais que les droits exigibles pour le traitement de sa demande s'élevait à 3 575 $CAN, et qu'en conséquence, il devait lui faire parvenir la somme de 325 $CAN.

[4]         Dans une lettre datée du 14 novembre 1996, le Haut-commissariat du Canada a souligné que le demandeur avait mentionné dans sa demande qu'il souhaitait faire des affaires au Canada et que s'il ne voulait pas être apprécié dans le cadre de la catégorie des affaires, il devait aviser le Haut-commissariat de la profession en fonction de laquelle il souhaitait qu'on l'apprécie.


[5]         Plus de trois mois plus tard, le 27 février 1997, l'avocat du demandeur a écrit au Haut-commissariat du Canada pour l'informer que la profession que son client entendait exercer au Canada était celle d'ingénieur en mécanique et qu'il cherchait présentement à obtenir une confirmation de ses compétences auprès du Conseil canadien des ingénieurs. Le 28 février 1997, comme il ressort des notes CAIPS relatives à cette date-là[2], le Haut-commissariat du Canada a reconnu que le demandeur souhaitait dorénavant qu'on l'apprécie en tant qu'immigrant indépendant. Dans une lettre non datée, le Haut-commissariat du Canada a avisé le demandeur que sa traite bancaire du 17 mai 1996 était périmée et qu'elle ne pouvait être encaissée.

[6]         Le 23 avril 1997, l'avocat du demandeur a écrit au Haut-commissariat du Canada pour confirmer qu'il avait bel et bien reçu la lettre non datée et pour l'aviser qu'il chercherait à obtenir une nouvelle traite bancaire du demandeur et qu'il lui fournirait une évaluation non officielle des qualités exigées des ingénieurs. Le 13 mai 1997, le Haut-commissariat du Canada a reçu l'évaluation du Conseil canadien des ingénieurs datée du 23 avril 1997.

[7]         Le 16 septembre 1997, comme il ressort des notes CAIPS qui ont été prises cette journée-là, le dossier du demandeur a fait son apparition dans le système électronique de surveillance vu qu'un délai de six mois s'était écoulé depuis que la traite bancaire originale avait été renvoyée au demandeur. Comme aucun droit n'avait été versé au Haut-commissariat du Canada, on a fermé le dossier du demandeur.


[8]         Le 24 décembre 1997, l'avocat du demandeur a écrit au Haut-commissariat du Canada pour s'enquérir des développements survenus dans le dossier. Le Haut-commissariat du Canada paraît ne pas avoir reçu cette lettre. Le 27 février 1998, l'avocat du demandeur a de nouveau écrit au Haut-commissariat du Canada pour s'enquérir des développements survenus dans le dossier. Le 9 avril 1998, il a écrit une autre lettre pour s'enquérir de l'état de la demande de son client.

[9]         Dans une lettre datée du 15 avril 1998, M. Stéphane Larue, premier secrétaire au Haut-commissariat du Canada a répondu de la façon suivante[3] :

En référence à votre fax daté du 9 avril 1998, je désire en premier lieu exprimer mes regrets de n'avoir pu répondre plus rapidement à votre requête. De plus, il semble que nous n'ayons pas reçu votre fax daté du 24 décembre.

Après une vérification du dossier en question, il semble que nos bureaux étaient toujours en attente de nouveaux frais de traitement du dossier. Vous vous rappelerez [sic] que le requérant avait décidé de changer de catégorie et qu'entre temps, la traite bancaire, émise initialement, avait expiré. Cette dernière fut retourner [sic] à vos bureaux en février 1997 et au mois d'avril suivant, vous nous avisiez qu'une nouvelle traite bancaire nous serait envoyée. Malheureusement, nous n'avons pas toujours reçu les frais et le dossier fut fermé en septembre 1997.

Il nous ferait plaisir de réouvrir [sic] le dossier sur réception des frais applicables. N'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions.

[10]       Sept mois plus tard, soit le 29 décembre 1998, le Haut-commissariat du Canada a reçu du demandeur une nouvelle traite bancaire au montant de 3 325 $CAN de même qu'une lettre dans laquelle ce dernier demandait que le dossier soit transféré à Damas (Syrie), vu qu'il se pouvait qu'il ne soit pas en mesure d'obtenir un visa lui permettant d'entrer au Royaume-Uni.


[11]       Dans une lettre non datée qui a, semble-t-il, été envoyée la même journée selon les notes CAIPS relatives au 29 décembre 1998, le Haut-commissariat du Canada a avisé le demandeur que comme il n'avait pas reçu les droits applicables[4], aucune demande de sa part n'était présentement traitée et, en conséquence, il lui était impossible de transférer un dossier. La traite bancaire a été renvoyée au représentant du demandeur. La lettre disait également que le demandeur avait intérêt à envoyer une nouvelle demande à Damas et qu'il était probable qu'on lui demande d'envoyer des documents à jour vu que quatre (4) années s'étaient écoulées.

Les arguments des parties

[12]       Le demandeur soutient que le défendeur aurait dû accepter que la demande de droit d'établissement avait été déposée en bonne et due forme et que les droits applicables avaient été payés le 20 octobre 1996 vu qu'une traite bancaire au bon montant a été envoyée à ce dernier et qu'il ne lui incombait aucune obligation d'indiquer au regard de quelle catégorie il souhaitait être apprécié. Le demandeur fait également valoir que la télécopie du défendeur que Stéphane Larue a envoyée le 15 avril 1998 créait une attente légitime de sa part et que ces attentes n'allaient pas à l'encontre de la loi[5].


[13]       Le défendeur soutient qu'en l'espèce, les droits payés ne correspondaient pas à la demande, et ce en raison d'une erreur malheureuse de la part du demandeur, et que celui-ci a omis d'y remédier de façon diligente, empêchant ainsi le Haut-commissariat du Canada d'encaisser sa traite bancaire dans le délai prévu de six mois. Pour ce qui est de la question de l'attente légitime, le défendeur fait valoir que la lettre du 15 avril 1998 de Stéphane Larue, employé du Haut-commissariat du Canada, ne mentionnait pas que la date à laquelle la demande initiale du demandeur avait été reçue (le 28 octobre 1996) était la date déterminante qui avait été retenue. Quoi qu'il en soit, le défendeur soutient que, la lettre de M. Larue ne saurait supplanter l'article 2 Règlement sur les prix à payer - Loi sur l'immigration.

L'analyse

[14]       À l'époque où le Haut-commissariat du Canada a reçu la demande de résidence permanente au Canada du demandeur, soit le 28 octobre 1996, les dispositions pertinentes du Règlement sur les prix à payer - Loi sur l'immigration, (DORS/94-389), prévoyaient :


(2) Sous réserve du paragraphe (4), le droit fixé à l'alinéa 1 b) de l'annexe est exigible, au moment de la présentation d'une demande d'établissement, d'un demandeur autre que le demandeur visé aux paragraphes (1), (7) ou (9).

3.(2) Subject to subsection (4), the fee prescribed in paragraph 1(b) of the schedule is payable, at the time an application for landing is made, by an applicant other than an applicant referred to in subsection (1), (7) or (9).    (My emphasis)


[15]       Le 2 janvier 1997, un nouveau Règlement sur les prix à payer - Loi sur l'immigration, (DORS/97-22), qui abrogeait l'ancien règlement, est entré en vigueur. Voici ce que le paragraphe 2 du règlement présentement en vigueur :


2. Outre toute autre exigence de la Loi ou de ses règlements, une demande n'est pas dûment complétée tant que le prix applicable n'est pas acquitté.

2. In addition to any other requirement of the Act or the regulations made under the Act, an application is not a duly completed application until the prescribed fees in relation to it are paid. (My emphasis)



[16]       Dans les circonstances de la présente affaire, je ne vois pas comment on pourrait reprocher au Haut-commissariat du Canada d'avoir conclu que le demandeur avait présenté une demande invoquant la catégorie des affaires, ce dernier ayant indiqué qu'il s'agissait de la profession qu'il entendait exercer au Canada. Comme une telle demande exige des droits plus élevés, le demandeur devait verser un supplément de 325 $CAN. Or, ce n'est que le 27 février 1997, soit plus de trois mois plus tard, que le Haut-commissariat du Canada a été avisé que le demandeur souhaitait présenter une demande invoquant la catégorie des immigrants indépendants, en tant qu' « ingénieur mécanicien » . Il est malheureux, pour ce qui est du demandeur, que sa traite bancaire du 17 mai 1996 n'a pu être encaissée à l'époque, après l'expiration d'un délai de six mois, et ce en raison d'une politique bancaire; la traite bancaire lui a donc été renvoyée. En outre, lorsque le demandeur a apporté les correctifs qui s'imposaient, le nouveau Règlement sur les prix à payer - Loi sur l'immigration avait été pris.

[17]       Lorsqu'il a appris que la traite bancaire ne pouvait être encaissée, le représentant du demandeur a fait le nécessaire, dès avril 1997, en vue d'obtenir un nouveau chèque ou une nouvelle traite, mais le Haut-commissariat du Canada n'a rien reçu avant le 29 décembre 1998, longtemps après que le dossier du demandeur avait été fermé en septembre 1997 en raison de l'omission de ce dernier de payer les droits applicables. Pourtant, ce chèque certifié de 3 325 $CAN a dû être renvoyé au demandeur au motif qu'il ne couvrait pas tous les droits applicables, le montant exigible ayant été calculé sur la base d'un barème des droits qui datait de plus de deux années.


[18]       Il est donc clair qu'à la date du dépôt de la présente demande, les droits applicables n'avaient été ni payés, ni encaissés par le Haut-commissariat du Canada[6]. À cet égard, en vertu de ni l'un ni l'autre des systèmes de réglementation que j'ai déjà décrits, aucune demande ne pouvait être traitée ou transférée par le Haut-commissariat du Canada. Pour cette raison, il ne sert à rien de traiter de la question que le demandeur a soulevée en ce qui concerne la date déterminante.

[19]       Cependant, la lettre datée du 15 avril 1998 de Stéphane Larue, du Haut-commissariat du Canada, a-t-elle crée une attente légitime, comme l'a soutenu le demandeur, qu'on rouvrirait son dossier après avoir reçu les droits applicables? Je ne partage pas le point de vue du demandeur sur cette question.

[20]       Après avoir dit dans sa lettre que le dossier avait été fermé en septembre 1997, M. Larue n'a offert au demandeur de rouvrir son dossier que s'il payait les droits applicables. Monsieur Larue n'a aucunement indiqué que la date de réception de la demande initiale (le 28 octobre 1996) serait retenue en tant que date déterminante et il n'a pas non plus mentionner que les droits qui étaient alors applicables devaient être payés. À mon avis, la théorie de l'attente légitime ne s'applique pas aux circonstances de la présente affaire.


[21]       Pour ces motifs, la demande de mandamus est rejetée. Il n'y a aucune question grave à certifier.

     « Pierre Denault »     

juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 28 janvier 2000.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                              IMM-550-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :               BAHMAN ZEINALI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                   MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 3 MAI 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU :                                   10 MAI 2000

ONT COMPARU :

M. Jean-François Bertrand                                                   POUR LE DEMANDEUR

M. Daniel Latulippe                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean-François Bertrand                                                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            Affidavit de Keith Swinton, deuxième secrétaire du Haut-commissariat du Canada à Londres et agent des visas chargé de traiter la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.

[2]            Voir la page 122 du dossier du Tribunal.

[3]            Voir la page 27 du dossier du demandeur.

[4]            Des modifications au Règlement sur les prix à payer - Loi sur l'immigration sont entrées en vigueur le 2 janvier 1997, DORS/97-22.

[5]            Attorney General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu, [1983] 2 A.C., à la p. 629 (Chambre des lords); Council of Service Unions and others v. Minister for the Civil Service, [1984] 3 All.E.R., p. 935; M.C.I. c. Bendahmane, (10 avril 1989) A-84-87 (C.A.F.); M.E.I. c. Lidder, 16 Imm.L.R. (2d) 240 (C.A.F.); Demirtas c. M.E.I., (20 août 1991) T-2845-90 (C.F. 1re inst.); Owusu-Baidoo c. Canada, (11 juillet 1994) IMM-2627-93 (C.F. 1re inst.); Mumin c. M.C.I., (8 mai 1996) IMM-1574-95 (C.F. 1re inst.) Goel c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1881 (C.F. 1re inst.).

[6]            Il ressort des notes CAIPS cependant qu'au 15 février 1999, après le dépôt de la demande visant à obtenir une ordonnance de mandamus, que [TRADUCTION] « Une traite bancaire au montant de 3 325 $CAN et une lettre d'accompagnement ont été reçues du consultant » .

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