Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200917


Dossier : IMM‑5375‑19

Référence : 2020 CF 905

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Montréal (Québec), le 17 septembre 2020

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

BALRAJ SINGH RANDHAWA

demandeur

Et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Balraj Singh Randhawa, est citoyen de l’Inde. Il conteste une décision rendue par un agent de la Section de l’immigration [SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [Agent] le 20 août 2019 [Décision]. Dans cette Décision, l’Agent a jugé que M. Randhawa était interdit de territoire pour grande criminalité, au sens de l’alinéa 36(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], car, a‑t‑il conclu, il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Randhawa avait commis un acte qui constitue une infraction en Inde et qui serait aussi une infraction criminelle au Canada, soit la conduite d’un véhicule de façon dangereuse et causant des lésions corporelles ou la mort.

[2] M. Randhawa nie avec vigueur avoir été impliqué dans un incident ou un accident criminel quelconque. Il prétend avoir été faussement accusé de meurtre par les autorités de la ville de Chandigarh, en Inde, à la suite d’une allégation d’accident de la route ayant causé la mort de M. Akansh Sen, le neveu du ministre en chef de l’Himachal Pradesh, un État situé dans le nord de l’Inde. M. Randhawa soutient qu’il est la victime d’un régime corrompu, soumis à l’influence d’une importante personnalité politique.

[3] Dans la demande de contrôle judiciaire par laquelle il conteste la Décision de l’Agent, M. Randhawa invoque trois arguments majeurs. Premièrement, il fait valoir que l’Agent a mal interprété son témoignage et a fondé sa Décision sur des conclusions de fait erronées. Deuxièmement, il allègue que l’Agent a commis une erreur en faisant abstraction et en omettant de traiter d’éléments de preuve qu’il avait présentés et qui contredisaient directement ses conclusions. Troisièmement, il soutient que l’Agent a commis une erreur dans son analyse de l’équivalence entre les dispositions applicables de l’Indian Penal Code, Act no 45, 6 octobre 1860 [Indian Penal Code], et du Code criminel du Canada, LRC (1985), c C‑46 [Code criminel]. Il demande donc que la Cour annule la Décision et renvoie l’affaire à la SI pour qu’un autre commissaire procède à une enquête et évalue à nouveau son dossier d’une manière conforme aux motifs de la Cour.

[4] Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Randhawa sera accueillie. Après avoir pris en considération les motifs de l’Agent, les éléments de preuve qu’il avait en main et le droit applicable, je ne suis pas convaincu que la Décision répond à la norme de la décision raisonnable. Selon moi, cette Décision ne contient aucune analyse d’équivalence sérieuse, et les raisons données ne me permettent pas de saisir le fondement rationnel de la conclusion que l’Agent a tirée à cet égard. Cela constitue des motifs suffisants pour justifier que la Cour intervienne. Il me faut donc renvoyer l’affaire en vue d’une nouvelle décision. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à traiter des autres arguments qu’a invoqués M. Randhawa pour contester le caractère raisonnable de la Décision.

II. Contexte

A. Les faits

[5] Le 8 février 2017, M. Randhawa s’est présenté à un dîner de réception au domicile de M. Deep Sidhu, en compagnie de son ami et ancien partenaire, M. Harmehtab Singh Rarewala. Parmi d’autres invités se trouvaient M. Akansh Sen et un certain M. Shera. M. Randhawa n’avait jamais rencontré ces deux hommes avant le dîner de réception, mais son partenaire, M. Harmehtab, était une connaissance de M. Shera.

[6] Pendant la réception, M. Harmehtab et M. Shera ont eu une vive dispute. M. Randhawa n’a pas pris part à la confrontation. L’hôte de la réception, M. Deep Sidhu, s’est senti obligé d’appeler la police, mais la dispute s’est réglée d’elle‑même et la police n’a pas eu besoin d’intervenir. La réception s’est poursuivie sans incident jusqu’aux petites heures du matin. Vers 5 heures, M. Randhawa a quitté le domicile de M. Deep Sidhu, suivi de M. Harmehtab, qui a ensuite été suivi de M. Shera. M. Randhawa a remarqué un véhicule suspect, garé du côté opposé de la route et, aussitôt après que M. Harmehtab l’eut rejoint dans la rue, quatre hommes armés de battes de baseball et de ce qui ressemblait à des barres de fer sont sortis du véhicule suspect et se sont élancés dans la direction de M. Randhawa en proférant des insultes.

[7] M. Randhawa et M. Harmehtab ont tous deux eu le temps de prendre place dans l’automobile de M. Randhawa, une BMW blanche, avant que le groupe d’agresseurs puisse les atteindre. M. Randhawa a verrouillé les portières de l’automobile, et les agresseurs se sont mis à tirer sur les poignées pour tenter d’ouvrir les portières et à taper du poing sur l’automobile afin de pouvoir mettre la main sur les deux hommes. On ne sait pas clairement si les agresseurs ont frappé l’automobile avec leurs battes de baseball et leurs barres de métal ou s’ils ont simplement tapé du poing dessus. Tout l’incident s’est déroulé très rapidement, en quelques secondes. M. Randhawa a mis le moteur en marche et a fui le groupe d’agresseurs. Cependant, les parties ne s’entendent toujours pas sur la question de savoir si M. Randhawa a démarré à une vitesse raisonnable ou s’il a accidentellement heurté quelqu’un avec son automobile.

[8] Le même matin, vers 11 heures, M. Randhawa a été informé par son cousin qu’on avait mentionné son nom aux nouvelles. Il a ensuite appris au journal télévisé que M. Akansh Sen se trouvait au Post Graduate Institute of Medical Education and Research [l’hôpital], gravement blessé. La police, a‑t‑on dit, soupçonnait M. Randhawa et M. Harmehtab d’être les principaux responsables de la tentative de meurtre de M. Akansh Sen. Le 10 février 2017, M. Akansh Sen a succombé des suites de sa blessure à la tête, à l’hôpital.

[9] Selon le premier rapport d’information de la police de Chandigarh, M. Randhawa a heurté M. Akansh Sen et roulé sur lui avec son automobile, de manière délibérée et répétée, à trois reprises pour être précis, après avoir été incité et encouragé à le faire par M. Harmehtab. M. Randhawa prétend plutôt que l’incident allégué a été traité au départ comme un accident par les médecins ainsi que par des témoins qui avaient amené M. Akansh Sen à l’hôpital.

[10] Le 9 février 2017, après avoir pris connaissance des allégations de tentative de meurtre sur la personne du neveu du ministre en chef qui pesaient contre lui, M. Randhawa est parti se cacher après avoir consulté son grand‑père, qui l’a encouragé à quitter l’Inde pour éviter d’être illégalement jeté en prison. Comme M. Randhawa croyait que les soupçons inventés étaient tout probablement fondés sur des motifs politiques, il craignait que la police de Chandigarh le mette en détention et le torture pour pouvoir lui arracher un témoignage et le déclarer coupable. La disparition de M. Randhawa a rapidement suscité un intérêt public et a été fortement médiatisée dans le pays. Sa crainte a atteint un tel stade qu’il s’est senti obligé de fuir son pays. Il a donc quitté l’Inde et est arrivé au Canada le 24 octobre 2017. Il a demandé l’asile peu après son arrivée.

[11] Pendant ce temps, en Inde, M. Harmehtab, coaccusé dans l’affaire au criminel visant M. Randhawa, a été inculpé en vertu des articles 302 et 34 de l’Indian Penal Code, deux dispositions qui font référence, respectivement, au meurtre et aux actes commis par plusieurs individus en vue de la réalisation d’un dessein commun. M. Harmehtab a été arrêté et, en novembre 2019, il s’est vu infliger une peine d’emprisonnement à perpétuité par une cour de district indienne. M. Harmehtab a déposé en janvier 2020 un appel auprès de la Haute Cour de l’Inde.

[12] En raison des faits potentiellement incriminants dont il a fait état dans sa demande d’asile au sujet des accusations de meurtre, M. Randhawa a été vu et interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] le 24 septembre 2018, et une déclaration solennelle relative à cet interrogatoire a été produite. Il a ensuite témoigné devant l’Agent de la SI lors de l’enquête et il a produit une preuve documentaire à l’appui de son plaidoyer d’innocence.

B. La Décision de la SI

[13] Dans sa Décision d’août 2019, l’Agent a conclu que M. Randhawa était interdit de territoire pour grande criminalité, au sens de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR.

[14] La Décision a été principalement fondée sur le premier témoignage que M. Randhawa a fait en septembre 2018, devant l’ASFC. L’Agent de la SI a jugé qu’il fallait accorder plus d’importance et de valeur probante à ce témoignage qu’à la version qui lui avait été présentée à l’enquête, car cette version manquait de crédibilité. La Décision mentionne toutefois que l’agent a tout de même pris en compte le témoignage fait par M. Randhawa à l’enquête. Invoquant Ishaku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 44, l’Agent a décidé d’accorder davantage d’importance à ce que M. Randhawa avait dit spontanément lors de sa déclaration initiale devant l’ASFC, car les premiers souvenirs qu’a une personne d’un incident sont souvent plus fiables et il y a donc lieu de les considérer comme plus crédibles. Dans ses motifs, l’Agent a expliqué que les détails que M. Randhawa avait fournis à l’ASFC en septembre 2018 étaient crédibles et précis, à l’égard surtout de la confrontation qui avait dégénéré et qui s’était finalement transformée en un incident ou en un accident causant la mort d’une personne. À l’inverse, l’Agent a estimé que le second témoignage de M. Randhawa, fait lors de l’enquête, manquait de crédibilité, notamment à cause de multiples contradictions.

[15] Dans sa Décision, l’Agent a mentionné que la corruption prétendue des enquêteurs et des responsables de la police indienne ainsi que le contrôle qu’exerçaient sur eux des politiciens influents, même si cela était possible, n’avait pas été établie en l’espèce, car les cartables nationaux de documentation qui faisaient référence à cette situation n’avaient pas été soumis en preuve. L’Agent a toutefois fait remarquer qu’il faisait preuve d’une extrême prudence quand il évaluait les éléments de preuve émanant de la police et des tribunaux d’autres pays.

[16] Pour déterminer l’équivalence des infractions prévues par les lois indienne et canadienne, l’Agent s’est fié à la méthode qui consiste à examiner à la fois le libellé exact de chaque loi et les éléments de preuve produits de façon à pouvoir établir les éléments essentiels des infractions (Hill c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1987) 73 NR 315 (CAF) [Hill]). L’Agent a eu recours à cette méthode parce qu’il a convenu que les éléments de preuve émanant des documents des autorités indiennes suscitaient certains doutes. Dans sa Décision, il a établi qu’en droit canadien le crime équivalent serait celui de [traduction] « conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort », décrit à l’article 320.13 du Code criminel. Malgré le fait qu’il ne semblait pas y avoir de libellé équivalent dans le droit indien, l’Agent a réitéré que, selon son interprétation, les faits impliquant M. Randhawa constitueraient au Canada une infraction criminelle punissable d’un emprisonnement minimal de 10 ans.

[17] Les extraits pertinents de la Décision où figure l’analyse d’équivalence de l’Agent sont les suivants :

[32] […] Il est clair que dans la loi canadienne à l’article 320.13, c’est une infraction de conduire dangereusement quand il y a des lésions corporelles ou qu’on cause la mort.

[33] On n’a pas le texte équivalent du droit indien pour ce qui est de conduite dangereuse, mais je pense qu’en appliquant les faits tels que je les comprends, ce que je retiens de la preuve documentaire, il s’agit d’une […] ça serait une infraction criminelle au Canada qui serait passible de prison pour 10 ans.

[18] Sur ce fondement, l’Agent a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Randhawa avait commis en Inde une infraction qui en constituerait également une au Canada, et qu’il était de ce fait interdit de territoire pour grande criminalité. Il a donc pris une mesure d’expulsion à l’encontre de M. Randhawa.

C. La norme de contrôle applicable

[19] Nul ne conteste que la décision raisonnable est la nome de contrôle qui s’applique à une décision concluant qu’une personne est interdite de territoire pour grande criminalité ainsi qu’à l’établissement d’une équivalence, par un agent, en vertu de l’article 36 de la LIPR (Liberal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 173 [Liberal] au para 12; Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 [Nshogoza] au para 21; Nguesso c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 879 au para 61).

[20] Le fait que la décision raisonnable soit la norme applicable a récemment été renforcé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Dans ce jugement, les juges majoritaires de la Cour ont établi un cadre révisé pour déterminer la norme de contrôle qui s’applique au fond des décisions administratives, décrétant que ces dernières devraient être, par présomption, contrôlées selon la norme de la décision raisonnable, sauf si l’intention du législateur ou la primauté du droit en exige une autre (Vavilov aux para 10, 17). Je suis convaincu que ni l’une ni l’autre de ces deux exceptions ne s’appliquent en l’espèce, et qu’il n’y a pas lieu de déroger à la présomption selon laquelle, dans le cas de la Décision en l’espèce, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable.

[21] Pour ce qui est de la teneur proprement dite de la norme de la décision raisonnable, le cadre énoncé dans l’arrêt Vavilov ne constitue pas un écart marqué par rapport à la démarche que suivait auparavant la Cour suprême, et qui est énoncée dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 et les arrêts qui l’ont suivi, une démarche qui était fondée sur les « caractéristiques d’une décision raisonnable », soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov au para 99). La cour de révision est tenue de s’intéresser à « la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision », afin de décider si cette décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov aux para 83, 85; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] aux para 2, 31).

[22] Pour ce qui est de la décision raisonnable, le cadre révisé que présente l’arrêt Vavilov oblige la cour de révision à adopter, pour le contrôle judiciaire, une démarche qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision » (Société canadienne des postes au para 26). Lorsque le décideur a motivé sa décision, la cour de révision doit commencer son analyse du caractère raisonnable de la décision en examinant « les motifs donnés avec ‘une attention respectueuse’, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion » (Vavilov, au para 84). Les motifs doivent être lus de manière globale et contextuelle à la lumière du dossier dans son ensemble, et en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils ont été donnés (Vavilov, aux para 91‑ 94, 97). Cependant, « il ne suffit pas que la décision soit justifiable […] le décideur doit également […] justifier sa décision » (Vavilov, au para 86).

[23] Avant de pouvoir infirmer une décision parce qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov au para 100). L’évaluation du caractère raisonnable d’une décision doit être rigoureuse, mais rester sensible et respectueuse du décideur administratif (Vavilov aux para 12-13). Le contrôle fondé sur la décision raisonnable est une démarche qui tire son origine du principe de la retenue judiciaire et qui témoigne d’un respect envers le rôle distinct et la connaissance spécialisée des décideurs administratifs (Vavilov, aux para 13, 75, 93). Autrement dit, la cour de révision est tenue de suivre une démarche empreinte de déférence, surtout en ce qui concerne les conclusions de fait et de l’évaluation de la preuve. À moins de circonstances exceptionnelles, la cour de révision ne changera pas les conclusions de fait du décideur administratif (Vavilov aux para 125-126).

III. Analyse

A. L’analyse d’équivalence de l’Agent

[24] M. Randhawa soutient que l’Agent n’a pas suivi les exigences en matière d’analyse d’équivalence qui sont énoncées dans la jurisprudence et que sa Décision ne contient aucune analyse précise de l’équivalence entre les infractions prévues en Inde et au Canada, et ce, pour ni l’une ni l’autre des infractions mentionnées dans les motifs. (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 1 CF 235 (CAF) [Li] aux para 18-19; Liberal aux para 28, 32; Kathirgamathamby c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 811 [Kathirgamathamby] au para 24). Il fait valoir que l’Agent a tiré une conclusion sans justifier ses raisons pour lesquelles il y avait des motifs de croire que l’actus reus de l’infraction de conduite dangereuse avait été établi ou que cette infraction s’accompagnait de la mens rea requise.

[25] Je suis de cet avis.

[26] Aux termes de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR, un étranger est interdit de territoire pour grande criminalité s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis une infraction qui constituerait un crime dans son pays et qui, si elle était commise au Canada, constituerait elle aussi un crime punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans. Dans la Décision, l’Agent a indiqué avec raison qu’il lui fallait déterminer s’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Randhawa avait été impliqué en Inde dans un incident criminel qui constituerait aussi un acte criminel au Canada.

[27] Les documents indiens établissaient que M. Randhawa était accusé d’avoir commis une infraction visée par les articles 302 et 304 de l’Indian Penal Code (meurtre et actes commis par plusieurs individus en vue de la réalisation d’un dessein commun). À l’enquête, et dans sa Décision, l’Agent a décidé d’établir l’équivalence avec l’infraction canadienne de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort (visée à l’article 320.13 du Code criminel), disant que le libellé équivalent, dans la loi indienne, pour ce qui était de la conduite dangereuse, n’était pas disponible. En dépit du fait qu’il semblait n’exister aucun libellé équivalent dans la loi indienne, l’Agent a néanmoins fait remarquer que les faits, tels qu’il les concevait, constitueraient au Canada une infraction criminelle punissable d’une peine minimale de 10 ans.

[28] On ne peut pas reprocher à l’Agent de s’être servi du mauvais critère pour procéder à son analyse d’équivalence. Au contraire, dans sa Décision, il a énoncé à juste titre le critère bien reconnu qu’a formulé la Cour d’appel fédérale dans Hill. Dans cette décision, la Cour a décrété qu’il est possible d’établir l’équivalence entre les infractions de trois façons : 1) en comparant la teneur exacte de chaque loi à la fois grâce à des documents et, si possible, par le témoignage d’experts en droit étranger dans le but de dégager les éléments constitutifs de chaque infraction, 2) en examinant les preuves, à la fois orales et écrites, pour décider si elles suffisent à établir que les éléments constitutifs de l’infraction au Canada ont été prouvés lors des procédures à l’étranger, que ce soit en détail et dans les mêmes termes dans les actes introductifs d’instance ou dans les dispositions législatives, ou 3) par une combinaison des deux méthodes qui précèdent (Hill au para 16).

[29] En l’espèce, l’Agent a expressément opté pour la troisième option. Cependant, il n’a fait aucune analyse digne de ce nom. Il est utile de reproduire de nouveau l’« analyse » d’équivalence qu’il a faite dans sa Décision, une analyse qui ne s’étend que sur quelques lignes :

[traduction]

[32] […] Il est clair que dans la loi canadienne à l’article 320.13, c’est une infraction de conduire dangereusement quand il y a des lésions corporelles ou qu’on cause la mort.

[33] On n’a pas le texte équivalent du droit indien pour ce qui est de conduite dangereuse, mais je pense qu’en appliquant les faits tels que je les comprends, ce que je retiens de la preuve documentaire, il s’agit d’une […] ça serait une infraction criminelle au Canada qui serait passible de prison pour 10 ans.

[30] Ceci étant dit avec égards, et même en interprétant la décision le plus généreusement possible, cela est loin de correspondre à une analyse d’équivalence appropriée et acceptable. Ce passage ne contient aucune des exigences bien reconnues d’une analyse d’équivalence réalisée au regard de l’article 36 de la LIPR.

[31] Une conclusion d’interdiction de territoire, rendue en vertu de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR, exige que le décideur procède à une analyse d’équivalence entre les infractions étrangères prises en considération et l’équivalent suggéré dans la législation canadienne. Pour ce faire, il doit effectuer un examen qui va au‑delà d’un « simple renvoi aux dispositions pertinentes, suivi d’une courte déclaration quant à leur équivalence » (Liberal au para 32; Nshogoza au para 28; Kathirgamathamby au para 24). Il doit au moins décrire les éléments constitutifs des deux infractions et se reporter aux dispositions précises qui s’appliquent. Une telle analyse requiert « la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent » (Li au para 19). Cette comparaison doit aussi être faite indépendamment des noms précis que l’on donne aux infractions en question ou des mots employés pour les décrire dans leurs pays respectifs (Brannson c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 2 CF 141 (CAF) au para 38; Nshogoza au para 28). En résumé, l’agent doit examiner les éléments essentiels des deux infractions et être persuadé qu’elles sont comparables. En l’absence d’un examen et d’une comparaison entre les éléments essentiels d’une infraction commise à l’étranger et l’infraction équivalente au Canada, une analyse d’équivalence est manifestement incomplète et insuffisante (Timis c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1303 au para 26, 27, 30).

[32] J’admets qu’une analyse d’équivalence peut être succincte. Cependant, à tout le moins, les éléments constitutifs de l’infraction étrangère et de l’infraction canadienne doivent être décrits et les références faites aux dispositions applicables doivent être suffisamment précises.

[33] En l’espèce, l’Agent a fait référence à l’infraction de conduite dangereuse sans connaître les éléments essentiels de l’infraction comparable que prévoit l’Indian Penal Code. Il a même reconnu qu’il n’existait en droit indien aucun libellé équivalent à propos de la conduite dangereuse. Qui plus est, il n’y a même pas de description de l’infraction de conduite dangereuse d’un véhicule au Canada. En d’autres termes, rien dans la Décision n’explique de quelle façon l’Agent est arrivé à sa conclusion sur l’équivalence entre les deux infractions reprochées. Comme c’était le cas dans Liberal, les exigences liées à une analyse d’équivalence appropriée que la Cour d’appel fédérale a établies ne sont manifestement pas respectées dans le cas présent, en raison d’un manque d’explication, de description ou de comparaison raisonnable dans la Décision (Liberal au para 25).

[34] Ce que l’Agent a fait dans la Décision est tout aussi problématique que la manière dont il l’a fait. Il n’a pas mentionné, et encore moins analysé, l’actus reus et la mens rea de l’infraction, telle qu’identifiée dans le Code criminel. L’actus reus de l’infraction de conduite dangereuse, telle qu’énoncée dans le Code criminel, doit être analysé en tenant compte de la manière de conduire, et non simplement au regard des conséquences de la conduite (R c Roy, 2012 CSC 26, aux para 33-35). Cela n’a été aucunement analysé dans la Décision. De plus, nulle part dans la Décision la mens rea de l’infraction a‑t‑elle été convenablement prise en compte et analysée. Pour n’importe quelle infraction criminelle, l’intention est une exigence. Plus précisément, il est bien établi que l’élément mens rea de l’infraction de conduite dangereuse requiert une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’accusé (R c Beatty, 2008 CSC 5 au para 43; R v Ibrahim, 2019 ONCA 631 au para 28). Là encore, on ne relève dans la Décision aucune référence à l’intention criminelle de M. Randhawa. En fait, d’après les éléments de preuve soumis à l’Agent, on pourrait dire que la conduite de M. Randhawa n’a pas semblé s’écarter de la norme de diligence applicable, car il aurait été probable qu’une personne raisonnable, se trouvant dans une situation semblable, et sous la menace d’un groupe d’agresseurs, aurait quitté les lieux comme M. Randhawa l’a fait, en tentant d’échapper à cette menace. L’Agent a donc fait entièrement abstraction d’un élément crucial et essentiel de l’infraction que constitue au Canada la conduite dangereuse causant des lésions corporelles.

[35] Je souligne que M. Randhawa a été jugé interdit de territoire pour grande criminalité au sens de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR. Cette disposition s’applique aux situations dans lesquelles une personne n’a pas encore été reconnue coupable d’un crime quelconque. En l’absence d’une déclaration de culpabilité bien claire de la part des autorités indiennes ou d’une accusation officielle de conduite dangereuse, il était essentiel que l’Agent procède à une analyse minutieuse des infractions équivalentes reprochées, et plus précisément celle de l’actus reus et de la mens rea de l’infraction de conduite dangereuse au regard de la totalité des éléments de preuve produits, et qu’il détermine si M. Randhawa avait conduit dangereusement ou non, si la conduite serait qualifiée de dangereuse ou non et s’il se serait agi d’un acte criminel ou d’un accident.

[36] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a admis que, d’un point de vue pratique, certaines décisions ont moins de chance de survivre à un contrôle fondé sur la décision raisonnable parce qu’elles sont soumises à relativement plus de contraintes (Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100 [Société canadienne des auteurs] au para 25). Quand les décideurs administratifs sont soumis aux contraintes que constituent des dispositions législatives précisément libellées ou des décisions judiciaires bien établies, comme c’est le cas en l’espèce, leurs décisions peuvent être infirmées s’ils font abstraction de ces contraintes (Vavilov aux para 108-113; Société canadienne des auteurs au para 33). Dans la présente affaire, l’Agent a fait abstraction des exigences reconnues d’une analyse d’équivalence appropriée et il a simplement formulé une conclusion non étayée. Si on applique le cadre énoncé dans l’arrêt Vavilov ainsi que son approche à l’égard de la norme de la décision raisonnable, la Décision ne permet pas à la Cour de comprendre de quelle façon l’Agent est arrivé à sa conclusion sur l’analyse d’équivalence.

[37] Je reconnais que les motifs écrits d’un décideur administratif ne doivent pas être évalués par rapport à une norme de perfection (Vavilov au para 91). Les motifs d’un décideur administratif n’ont pas à être exhaustifs ou parfaits, mais il faut qu’ils soient compréhensibles et justifiés. Ces motifs doivent montrer que la décision visée par le contrôle était fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est conforme aux contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur elle ainsi que sur la question en litige (Société canadienne des postes au para 30; Vavilov aux para 105-107). Nous avons affaire en l’espèce à une situation où la Décision ne satisfait pas à de nombreux égards au critère énoncé dans l’arrêt Vavilov et où les lacunes que comporte l’analyse d’équivalence de l’Agent jouent un rôle suffisamment central ou important pour rendre la décision déraisonnable. Autrement dit, les lacunes de la Décision sont telles qu’on ne peut pas dire que celle‑ci présente le degré requis de justification, d’intelligibilité et de transparence.

[38] Il incombe à un décideur administratif de « justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov au para 96). Une décision n’est pas raisonnable si les motifs, lus de concert avec le dossier, ne permettent pas de comprendre le raisonnement qu’a suivi le décideur sur un point central (Vavilov au para 103). Cela est spécialement le cas lorsqu’une décision a des conséquences particulièrement sévères pour la personne touchée, comme les « décisions dont les conséquences menacent la vie, la liberté, la dignité ou les moyens de subsistance d’un individu » (Vavilov au para 133). Dans la présente affaire, les conséquences d’une interdiction de territoire pour grande criminalité sont particulièrement sévères et pénibles pour M. Randhawa, et cette situation exigeait que l’Agent « explique pourquoi sa décision reflét[ait] le mieux l’intention du législateur » (Vavilov au para 133). Je suis d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, l’Agent ne l’a pas fait.

[39] Pour faire une fois de plus écho aux propos de la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, les multiples aspects qui ont été omis dans l’analyse d’équivalence me font « perdre confiance dans le résultat auquel est arrivé » l’agent (Vavilov au para 122; Société canadienne des postes aux para 52-53).

B. La preuve contradictoire de M. Randhawa

[40] Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée sur le défaut de l’Agent de présenter une analyse d’équivalence raisonnable, il n’est nul besoin que je traite des autres arguments que M. Randhawa a invoqués pour contester la Décision. Je ferai cependant la remarque supplémentaire qui suit au sujet du second argument de M. Randhawa.

[41] M. Randhawa soutient que, dans ses motifs, l’Agent a passé sous silence plusieurs éléments de preuve qui contredisaient directement ses conclusions, et ce, sans explication ou justification aucune. Il mentionne plus précisément les documents suivants : 1) les deux affidavits sous serment de la part de ses oncles, qui témoignaient des pressions politiques et de la corruption au sein de la police de Chandigarh, 2) les articles de journal mettant en lumière de nombreuses divergences entre les circonstances entourant le décès de M. Akansh Sen et les accusations de meurtre portées contre M. Randhawa, 3) la demande de bref civile déposée par sa mère pour sommer la Haute Cour d’ordonner que l’enquête relative à l’affaire criminelle soit déférée au bureau d’enquête central de façon à bénéficier de plus d’impartialité et d’indépendance dans le cadre de l’enquête relative au meurtre, et 4) le sommaire et le certificat de décès tardifs de son grand‑père, décès, selon M. Randhawa, directement lié à la dénonciation médiatisée par le grand‑père des fausses accusations portées contre M. Randhawa. L’Agent a généralement fait référence à la « preuve documentaire » dans ses motifs, mais pas aux documents précis qui étaient censément contradictoires et auxquels M. Randhawa a fait référence.

[42] Je suis d’accord pour dire qu’un décideur n’est pas tenu de faire référence aux moindres détails qui étayent sa conclusion, ou à chacun des éléments de preuve versés dans le dossier. Cependant, il ne faudrait pas faire abstraction d’une preuve contradictoire. Cela est particulièrement important dans le cas des éléments clés auxquels se fie un décideur pour arriver à sa conclusion (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53 [Cepeda‑Gutierrez] aux para 16-17). Certes, il est présumé qu’un décideur a soupesé et examiné la totalité des éléments de preuve qui lui ont été présentés, à moins d’une preuve contraire (Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 au para 36; Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF) (QL) au para 1). Le défaut de mentionner un élément de preuve particulier dans une décision ne veut pas dire qu’on en a fait abstraction (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du trésor), 2011 CSC 62 au para 16; Cepeda‑Gutierrez aux para 16-17). Cependant, quand un décideur administratif ne dit rien à propos d’une preuve qui contredit carrément les conclusions de fait qu’il a tirées, la Cour peut intervenir et inférer que ce décideur n’a pas tenu compte de la preuve contradictoire lorsqu’il a rendu la décision (Ozdemir c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CAF 331 aux para 9-10; Cepeda‑Gutierrez, au para 17). Quand une preuve omise est pertinente à l’égard des faits contestés et qu’elle contredit certaines conclusions de fait importantes, le fardeau qu’a le décideur d’expliquer pourquoi cette preuve a été omise s’alourdit. Dans de tels cas, une simple déclaration générale de la part du décideur selon laquelle la totalité des éléments de preuve ont été pris en considération n’est pas suffisante (Cepeda‑Gutierrez au para 17).

[43] Je conclus que c’est le cas en l’espèce, car au caractère déraisonnable des conclusions que l’Agent a tirées au sujet de son analyse d’équivalence s’ajoute le fait qu’il a omis de traiter d’un grand nombre d’éléments de preuve signalés par M. Randhawa qui pointaient directement à l’opposé des infractions contestées et de leurs éléments essentiels. Dans sa décision, l’Agent n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas retenu ces éléments de preuve contradictoires. Une cour de révision ne modifiera les conclusions de fait d’un décideur administratif que dans des « circonstances exceptionnelles », mais l’intervention de la Cour sera justifiée si le décideur « s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov aux para 125-126).

C. L’ordonnance de confidentialité

[44] À l’audience, l’avocat de M. Randhawa a déposé, à l’improviste, une demande d’ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales [Règles], DORS/98‑106. Le ministre n’a pas consenti à la demande et il ne s’y est pas opposé non plus. J’ai examiné le critère établi dans l’arrêt Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [Sierra Club] au para 53, et je ne suis pas convaincu que M. Randhawa s’est acquitté de son fardeau et a fourni les éléments de preuve requis à l’appui de sa demande d’une ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 151 des Règles.

[45] Les instances tenues devant la Cour sont ouvertes au public. En général, les parties sont publiquement identifiées par leur nom. La transparence des instances judiciaires est garantie par la Constitution en raison de la liberté de la presse (Edmonton Journal c Alberta (Procureur général), [1989] 2 RCS 1326). La Cour peut, il va sans dire, rendre des ordonnances de confidentialité dans certaines circonstances, mais il faut que la nécessité de protéger la confidentialité d’une instance, d’une personne ou d’un document l’emporte sur l’intérêt public à l’égard d’une instance judiciaire transparente et accessible. Il incombe à la partie qui sollicite une telle ordonnance d’établir l’existence d’un risque de préjudice sérieux qui justifie que l’on s’écarte du principe de la publicité des débats judiciaires (A C c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1452 aux para 18-19). J’ajouterais que le fait que la partie adverse consente à une requête en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité ne suffit pas pour que la Cour la rende, car toute personne qui sollicite une telle ordonnance doit satisfaire aux critères établis dans la jurisprudence et fournir les preuves nécessaires (Bah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 693 au para 18).

[46] En l’espèce, je puis seulement faire remarquer que M. Randhawa n’a fourni aucune preuve à l’appui de sa demande d’ordonnance de confidentialité, dans son affidavit ou autrement. Dans ces circonstances, je ne puis conclure que les exigences que prescrit l’arrêt Sierra Club pour ce qui est d’une ordonnance de confidentialité sont remplies, et il me faut donc rejeter la demande de M. Randhawa.

IV. Conclusion

[47] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Randhawa est accueillie. Je ne suis pas convaincu que l’analyse d’équivalence de l’Agent est une issue raisonnable dans les circonstances. D’après la norme de la décision raisonnable, les raisons exposées en détail dans la Décision devaient montrer que la conclusion de l’Agent reposait sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle était justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur était assujetti. Cela n’a pas été le cas. Il me faut donc accueillir la demande de contrôle judiciaire de M. Randhawa et la renvoyer à la SI afin qu’une formation différemment constituée rende une nouvelle décision, en conformité avec les motifs de la Cour.

[48] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question de portée générale à certifier. Je conviens qu’il n’y en a aucune.


JUGEMENT au dossier IMM‑5375‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, sans dépens.

  2. La décision du 20 août 2019 par laquelle il a été conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Randhawa avait commis en Inde une infraction qui constituerait également une infraction au Canada et par laquelle une mesure d’expulsion a été prise à son endroit est infirmée.

  3. L’affaire est renvoyée à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada afin qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision sur le fond.

  4. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5375‑19

 

INTITULÉ :

BALRAJ SINGH RANDHAWA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 SEPTEMBRE 2020

 

jugEment ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 SEPTEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Gjergji Hasa

POUR LE DEMANDEUR

 

Zoé Richard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ferdoussi Hasa, Avocats

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.