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Date : 20200818


Dossier : T‑752‑19

Référence : 2020 CF 829

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

SERGE EWONDE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Monsieur Serge Ewonde demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Section d’appel) rejetant son appel de la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Commission) de refuser sa demande de libération conditionnelle totale au titre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition LC 1992, c 20 (la LSCMLC).

[2]  La décision de la Commission (la décision de la Commission) est datée du 21 novembre 2018 et la décision de la Section d’appel (la décision d’appel) est datée du 15 avril 2019. En général, une demande de contrôle judiciaire ne porte que sur une seule ordonnance à l’égard de laquelle une réparation est demandée (article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106). Cependant, lorsque la Section d’appel confirme une décision de la Commission, la Cour est également appelée à s’assurer, ultimement, de la légalité de la décision de la Commission (Chartrand c Canada (Procureur général), 2018 CF 1183 au para 38 (Chartrand); Cartier c Canada (Procureur général), 2002 CAF 384 au para 10). Dans le contexte de l’affaire de M. Ewonde et de ses arguments relatifs à l’équité procédurale, cela signifie que je vais examiner principalement le processus devant la Commission, plus précisément la communication de renseignements à M. Ewonde avant son audience de libération conditionnelle et l’audience elle‑même.

[3]  Pour les motifs exposés ci‑après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. J’estime que l’audience de libération conditionnelle de M. Ewonde était équitable. Ni la Commission ni la Section d’appel, dans l’exercice de leurs rôles respectifs, n’ont porté atteinte au droit de M. Ewonde d’être informé de la preuve au dossier ou entravé sa capacité de présenter des observations éclairées.

I.  Contexte

[4]  Le 14 avril 1994, M. Ewonde a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour les meurtres au premier degré de son ex‑épouse et du frère de celle‑ci en mai 1993. Le 19 juin 1996, M. Ewonde a été condamné à cinq ans de prison, à purger en même temps que sa peine d’emprisonnement à perpétuité, pour l’enlèvement et l’agression sexuelle avec une arme de son ex‑épouse en février 1993.

[5]  M. Ewonde est interdit de territoire au Canada en application du paragraphe 36(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27. Une mesure d’expulsion a été prise en décembre 2002 pour son renvoi du Canada vers le Cameroun. Le plan de libération de M. Ewonde est de vivre au Cameroun avec des membres de sa famille.

[6]  M. Ewonde est incarcéré à l’établissement de Bath, en Ontario. Il est devenu admissible à la libération conditionnelle totale le 29 mai 2018.

II.  Décision de la Commission

[7]  La Commission a rejeté la demande de libération conditionnelle totale de M. Ewonde, concluant qu’il présentait un risque inacceptable pour la société s’il était libéré et que sa libération ne contribuerait pas à la protection de la société en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois (article 102 de la LSCMLC).

[8]  La Commission a examiné l’enlèvement et l’agression sexuelle de son ex‑épouse par M. Ewonde en février 1993, suivis de son arrestation, de sa mise en liberté sous caution et des meurtres de son ex‑épouse et du frère de celle‑ci en mai 1993, suivis de sa tentative de fuir aux États‑Unis. La Commission a constaté que M. Ewonde a nié et minimisé à maintes reprises ses infractions et qu’il a fourni des explications changeantes de son comportement. Plus important encore, il n’a pas assumé l’entière responsabilité du meurtre de ses victimes pendant 23 ans. À son audience de libération conditionnelle de 2018, M. Ewonde a poursuivi ses efforts pour minimiser sa responsabilité à l’égard des infractions en attribuant ses actes aux « mauvaises » personnes qu’il avait rencontrées en détention provisoire.

[9]  La Commission a conclu ce qui suit quant à M. Ewonde :

[traduction]

  • - Il est toujours dénué d’empathie réelle pour ses victimes et leurs familles;

  • - Il a des antécédents d’incarcération qui témoignent de comportements faisant l’objet de préoccupation pour la sécurité pendant une grande partie de sa longue incarcération, y compris la participation à des activités de sous‑culture institutionnelle comme l’alcool, le tabac et les drogues ainsi que la possession d’une arme en 2016. M. Ewonde s’est aussi comporté de façon inappropriée envers le personnel, en tentant d’établir des relations avec le personnel féminin et en offrant de payer des membres du personnel afin qu’ils lui fassent des faveurs ou qu’ils lui apportent des articles de contrebande;

  • - Tout récemment, il a menti au sujet de sa relation avec une délinquante en liberté conditionnelle, ce qui a mené à la suspension de ses privilèges de visite en septembre 2018, d’après les éléments de preuve selon lesquels les deux avaient conspiré pour tromper les autorités carcérales;

  • - Il ne s’est pas montré franc et ouvert à l’audience devant la Commission, en affichant une tendance à détourner les questions;

  • - Les évaluations du risque psychologique ont révélé un diagnostic de trouble de la personnalité narcissique et indiquaient des traits de personnalité psychopathique (Facteur 1 – absence de remords, grandiloquence, mensonges et manipulation), bien que la Commission ait mentionné une évaluation de juillet 2017 selon laquelle M. Ewonde présentait un faible risque de récidive sexuelle;

  • - Il n’a démontré qu’une faible prise de conscience et n’a affiché qu’une introspection réelle modeste à l’égard de ses facteurs de risque. Dans les questions posées par la Commission pour évaluer sa capacité d’internalisation de l’objet d’un programme institutionnel de 2016 (programme d’intensité modérée), M. Ewonde a eu de la difficulté à déterminer ses facteurs de risque malgré sa déclaration selon laquelle le programme lui a fourni les outils nécessaires pour être meilleur et comprendre ce qu’il avait fait et pourquoi;

  • - Il ne serait pas surveillé à son retour au Cameroun. Le Service correctionnel du Canada (SCC) n’a pas été en mesure de confirmer son plan de libération auprès de quiconque au Cameroun.

[10]  La Commission a tenu compte du fait que M. Ewonde a terminé avec succès un certain nombre de programmes institutionnels et a reconnu qu’il avait réalisé certains progrès grâce au programme de 2016. La Commission a également tenu compte de la recommandation du SCC de refuser la libération conditionnelle totale.

[11]  En conclusion, la Commission a déterminé que les facteurs négatifs suivants : les tentatives de manipulation de M. Ewonde, ses mensonges et son absence apparente de remords, ses traits psychopathiques, la minimisation de ses infractions et de son inconduite en établissement l’ont emporté sur les aspects positifs de ses antécédents carcéraux et l’évaluation du SCC selon laquelle il présentait un faible risque de récidive.

III.  Décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire

[12]  La Section d’appel a confirmé la décision de la Commission de refuser la libération conditionnelle totale à M. Ewonde. Le comité d’appel a examiné les arguments de M. Ewonde contestant l’équité procédurale du processus de la Commission et le caractère raisonnable de la décision de la Commission. La Section d’appel n’a pas évalué les arguments de M. Ewonde concernant la conduite de son agente de libération conditionnelle dans la gestion de son dossier et au cours de son audience de libération conditionnelle ni ses observations selon lesquelles son dossier contenait des renseignements erronés. La Section d’appel a déclaré que les deux questions ne relevaient pas de sa compétence.

Questions d’équité procédurale

[13]  M. Ewonde a soutenu que les résumés ou « l’essentiel » des renseignements du SCC qui lui ont été fournis ainsi qu’à la Commission relativement au sujet de sa participation au commerce de tabac et de drogue en établissement étaient inadéquats. La Section d’appel a rejeté ces observations. Le comité d’appel a fait référence à l’alinéa 141(4)b) de la LSCMLC, qui permet que des renseignements ne soient pas communiqués à un délinquant s’ils risquent vraisemblablement de mettre en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou de compromettre la tenue d’une enquête licite. La Section d’appel a estimé que les évaluations en vue d’une décision (EVD) du 4 septembre 2018 et du 19 octobre 2018 fournissaient suffisamment de détails pour permettre à M. Ewonde de réfuter la preuve présentée contre lui. De plus, la suffisance des résumés a été examinée au début de l’audience de la Commission, et M. Ewonde a déclaré qu’il était prêt à aller de l’avant. La Section d’appel a conclu que la Commission n’avait commis aucune erreur en examinant les renseignements figurant dans l’EVD du 4 septembre 2018, car les renseignements étaient fiables et convaincants. Je souligne que les deux documents désignés par la Section d’appel comme étant des EVD sont des addendas à une évaluation initiale du 14 mars 2018, mais le nom du document n’est pas important pour ce qui est de l’évaluation de fond de la Section d’appel.

[14]  M. Ewonde a soutenu que les commentaires de son agente de libération conditionnelle à l’audience contenaient de nouveaux renseignements qui ne lui avaient pas été fournis. La Section d’appel a déclaré qu’elle avait examiné l’enregistrement audio de son audience et qu’aucun des renseignements fournis par son agente de libération conditionnelle à la fin de l’audience n’avait été pris en compte par la Commission.

[15]  La Section d’appel a ensuite conclu que la Commission respectait le droit de M. Ewonde d’être entendu. Les membres de la Commission ont échangé avec M. Ewonde de façon courtoise et professionnelle tout au long de l’audience et il a été en mesure de présenter les observations qu’il estimait nécessaires. Le comité d’appel a également jugé raisonnable que la Commission fasse remarquer que, depuis le début de l’audience, M. Ewonde avait démontré qu’il était incapable de répondre directement aux questions.

[16]  Enfin, la Section d’appel a rejeté l’argument de M. Ewonde selon lequel il aurait dû avoir la possibilité de contre‑interroger son agente de libération conditionnelle. Le comité d’appel a souligné que les procédures de la Commission sont de nature investigatrice et non accusatoire (Mooring c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 RCS 75 (Mooring)). De plus, la Cour d’appel fédérale (CAF), dans l’arrêt MacInnis c Canada (Procureur général), [1997] 1 CF 115 (CAF) (MacInnis), a déclaré que l’introduction du contre‑interrogatoire dans les procédures de la Commission mènerait à un système accusatoire qui n’a pas été envisagé par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt Mooring.

Caractère raisonnable de la décision de la Commission

[17]  La Section d’appel a conclu que la Commission avait procédé à une évaluation équitable du risque conformément aux critères de prise de décision énoncés dans la LSCMLC et que les conclusions de la Commission étaient raisonnables compte tenu des faits entourant la cause de M. Ewonde.

[18]  La Section d’appel a déclaré que la Commission avait examiné les facteurs favorables et défavorables de la cause de M. Ewonde de façon équitable, à savoir : M. Ewonde purge une peine d’emprisonnement à perpétuité (25) pour double meurtre au premier degré et, entre autres infractions, agression sexuelle armée, enlèvement, profération de menaces et possession d’une arme; son comportement a été un sujet de préoccupation pour la sécurité pendant la plus grande partie de son incarcération; M. Ewonde s’est comporté de façon inappropriée avec le personnel; il a un trouble de la personnalité narcissique avec des traits de personnalité psychopathique; les cliniciens l’ont décrit comme étant articulé, égocentrique et manipulateur en plus de déclarer que les mesures actuarielles qui le classent comme présentant un risque de faible à modéré en termes de récidive générale et de violence sont inférieures à leurs impressions cliniques.

[19]  En ce qui concerne les facteurs favorables, la Section d’appel a souligné que la Commission avait considéré l’évaluation de juillet 2017 de M. Ewonde comme un faible risque de récidive sexuelle; sa réussite à un certain nombre de programmes en établissement et les rapports les plus récents sur le programme, qui indiquaient qu’il était un participant respectueux et enthousiaste ayant joué un rôle de leadership au sein du groupe. Le comité d’appel a reconnu que selon l’outil d’évaluation des risques « Information statistique générale sur la récidive », M. Ewonde présentait un faible risque de récidive dans les trois ans suivant sa mise en liberté.

[20]  Néanmoins, la Section d’appel a conclu qu’il était raisonnable que la Commission accorde un poids important aux facteurs aggravants dans le dossier de M. Ewonde et de soupeser le fait qu’il se trouve maintenant dans un établissement à sécurité moyenne où il continue d’avoir des problèmes à respecter l’autorité. M. Ewonde n’a pas réussi à démontrer une certaine stabilité pendant de longues périodes, ce qui aurait montré une certaine progression. Le comité d’appel a estimé que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Ewonde présentait un risque inacceptable pour la société s’il jouissait d’une libération conditionnelle totale était raisonnable.

[21]  La Section d’appel a conclu comme suit :

[TRADUCTION]

Il est important que vous notiez que le mandat de la Section d’appel ne consiste pas à substituer son jugement à celui de la Commission qui a évalué le risque de récidive que vous présentez et qui s’est prononcée sur la possibilité de gérer ce risque dans la collectivité, à moins que sa décision ne soit clairement déraisonnable ou non fondée. À cet égard, après examen de tous les renseignements dont disposait la Commission, tant dans votre dossier qu’à l’audience, la Section d’appel conclut que la Commission disposait de suffisamment de renseignements pertinents, sûrs et convaincants sur lesquels elle a fondé sa décision. La décision de la Commission est raisonnable et conforme aux critères décisionnels prévus par la loi et la politique de la Commission.

IV.  Question en litige et norme de contrôle applicable

[22]  La question déterminante qui se pose en l’espèce est celle de savoir si M. Ewonde s’est vu privé de son droit à l’équité procédurale dans le processus menant à la décision d’appel. M. Ewonde soutient que son droit d’être informé de la preuve au dossier et d’y répondre en présentant des observations éclairées à la Commission n’a pas été respecté. Il conteste le contenu des renseignements qui lui ont été communiqués et affirme avoir le droit de contre‑interroger son agente de libération conditionnelle à l’audience de la Commission.

[23]  Les parties soutiennent, et je suis de leur avis, que les allégations d’iniquité procédurale de M. Ewonde peuvent faire l’objet d’un contrôle pour déterminer si elles sont correctes (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Compagnie du Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 34-56 (Canadien Pacifique)). La récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 10 (Vavilov), ne change pas cette conclusion (Vavilov, aux para 6, 23; pour la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov, voir Miller c Canada (Procureur général), 2010 CF 317 au para 39). Le contrôle de la procédure de la décision correcte d’un décideur est une question juridique à laquelle la Cour doit répondre et exige que je me demande si le processus en question était « équitable eu égard à l’ensemble des circonstances », y compris à l’égard des facteurs énoncés par la CSC dans l’arrêt Baker c Canada. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux paragraphes 22 à 27 (Canadien Pacifique, aux para 46, 54). En d’autres termes, la nature de l’obligation d’équité dans un processus administratif est tributaire du contexte (Vavilov, au para 77). Plus les conséquences d’une décision sont graves pour la personne touchée, plus les protections procédurales prévues sont rigoureuses.

[24]  Les décisions de la Commission et de la Section d’appel entraînent le maintien en incarcération de M. Ewonde jusqu’à ce qu’il soit admissible à une nouvelle demande de libération conditionnelle en 2023. Le processus suivi pour en arriver à ces décisions suscite nécessairement un haut degré d’équité procédurale. Je dois évaluer si le processus suivi par la Commission et si l’examen de la Section d’appel était juste et équitable « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour » M. Ewonde (Canadian Pacific, au para 54).

[25]  M. Ewonde ne conteste pas le bien‑fondé des décisions de la Commission et de la Section d’appel, sauf pour faire valoir qu’elles sont dépourvues de justification si elles sont fondées sur des renseignements inadéquats et des observations non éclairées du demandeur. Je suis du même avis. L’argument de M. Ewonde souligne l’importance fondamentale de l’équité procédurale dans un processus administratif. Si le décideur ne dispose pas d’un dossier adéquat et que la personne touchée par le processus est empêchée de comprendre la preuve portée contre elle et d’y répondre, le décideur procède de façon non éclairée. Une décision prise à partir de ce cadre ne peut être justifiée. Si l’accès à des documents et à des renseignements pertinents et concluants a été indûment limité à l’une ou l’autre ou aux deux parties touchées ou au décideur, la décision faisant l’objet du contrôle ne sera pas confirmée, peu importe son raisonnement et son issue.

V.  Analyse

Observations de M. Ewonde

[26]  M. Ewonde présente deux observations liées à l’appui de son allégation de manquement à l’équité procédurale. Il soutient d’abord qu’on ne lui a pas fourni suffisamment de renseignements pour lui permettre de réfuter les évaluations négatives de son comportement en établissement contenues dans le dossier, à savoir l’EVD du 14 mars 2018 et un certain nombre d’addendas à l’EVD. M. Ewonde affirme que le contenu complet de quatre rapports, y compris deux rapports de renseignement de sécurité (RRS), a été refusé en vertu des paragraphes 27(3) et 141(4) de la LSCMLC. Les quatre rapports portent sur sa participation à la sous‑culture des drogues en établissement et le SCC n’a fourni qu’un résumé des renseignements figurant dans ces rapports (addenda du 18 octobre 2018). De plus, M. Ewonde soutient que la vidéosurveillance de sa présumée inconduite (trafic et menaces envers d’autres détenus) et le contenu des allégations portées contre lui par d’autres détenus auraient dû être communiqués.

[27]  Deuxièmement, M. Ewonde soutient que les lacunes dans les renseignements du SCC qui lui ont été fournis ainsi qu’à la Commission n’ont pas été corrigées au cours du processus de la Commission. Il soutient qu’il aurait dû avoir le droit de contre‑interroger son agente de libération conditionnelle pendant l’audience pour s’assurer que des renseignements exacts concernant son comportement en établissement soient versés au dossier.

[28]  M. Ewonde prend acte de la décision de la CAF dans l’arrêt MacInnis et l’interdiction générale qu’un délinquant puisse recourir au contre‑interrogatoire au cours d’une audience de la Commission, mais soutient qu’une exception devrait être faite dans son cas. Il affirme qu’il ne cherche pas à compliquer indûment le processus d’audience et qu’il n’insiste pas pour recourir à un contre‑interrogatoire officiel. M. Ewonde veut simplement aborder l’exactitude des conclusions énoncées dans l’EVD et l’addenda en remettant en question les affirmations et les souvenirs de son agente de libération conditionnelle. S’il n’est pas approprié que M. Ewonde interroge son agente de libération conditionnelle, il soutient que la Commission aurait dû le faire dans son rôle inquisitoire.

Aperçu

[29]  Les paramètres de la mise en liberté sous condition sont énoncés aux articles 100, 100.1 et 101 de la LSCMLC. L’article 100.1 établit que la protection de la société est le critère prépondérant appliqué par la Commission dans tous les cas et l’article 101 énonce les principes qui guident la Commission dans l’examen d’une demande de mise en liberté sous condition. Le point de départ de la Commission est décrit à l’alinéa 101a) :

Principes

Principles guiding parole boards

101 La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes suivants :

 

101 The principles that guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are as follows:

a) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente dont elles disposent, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, la nature et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant, les renseignements obtenus au cours du procès ou de la détermination de la peine et ceux qui ont été obtenus des victimes, des délinquants ou d’autres éléments du système de justice pénale, y compris les évaluations fournies par les autorités correctionnelles;

(a) parole boards take into consideration all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, the nature and gravity of the offence, the degree of responsibility of the offender, information from the trial or sentencing process and information obtained from victims, offenders and other components of the criminal justice system, including assessments provided by correctional authorities;

[30]  Les critères d’octroi d’une libération conditionnelle peuvent être résumés comme suit (article 102 de la LSCMLC) :

  • a) La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d’avis qu’une récidive du délinquant avant l’expiration légale de la peine qu’il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que

  • b) cette libération contribuera à la protection de celle‑ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

[31]  L’alinéa 107(1)a) réserve à la Commission toute compétence et latitude pour accorder la libération conditionnelle à un délinquant.

[32]  Pour que la Commission puisse tenir compte de toute l’information pertinente pour se prononcer sur un cas, le SCC doit d’abord fournir cette information à la Commission. Par ailleurs, le paragraphe 141(1) de la LSCMLC exige que la Commission fasse parvenir au délinquant les documents contenant l’information pertinente ou un résumé de celle‑ci dont elle tiendra compte dans l’examen de son cas. Les renseignements doivent être fournis au délinquant au moins 15 jours avant la date fixée pour l’examen du cas. L’obligation de la Commission de communiquer des renseignements est assujettie aux exceptions prévues au paragraphe 141(4) :

141 (4) La Commission peut, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, refuser la communication de renseignements au délinquant si elle a des motifs raisonnables de croire que cette communication irait à l’encontre de l’intérêt public, mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

141 (4) Where the Board has reasonable grounds to believe

(a) that any information should not be disclosed on the grounds of public interest, or

(b) that its disclosure would jeopardize

(i) the safety of any person,

(ii) the security of a correctional institution, or

(iii) the conduct of any lawful investigation,

the Board may withhold from the offender as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a) or (b).

[33]  La communication a pour but de permettre au délinquant d’être informé de la preuve au dossier et d’avoir l’occasion d’y répondre (Mymryk c Canada (Procureur général), 2010 CF 632 aux para 16, 31 (Mymryk); Demaria c Canada (Procureur général), 2017 CF 45 aux para 41, 42). Dans la décision Mymryk (au para 17), la Cour a déclaré que « [l]a justice fondamentale exige que la Commission fournisse au délinquant les renseignements pertinents sur lesquels elle entend faire reposer sa décision ». Un délinquant doit recevoir suffisamment de renseignements, suffisamment détaillés, pour lui permettre de réfuter la preuve présentée contre lui et de présenter des observations éclairées à l’appui de sa position.

Transmission de renseignements à M. Ewonde

[34]  M. Ewonde s’appuie sur la décision de la CSC dans Mooring pour insister sur le fait que la Commission doit s’assurer que les renseignements sur lesquels elle se fonde pour agir sont sûrs et convaincants et qu’il est équitable de prendre en considération un renseignement donné (Mooring, aux para 35-37). M. Ewonde soutient que la Commission doit également veiller à agir en fonction d’un ensemble complet de faits.

[35]  J’estime que la Commission disposait de suffisamment de renseignements pour s’acquitter de son obligation d’agir équitablement dans l’examen de la demande de libération conditionnelle totale présentée par M. Ewonde. J’estime également que M. Ewonde a été en mesure de participer pleinement à l’audience et de corriger toutes les lacunes et erreurs alléguées dans les renseignements qui lui ont été fournis. La Commission et M. Ewonde ont reçu des renseignements et des documents complets et exacts concernant les infractions de M. Ewonde, ses antécédents carcéraux, ses évaluations psychologiques, ses plans de mise en liberté et les recommandations du SCC. L’enregistrement de l’audience de la Commission appuie cette conclusion, car il démontre que la Commission comprend parfaitement la situation de M. Ewonde.

[36]  Le dossier contient une liste initiale de vérification des renseignements à communiquer qui indique, par titre de document, par date de document et par date de divulgation, deux pages de documents remis à M. Ewonde, dont l’EVD du 14 mars 2018. M. Ewonde a signé la liste initiale de vérification des renseignements à communiquer le 7 mai 2018. Le dossier contient également un certain nombre de mises à jour de la liste de vérification des renseignements à communiquer et des déclarations sur les garanties procédurales, toutes signées par M. Ewonde.

[37]  Au début de l’audience, l’agent d’audience de la Commission a énuméré en détail les renseignements qui avaient été fournis à M. Ewonde 15 jours avant l’audience ou, dans certains cas, dans un délai plus court avec le consentement de M. Ewonde, conformément au paragraphe 141(1) de la LSCMLC. L’agent d’audience s’est reporté aux déclarations sur les garanties procédurales au dossier et a confirmé que certains renseignements fournis par M. Ewonde avaient été reçus par la Commission. L’agent d’audience a également confirmé avec M. Ewonde qu’il était prêt à aller de l’avant et qu’il n’avait soulevé aucune question au sujet des renseignements qui lui avaient été communiqués.

[38]   Parmi les autres évaluations et rapports au dossier, j’ai examiné l’EVD du 14 mars 2018 et les addendas (ou les éléments essentiels) du 5 septembre 2018 et des 9, 17, 18 et 19 octobre 2018. L’EVD explique la recommandation défavorable du SCC concernant l’examen de la demande de libération conditionnelle de M. Ewonde. Il s’agit d’un énoncé complet des antécédents criminels et carcéraux de M. Ewonde et de sa participation au fil des ans à un certain nombre d’évaluations du risque psychologique. L’EVD décrit le comportement en établissement de M. Ewonde, révélant qu’il avait accumulé plus de 100 accusations entraînant 48 déclarations de culpabilité et des placements répétés en isolement. L’EVD porte sur la nature des accusations portées en établissement contre M. Ewonde, qu’elles soient graves ou mineures, de sa participation à des voies de fait contre un détenu en tant qu’agresseur et victime et de son comportement inapproprié envers le personnel féminin. L’EVD fait également état des incidents récents de M. Ewonde, notamment ses allégations de harcèlement sexuel de la part d’une agente correctionnelle, sa possession d’une arme et des menaces contre d’autres détenus.

[39]  L’addenda du 5 septembre 2018 fournit une longue mise à jour à la Commission à la suite du transfert de M. Ewonde à l’établissement de Bath et traite des préoccupations constantes du SCC au sujet de sa crédibilité. Il énonce un certain nombre de rapports d’incident et explique les raisons pour lesquelles le SCC a recommandé à M. Ewonde de ne pas demander la libération conditionnelle totale, mais de travailler à démontrer une plus grande stabilité en établissement. L’addenda expose en détail un rapport d’étape du plan correctionnel mis à jour; une entrevue avec M. Ewonde en août 2018 en présence d’un agent du renseignement de sécurité portant sur des préoccupations que M. Ewonde avait au sujet du rapport d’étape sur le plan correctionnel mis à jour; son plan de libération non confirmé de résider au Cameroun avec des membres de sa famille; sa relation interdite avec une détenue d’une prison fédérale en liberté conditionnelle; les tentatives du duo pour qu’elle lui rende visite à l’établissement en fournissant de faux renseignements dans ses demandes présentées en tant que visiteuse. L’addenda décrit également son accusation récente de possession de bière qui a entraîné une condamnation le 22 mai 2018.

[40]  L’addenda du 5 octobre 2018 passe en revue les préoccupations du SCC concernant l’authenticité des lettres d’appui de M. Ewonde et les dispositions prises pour son retour au Cameroun. Les addendas des 17, 18 et 19 octobre 2018 sont des renseignements essentiels et des renvois, entre autres, à l’accusation de possession de contrebande (une substance ressemblant à de la bière) portée contre M. Ewonde en établissement le 22 mai 2018, ainsi qu’à ses relations et incidents tumultueux avec d’autres détenus. L’addenda du 18 octobre 2018 est bref, mais il donne une indication des renseignements de sécurité concernant M. Ewonde dans la sous‑culture des drogues et du tabac à l’établissement de Warkworth (voir aussi l’addenda du 17 octobre 2018 qui est un résumé de nombreux autres documents « Protégé B » et des RRS). Je souligne que les renseignements contenus dans l’addenda du 18 octobre 2018 sont décrits plus en détail dans l’addenda du 5 septembre 2018.

[41]  M. Ewonde se fonde sur l’annexe C de la Directive du commissaire 701 pour souligner qu’un résumé ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles, car, normalement, tous les renseignements doivent être communiqués au délinquant. Il fait référence à des enregistrements vidéo récents de son inconduite présumée concernant le trafic de substances et les menaces à l’égard d’autres détenus; à des rapports écrits du SCC concernant ces allégations; à des analyses de l’information et des motifs des conclusions et des recommandations du SCC et au contenu des allégations portées contre lui par d’autres détenus. M. Ewonde soutient que ces documents auraient dû lui être remis.

[42]  Le défendeur soutient que M. Ewonde n’a fourni aucun détail sur les lacunes dans les renseignements qui lui ont été fournis et que des renseignements supplémentaires auraient permis de corriger. Il conteste plutôt de façon générale le fait qu’on ne lui a fourni qu’un certain nombre de résumés et non les renseignements originaux. Quoi qu’il en soit, les accusations de 2018 qui sont au cœur des préoccupations de M. Ewonde sont décrites dans l’addenda du 5 septembre 2018. M. Ewonde a parlé de l’incident pendant son audience et a eu toutes les occasions de donner sa version de cet événement et d’autres événements.

[43]  Je suis du même avis que défendeur. M. Ewonde n’a relevé aucune lacune ou erreur importante dans les renseignements volumineux qui lui ont été fournis ainsi qu’à la Commission avant son audience. M. Ewonde a confirmé à l’audience de la Commission avoir reçu ces renseignements. J’estime que les renseignements dont disposait la Commission établissaient un récit détaillé commençant par la conduite criminelle de M. Ewonde en 1993 en passant par sa longue incarcération et son inconduite en établissement jusqu’aux préoccupations constantes du SCC en matière de sécurité et de conduite. M. Ewonde a eu l’occasion de présenter des observations écrites contestant la portée et le contenu des renseignements reçus et de présenter des observations orales à la Commission. La Commission a longuement interrogé M. Ewonde au sujet de ses antécédents carcéraux. Son adjoint a présenté le compte rendu de M. Ewonde sur son comportement récent et ses perspectives de libération, et M. Ewonde a eu une dernière occasion d’exposer son cas, tout cela après les derniers commentaires de l’agente de libération conditionnelle. Je suis convaincue qu’il n’y a pas eu violation du droit de M. Ewonde de recevoir suffisamment de renseignements pour lui permettre d’être informé de la preuve contre lui et de présenter des observations pleinement éclairées à la Commission (Canadien Pacifique, au para 56).

[44]  Je souligne qu’il y a eu une certaine confusion quant à savoir si l’accusation concernant la bière de 2018 demeure dans le dossier de M. Ewonde. M. Ewonde soutient que la Commission a été induite en erreur au sujet de l’état de sa condamnation. L’avocat du défendeur a précisé à l’audience devant moi que la déclaration de culpabilité a été retirée du dossier de M. Ewonde parce que les résultats des tests ne lui ont pas été communiqués. Toutefois, cette information n’était pas connue de l’agente de libération conditionnelle à la date de l’audience de la Commission. Bien qu’il fut préférable que l’information fut mise à la disposition de la Commission pour ses délibérations, je suis convaincue que la déclaration de culpabilité n’était pas un facteur déterminant dans la décision de la Commission ou dans la décision d’appel.

Demande de contre‑interroger l’agente de libération conditionnelle

[45]  La décision de la CAF dans l’arrêt MacInnis est le point de départ de l’examen de la demande de contre‑interroger faite par un délinquant au cours d’une audience de la Commission. Dans cette affaire, un délinquant purgeant une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée a soutenu que le refus de la Commission nationale des libérations conditionnelles de lui permettre de contre‑interroger les auteurs de rapports cliniques au cours d’un examen biennal de sa peine d’une durée indéterminée violait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11. La CAF a rejeté l’argument. La Cour a conclu que bien que la loi n’interdise pas expressément le contre‑interrogatoire, elle laisse la question à l’appréciation de la Commission. La CAF a également déclaré qu’on peut présumer, d’après les dispositions et la terminologie pertinentes de la LSCMLC, que le législateur n’avait pas l’intention de donner à la personne qui assiste le délinquant devant la Commission le rôle de l’avocat devant un juge ou un jury (MacInnis, au para 13). La Cour a examiné le contenu des principes de justice fondamentale dans le contexte administratif et a conclu que, bien qu’un rôle accru de celui qui assiste et le droit de contre‑interroger puissent être essentiels pour assurer l’équité dans une procédure pénale, ils ne sont pas toujours requis devant les tribunaux administratifs.

[46]  Citant la décision de la CSC dans Mooring, la CAF a conclu que les audiences de la Commission sont différentes des procédures judiciaires, car la Commission n’agit pas de façon judiciaire ou quasi judiciaire. Il s’agit d’un processus d’investigation et non d’un processus de type accusatoire, où les règles traditionnelles de la preuve ne s’appliquent pas (MacInnis, au para 22) :

22 […] L’introduction de l’élément accusatoire souhaité par l’intimé ne convient pas à ce modèle. Si le droit de contre‑interroger était accordé au prisonnier, l’étape logique suivante serait d’accorder à l’État le droit de recourir aux services d’un avocat et de contre‑interroger lui aussi des témoins. Le recours aux techniques du contre‑interrogatoire et un rôle plus grand pour les avocats mèneraient inévitablement à un processus de plus en plus formel, qu’une « formation de non‑juristes » aurait de la difficulté à diriger. Il faudrait accorder à la Commission le pouvoir d’assigner des témoins. D’un point de vue pratique, le coût accru d’exiger la disponibilité des auteurs de rapports cliniques à des fins de contre‑interrogatoire imposerait un énorme fardeau à un système déjà à court de fonds. L’intimé soutient que ces exigences ne s’appliqueraient qu’en faveur des contrevenants qui purgent des peines d’emprisonnement d’une durée indéterminée. J’ai peine à imaginer comment on pourrait maintenir une telle distinction. Si le droit de contre‑interroger et le pouvoir d’assigner des témoins sont offerts à une catégorie de contrevenants, inévitablement, ils devraient être mis à la portée de tous.

(Voir aussi la décision Boeyen c Canada (Procureur général), 2013 CF 1175, aux para 152, 153).

[47]  M. Ewonde souligne que la CAF n’a pas exclu un droit de contre‑interroger dans l’arrêt MacInnis et soutient qu’une exception devrait être faite dans son cas. Il soutient qu’un contre‑interrogatoire de son agente de libération conditionnelle serait la seule façon pour lui de contester l’exactitude et l’intégralité des renseignements fournis par le SCC.

[48]  L’argument de M. Ewonde selon lequel son cas est exceptionnel n’est pas convaincant. La CAF a traité des arguments semblables dans l’arrêt MacInnis, déclarant (au para 26) :

26 Les procédures préconisées par la Commission permettent à l’intimé de faire pleinement valoir ses arguments en faveur d’une libération conditionnelle et elles sont conformes aux règles d’équité. En fait, j’estime que les procédures exigées par l’intimé serviraient peu à améliorer l’équité procédurale de l’audition de sa libération conditionnelle. Il a droit d’être assisté au cours du processus d’examen. Les rapports visant l’intimé ont été fournis à l’avance et il a eu l’ample possibilité de soumettre une réponse écrite. Étant donné que l’intimé a eu abondamment le temps de contester ces rapports, le contre‑interrogatoire des auteurs n’était pas nécessaire pour assurer l’équité.

[49]  M. Ewonde a reçu l’EVD et l’addenda, qui sont au cœur de ses arguments devant la Commission. Il a choisi de ne pas présenter d’observations écrites à la Commission. À l’audience, il a confirmé avoir reçu la documentation et indiqué qu’il était prêt à aller de l’avant. L’adjoint de M. Ewonde a participé à l’audience et présenté des observations en son nom.

[50]  J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la Commission. La Commission s’est entretenue avec M. Ewonde et a discuté de ses observations au sujet de l’information contenue dans l’EVD et les addendas. Il a eu amplement l’occasion d’exprimer ses préoccupations au sujet de l’information et, en fait, il a répondu à certaines des préoccupations qu’il soulève maintenant devant moi, y compris son accusation contestée de possession de bière de contrebande. Dans ses observations finales, M. Ewonde a remis en question son agente de libération conditionnelle et sa participation à la préparation de son nouveau plan correctionnel peu après son arrivée à l’établissement de Bath. La Commission ne l’a jamais empêché de soulever des questions au sujet de l’information du SCC. Il a eu le dernier mot puisque, après la déclaration finale de l’agente de libération conditionnelle, M. Ewonde et son adjoint ont tous deux présenté des observations finales à la Commission.

[51]  M. Ewonde affirme que sa demande pour interroger son agente de libération conditionnelle n’implique pas nécessairement un contre‑interrogatoire officiel. Il devrait simplement être autorisé à vérifier les affirmations contenues dans son dossier que l’établissement détient. Toutefois, M. Ewonde n’a pas expliqué en quoi le droit de vérifier le témoignage de l’agente de libération conditionnelle différerait d’un contre‑interrogatoire. Sa référence à un « échange robuste » pour établir la crédibilité est, à mon avis, une autre description d’un contre‑interrogatoire.

[52]  M. Ewonde soutient que, s’il a été empêché en bonne et due forme d’interroger son agente de libération conditionnelle, la Commission elle‑même aurait pu et aurait dû le faire. Je conviens que la Commission aurait pu interroger l’agente de libération conditionnelle. Son choix de ne pas le faire relevait de son pouvoir discrétionnaire dans le déroulement de l’audience et ne justifie aucune ingérence de la part de notre Cour.

[53]  Je conclus que la Section d’appel n’a pas commis d’erreur en déclarant que la demande faite par M. Ewonde de contre‑interroger son agente de libération conditionnelle ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire de la Commission, à la lumière du traitement complet de la question en litige fait par la CAF dans l’arrêt MacInnis et des faits en l’espèce. Par conséquent, je conclus que le droit de M. Ewonde à l’équité procédurale dans l’examen de sa demande de libération conditionnelle a été respecté tout au long des processus de la Commission et de la Section d’appel.

VI.  Conclusion

[54]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[55]  Le défendeur n’a pas réclamé de dépens dans la présente demande et aucuns ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑752‑19

LA COUR STATUE ce qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépenss ne sont adjugés.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑752‑19

 

INTITULÉ :

SERGE EWONDE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE À OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 JUILLET 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AOÛT 2020

 

COMPARUTIONS :

J. Todd Sloan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Taylor Andreas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

J. Todd Sloan

Avocat

Kanata (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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