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Date : 20020417

Dossier : T-791-01

Référence neutre : 2002 CFPI 437

ENTRE :                                                                                                        

                                       ERNEST LAMMLI

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

                                    GERALD M. COUSINS

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]                          Le demandeur dépose la présente requête en jugement sommaire afin d'obtenir un jugement déclaratoire en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la Loi).


[2]                          Le défendeur, Gerald M. Cousins, est le propriétaire du brevet canadien no 2,227,266 relatif à une invention intitulée « Dispositif de protection pour la boîte de vitesse inférieure du moteur d'un bateau » . Le 6 juin 2000, le demandeur, Ernest Lammli, a déposé la demande de brevet no 2,310,859 relative à une invention intitulée « Protecteur d'une unité inférieure d'un hors-bord » .

[3]                          Le demandeur a intenté une action en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi pour obtenir un jugement déclaratoire d'absence de non-contrefaçon du brevet du défendeur. Le défendeur prétend qu'un dispositif créé ainsi qu'il est décrit dans la demande de brevet du demandeur contreferait le brevet du défendeur.

[4]                          Au soutien de sa requête, le demandeur a déposé son affidavit auquel sont jointes une copie de sa demande de brevet et une copie du brevet du défendeur. Le demandeur déclare ce qui suit dans son affidavit :

       [traduction]

3. Le défendeur a refusé de confirmer qu'il acceptait que mon brevet ne contrefaisait pas le sien. Il a menacé dans le passé d'intenter une poursuite relativement à un autre produit qui selon lui contrefaisait son brevet. Il produit maintenant une défense dans laquelle il prétend que mon brevet contrefait le sien.

4. Je suis convaincu qu'il n'y a pas de défense à la présente action. Je crois en outre qu'aucune preuve ne sera requise puisqu'il s'agira d'une question d'interprétation des brevets eux-mêmes.

[5]                          Le demandeur n'a pas produit d'autre preuve.


[6]                 L'affidavit du défendeur présente, en termes généraux, une description de son dispositif et de l'utilité de ce dernier. Il précise également qu'il existe de nombreux fabricants de moteurs de bateaux, lesquels possèdent tous une conception différente. En conséquence, le dispositif de protection du défendeur requiert des modifications de conception pour chacun des fabricants alors qu'il en est encore à l'étape de l'incorporation de l'invention. Le défendeur souligne également les étapes franchies par son avocat afin d'obtenir des échantillons et des dessins techniques pour les besoins de l'évaluation de la question de savoir si les dispositifs fabriqués, employés ou vendus ou dont sont projetés la fabrication, l'emploi ou la vente par le demandeur constitueraient une contrefaçon de son brevet. La correspondance pertinente relative à cette assertion est jointe à l'affidavit.

[7]                 Le défendeur fait également valoir que son avocat a reçu un échantillon du dispositif du demandeur, toutefois, comme des conditions strictes étaient imposées, il n'a pu prendre aucune mesure de l'échantillon. En outre, tout comme son dispositif nécessiterait des modifications pour être adapté aux différentes conceptions des moteurs de bateaux, celui du demandeur en nécessiterait également. Il déclare qu'il n'a pas vu d'autres échantillons ni qu'il n'a reçu de dessins techniques. Il est d'avis qu'en l'absence d'échantillons ou de dessins techniques, il ne peut retenir les services d'un expert pour formuler une opinion en ce qui concerne une contrefaçon.


[8]                 Il fait également valoir qu'il a été informé par son agent de brevet, et c'est ce qu'il croit, que des demandes de brevet indiquent en général la concrétisation préférée ainsi qu'elle est connue au moment de la demande. De plus, les produits réellement fabriqués par les demandeurs de brevets ne sont souvent pas les mêmes que ceux indiqués dans la demande, même si elle incorpore l'invention prétendue.

[9]                 Enfin, il déclare qu'il n'a aucune idée du dispositif précis que le demandeur fabrique, emploie ou vend ou qu'il projette de fabriquer, d'employer ou de vendre au Canada.

[10]            Le défendeur prétend que l'exigence essentielle du paragraphe 60(2) de la Loi n'a pas été respectée par le demandeur. Le paragraphe prévoit ce qui suit :


Si une personne a un motif raisonnable de croire qu'un procédé employé ou dont l'emploi est projeté, ou qu'un article fabriqué, employé ou vendu ou dont sont projetés la fabrication, l'emploi ou la vente par elle, pourrait, d'après l'allégation d'un breveté, constituer une violation d'un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d'obtenir une déclaration que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.

Where any person has reasonable cause to believe that any process used or proposed to be used or any article made, used or sold or proposed to be made, used or sold by him might be alleged by any patentee to constitute an infringement of an exclusive property or privilege granted thereby, he may bring an action in the Federal Court against the patentee for a declaration that the process or article does not or would not constitute an infringement of the exclusive property or privilege.



[11]            Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas présenté de preuve relative à un article fabriqué, employé ou vendu ou dont la fabrication, l'emploi ou la vente sont projetés. Au contraire, le demandeur sollicite un jugement déclarant que l'invention pour laquelle une demande de brevet a été déposée ne contrefait pas le brevet du défendeur. Ce dernier maintient qu'il ne s'agit pas d'une question convenable pour la Cour. On ne devrait pas demander à cette dernière de décider de faits hypothétiques. Selon le défendeur, la Cour n'est pas en mesure de déterminer si une invention contrefait un brevet. Au contraire, la question correcte devant être posée à la Cour serait celle de savoir si un article découlant d'une invention contrefait le brevet.

[12]            Le défendeur soutient également que la seule preuve déposée devant la Cour figure dans son affidavit où il déclare que tout comme son dispositif requiert des modifications pour être adapté aux différentes conceptions des moteurs de bateaux, l'échantillon du demandeur devrait également être modifié afin d'être adapté aux différentes conceptions de moteurs de bateaux. En l'absence de l'article lui-même ou du moins des dessins techniques de l'article que le demandeur projette d'employer, de fabriquer ou de vendre, il est impossible de rendre une décision quant à une contrefaçon.

[13]            Enfin, le défendeur fait valoir qu'on demande à la Cour de formuler des conclusions de fait complexes en l'absence de l'opinion d'experts. Selon le défendeur, il est nécessaire pour les deux parties d'obtenir l'opinion d'un expert afin d'aider la Cour à tirer une conclusion sur la contrefaçon ou l'absence de contrefaçon. En tant que tel, une décision sur la question est prématurée et doit être rendue au procès.


[14]            Le demandeur prétend que la seule question à être résolue consiste à savoir si son invention contrefait le brevet du défendeur. Le demandeur maintient qu'il n'y a pas réellement de questions de fait et que celle relative à la contrefaçon peut être résolue par la comparaison du brevet du défendeur à la demande de brevet du demandeur.

[15]            Selon le demandeur, il n'est pas nécessaire de produire l'article lui-même ni les dessins techniques. Les dessins contenus dans la demande de brevet sont suffisants. Bien que le demandeur ne conteste pas l'assertion générale du défendeur selon laquelle il doit y avoir une preuve relative à l'article que le défendeur projette d'employer, de fabriquer ou de vendre, il déclare que si l'on envisage l'ensemble de la preuve, il est évident que le demandeur projette de fabriquer, d'employer, ou de vendre l'article décrit dans la demande. Le demandeur soutient que les pièces jointes à l'affidavit du défendeur indiquent clairement qu'il existe un article, à savoir l'échantillon auquel le défendeur a eu accès. En outre, le demandeur fait remarquer la déclaration suivante tirée de son affidavit : [traduction] « Il [le défendeur] a menacé dans le passé d'intenter une poursuite relativement à un autre produit qui, selon lui, contrefaisait son brevet » . Le demandeur déclare que la Cour devrait inférer de cette déclaration qu'il a l'intention de produire le dispositif décrit dans la demande de brevet.


[16]            À mon avis, cette déclaration n'est pas utile au demandeur. Au mieux, on ne peut qu'en inférer que le demandeur a l'intention de produire un produit incorporant son invention. Outre la preuve de l'existence d'un échantillon, aucune preuve se rapportant à l'échantillon lui-même n'a été déposée devant la Cour. Au surplus, aucune preuve n'établit de lien entre l'échantillon et les dessins déposés en preuve non plus qu'aucune preuve n'établit que l'échantillon est, en réalité, l'article que le demandeur projette de fabriquer, d'employer ou de vendre.

[17]            En l'absence de l'article lui-même ou tout au moins des dessins de l'article qu'il projette de fabriquer, d'employer ou de vendre, le demandeur demande à la Cour de rendre une décision en vase clos. À mon avis, le demandeur n'a pas présenté le fondement probatoire nécessaire concernant la mesure de redressement demandée.

[18]            Pour ces motifs, la requête en jugement sommaire est rejetée avec dépens pour le défendeur en tout état de cause.

                                                                              « Dolores M. Hansen »    

                                                                                                             Juge                   

Edmonton, Alberta

Le 17 avril 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-791-01

INTITULÉ :              Ernest Lammli c. Gerald M. Cousins

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Edmonton, Alberta

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 15 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Hansen

DATE DES MOTIFS :                                     Le 17 avril 2002

COMPARUTIONS :

Douglas B. Thompson                                        POUR LE DEMANDEUR

J. Cameron Prowse

Steven Z. Raber                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson, Lambert, s.r.l.                                                 POUR LE DEMANDEUR

Fillmore Riley                                                        POUR LE DÉFENDEUR

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